- Zel SayrenNomade
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Localisation : ... Eh, mais... j'suis où ?
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Les vieilles nouvelles de Papy Zel
Mar 23 Oct 2018 - 22:43
Salut à tous, Élysioniens et Élysioniennes !
Eh bien c'est parti...
Il fut un temps où j'écrivais pas mal de nouvelles. J'en avais notamment posté un certain nombre sur le forum de jeuxvideo.com, sur un sujet appelé sobrement "Le meilleur écrivain" (un pitit concours bien sympa).
C'était sur les forums Assassin's Creed et il y avait une itération à chaque sortir de jeu, de Révélation à Unity... Ne me demandez pas pourquoi.
Comme nous parlions de nos écrits sur Discord, j'ai eu envie de me faire un petit trip nostalgie et de ressortir mes préférées pour vous les partager. Je devais avoir entre seize et dix-huit ans quand je les ai écrites et je n'y ai que rarement retouché depuis. Je serais curieux de savoir ce que vous en pensez.
Ouais, enfin, louane a demandé, surtout...
Alors on va commencer sobrement avec :
**********
**********
Eeeeeeet... voilà. Ouaip, c'est court, mais on essayait de se limiter à quatre ou cinq pages Word sur ce forum.
Ce n'est pas de la fénéantise, promis !
L'histoire en elle-même (qui date de 2013) est plus l'installation d'un univers qu'une véritable histoire. C'est ce que je voulais, lancer les prémices de quelque chose et laisser les autres imaginer ce qu'ils voulaient par-dessus.
Et puis j'suis moins doué dans le développement d'une histoire complète.
Oh, et à l'époque, j'écrivais sans revenir sur ce que j'avais fait, excepté pour corriger quelques fautes. Je n'aime pas réécrire quelque chose que j'ai déjà fait.
... bon, là oui, il y a un peu de fénéantise.
Enfin bref, merci d'avoir lu et à la prochaine pour une nouvelle histoire de Papy Zel !
Et sur ce, je me prends un Cacolac.
Eh bien c'est parti...
Il fut un temps où j'écrivais pas mal de nouvelles. J'en avais notamment posté un certain nombre sur le forum de jeuxvideo.com, sur un sujet appelé sobrement "Le meilleur écrivain" (un pitit concours bien sympa).
C'était sur les forums Assassin's Creed et il y avait une itération à chaque sortir de jeu, de Révélation à Unity... Ne me demandez pas pourquoi.
Comme nous parlions de nos écrits sur Discord, j'ai eu envie de me faire un petit trip nostalgie et de ressortir mes préférées pour vous les partager. Je devais avoir entre seize et dix-huit ans quand je les ai écrites et je n'y ai que rarement retouché depuis. Je serais curieux de savoir ce que vous en pensez.
Ouais, enfin, louane a demandé, surtout...
Alors on va commencer sobrement avec :
**********
La couleur des ailes
-Ezekiel, tu t'apprêtes à vivre aujourd'hui ton rituel de passage à l'âge adulte. Tu intégreras notre communauté pour être un homme accompli.
Agenouillé, je garde mes yeux fermés. L'eau qui coule sur mon front est agréable, quoiqu'un peu froide. Je frissonne.
-A partir d'aujourd'hui, tu seras véritablement l'un des nôtres. Ton enfance se termine, tu seras désormais un adulte.
Qu'est-ce que j'ai attendu ce moment. Enfin, les autres cesseront de se moquer de moi. Enfin, mes parents me regarderont avec fierté. Enfin, les filles me remarqueront et cesseront de rire de moi. Enfin je vais devenir un homme véritable.
-Lève-toi et va servir le Seigneur, Ange Ezekiel.
Je descend les marches de l'église à pas mesurés. Il faut que je sois ni trop rapide, ni trop lent. C'est ainsi. Si ma vitesse n'est pas la bonne, je ne ferai pas bonne impression. Mais pour l'instant, tout va bien. Tant que l'éclat de fierté brille dans les yeux de mon père, tout va bien. Je me rend compte à quel point ma mère et lui sont beaux. Leur ailes d'un blanc pur s'étirent derrière eux. Ces ailes qui leur valent d'être reconnus par leurs pairs et de faire parti de la communauté des Anges nobles. Comme j'aimerais avoir cette couleur d'aile. A nouveau, appréhende le moment de l'éclosion. Si mes ailes étaient d'une autre couleur que blanc, mes parents s'en remettraient certainement. Mais il faudrait des jours et des jours à mon père pour l'accepter.
-Ez' !
Je me retourne. Irwan se tient derrière moi, essoufflé. Je me sens tout heureux de le voir et mes soucis s'envolent. Il a beaucoup de travail et je sais qu'il a été dur pour lui de venir me voir. Mais l'amitié est plus forte que tout, surtout quand elle remonte à la naissance.
-Joyeux anniversaire, mon ami.
-Merci, Ir'. C'est sympa d'être venu.
-J'allais rater ça pour rien au monde ! Les 16 ans de mon meilleur ami, tu vas enfin déployer tes ailes. Et vu que tes parents ont tous les deux des ailes blanches... Woah, j'arrive pas à croire que mon ami sera un noble !
-Ton anniversaire à toi est demain, nous ferons notre premier vol ensemble, je te le promet.
-Sérieux ? Tu renoncerais à voler pendant vingt-quatre heures... rien que pour qu'on vole ensemble ?
-Bien sûr. On est amis, non ?
Irwan a les yeux emplis de larmes. Nous nous serrons fortement et il me souhaite bonne chance avant que je ne m'avance vers la salle d'éclosion. En chemin, je pense à ce qui se passera une fois mes ailes sorties de mon dos. Si elles sont blanches, comme prévu, je finirai aristocrate, noble, et j'occuperai probablement un poste élevé dans la hiérarchie, comme mes parents. Si elles sont rouges, bleues ou vertes, les trois couleurs pures de la lumière, on m'enverra probablement dans l'armée. Ce qui ne serais pas pour me déplaire : la solde est élevée et cela fait des siècles que les Démons n'ont pas attaqué l’Éden. Quand à l'Apocalypse, promise par le Seigneur et son fils, elle attendra encore un bon moment. Si elles finissent jaunes, oranges ou violettes, j'aurai quand même un joli poste à l'administration, grâce aux relations de mon père. Dans tous les cas, mon futur ne peut être que joyeux.
J'arrive à la salle d'éclosion. Tout au fond, une statue de notre Seigneur et à ses pieds, une de son fils. Au milieu, un bassin où les vestales me verseront de l'eau durant l'éclosion. Le prêtre entre, mes parents le suivent. Je m'installe dans le bassin, le cœur serré. On installe un miroir derrière moi. La tradition veut que l'on se retourne pour apercevoir ses ailes.
-Ezekiel, es-tu prêt ?
Je déglutis. Je sais à quoi m'attendre mais je n'y peux rien, j'ai peur.
-Oui.
Je l'ai dit. De toute façon, je n'ai pas le choix, mes ailes n'attendront pas pour s'ouvrir. Alors le rituel commence. Je défais ma toge, me retrouve nu comme un ver dans la bassine dorée. A l'idée des vestales qui me regardent, je rougis de ma nudité, conscient que c'est stupide : elles sont élevées pour ne rien ressentir à l'égard des hommes. Je m'accroupis dans le baquet et j'attends.
Les minutes passent. Le prêtre récite la prière habituelle. Et rien ne se passe. Un instant, j'ai peur. Serait-il possible que je sois mal-formé, que mes ailes ne sortent jamais ou que je n'en ai pas du tout ? Le prêtre lance un regard gêné à mes parents qui ont l'air inquiet. Je sens que les larmes vont jaillir de mes yeux. Je serai donc la honte de mes parents ?
Et tout à coup, je le sens. Le tiraillement entre les deux omoplates. Je sens les muscles poindre sous ma peau. Un soupir de soulagement m'échappe mais se transforme vite en gémissement de douleur. Je sens la lente déchirure s'effectuer. Le sang ruisselle sur mon dos, vite mélangé à l'eau que les vestales versent depuis des amphores. Je peux enfin laisser échapper des larmes, de douleur cette fois. Et puis je le sens. Ce merveilleux sentiment de relâchement quand mes ailes se déploient dans mon dos. L'eau me coule dessus encore quelque minutes, le temps que le sang s'arrête de couler. Puis plus rien. Plus un bruit, excepté celui de mes plumes frottant les unes contre les autres. Je lève le regard vers le prêtre, un sourire sur les lèvres.
Quelque chose ne va pas. Le prêtre a un regard horrifié. Et mes parents me regardent comme s'ils ne me reconnaissaient pas.
-Qu'est-ce qui se passe ?
Aucune réponse. Je jette un regard aux vestales qui reculent, murmurant entre elles.
-Elles... Elles ne sont pas blanches, c'est ça ? C'est pas grave, papa, je te ferai honneur, quelque soit la couleur de mes ailes, je te le promet !
A ce moment, je comprend. Je comprend la véritable portée de la chose. Mais je me refuse à l'accepter. Alors je tourne le regard vers le miroir. Le meilleur moyen pour affronter la vérité, c'est d'y faire face.
Noir. Comme les ténèbres, comme la nuit. Noir. Mes ailes sont noires. Je n'arrive pas à y croire. Comment ? Comment est-ce possible ? Pourquoi ? Pourquoi moi ? Je ferme les yeux et les rouvre, espérant stupidement que mon plumage changera de couleur. Mais non, rien ne change. Je regarde mon père. Ce n'est plus son fils qu'il voit. Dans ses yeux, un inconnu est reflété.
Je triture machinalement une plume. Allongé sur mon lit, j'attends. Mais quoi ? Personne n'est venu. Que ce soit de ma famille ou de mes amis. Pas même Irwan. Tous sont au courant de la nouvelle. Ezekiel a des ailes noires. Les ailes de l’infamie. Les ailes de la couleur de Satan. Les larmes ont cessé de couler depuis bien longtemps. J'entends mes parents discuter à voix basse. J'ignore ce qu'ils se disent. Est-ce qu'ils prévoient de faire un nouvel enfant pour me remplacer ? Possible. On a entendu des histoires tellement pires... Jusqu'à maintenant, je croyais que le châtiment qui les frappait était justifié. Que les Anges noirs étaient réellement maudits. Mais maintenant que je suis des leurs, je sais que ce n'est pas vrai. Je n'ai jamais rien fait qui soit passible d'une telle malédiction. Alors pourquoi ? Je me tourne dans mon lit et m'allonge sur le coté, face à la fenêtre.
Une jeune femme. Je suis tellement surpris que j'en oublie mes problèmes. Une jeune femme se tient devant ma fenêtre ouverte, dans ma chambre. Elle est jeune, probablement un an ou deux de plus que moi. Mais ce n'est pas ça qui me choque. Ce sont ses ailes. Ou plutôt son aile. Noire, unique. Une amputée.
-Bonsoir Ezekiel.
Elle s'avance vers moi. Je m'assied sur mon lit, trop choqué pour réagir, répondre ou appeler à l'aide. Qui est elle ? Qui est cette femme ?
-Tu dois te demander qui je suis ? Mon nom est Aéléras. Ravie de te connaître.
Elle récupère l'unique chaise de ma chambre et s'y installe, la poitrine contre le dossier, les bras croisés sur le haut, la tête posée dessus. Je remarque alors sa tunique. Noire. Comme ses ailes. Ses cheveux sont châtains et ses yeux luisent d'une couleur plus dorée, comme le miel. Instinctivement, je me regarde dans la glace. Mes cheveux à moi sont plus clairs, presque roux, comme mes yeux. Mais mes ailes sont noires, elles aussi. Je me détourne de l'image que me renvoie la glace pour me tourner vers la jeune femme qui me regarde toujours.
-Je vois que tu n'as pas très envie de parler, reprend-elle. Ça me convient. Les choses iront plus vite de cette manière. Comme tu le vois, je suis moi aussi je suis un Ange noir. Mes parents m'ont exilée dès le moment où ils ont aperçu la couleur de mes ailes. C'est certainement la chose la plus sympathique qu'ils aient pu faire à ce moment là. J'ai erré pendant des jours avant de tomber sur une colonie. Une colonie d'Anges qui vivent entre la Terre et l’Éden. Ils se font appeler les Parias.
Je secoue la tête, incrédule. Les Anges n'ont pas le droit de s'approcher de la Terre. La dernière fois que l'un d'entre nous s'y est rendu, ça ne s'est pas très bien terminé. Les Hommes ont trop évolué, ils ne considèrent plus les Anges comme des envoyés du Seigneur mais comme des bêtes à disséquer et analyser. Les ingrats.
Mais maintenant que j'y réfléchi, cette histoire de colonie est plausible. Après tout, des parias n'ont pas à respecter les règles.
-Cette colonie rassemble non seulement les gens comme toi et moi mais aussi d'autres Anges qui ont été bannis pour quelque raison que ce soit. On y trouve des déserteurs, ceux qui refusent la hiérarchie de la couleur d'aile, des criminels et des voleurs, ceux qui veulent s'affranchir du Seigneur, ceux qui ont couché avant le mariage... bref, tous ceux que l’Éden défini comme des parasites. Mais ne crois pas que ce soit une colonie anarchique pour autant. Nous avons un groupe de dirigeants, des lois, et de quoi structurer notre société. Et j'aime à penser que nous sommes plus libres chez les Parias que dans l’Éden.
Ma tête me fait mal. C'est trop d'informations à assimiler. Mais je répond néanmoins :
-Vous voulez que je rejoigne... cette colonie ?
Aéléras éclate de rire :
-Ne me vouvoie pas, je ne suis pas beaucoup plus âgée que toi, tu sais. Et pour répondre à ta question, oui. De toute façon, c'est la meilleure chose à faire. Tes parents ont beau être puissants, je pensent qu'ils te considèrent désormais comme un parasite. Pardonne ma franchise mais les choses sont telles qu'elles sont et regarder de côté ne les changent pas.
Je la regarde droit dans les yeux. Son franc-parler peut sembler dur mais je comprend maintenant qu'elle a dû passer par de nombreuses épreuves pour s'endurcir ainsi. Son expression sévère contraste avec son visage, plutôt joli il faut l'avouer.
Finalement, elle se lève et me regarde elle aussi dans les yeux :
-Je n'influerai pas sur ton choix. Si tu veux vivre avec nous, rejoins-moi à la falaise nord, à la limite de l’Éden à la prochaine aube. Si tu n'y es pas, je retournerai à la colonie sans toi. Tu pourras toujours nous rejoindre quand tu le désireras. Mais il faudra tomber sur une de nos patrouilles ou trouver la colonie par toi-même, pour ça, et je ne te cache pas que c'est plus difficile.
La jeune femme à l'aile mutilée s'approche de ma fenêtre. Elle enjambe le cadre, me jette un dernier regard, souris et lance un clin d’œil accompagné d'un :
-See ya !
Puis elle disparaît. Je reste assis sur mon lit, sans bouger. Mes parents discutent toujours, plus loin, sans se douter de ce qui vient de se passer. Finalement je prend ma décision. Il reste quelques heures avant l'aube. J'ai le temps de préparer mes affaires.
Je rejoins Aéléras alors que les premières lueurs du soleil se montrent. Elle se tourne vers moi comme si elle avait toujours su que je viendrais. Ce devait probablement être le cas. Elle lance un simple :
-On y va.
Un jour, peut-être, je lui demanderai comment elle a perdu son aile. Un jour, peut-être, je lui dirai à quel point l'alternative qu'elle m'a offerte m'a sauvé. Un jour, peut-être, je pourrai lui parler de mon passé et peut-être qu'elle me racontera le sien.
Mais pour l'instant, je ne fais rien de tout ça. Je me contente de courir, de plonger du haut de la falaise. Et j'ouvre mes ailes pour mon premier vol.
-Ezekiel, tu t'apprêtes à vivre aujourd'hui ton rituel de passage à l'âge adulte. Tu intégreras notre communauté pour être un homme accompli.
Agenouillé, je garde mes yeux fermés. L'eau qui coule sur mon front est agréable, quoiqu'un peu froide. Je frissonne.
-A partir d'aujourd'hui, tu seras véritablement l'un des nôtres. Ton enfance se termine, tu seras désormais un adulte.
Qu'est-ce que j'ai attendu ce moment. Enfin, les autres cesseront de se moquer de moi. Enfin, mes parents me regarderont avec fierté. Enfin, les filles me remarqueront et cesseront de rire de moi. Enfin je vais devenir un homme véritable.
-Lève-toi et va servir le Seigneur, Ange Ezekiel.
Je descend les marches de l'église à pas mesurés. Il faut que je sois ni trop rapide, ni trop lent. C'est ainsi. Si ma vitesse n'est pas la bonne, je ne ferai pas bonne impression. Mais pour l'instant, tout va bien. Tant que l'éclat de fierté brille dans les yeux de mon père, tout va bien. Je me rend compte à quel point ma mère et lui sont beaux. Leur ailes d'un blanc pur s'étirent derrière eux. Ces ailes qui leur valent d'être reconnus par leurs pairs et de faire parti de la communauté des Anges nobles. Comme j'aimerais avoir cette couleur d'aile. A nouveau, appréhende le moment de l'éclosion. Si mes ailes étaient d'une autre couleur que blanc, mes parents s'en remettraient certainement. Mais il faudrait des jours et des jours à mon père pour l'accepter.
-Ez' !
Je me retourne. Irwan se tient derrière moi, essoufflé. Je me sens tout heureux de le voir et mes soucis s'envolent. Il a beaucoup de travail et je sais qu'il a été dur pour lui de venir me voir. Mais l'amitié est plus forte que tout, surtout quand elle remonte à la naissance.
-Joyeux anniversaire, mon ami.
-Merci, Ir'. C'est sympa d'être venu.
-J'allais rater ça pour rien au monde ! Les 16 ans de mon meilleur ami, tu vas enfin déployer tes ailes. Et vu que tes parents ont tous les deux des ailes blanches... Woah, j'arrive pas à croire que mon ami sera un noble !
-Ton anniversaire à toi est demain, nous ferons notre premier vol ensemble, je te le promet.
-Sérieux ? Tu renoncerais à voler pendant vingt-quatre heures... rien que pour qu'on vole ensemble ?
-Bien sûr. On est amis, non ?
Irwan a les yeux emplis de larmes. Nous nous serrons fortement et il me souhaite bonne chance avant que je ne m'avance vers la salle d'éclosion. En chemin, je pense à ce qui se passera une fois mes ailes sorties de mon dos. Si elles sont blanches, comme prévu, je finirai aristocrate, noble, et j'occuperai probablement un poste élevé dans la hiérarchie, comme mes parents. Si elles sont rouges, bleues ou vertes, les trois couleurs pures de la lumière, on m'enverra probablement dans l'armée. Ce qui ne serais pas pour me déplaire : la solde est élevée et cela fait des siècles que les Démons n'ont pas attaqué l’Éden. Quand à l'Apocalypse, promise par le Seigneur et son fils, elle attendra encore un bon moment. Si elles finissent jaunes, oranges ou violettes, j'aurai quand même un joli poste à l'administration, grâce aux relations de mon père. Dans tous les cas, mon futur ne peut être que joyeux.
J'arrive à la salle d'éclosion. Tout au fond, une statue de notre Seigneur et à ses pieds, une de son fils. Au milieu, un bassin où les vestales me verseront de l'eau durant l'éclosion. Le prêtre entre, mes parents le suivent. Je m'installe dans le bassin, le cœur serré. On installe un miroir derrière moi. La tradition veut que l'on se retourne pour apercevoir ses ailes.
-Ezekiel, es-tu prêt ?
Je déglutis. Je sais à quoi m'attendre mais je n'y peux rien, j'ai peur.
-Oui.
Je l'ai dit. De toute façon, je n'ai pas le choix, mes ailes n'attendront pas pour s'ouvrir. Alors le rituel commence. Je défais ma toge, me retrouve nu comme un ver dans la bassine dorée. A l'idée des vestales qui me regardent, je rougis de ma nudité, conscient que c'est stupide : elles sont élevées pour ne rien ressentir à l'égard des hommes. Je m'accroupis dans le baquet et j'attends.
Les minutes passent. Le prêtre récite la prière habituelle. Et rien ne se passe. Un instant, j'ai peur. Serait-il possible que je sois mal-formé, que mes ailes ne sortent jamais ou que je n'en ai pas du tout ? Le prêtre lance un regard gêné à mes parents qui ont l'air inquiet. Je sens que les larmes vont jaillir de mes yeux. Je serai donc la honte de mes parents ?
Et tout à coup, je le sens. Le tiraillement entre les deux omoplates. Je sens les muscles poindre sous ma peau. Un soupir de soulagement m'échappe mais se transforme vite en gémissement de douleur. Je sens la lente déchirure s'effectuer. Le sang ruisselle sur mon dos, vite mélangé à l'eau que les vestales versent depuis des amphores. Je peux enfin laisser échapper des larmes, de douleur cette fois. Et puis je le sens. Ce merveilleux sentiment de relâchement quand mes ailes se déploient dans mon dos. L'eau me coule dessus encore quelque minutes, le temps que le sang s'arrête de couler. Puis plus rien. Plus un bruit, excepté celui de mes plumes frottant les unes contre les autres. Je lève le regard vers le prêtre, un sourire sur les lèvres.
Quelque chose ne va pas. Le prêtre a un regard horrifié. Et mes parents me regardent comme s'ils ne me reconnaissaient pas.
-Qu'est-ce qui se passe ?
Aucune réponse. Je jette un regard aux vestales qui reculent, murmurant entre elles.
-Elles... Elles ne sont pas blanches, c'est ça ? C'est pas grave, papa, je te ferai honneur, quelque soit la couleur de mes ailes, je te le promet !
A ce moment, je comprend. Je comprend la véritable portée de la chose. Mais je me refuse à l'accepter. Alors je tourne le regard vers le miroir. Le meilleur moyen pour affronter la vérité, c'est d'y faire face.
Noir. Comme les ténèbres, comme la nuit. Noir. Mes ailes sont noires. Je n'arrive pas à y croire. Comment ? Comment est-ce possible ? Pourquoi ? Pourquoi moi ? Je ferme les yeux et les rouvre, espérant stupidement que mon plumage changera de couleur. Mais non, rien ne change. Je regarde mon père. Ce n'est plus son fils qu'il voit. Dans ses yeux, un inconnu est reflété.
Je triture machinalement une plume. Allongé sur mon lit, j'attends. Mais quoi ? Personne n'est venu. Que ce soit de ma famille ou de mes amis. Pas même Irwan. Tous sont au courant de la nouvelle. Ezekiel a des ailes noires. Les ailes de l’infamie. Les ailes de la couleur de Satan. Les larmes ont cessé de couler depuis bien longtemps. J'entends mes parents discuter à voix basse. J'ignore ce qu'ils se disent. Est-ce qu'ils prévoient de faire un nouvel enfant pour me remplacer ? Possible. On a entendu des histoires tellement pires... Jusqu'à maintenant, je croyais que le châtiment qui les frappait était justifié. Que les Anges noirs étaient réellement maudits. Mais maintenant que je suis des leurs, je sais que ce n'est pas vrai. Je n'ai jamais rien fait qui soit passible d'une telle malédiction. Alors pourquoi ? Je me tourne dans mon lit et m'allonge sur le coté, face à la fenêtre.
Une jeune femme. Je suis tellement surpris que j'en oublie mes problèmes. Une jeune femme se tient devant ma fenêtre ouverte, dans ma chambre. Elle est jeune, probablement un an ou deux de plus que moi. Mais ce n'est pas ça qui me choque. Ce sont ses ailes. Ou plutôt son aile. Noire, unique. Une amputée.
-Bonsoir Ezekiel.
Elle s'avance vers moi. Je m'assied sur mon lit, trop choqué pour réagir, répondre ou appeler à l'aide. Qui est elle ? Qui est cette femme ?
-Tu dois te demander qui je suis ? Mon nom est Aéléras. Ravie de te connaître.
Elle récupère l'unique chaise de ma chambre et s'y installe, la poitrine contre le dossier, les bras croisés sur le haut, la tête posée dessus. Je remarque alors sa tunique. Noire. Comme ses ailes. Ses cheveux sont châtains et ses yeux luisent d'une couleur plus dorée, comme le miel. Instinctivement, je me regarde dans la glace. Mes cheveux à moi sont plus clairs, presque roux, comme mes yeux. Mais mes ailes sont noires, elles aussi. Je me détourne de l'image que me renvoie la glace pour me tourner vers la jeune femme qui me regarde toujours.
-Je vois que tu n'as pas très envie de parler, reprend-elle. Ça me convient. Les choses iront plus vite de cette manière. Comme tu le vois, je suis moi aussi je suis un Ange noir. Mes parents m'ont exilée dès le moment où ils ont aperçu la couleur de mes ailes. C'est certainement la chose la plus sympathique qu'ils aient pu faire à ce moment là. J'ai erré pendant des jours avant de tomber sur une colonie. Une colonie d'Anges qui vivent entre la Terre et l’Éden. Ils se font appeler les Parias.
Je secoue la tête, incrédule. Les Anges n'ont pas le droit de s'approcher de la Terre. La dernière fois que l'un d'entre nous s'y est rendu, ça ne s'est pas très bien terminé. Les Hommes ont trop évolué, ils ne considèrent plus les Anges comme des envoyés du Seigneur mais comme des bêtes à disséquer et analyser. Les ingrats.
Mais maintenant que j'y réfléchi, cette histoire de colonie est plausible. Après tout, des parias n'ont pas à respecter les règles.
-Cette colonie rassemble non seulement les gens comme toi et moi mais aussi d'autres Anges qui ont été bannis pour quelque raison que ce soit. On y trouve des déserteurs, ceux qui refusent la hiérarchie de la couleur d'aile, des criminels et des voleurs, ceux qui veulent s'affranchir du Seigneur, ceux qui ont couché avant le mariage... bref, tous ceux que l’Éden défini comme des parasites. Mais ne crois pas que ce soit une colonie anarchique pour autant. Nous avons un groupe de dirigeants, des lois, et de quoi structurer notre société. Et j'aime à penser que nous sommes plus libres chez les Parias que dans l’Éden.
Ma tête me fait mal. C'est trop d'informations à assimiler. Mais je répond néanmoins :
-Vous voulez que je rejoigne... cette colonie ?
Aéléras éclate de rire :
-Ne me vouvoie pas, je ne suis pas beaucoup plus âgée que toi, tu sais. Et pour répondre à ta question, oui. De toute façon, c'est la meilleure chose à faire. Tes parents ont beau être puissants, je pensent qu'ils te considèrent désormais comme un parasite. Pardonne ma franchise mais les choses sont telles qu'elles sont et regarder de côté ne les changent pas.
Je la regarde droit dans les yeux. Son franc-parler peut sembler dur mais je comprend maintenant qu'elle a dû passer par de nombreuses épreuves pour s'endurcir ainsi. Son expression sévère contraste avec son visage, plutôt joli il faut l'avouer.
Finalement, elle se lève et me regarde elle aussi dans les yeux :
-Je n'influerai pas sur ton choix. Si tu veux vivre avec nous, rejoins-moi à la falaise nord, à la limite de l’Éden à la prochaine aube. Si tu n'y es pas, je retournerai à la colonie sans toi. Tu pourras toujours nous rejoindre quand tu le désireras. Mais il faudra tomber sur une de nos patrouilles ou trouver la colonie par toi-même, pour ça, et je ne te cache pas que c'est plus difficile.
La jeune femme à l'aile mutilée s'approche de ma fenêtre. Elle enjambe le cadre, me jette un dernier regard, souris et lance un clin d’œil accompagné d'un :
-See ya !
Puis elle disparaît. Je reste assis sur mon lit, sans bouger. Mes parents discutent toujours, plus loin, sans se douter de ce qui vient de se passer. Finalement je prend ma décision. Il reste quelques heures avant l'aube. J'ai le temps de préparer mes affaires.
Je rejoins Aéléras alors que les premières lueurs du soleil se montrent. Elle se tourne vers moi comme si elle avait toujours su que je viendrais. Ce devait probablement être le cas. Elle lance un simple :
-On y va.
Un jour, peut-être, je lui demanderai comment elle a perdu son aile. Un jour, peut-être, je lui dirai à quel point l'alternative qu'elle m'a offerte m'a sauvé. Un jour, peut-être, je pourrai lui parler de mon passé et peut-être qu'elle me racontera le sien.
Mais pour l'instant, je ne fais rien de tout ça. Je me contente de courir, de plonger du haut de la falaise. Et j'ouvre mes ailes pour mon premier vol.
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Eeeeeeet... voilà. Ouaip, c'est court, mais on essayait de se limiter à quatre ou cinq pages Word sur ce forum.
Ce n'est pas de la fénéantise, promis !
L'histoire en elle-même (qui date de 2013) est plus l'installation d'un univers qu'une véritable histoire. C'est ce que je voulais, lancer les prémices de quelque chose et laisser les autres imaginer ce qu'ils voulaient par-dessus.
Et puis j'suis moins doué dans le développement d'une histoire complète.
Oh, et à l'époque, j'écrivais sans revenir sur ce que j'avais fait, excepté pour corriger quelques fautes. Je n'aime pas réécrire quelque chose que j'ai déjà fait.
... bon, là oui, il y a un peu de fénéantise.
Enfin bref, merci d'avoir lu et à la prochaine pour une nouvelle histoire de Papy Zel !
Et sur ce, je me prends un Cacolac.
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