Retrouvailles

Anna sentait qu'il n'y avait personne autour d'elle et qu'il en était certainement de même pour toute la portion de forêt dans laquelle elle s'était engagée. Les lieux avaient toujours été plus ou moins évité par les locaux, mais tout de même, une telle solitude était rare. Elle s'arrêta un instant pour boire un peu d'eau. Il faisait frais, c'était idéal pour une longue marche. Malgré leur taille, les cimes des arbres laissaient filtrer suffisamment de lumière pour avancer sans s'inquiéter. L'odeur de l'humus avait beau être désagréable, Anna avait connu bien pire et aurait pu trouver les lieux véritablement apaisants. Mais elle était là.

Ancrée dans les profondeurs, l'une des mères l'attendait. Ce n'était jamais bon signe d'en voir une se déplacer en personne. Ses agissements erratiques pendant la guerre allaient lui coûter. Il était possible que ce soit une exécution.

Anna respira un bon coup l'air vicié. Vu la situation, autant prendre son temps ...

J'avançais lentement. La brume qui avalait mes pas peu à peu ne m'encourageait guère à aller plus vite. Qu'étais-je aller faire dans cette galère ? J'avais beau en connaitre l'impérieuse raison, j'étais terrifié et cela ne m'étais pas arrivé depuis longtemps. Entre les arbres et le temps, si quelqu'un venait, je n'avais aucune chance de le voir ou de l'entendre arriver. A moins que ...

A moins qu'elle soit entièrement vêtue de rouge. Il y avait quelque chose d'une telle incongruité à croiser une jeune fille dans son manteau rouge vif au milieu de la forêt des pendus que je ne pus m'empêcher de sourire. En temps normal, je lui aurais fait signe mais je sentais ici que ce n'était pas forcément la bonne chose à faire. D'une, je pouvais lui paraitre inquiétant, et deux, c'était plus moi qui ressentait une forme d'inquiétude inexplicable en la regardant.

Non, mieux valait poursuivre ma route et ne pas l'importuner.

Elle entendit son pas, malgré la discrétion offerte par la mousse, avant même de le voir. Elle ne s'inquiéta pas pour autant. C'était trop lent et maladroit pour être une menace. Jamais, une Mère ou même l'une de ses sœurs, ne pourraient produire de tels sons.

Pour autant, elle ne voulait pas être dérangée et prit la décision d'aller le chasser. Le tuer serait gâcher ; elle était déjà repue.

Il ne se douta pas de sa présence jusqu'au dernier instant, preuve de son amateurisme.

En arrivant derrière lui, elle vit que c'était un vieil homme. Encore plus inoffensif que prévu. Elle se demanda ce qu'il pouvait bien faire ici, loin de tout, et près de la fin.

"Vous devriez partir. Même si vous cherchez la mort, vous n'avez pas envie de la trouver de cette manière. Revenez demain, ce sera pour mieux pour vous."

Je ne pus même pas crier. Elle était arrivée d'une façon si soudaine que la surprise trépassa en un instant, ne laissant derrière elle qu'une peur paralysante. Je me tournai lentement et vit que c'était une jeune fille qui faisait naitre ainsi en chacun des pores de ma peau, la crainte d'une mort toute proche.

" Je ne peux pas revenir demain. Mon rendez-vous est aujourd'hui et il est plus important que tout ... Je suis terrifié à l'idée de ce que vous pourriez me faire, mais je crains encore davantage de laisser passer la chance qui m'est offerte ..."

J'espérais avoir pu produire ne serait-ce qu'une inflexion dans la volonté froide de mon assaillante. Toutefois, je me préparais mentalement dans le même temps, à ce que tout se termine au prochaine instant.

Anna l'observa sans comprendre. Quel rendez-vous pouvait bien avoir lieu ici, si ce n'était une rencontre dès plus dangereuse ? Il n'était pourtant pas taillé pour elle. Le tuer ici et maintenant d'un geste rapide et précis serait moins cruel que de le laisser aller vers son objectif.

Non. Elle n'avait aucune envie d'intervenir dans sa vie, qu'il fasse comme il le souhaitait.

"Par où devez vous aller ? Dans tous les cas, ne vous rapprochez pas de ce coin là."

Elle le laissa ensuite derrière elle sans attendre de réponse.

Elle partit sans plus d'explications. De mon côté, je ne cherchai pas à savoir plus non plus. J'avais le sentiment d'être passé suffisamment près de la mort comme ça. Je poursuivis donc ma route et arriva au point de rendez-vous.

C'était une cabane en bois qui d'ordinaire ne devait pas être bien vaillante, mais qui ici semblait avoir été le théâtre d'un affrontement violent. Je pénétrai à l'intérieur, en jetant des regards tout autour de moi. Albus était bien là, mais il avait été saigné à blanc. Sa peau était aussi blanche que sa barbe. Ce qui l'avait attaqué n'était clairement pas un simple animal.

Je sortis et récupéra une pelle près du petit établis à l'extérieur. Je lui devais au moins un enterrement.

Anna vit la Mère au loin mais sut immédiatement qu'elle l'avait repérée depuis longtemps. Au départ, elles n'échangèrent pas le moindre mot. Pas le moindre mouvement non plus. Les deux étaient complètement tendues, prêtes à jaillir. La Mère rompit le silence la première et se contenta d'un laconique :

"Ta décision est prise ?"

Anna, pas plus causante, se contenta de hocher la tête.

Elles dégainèrent leurs lames au même instant. Non, Anna avait été un peu plus rapide ... Mais pas assez. La Mère s'effondra sans un bruit. Anna, elle porta sa main sur son flanc gauche et constata rapidement que la plaie était profonde.

Les mâchoires serrées, elle quitta le cadavre.

Eh beh, ça fait une sacrée trotte. J'imaginais pas me retrouver dans un tel trou perdu, mais bon, l'aventure quand ça t'appelle, ça t'appelle et faut bien te bouger le derch. L'annonce m'avait tout de suite fait dresser la barre de navigation. Le bois des suicidaires abriteraient une sale bestiole depuis quelques temps. Un beau pactole et de la réputation à la clef ! Parfait, perfecto, et euh voilà dans plein d'autres langues.

Au bout de quelques minutes, je finis par tomber sur une cabane éclatée avec un ieuv devant. Bon si c'est la bête, autant dire que je vais clairement me faire chier. Bon, mon attention remonte toutefois assez rapidement parce que ça sent clairement le cadavre.

"Hey, grand-père, voire arrière vu ta gueule. C'est toi qui as dessoudé le bonhomme. Si c'est le cas, bah prépare-toi. Je vais te casser en deux. "

Je commençais à peine à enfouir le corps, lorsque je fus interrompu par un étrange et grossier visiteur. De ses propos décousus et vulgaires, je comprenais toutefois qu'il me prenait pour le tueur et semblait prêt à en découdre. Je lui expliquais donc les raisons de ma présence.

"Je n'y suis pour rien. Je suis arrivé, il était déjà mort et je me contente actuellement de lui donner une sépulture ... Je devais voir Albus, c'est un vieil ami rencontré dans une autre vie, pour obtenir des informations sur un trafic dans lequel est tombé ma fille ... Je cherche simplement à lui venir en aide et comme vous pouvez le constater les choses ne tournent pas en ma faveur ... Et j'ai manifestement de la chance en comparaison de ce pauvre Albus ..."