[Terminé] Ce petit chemin... [Libre]

- qui sent la noisetteuh... me rappelle soudain, ce beau jour de fêteuh... où quelques gredins, me prenaient la têteuh... mais comme je suis bourrin, je leur pête la...
- Criouuu !

Après une courte pause, Maeko entama une autre chanson, plus grivoise, parlant de commérages et d'adultères.
Tout en chantant à tue-tête, elle avançait dans une rue commerçante de la grande ville, selon un pas mi-normal mi-dansé. Lampion, sur ses épaules, accompagnait sa compagne de quelques "Criouus" bien sentis, tout en surveillant les passants alentours.
Les réactions générales devant le duo fantasque était soit l'amusement, soit le changement de trottoir.

Difficile de savoir ce que les deux faisaient là.
Maeko même semblait l'ignorer, ce qu'elle faisait là.

Sorga ressortit du dernier magasin en remerciant la vendeuse de ses indications.
Du coin de l'oeil, il remarqua le soupir de soulagement de la femme au moment où il posa le pied dehors. L'homme-lézard sentit sa mauvaise humeur revenir au galop. C'était quoi cette habitude des marchands des grandes villes, de ne pas être sur le terrain et de faire travailler d'autres dans leurs échoppes ? Il avait fait toutes les rues commerçantes, presque, pour à chaque fois tomber sur de simples employés.
Si un notable ou un riche marchand pouvait l'embaucher en tant que serviteur, il devrait aller courir directement dans leurs demeures, à l'autre bout de la ville...
Enfin, vue la réaction de la majorité des habitants qui le croisaient...

Sorga soupira et rajusta son manteau rapiécé sur ses épaules avant de poursuivre son chemin.
La foule avait beau être assez dense, les gens s'écartaient de lui dès qu'ils remarquaient sa tête inhumaine. Résultat, il progressait sans grandes difficultés.
A une dizaine de mètres devant lui, il remarqua - grâce à sa grande taille - que la foule faisait aussi mine de s'écarter. Un autre brise-foule qui venait en sens inverse ?
L'homme-lézard intrigué entendit une voix de femme qui chantait une chanson pour le moins, originale...

La foule s'écarta soudain, et Sorga découvrit la chanteuse et son... c'était un dragon ça ?
Elle aussi l'avait vu...

Sans marquer la moindre hésitation, Maeko s'approcha de l'homme-lézard, un grand sourire sur le visage.
Elle l'enlaça, et lui colla deux baisers, un sur chaque joue !
Lampion hocha la tête pour saluer, tandis que la femme se détachait de l'homme-lézard.

- Comment vas-tu ? Ça me fait vraiment plaisir de te voir ! C'est la première fois que tu passes à Hypnos non ?
- Criouuu !
- Ah oui, c'est vrai... Désolée, mais je ne peux pas rester... j'espère qu'on aura l'occasion de se recroiser !

Avec un salut de la main, elle s'éloigna aussitôt, et ne tarda pas à disparaître dans la foule.

Sorga resta choqué plusieurs secondes.
Le parfum de la femme lui collait aux narines, et il sentait encore le contact de ses lèvres sur son visage mais... il en était certain, il ne la connaissait absolument pas !
Alors que elle... quelque chose dans la manière dont elle s'était adressée à lui, comme si elle avait retrouvé un vieil ami... voilà qui lui criait de mener l'enquête !

L'homme-lézard se retourna, se dressa sur ses orteils pour voir par-dessus la foule... aperçut un bout d'écailles rouges à l'angle d'une petite rue...
Il courut, vite, sans se soucier des gens qu'il bousculait sur son passage.
Sorga tourna à l'angle de la ruelle en criant :

- Hé ! Sorga demander vous attendre ! Vouloir vous parler !

C'était plutôt une impasse en fait.
Mais Maeko n'était visiblement pas gênée par ce genre de détails : elle était déjà debout sur un muret, et semblait en route vers les toits des maisons avoisinantes.
La femme tourna brièvement la tête vers Sorga qui venait de l'interpeler. Un sourire "un peu" espiègle éclaira son visage, et elle continua à avancer le long du muret d'un pas dansant en chantonnant à haute voix :


Maeko escalada le toit le plus proche, et commença à s'éloigner sur les tuiles. Lampion décolla de ses épaules et s'éleva haut dans les airs, où il commença à effectuer de larges cercles.

[Permettez que je m'amuse ? Le sujet reste en "Libre", si vous avez envie de vous joindre à la fête]

De nouveau, Sorga resta choqué pendant quelques secondes.
Il ne comprenait pas cette femme.
Que voulait-elle ? Qu'il la rattrape avant qu'elle n'atteigne l'église ? Pourquoi ne voulait-elle pas tout simplement s'arrêter un moment, pour discuter et qu'il puisse lui demander d'où elle le connaissait ?
Comme elle s'éloignait déjà, l'homme-lézard jura en s'apercevant qu'il n'avait sans doute pas le choix : il allait devoir suivre ses règles.

Il prit quelques secondes pour ôter son manteau, resserrer la lanière de sa sacoche, puis il se jeta dans la course.
Cela faisait un moment qu'il n'avait pas pratiqué l'escalade urbaine, mais il avait confiance.
En même temps, pensa-t-il en grimpant sur le muret et en se dirigeant vers le toit, cette femme étrange n'avait sûrement pas lancé ce défi si elle n'était pas capable de tenir la distance...

Sorga posa le pied sur le toit, et jeta un œil aux alentours.
Le quartier était essentiellement composé de bâtiments aux toits larges, plus ou moins de même hauteur. A part les rues les plus grandes qui feraient des obstacles délicats à franchir depuis les hauteurs, le chemin était quasiment tout tracé jusqu'à l'église. Une course de vitesse ? L'homme-lézard tapota le sol de son pied : en matière de vitesse, il se savait parfaitement capable de battre un humain.
La femme était à quelques pas de là. Elle tourna la tête, lui tira la langue... et partit en courant !

L'homme-lézard se lança à sa poursuite.

Maeko s'amusait comme une... folle. La course, le bruit de ses bottes sur les toiles brunes et celui du vent, son souffle qui se faisait rapide : elle se sentait bien. Elle ne regrettait pas d'avoir lancé ce petit défi à l'homme-lézard.

Ce dernier la suivait, comme prévu. Il courait vite aussi, plus vite qu'elle. Comme la femme ne désirait pas se laisser battre si facilement, elle changea brusquement de direction, et se dirigea vers le rebord du toit. La maison voisine n'était qu'à environ deux mètres, l'espace correspondant à une petite ruelle peu fréquentée.

Avec une facilité presque pénible à regarder, Maeko franchit le précipice en un bond gracieux. Elle accéléra sa course, jetant un oeil par-dessus son épaule, espérant ne pas mettre trop en difficulté l'homme-lézard.

Sorga sauta à son tour et grogna lorsque son pied manqua d'un cheveu le rebord du toit. Il n'évita la chute que grâce à sa vitesse, mais il en fut quitte pour une belle contusion sur un mollet. Il se redressa, légèrement agacé, puis se remit à courir, d'un pas boiteux.

Pourquoi il courait après cette femme déjà ?
D'accord, elle avait agi comme si elle le connaissait, mais il se demandait - espérait même ! - si tout cela en valait la peine.
C'était un pari qu'il faisait avec Dame Chance, et il devait avouer qu'elle était plutôt en mauvais termes avec lui ces derniers jours...

La douleur dans sa jambe était en train de diminuer, et il accéléra, ce qui lui permit de réduire sensiblement la distance qui le séparait de la femme.
Devant eux, il y avait un gouffre : une rue qui devait bien faire dans les dix mètres de large, et très fréquentée d'après le tumulte. Au-delà de l'obstacle, l'église de la ville - leur objectif - semblait proche.
Sorga ne voyait pas comment passer cette rue depuis les toits, à part en ayant des ailes.
Mais, à la manière dont la femme continuait de courir, l'homme-lézard préféra tout donner pour la rattraper avant qu'ils n'arrivent au bord de ce "gouffre". On ne savait jamais...

Il accéléra donc davantage, ses pieds frappant lourdement les tuiles, ses griffes laissant des traces sur le sol. Courbé vers l'avant, les yeux fixés sur le dos de la femme, il ressemblait un peu plus chaque seconde à un prédateur prêt à rattraper une proie. L'homme-lézard tendit les mains pour se saisir de la femme, lorsqu'il s'aperçut soudain qu'ils étaient arrivés quasiment au bord du toit... et qu'elle ne faisait absolument pas mine de ralentir.

Elle n'allait tout de même pas essayer de sauter ?

Sentant presque le souffle de l'homme-lézard sur sa nuque, Maeko ne perdit pas de temps à se retourner et compta les pas qui la séparait de la fin du toit. Un. Deux. Trois. Quatre... et...
Elle sauta.
S'envola plutôt. Le mot correspondait mieux, tant sa trajectoire parut irréelle.
Elle effectua une belle imitation du saut de l'ange, les bras écartés, et franchit l'espace de la ruelle sous le regard étonné de plusieurs passants qui virent passer cette silhouette dans les airs.

La gravité finit tout de même par la rattraper, et elle termina sa course sur un petit balcon du bâtiment d'en face. Elle fit une roulade pour amortir sa chute, se retourna un instant pour souffler, puis entreprit d'escalader la paroi et de regagner les toits.
Lampion descendit jusqu'à elle et s'accrocha à son dos et à son épaule.
Le dragonnet avait l'air fier de sa compagne.

Les mains de Sorga se refermèrent sur du vide lorsque la femme s'envola presque au-dessus de la rue.
Emporté par son élan, il préféra se jeter contre les tuiles pour éviter de tomber, et se retrouva allongé au bord du toit, la moitié du corps dans le vide.
Se tordant le cou, il observa avec stupéfaction la trajectoire aérienne de cette étrange femme. Par quelle magie pouvait-elle accomplir ce prodige ? Il n'avait jamais entendu parler d'êtres humains pouvant voler.

Il ne put s'empêcher de frémir lorsqu'il la vit atterrir sur le balcon, s'attendant à ce qu'elle se brise les deux jambes. Mais, après une habile roulade, elle se releva, et se remit dans la course.
Comment diable faisait-elle ?
Sorga se secoua : c'était une question de plus à lui poser, mais il devait d'abord gagner à son jeu pour qu'elle lui réponde !
Se sachant incapable de l'imiter, il se laissa glisser le long du mur du bâtiment, en se servant de sa queue et de ses griffes pour contrôler sa descente. Une fois dans la rue, il se fraya un chemin entre les passants qui n'avaient d'yeux que pour la femme qui venait de passer au-dessus de leurs têtes.

Le bâtiment où elle avait atterri ressemblait à un grand hôtel, et les nombreuses moulures et balcons qui agrémentaient la façade formèrent pour l'homme-lézard un véritable escalier.
Un instant plus tard, il se hissait sur le toit, prêt à reprendre la poursuite.

Toujours posé sur l'épaule de la femme, le petit dragon avait ses yeux d'ambre fixés sur Sorga.
Assise sur une cheminée, Maeko avait sorti son immense grimoire et le feuilletait de façon nonchalante.

- Criouuu !

Alertée, la femme leva les yeux et sourit à l'homme-lézard.
Puis elle rangea son livre dans son sac et, sautant de son perchoir, repartit à toutes jambes vers l'église, maintenant beaucoup plus proche.
Le dragon décolla de ses épaules mais, au lieu de repartir haut dans le ciel, resta à voler près d'elle.
Elle semblait soudain moins soucieuse d'arriver rapidement, et elle semblait même s'amuser à zigzaguer entre les obstacles des toits et effectuant d'inutiles acrobaties.

Après trois essais ratés où ses mains manquèrent d'un millimètre cette femme étrange, Sorga commençait à enrager.
A aucun moment ses yeux ne se posaient sur lui, pourtant elle semblait toujours l'esquiver à la toute dernière seconde, avec une facilité qui frisait le surnaturel.
Puis, il nota que le petit dragon qui volait autour d'elle ne le quittait jamais des yeux, lui... et qu'à chaque fois qu'il tendait les mains pour se saisir de la femme, il poussait un petit couinement...
Sorga comprit qu'il n'arriverait à rien tant que le dragon serait dans les parages, et qu'il devait trouver une idée rapidement avec l'église qui se rapprochait de plus en plus, même si les zigzags de la femme n'étaient pas des plus directs.

L'homme-lézard eut soudain un sourire malicieux.
Il plongea la main dans son sac, et en sortit un morceau de viande : du bœuf, de premier choix, cuisiné par ses soins juste avant qu'il n'entre dans la ville. C'était censé être son déjeuner, mais aux grands maux...
Sorga siffla, et leva la pièce de viande à portée des yeux du dragonnet qui voletait. Comme il l'avait pressenti, le lézard volant sembla se désintéresser de l'univers entier, pour fixer son regard sur la nourriture.

En remerciant Dame Chance de comprendre la manière de penser du dragon, Sorga lança le morceau de viande un peu plus loin. Le dragonnet bifurqua aussitôt pour aller s'en emparer.
De retour à un contre un, Sorga se sentait tout de suite plus confiant.

Le dragonnet ayant abandonné son poste, Maeko changea brusquement de tactique.
Elle bifurqua soudainement, fit un salto avant au bord d'une ruelle très étroite, puis se laissa tomber, glissant le long du mur dans un raclement de bottes. Touchant terre plutôt durement, elle repartit néanmoins à toute vitesse comme un ressort. La ruelle donnant directement sur la place où se tenait l'église, il ne lui restait qu'une petite centaine de mètres à parcourir pour gagner à ce petit jeu qu'elle avait démarré.

Sans chercher à se retourner pour vérifier si l'homme-lézard était proche ou non, la femme poussa un long sifflement suraigu. En réponse, il y eut un "Criouuuu !", suivi de l'apparition du dragonnet dans le ciel. Le petit animal avait un bout de viande toujours dans la gueule, mais il semblait prêt à reprendre son rôle.