Garde Courage - [ Texte bàt inspiré des épreuves solo]

TW : Évocation de deuil.

Contexte :
Dans le contexte actuel de Miradelphia, Aegden est un elfe de 410 ans. Danseur depuis toujours à ses heures perdues, soldat lancier aguerri et chef des armées royales d'Anaëh, il a la réputation parmi ses camarades d'être un elfe dont fort sens du devoir n’égale que l'amour des siens et la rigueur qui sied à son rang. D'un tempérament calme et droit, il n'en a pourtant pas toujours été ainsi. Jeune elfe turbulent, sur la fin de son enfance il perdit à la guerre son père, soldat et modèle à ses yeux. Ce fut une dure leçon de vie pour lui qu'il parvint malgré tout à surmonter par le temps.




-J’y arrive pas !

L’adolescent se met soudain à crier, prenant son professeur à dépourvu et interrompant la leçon de danse sur le tas. L’artiste qui le guide hésite et recule d’un pas. C’est assez pour que le jeune elfe se relève, et sans faire attention à ses genoux égratignés, parte en courant à travers les rues aux pavés inégaux de la capitale elfique.

A vrai dire, il ne s’attendait pas à ce qu’on le laisse faire, mais pas question de faire demi-tour, il se met à courir au hasard. Il renifle bruyamment en retenant mal de grosses larmes sur ses joues tapissées de tâche de rousseurs.

Finalement sa course s’arrête au creux d’un gros arbre, auquel il se recroqueville, cachant comme il peut sa frimousse entre ses genoux. Et il pleure. Il est frustré. Ses cours de danse, sensés le canaliser ne lui servent à rien, il n’avance pas. Ses jeunes pensées ne sont tournées que vers une chose : son père partit loin. Son père qui ne revient plus. Son père qui lui manque.

Alors qu’il laisse sa peine s’écouler il sent une main douce se poser sur son épaule. L’espace d’une demi-seconde, il ne réagit pas. C’est sans doute son professeur qui vient le chercher et il n’a pas envie de lui parler. Ou bien c’est sa mère. Elle non plus il n’a pas envie.

Mais la main secourable ne s’en va pas. Et le jeune elfe sent une silhouette s’installer à ses cotés, au creux de l’arbre dans un léger froissement de tissus et de branches d’arbres. Un instant il se fait une réflexion étrange ; les deux elfes comblent l’espace formé par leur creux du tronc comme parfaitement.
Alors, avec hésitation, il lève un œil curieux vers lui.

C’est un homme qui le fixe, avec un sourire doux. Il y a une étrange nostalgie dans ses prunelles grises. Il est certain de ne pas le connaitre et en même temps ce visage lui est plus que familier. Fin, il rappelle au gamin quelques traits de ses propres parents, comme si cet elfe-là était un lointain cousin. Il avait les mêmes yeux clairs que lui, ceux qu’il avait hérité de sa mère, des traits plus anguleux du fait de son âge bien plus avancé, mais le même nez droit. Chose étrange cependant c’était les balafres sur son côté droit. Mais ce qui surprenait le plus l’adolescent dans leur ressemblance, c’était sa crinière aussi rousse que la sienne, si rare dans leur cité.
Sa voix est claire, douce mais ferme.

-Comment tu t’es fait ça ? L’elfe pointa du doigt les genoux écorchés du petit.

-‘Suis tombé...
-ça m’arrivait souvent à ton âge ce genre de blessures. J'avais une nette tendance à crapahuter là où il ne fallait pas. L’adulte pencha la tête, comme pensif. Plus souvent que je n’ose l’admettre.

-vous êtes un prêtre d’arcamenel ?

-Pas vraiment, mais je les ai pas mal côtoyé.

"-Peut importe. Laissez moi. "Il se renfrogne.

-"C’est dur pour toi en ce moment, je le sais" L’homme ne se laisse pas démonter. Il ne pose pas de question, sa phrase est un simple constat. "Mais ça finira par aller." L’adulte ajoute calmement et finit par voir le museau du jeune garçon réapparaitre. Pour l’instant tu ne me croiras pas et tu ne me comprendra pas non plus. Et tu n’en as pas besoin. Mais plus tard tu finiras par le faire. Tu t’en sortiras, gamin. Un bref silence, alors que la main sur l'épaule du plus jeune se raffermie un peu. Ton père est fier de toi  là où il et il l'a toujours été. Jusqu’à son dernier souffle, tu auras été sa plus grande fierté. Aujourd'hui c'est dur. Tu as envie de hurler, de courir au loin. Mais le temps passera. Tu va grandir et ça sera pas toujours facile. Mais tu va te battre. Et tu y arrivera.  Et plus tard, quand tu aura mon âge, tu te reverra enfant. Tout ça fera sens.

"-Comment tu peux le savoir ? " L’autre hésite, en passant sa main sur son visage.

"-Fait moi confiance."

Et étrangement, au fond de lui, il se contenta de si peu. L’adulte fait mine de vouloir se relever avant de tendre une main vers l’adolescent.

 L’espace d’une seconde il se font face, et le temps semble se figer en un tableau étrange. Les deux elfes se fixent, de leurs regards si similaires dans la lumière du jour déclinant. Quelques rayons de soleil enflamment les cheveux du plus grand, et font plisser le nez du plus jeune.

"-Ferme les yeux." Lui lance alors l’adulte de ce même ton doux, et sans qu'il ne sache pourquoi il se laisse faire.

Il sent qu’on le guide, petit à petit dans des gestes qu’il connaît bien. L’adulte lui fait répéter ces mêmes gestes qui l’ont fait tomber quelques instants plus tôt.

"-Cesse de réfléchir". Entend-t-il qu’on lui souffle à l’oreille." On ne pense pas quand on danse, on vit simplement l'instant."
"-Mais…"

Mais la chorégraphie avança, et d’abord raide, le jeune sentit ses mouvements se libérer petit à petit.

"-Tes émotions tu les contrôle comme tu contrôle tes pieds ou tes mains. C’est la même chose, ne te bas pas contre, laisse-toi porter."

Il ne s’en rend pas compte de suite , mais la prise de son étrange professeur se fait de moins en moins ferme sur ses poignets au fur et à mesure qu'il se laisse aller… Jusqu’à ce qu’il ne le sente plus du tout et que ses pieds ne le guident seul, traçant les motifs de sa danse dans le sable. Sans difficulté, ses pieds glissent, et ses bras suivent, et les figures s'enchainent sans difficulté. Une valse, une pointe, un saut.. l'enchainement défile, et le souffle du gamin se stabilise. Alors, lentement, l’adolescent qu’était Aegden à cet instant sent le monde s’effacer autour. Ses peines se mêlent à ses joies, ses colères à ses espoirs. La douleur et la frustration qu’il ressentait ne disparait pas et une larme roule même sur son visage encore épargné des ravages de la guerre. Mais à cela s’ajoute une paix nouvelle et la voix de l’étranger résonne encore à ses oreilles :

-Garde courage, Aegden. Un jour, de ce courage dépendra la vie de bien d’autres fils.

L’adolescent ouvre brutalement les yeux, une question brûlant ses lèvres. Il doit savoir. Mais lorsqu’il se retourne, un rayon de soleil mourant l’éblouit. Lorsqu’il leva sa main pour se protéger, l’elfe avait disparu.