[Terminé] Le Nom Retrouvé.[OS]

La région était sauvage, les routes lointaines et peu empruntées, surtout maintenant que les Voyageurs avaient installé des Portails plus près de la jungle. Les pentes et plateaux de montagnes n'étaient pas encore recouverts de neige, même si cette dernière blanchissait les sommets.
Le soleil qui commençait à descendre projetait une lumière rasante dans la vallée, les zones d'ombres et celles encore éclairées formant des contrastes nets et aiguisés, dignes des peintures les plus extravagantes. L'endroit était sauvage, magnifique. Mystique.
Parfait pour l'occasion.
Béhékine se tenait sur une large pierre plate, encore chauffée par le soleil d'altitude. Un genévrier penchait sur lui ses branches d'épines. Couché sur la pierre, le démon regardait tour à tour les cinq créatures de brume qui l'accompagnaient depuis des mois. Itchy, Bitey, Scratchy, Screechy et enfin Bob se tenaient en demi-cercle face à lui.
Solennel, il déclara :

- Les garçons, ce que je vais tenter de faire ce soir est très important. Si Tapahari a raison et que son rituel fonctionne, je vais découvrir mon nouveau nom, celui qui me permettra de retrouver ma liberté. Seulement, je connais assez la vieille magie des Noms pour supposer qu'une telle révélation ne serait pas sans conséquences sur moi et ma magie. J'ignore également si cela aura aussi un effet… sur vous.
Vous m'avez déjà surpris plus d'une fois depuis que vous êtes apparus à mes côtés, et vous êtes très indépendants mais je reste à la source de ce qui vous permet d'exister. Il existe une chance non négligeable que la révélation de ce rituel perturbe assez ma magie pour briser le lien qui vous lie à moi, et vous prive de votre source d'énergie.
Pour éviter cela, je vous propose de… vous libérer. De vous rendre entièrement indépendants de moi.

Le démon bestial fit une pause, laissant le temps à ses garçons de bien prendre la mesure de ce qu'il proposait. Ils l'avaient écouté avec un calme et un sérieux inhabituel, sentant sans doute l'importance du moment. Béhékine leva une patte, et fit sortir de sa cache dimensionnelle une grosse pierre cristallisée qui tomba au sol en roulant aux pieds des créatures.

- Cela fait plusieurs semaines que je concentre de l'essence et de la magie dans cet agrégat mineur. Elle pourrait vous servir de nouvelle source d'énergie pendant au moins plusieurs mois si je vous lie à elle.

Ses garçons observaient la pierre, leur faciès immobile et le lien que le Démon partageait avec eux ne laissant rien transparaître.
Béhékine s'était véritablement pris d'affection pour ces êtres qui étaient nés un peu par erreur, s'émerveillant de leur évolution depuis leur naissance, supportant bon gré mal gré leurs facéties et trouvant un certain plaisir même à leur apprendre les règles de vie et celles du monde. Ils avaient été salutaires sans doute pour son moral, le distrayant assez pour lui éviter de ruminer en permanence son statut d'esclave ; nul doute qu'il aurait fini par sombrer dans un état de rage dépressive sans eux.
Pour leur aide, il ne voulait pas prendre le risque de les voir disparaître suite au Rituel qu'il s'apprêtait à accomplir. Il ignorait ce qu'il se passerait exactement si son nouveau nom lui était révélé, mais son intuition lui disait qu'un tel changement dans sa nature secouerait en profondeur la façon dont sa magie fonctionnait. Ainsi, il y avait un véritable risque de voir le lien l'unissant à ses garçons en pâtir, sans doute au point d'être purement et simplement réduit à néant, détruisant du même coup les cinq créatures…

Itchy fut le premier à réagir, en se penchant pour se saisir de l'agrégat, sortant par la même occasion le Démon de ses réflexions. L'invocation la plus sérieuse passa son regard le long des silhouettes de ses frères et Béhékine sentit, grâce au lien mental qu'ils partageaient, que ses garçons prenaient leur décision, s'alignant vers la même réponse.
Les cinq hochèrent la tête de concert, puis Itchy se retourna et lança de toutes ses forces l'agrégat dans la pente ! La pierre atterrit à une centaine de mètres avec un bruit parfaitement audible qui fit sourire Béhékine.
Le message était passé.
Les cinq invocations se rapprochèrent de lui et le démon bestial abaissa sa grosse tête, laissant les créatures venir poser leurs petites mains sur son museau. Par le biais du lien, il leur transmit toute sa reconnaissance et sa fierté, recevant à son tour leur réponse qui pouvait être traduit ainsi :
« Ensemble. Toujours. »

Béhékine sentait qu'il pouvait faire face à ce Rituel désormais et à ses conséquences possibles. Il espérait de tout cœur que ses garçons n'en subiraient pas les conséquences, mais il savait maintenant que c'était un risque qu'ils prenaient tous volontairement.
Le vieux démon était certes un habitué des auto-expérimentations et des métamorphoses potentiellement mortelles, mais c'était la première fois qu’il mettrait en danger d'autres êtres.
Le bruit du pas de Tapahari remontant le chemin vers eux lui fit relever la tête. La chamane était alourdie par un sac de toile énorme qui battait contre sa hanche à chaque enjambée. Étrangement, ses garçons partirent dans un seul mouvement à la rencontre de la femme en robe rouge, pour venir la soulager de cette charge.
Leur comportement était surprenant, mais ils semblaient bel et bien apprécier la compagnie de Tapahari, d'autant plus depuis qu'ils savaient l'aide qu'elle comptait apporter à leur Père. L'objectif solennel et sérieux de la soirée devaient aussi les motiver à se montrer serviables. Béhékine croisa le regard de la chamane qui lui sourit et le Démon le lui rendit.
Malgré sa méfiance envers les mortels, il s'apprêtait à lui confier sa vie, son futur, sans aucune hésitation. Il ne la connaissait au final que très peu pourtant, mais les actions qu'elle avait accomplie en disaient suffisamment.
Elle l'avait apprivoisé, lui le vieux démon devenu bestial.

La femme remontait la pente, peinant un peu sous le poids de son sac empli d’herbes et de potions.
Elle avait toujours en tête ce qu’il s’était passé à Hypnos, quelques jours plus tôt ; le Réveil de l’Ombre, rien que ça, et l’annonce que c’était de la faute des aventuriers de l’Expédition. Dans la tête de la chamane, les souvenirs des différents événements chez les Kabellstanks tournaient en boucle, se mêlant aux paroles de l’Ombre, créant un grand trouble et un véritable sentiment de culpabilité. Une partie d’elle-même savait que la libération de la sombre créature n’était pas de son fait, mais son impuissance de l’époque lui revenait en pleine figure, la plongeant dans des tourbillons angoissés de « et si ».
Et si elle s’était interposée contre le pillage des trésors du lac ? Et si elle avait pu les empêcher d'atteindre ce tombeau ?
Elle ne connaitrait jamais la réponse, mais il lui faudrait longtemps avant que ces questions cessent de la tourmenter. Heureusement, préparer le Rituel de l’Echo pour Béhékine l’occupait assez pour mettre de côté son trouble. Surtout les modifications qu’elle devait apporter aux différentes préparations, autant dans les quantités que dans les ingrédients eux-mêmes ; le démon était sensible, voire allergique, à certaines de ces plantes, et il était d’un plus gros calibre qu’elle. Rassembler les composants du rituel avaient ainsi pris plusieurs jours, à déambuler dans les montagnes protégeant autrefois l’accès à Crannsliabh.

Voyager avec Béhékine était très étrange. Elle l’avait cherché pendant plus d’un an, alors se retrouver à marcher, manger et dormir à ses côtés lui semblait irréel. Il parlait peu, très peu, semblait toujours perdu dans de longues réflexions que la chamane, par respect, n’osait pas déranger. Les cinq créatures qui les accompagnaient étaient par opposition bien plus expressives, et l’avaient assisté dans sa quête d’ingrédients, allant même jusqu’à aider le démon à chasser pour se nourrir.
Les « garçons » avaient accepté la présence de Tapahari dans leur monde et elle se réveillait souvent avec une ou plusieurs des créatures lovées contre elle. Ce qui était attendrissant tout autant qu’étrange, car la chamane avait appris que les cinq créatures brumeuses étaient une extension de Béhékine, de son mentor. Le Démon avait ri lorsqu’elle lui avait dit être gênée par cette proximité nocturne, arguant qu'il n'avait pas assez de contrôle sur ses garçons pour leur faire arrêter.

Après plusieurs nuits particulièrement froides dans les montagnes, Tapahari atteignit les limites de ses couvertures et, n’y tenant plus, libéra ses esprits-animaux pour se changer en serval. Béhékine s’était réveillé lorsqu’elle était venue s’allonger contre lui pour profiter de sa chaleur corporelle. Il l’avait observé un instant sans rien dire, puis il s’était recouché. Cela avait été la première fois qu’il voyait sa forme de serval – elle lui avait parlé de ses autres formes, sans en faire la démonstration – et le lendemain, aucun des deux n’avait commenté ce rapprochement.
La nuit suivante, Tapahari n’avait pas pris la peine de sortir ses couvertures, s’allongeant directement contre le flanc du Démon bestial. Bercée par la respiration de son mentor, elle avait passé une de ses nuits les plus paisibles, loin du souvenir de l’Ombre ou des événements de l’Expédition.

Par chance, ils tombèrent sur le lieu-même où Tapahari avait effectué son Rituel de l’Echo. Ce qui était parfait, car les environs avaient sûrement gardé une trace de la magie déployée ce soir là, et le rituel à venir pour Béhékine s'en verrait facilité.
Ces pensées en tête, Tapahari remontait la pente, alourdie par son sac empli d’herbes. Elle était aussi prête qu’elle pouvait l’être. Béhékine était aussi prêt, qu’il pouvait l’être. Elle l’espérait. Elle ignorait ce que l’Echo réserverait à son mentor, et serait sans doute impuissante lorsqu’il serait là, hormis ses avant-gardes.
Soudain, les cinq créatures brumeuses qui accompagnaient le Démon apparurent à ses côtés, marchant, courant ou sautillant dans l’herbe. Avant qu’elle puisse faire quoique ce soit, elle fut délestée de son sac et se retrouva à suivre les créatures en souriant, amusée et reconnaissante, entourée par les cinq diablotins brumeux.

Le Démon l’attendait, allongé sur cette même pierre plate où elle s’était assise. Elle croisa son regard, et y lut le même amusement devant le comportement de ses « garçons. »
Lorsqu’elle le rejoignit tout à fait, ils prirent un instant pour se saluer comme ils le faisaient à chaque fois ; elle posant les mains sous son museau, lui venant frotter doucement son visage contre celui de la chamane.
Le geste, très animal, aurait pu être effrayant venant d’une créature aussi imposante que Béhékine, mais Tapahari savait que de la part du démon bourru, c’était un véritable signe d’attachement et de confiance de se laisser approcher et toucher ainsi.

- Tout les ingrédients sont là, noble esprit. Nous pourrons démarrer le Rituel à la tombée de la nuit.

Elle n’arrivait toujours pas à l’appeler autrement, malgré tout ce temps passé avec lui. Et son nom allait bientôt perdre beaucoup de sa valeur, sans parler de son éducation lui soufflant que c’était là une manière très impolie de s’adresser à un Être du Voile.
Sous le regard attentif du Démon, elle vida son sac et entreprit de préparer la potion dont, une fois chauffée, la fumée permettrait à Béhékine d'appeler et d'interagir avec l'Echo. Elle devait se dépêcher : le rituel marcherait au mieux aux premières heures de la nuit.

- Es-tu certaine que tu ne veux pas de mon aide ?
- Sûre, noble esprit. Cette préparation est complexe.
- Je m’y connais aussi en potions, jeune fille.
- Je ne mets pas en doute vos compétences, noble esprit. Mais je crains que vous ayez du mal à manipuler les ingrédients avec assez de précision.
- Je peux utiliser de la brume pour atteindre une précision infinitésimale !
- Mais l’humidité de votre brume risquerait d’altérer la potion et de vous mettre en danger !

Béhékine soutint le regard agacé que la chamane lui lança. Sous l’énervement, il y lisait aussi une grande nervosité. Nom d’une boule de poils, il ressentait la même chose !
Le Démon se mit à rire, rapidement imité par Tapahari. Dix minutes qu’il l’observait ainsi préparer la potion qui permettrait à terme de briser ses chaines du Pacte, il avait toutes les raisons du monde d’être nerveux. Et elle, voyait arriver à son terme une quête de plus d’un an.
Il lui faisait entièrement confiance, alors leur échange frisait avec le ridicule.

- Screeeeee ?

Screechy n’avait pas compris, et ne reçut pour toute réponse qu’un coup de queue joueur de la part de Béhékine, envoyant la créature brumeuse en roulé-boulé. Screechy revint vite à la charge et entreprit d'attaquer la queue du démon, faisant rire ce dernier qui supporta l'assaut de bonne grâce.
Itchy, toujours aussi sérieux et vigilant, surveillait les environs depuis le bord du rocher, mais il jetait de fréquents coups d'œils à ce que faisaient Béhékine ou la chamane.
Bitey et Scratchy s'étaient réfugiés dans les branches du génévrier, d'où ils pouvaient observer la scène tout en échangeant des commentaires à voix basses, à leur manière faite de beabox et de crissements de griffes.
Bob enfin, était assis entre les pattes de Béhékine, et tapotait les marques d'esclaves du démon comme s'il pouvait accélérer leur disparition.
Les cinq créatures agissaient un peu comme si de rien n'était mais, dès que Tapahari se redressa en tenant entre ses mains un pot empli d'herbes en train de fumer, elles cessèrent toutes ce qu'elles faisaient pour se redresser et, en silence, observer avec gravité ce qu'il se passait.
Béhékine inspira à fond.

- C'est l'heure ?
- Oui. N'oubliez pas de respirer profondément et de garder le même rythme. Surtout, quoique vous perceviez pendant le Rituel, restez dans l'attente jusqu'à ce que l'Echo se soit révélé.
- Détends-toi, jeune fille. Tu m’as déjà dit tout ça cent fois.
- Oui, et je vais le redire encore, jusqu’à ce que vous preniez les choses au sérieux !
- Tu m’as dit aussi que l’Echo est inoffensif…

Tapahari ne répondit pas immédiatement et son visage se ferma. Béhékine reprit, inquisiteur :

- Tapahari ? L’Echo est-il dangereux ?
- Normalement, non. Mais j’ignore les effets du Rituel sur vous si c’est moi qui me charge de le lancer sans en subir les effets. Je risque de vous emmener plus loin que prévu sans m’en rendre compte, ou donner plus de force à l’Echo…
- Tu pourras intervenir en cas de problèmes.

De nouveau, la chamane garda le silence trop longtemps pour que cela sonne normal, et encore moins rassurant. Le Démon bestial se radoucit, laissant tomber sa frustration qui montait doucement – comme une vieille amie habituée à se tenir à ses côtés au moindre problème – car il sentait bien que Tapahari lui cachait quelque chose, de potentiellement très important. Les mots sortirent, et il les laissa couler sans réfléchir à ce qu’il disait, pour une fois :

- Tapahari… toutes ces hésitations ne te ressemblent pas. Tu m’as autrefois appelée sans hésiter pour sauver ton village, alors même que tu avais héritée de tes parentes l’interdiction de le faire, te mettant à ma merci. Tu as ensuite tout quittée pour venir me trouver, motivée par une seule intuition. Je n’ai pas l’orgueil de me croire aussi important à tes yeux, mais ta force d’âme ne peut que forcer mon admiration, de même que le courage dont tu as fait preuve. Alors dis-moi, pourquoi hésites-tu maintenant, toi en qui j’ai confiance pour m’assister dans la découverte de mon nouveau nom ?

Tapahari s'était figée en écoutant son mentor, surprise de le voir si éloquent tout à coup, sentant ses joues chauffer sous les compliments à son égard. Il s’agissait de son mentor, du héros de son peuple, d’un Être du Voile vénérable ! Alors être ainsi tenue en si haute estime lui donnait envie de disparaitre sous terre !
Son breuvage fumait, refroidissant rapidementent et risquant de perdre son efficacité si elle attendait trop. Mais elle n’avait plus la tête à se lancer dans un Rituel complexe et potentiellement très risqué pour Béhékine.
La chamane inspira à fond pour reprendre une certaine contenance avant d’expliquer :

- Vos paroles me touchent, noble esprit, mais vous vous méprenez sur mes inquiétudes. Je ne pourrai pas intervenir rapidement en cas de problème ; lorsque l'Echo sera là, je me changerai en serpent.
- Pourquoi ?

A sa voix, Tapahari sut que son mentor avait deviné ce que cette métamorphose impliquait : elle était sourde lorsqu’elle revêtait la forme du serpent, les sons incapables de l’atteindre.
Elle ne pourrait pas entendre les échanges entre Béhékine et l’Echo qui lui apparaitrait, ne pourrait entendre le nouveau nom de son mentor.

- Ce sera mieux ainsi. Ce nouveau nom n’appartient qu’à vous. Je ne veux pas vous le prendre sans votre accord, et risquer de ne pas être digne de ce secret.
- Quelles bêtises racontes-tu ? Tu en es digne, Tapahari.

La  chamane franchit la distance qui la séparait de Béhékine en quelques pas rapides et posa sa main libre sur son museau, l’empêchant de parler davantage. Du coin de l’œil, elle vit les regards surpris des cinq créatures de brume qui venaient de se tourner vers elle, choqués de la voir agir ainsi.
Tapahari expliqua, souriant malgré elle devant l’expression tout aussi surprise de son mentor :

- Inutile d’en débattre, noble esprit. Vous me flattez par votre confiance, mais ma décision est prise. Si un jour, vous voudrez me confier ce secret, je l’accepterai avec joie et en prendrai grand soin. Mais pour l’heure, le futur est trop incertain pour que cela soit sage. Votre nom ne sera un avantage que si vous êtes seul à le connaitre. Le partager est un gage de confiance précieux, mais cela vous affaiblirait.

Elle se força à ne pas trop penser au fait qu’il venait d’utiliser son nom à elle. L’entendre le prononcer lui avait fait remonter un frisson le long de son dos.
Après quelques secondes, l’expression de son mentor s’adoucit, et il inspira et expira fortement par le nez, son souffle chaud caressant la main et le bras de la chamane.

- Soit. Je me range à tes arguments. Mais je compte bien te le révéler plus tard, même si tu n’es pas d’accord.
- Marché conclu pour plus tard. En attendant, nous devrions commencer par appeler l’Echo pour le découvrir, ce nouveau nom. Êtes-vous prêt ?
- Toujours.
- Alors respirez profondément.

La chamane retira sa main du museau du Démon – ses doigts lui parurent tout à coup très froids en comparaison, loin de sa fourrure – puis raviva sa potion en la passant sur la flamme du campement, avant de revenir la déposer juste sous le nez de son mentor.
La fumée qui montait était aspirée par grands volumes, et le démon ne tarda pas à afficher une expression plus rêveuse. Les cinq garçons tout autour se mirent à dodeliner de la tête, en rythme, eux aussi soudain moins vifs.
Tapahari alla s’asseoir à quelques pas, mit son tambourin sur ses genoux et commença à jouer selon un rythme régulier. Puis elle vint caler son chant sur ce rythme, lancinant, hypnotique, sa voix sortant de sa gorge en une mélopée gutturale qui aurait pu passer pour inhumaine s’il n’y avait eu audible au milieu des mots d’une ancienne langue magique répétée des centaines, des milliers de fois, demandant à l’Echo de se manifester pour venir dialoguer avec Béhékine, pour lui permettre de se rencontrer lui-même.
Pendant de longues minutes, rien d’autre ne se passa que ce chant. Le Démon dodelinait de la tête en rythme avec la musique, tout comme les cinq créatures de brume qui ressemblaient de plus en plus à des mirages, des feux follets.
Puis, quelque chose changea autour d’eux et la chamane, sentant que le rituel commençait à faire effet, laissa sa voix descendre tout doucement en volume, pour permettre au dialogue de commencer. Lorsque l'Echo serait visible, elle laisserait tomber le chant pour revêtir sa forme de serpent.
Le reste dépendait de son mentor désormais.

Les sons étaient déformés, distants. La lumière s’était atténuée et les ombres s’allongeaient bizarrement. Le contact du vent dans sa fourrure lui faisait autant de caresses tantôt brûlantes, tantôt glaciales, et il se doutait que s’il cherchait à se lever, ses jambes ne lui obéiraient pas.
Béhékine sentit une pointe d’amusement illuminer le fil de ses pensées qui s’embrumaient. La fumée de cette potion était une drogue des plus efficaces ! La sensation était similaire à celle qu’il avait connue lors de ses phases de sommeil autrefois, alors qu’il était un fantôme dans la brume. Même si plus… pregnante ici, à cause de son enveloppe physique qui gardait en elle les composés chimiques plus durablement.
Il arrivait à garder les idées à peu près claires, autant qu’il pouvait en juger. Ses garçons, en revanche, semblaient complètement dans les vappes, leurs fragments d’Essence à peine conscients pour maintenir leurs enveloppes brumeuses, qui dansaient et se déformaient comme des bougies dans le vent. Ils n’étaient pas en danger. Pas à cause de cela en tout cas. Ils courraient toujours le risque inhérent au Rituel et à une trop grande transformation de Béhékine, mais au moins ce dernier ne serait pas distrait s’ils étaient hors-jeu.

Sa vision avait trop changé sous les effets de la potion pour qu’il puisse toujours la discerner précisément, mais il sentait la présence de Tapahari. Plus que son aide, c’était le fait de la savoir à ses côtés qui le rassurait. Ce n’était pas quelque chose qu’il avouerait à voix haute – trop fier, pour son malheur ! – mais il s’était véritablement attaché à elle après avoir voyagé avec elle pendant ces quelques semaines.
Sans qu’il se rende compte du changement progressif, il s’aperçut avec ses sens altérés qu’une nappe de brume venait de se lever autour d’eux, les volutes enveloppant le genévrier et ses environs proches. Béhékine se rappelait les instructions – mille fois répétées – de la chamane et se contenta d’attendre sans chercher à repérer l’Echo. Car il était certain que le brouillard était dû au Rituel, et non à ses propres pouvoirs.

Après quelques secondes supplémentaires, une silhouette commença à se former au milieu des volutes. Gagnant rapidement en précision, elle s’avança jusqu’à surgir de la brume.
C’était un homme aux longs cheveux noirs, de grande taille, à la barbe bien taillée. Vêtu d’une grande robe d’universitaire par-dessus une chemise tâchée et un pantalon large aux innombrables poches, ses yeux un peu jaunes observaient le Démon bestial avec intensité. Surtout, deux grandes ailes étaient repliées dans son dos, le cuir sombre s’éclairant dans la lumière chiche du feu de camp, à l’exception de cette longue cicatrice plus mat qui zébrait l’aile droite.
L’homme s’arrêta à quelques pas pour l’observer, sans rien dire.
Béhékine sourit. C’était un visage qu’il n’avait pas vu depuis très longtemps.
L’homme sourit à son tour. Exact reflet du sien.

- C’est donc comme ça que je deviens plus tard… j’aurais préféré moins bestial.

Le Rituel semblait faire effet, et Tapahari poursuivit son chant en observant avec intensité les réactions de son mentor. Si la fumigation de la potion ouvrait l'esprit et le rendait capable de communiquer avec l'Echo, c'était sa musique et son incantation qui le forcerait à se manifester en lui donnant de la force et en le liant à la personne sous l'effet des fumées. Par conséquent, elle n'avait que les réactions de Béhékine pour juger de l'apparition ou non de l'Echo et du moment où elle devrait cesser son chant.
Le risque était réel qu'elle en fasse trop et que le Rituel aille beaucoup trop loin.
Aussi, dès qu’elle vit les yeux du Démon se focaliser sur un point en particulier et qu’il souriait, elle sut qu’elle se devait d’arrêter son chant, car l’Echo venait d’arriver. Elle cessa donc aussitôt chant et musique. Le silence retombant sur leur petit campement à l’ambiance bien mystique, elle se concentra sur sa promesse et souhaita gagner en souplesse, pour plonger dans le monde du silence.

Le monde tourna sur lui-même, elle fut aveugle et sourde pendant un instant…
Lorsque ses sens lui revinrent, elle était au ras du sol, son corps de serpent arboricole enroulé sur lui-même. Son mentor lui apparaissait immense sous cette forme, sa signature thermique saturant son sixième sens thermosensible. Ses instincts lui disaient de se rapprocher de lui pour venir profiter de sa chaleur corporelle, mais elle se méfiait ; un coup de patte, même involontaire de sa part dans sa transe, pouvait la tuer. Elle se contenta donc de se lover le plus confortablement qu’elle pouvait là où elle était, gardant ses yeux sans paupières tournés vers son mentor.
Cette forme n’avait pas d’ouïes, et son monde était silencieux, comme elle le souhaitait pour préserver le secret du nouveau nom de Béhékine. La chamane se contenterait d’observer avec attention son mentor avec ses autres sens, pour espérer capter s’il y avait un problème et reprendre forme humaine dans la foulée.
C’était assez frustrant au final, de devoir rester ainsi sur la touche. Mais elle savait que le Rituel de l’Echo était nécessairement solitaire.
Elle espérait juste qu’il n’y aurait pas de problèmes.

- Qui es-tu ?

Le ton de l'Echo était sérieux. Presque cérémonieux.
Béhékine pencha la tête sur le côté, le mouvement lui donnant un peu le vertige dans son état second :

- Je suis Béhékine.
- Faux ! Tu n'est certainement plus Béhékine.
- C'est pour cela que tu es là.
- Tu n'as pas besoin de moi pour ça. Je ne sais rien que tu ignores.
- Tu portes bien ton nom...
- Nous nous ressemblons, pourtant nous sommes foncièrement différents. Alors, qui es-tu si "je" suis Béhékine ?
- Tu as conscience de ce que tu es. Fascinant.
- Je suis là pour t'aider à t'enlever tes putains d’œillères !

Béhékine éclata de rire, pas peu fier de son exploit d'énerver un être mystique comme l’Écho. Il retrouva bien vite son sérieux pourtant pour dire, d'un ton presque aussi sérieux que l’Écho au début de leur échange :

- Merci d'avoir répondu à l'appel.
- C'est dans ma nature.
- Tout de même. Ça me fait plaisir de revoir cette apparence. Après toutes ces années, j'avais oublié mon propre visage... et ces ailes...

L’Écho déploya les ailes membraneuses, pour en montrer tous les détails.
La plus grande avait une envergure de près de deux mètres, l'articulation ressemblant fortement à une main aux longs doigts auquel était attaché la membrane de cuir très fin. Ce dernier était presque transparent, laissant filtrer la lumière crépusculaire.
L'aile blessée ne s'ouvrait qu'à environ un tiers de sa jumelle, l'articulation endommagée - une mauvaise chute au début de son adolescence - rendait impossible un plus grand mouvement. La blessure l'avait coupé du ciel, ne lui permettant que de brefs et douloureux vols, si bien qu'il s'était retranché dans les études, dans les livres, dans la découverte des arcanes.
L’Écho replia les ailes et hocha la tête, de nouveau sérieux :

- J'ai pris l'apparence de Béhékine. Mais assez de bavardages : qui es-tu ?

Le Démon plissa les yeux, réfléchissant un instant. Il avait l'intuition que s'il répondait encore qu'il était Béhékine, l’Écho ne ferait que répéter ce qu'il avait dit plus tôt et la discussion tournerait en boucle. Il était face à une énigme à résoudre. Comme devant un sphinx, il devait chercher la solution pour pouvoir avancer.

- Je suis plus que Béhékine.
- Qui est Béhékine ?

Pour un Membraneux, la suite coulait de source et était intimement liée à lui, à la fois vue comme un don et une malédiction. C'était un secret qui permettait de l'entraver...
Le vieux Démon se sentit sourire presque malgré lui.
Celui qui manipulait la magie en échos...

- l’Écho du silence.
- Et ?

Ah... il tenait quelque chose.
Celui dont la présence était comme la lumière venue des étoiles, lointaine et diffuse.

- Larmes des étoiles.
- Et ?

Celui qui habitait et manipulait la brume.

- L’Épée de brume.
- Et ?

Celui qui avait vu des siècles passer et en verrait sûrement beaucoup d'autres.

- L'âme minérale.
- Et ?

Celui qui existait à la frontière des mondes, entre les vivants et les esprits.

- Celui qui existe entre le jour et la nuit.

Une ombre de sourire sembla apparaître sur les lèvres de l'Echo alors qu'il demandait une énième fois :

- Et ?

C'était là que ça devenait intéressant. Il pensait avoir compris comment fonctionnait cette énigme, espérait aussi être sur la bonne voie et que l'Echo ne le faisait pas tourner en bourrique.
Il venait d'énoncer les composantes du nom Béhékine et, s'il avait eu raison de dire qu'il était "plus" que Béhékine, alors il devait trouver les nouvelles formules qui achevaient de le définir tel qu'il était aujourd'hui.
Quand avait-il changé suffisamment pour hériter d'un nouveau nom ?
Lorsqu'il s'était fabriqué un nouveau corps ? Après une courte réflexion, l'idée apparut peu probable : Siffroy n'aurait pas pu l'invoquer. Et il se souvenait trop bien de la vitesse à laquelle il s'était fait attraper,  de la douleur associée ; autant de signes indiquant que le rituel calibré sur son premier nom avait très bien fonctionné.
Aurait-il changé après sa mise en esclavage ? Il se souvenait de son humeur noire, de cette rage permanente et de ces pensées pleines de morgue... La trahison subie avait-elle suffi pour apporter un changement aussi profond que modifier son nom véritable ? Etrangement, il en doutait, car ce n'était pas la première trahison qu'il avait subie dans sa longue vie, malheureusement...

Le prochain grand bouleversement qui lui vint en tête était bien sûr cette nuit fatidique et sa métamorphose après avoir absorbé un agrégat, où il avait échoué dans l'urgence sous cette forme monstrueuse. Comme lorsqu'il avait crée son premier corps physique à partir de rien, c'était une erreur de sa part dans le rituel qui avait décidé de cette apparence.
Il sentit alors sa poitrine et sa gorge se gonfler. Les mots jaillirent d'eux-même dans un souffle, un râle, comme des évidences, sans qu'il en comprenne le sens immédiatement :

- Le souhait détourné.

L'Echo hocha la tête et, encore une fois, lâcha son "Et ?" qui aurait pu faire rire Béhékine si le démon n'était pas en train de digérer le fait qu'une nouvelle composante de son être venait tout juste de lui échapper.
Les mots résonnaient dans son Essence, nouveaux et pourtant familiers, confortables. Un peu embarrassants aussi, car ils soulignaient son inaptitude à souhaiter quelque chose correctement avec la vieille magie.
Au moins il savait qu'il était sur la bonne voie.
Quel autre événement aurait pu provoquer un changement radical de nom ?

Il réfléchit un court instant, regarda autour de lui.
Ses cinq garçons n'avaient pas bougé, se tenant immobiles, debout ou assis, leurs yeux brumeux perdus dans le vide, emmenés malgré eux dans un rêve éveillé par la potion de Tapahari.
Ils étaient nés par erreur, alors qu'il luttait pour s'adapter à son nouveau corps et à sa magie qui avait aussi été changée. D'abord agacés, vraiment, par ce qu'il avait cru être un échec, et par leurs facéties, il avait songé à les détruire. Mais il avait vite abandonné l'idée, trouvant en leur compagnie une aide précieuse, à la fois physique et mentale, dans ses moments de vie troublée. Ils étaient ses enfants. Artificiels, mais ses enfants tout de même.
De nouveau, cette sensation dans sa poitrine et sa gorge, ce gonflement d'émotions qui jaillirent en mots. Moins surpris, il les laissa échapper et sa voix sonna plus ferme :

- Le faiseur d'éclats.

Il n'eut pas besoin du hochement de tête de l'Echo pour comprendre qu'il avait trouvé la dernière pièce du puzzle.
Les nouvelles composantes de son nom s'imposèrent à lui, leur sens s'ancrant profondément et consciemment dans son esprit, se mélangeant à celles qu'il connaissait déjà. Il sentit une vague de chaleur le traverser, revigorante, comme s'il s'accordait enfin avec ce corps qui était maintenant le sien.
Le démon leva les yeux au ciel, faisant jouer ses muscles. Il se sentait bien. Bien mieux.

- Qui es-tu ?

Il inspira et, alors que la vague de chaleur remontait dans sa gorge, il l'expira dans un rugissement, un mot unique.
Son nom. Son nouveau nom. L'expression de sa nature dans sa forme la plus pure, la plus complète.
Un léger grésillement le fit baisser la tête pour regarder ses pattes, où les marques de d'esclaves, ces runes honnies symbolisant son appartenance à Siffroy commencèrent à disparaître et à se détacher de lui, incapables d'exister maintenant que son ancien nom n'avait plus de sens.
Il les souffla comme on soufflerait sur de la poussière, s'en débarrassant pour de bon, puis éclata de rire.

Il était libre.

L'avantage de la forme du serpent, était qu'elle pouvait aisément rester vigilante : ses yeux étaient sans paupières.
Tapahari se concentra sur les réactions de son mentor, patiemment, sans bouger ne serait-ce qu'une seule de ses écailles. Le Rituel de l'Echo était supposé  être une expérience personnelle d'introspection, solitaire. Elle déformait déjà beaucoup les usages en restant présente alors elle ne tenait pas à se faire remarquer, ignorant ce qu'il pourrait se passer avec un être mystique comme l'Echo si elle se montrait.

La chamane ne percevait pas la forme choisie par l'Echo, et voyait à peine le brouillard qui les entourait. Mais, lorsque son mentor se redressa, le corps tendu comme la peau d'un tambour, puis qu'il souffla sur ses marques d'esclave - les faisant disparaître - Tapahari comprit et souhaita retrouver forme humaine.
Le monde tourna sur lui-même, elle fut aveugle et sourde pendant un instant.
Lorsque ses sens lui revinrent, Elle se redressa pour découvrir que la brume alentour se dissipait. Son mentor gardait les yeux posés sur ses pattes avant et riait doucement, une expression béate visible sur son faciès bestial.

Pour être certaine que le Rituel prenait fin, la chamane se saisit de son tambour et de ses amulettes pour entamer un chant de remerciement. Sa voix résonna moins d'une minute, le temps que l'air se fasse moins lourd et que la magie se dissipe, la mission de l'Echo accomplie.
Tapahari rangea son matériel, essuya la sueur qui lui perlait le front - le Rituel était épuisant et revêtir la forme du serpent aussi - avant de s'approcher doucement de Béhékine. Il n'avait pas réagi à son chant ni à la fin du rituel...

- Noble esprit ? Le rituel est terminé, est-ce que ça a marché ?

Il ne bougea pas ni ne lui répondit plus. Elle s'approcha davantage, inquiète.. Du coin de l'oeil, elle nota la présence des cinqs garçons qui se tenaient immobiles, leurs silhouettes fantomatiques à peine définies.
Cela aurait dû lui mettre la puce à l'oreille mais, tout en se penchant pour tenter de croiser le regard du démon bestial, elle posa une main sur son épaule.

- Noble esprit ?

Enfin, Béhékine releva la tête et plongea ses yeux dans les siens.
De près, son expression béate paraissait vraiment anormale mais ce ne fut pas cela qui tira une exclamation de surprise à Tapahari : les pupilles du démon étaient complètement dilatées, signe qu'il était toujours sous l'influence de la fumigation !
Avant d'avoir eue le temps de réagir, Béhékine bondit et elle se retrouva saisie entre les pattes de son mentor, ce dernier venant frotter son énorme museau contre elle malgré ses cris et ses protestations. Elle était maintenanue par le poids des pattes griffues, de la tête qui l'écrasait presque sous cette démonstration d'affections.

- Merci, merci, merci... je suis libre, libre... merci, jeune fille, merci...

La voix était pâteuse, les mots tournaient en boucle, difficiles à comprendre au milieu du ronronnement grave et des grondements joueurs, du souffle et des coups de museau. La chamane se débattait, gênée d'être traitée de la sorte mais plus elle se débattait, plus cela semblait avoir l'effet inverse et l'encourager à continuer.
Bon gré mal gré, Tapahari finit par se laisser faire.

Après plusieurs minutes, l'effet des herbes se fit plus fort. Les mots de Béhékine se firent incompréhensibles, ses mouvements ralentirent...
Soudain, ses yeux roulèrent dans leurs orbites juste avant que ses paupières se ferment et que sa tête ne retombe... pile sur Tapahari qui se retrouva définitivement immobilisée. Elle tenta vainement de soulever la tête du démon pour se dégager mais elle dut se rendre à l'évidence : elle était forcée de rester là.
Béhékine dormait, le souffle régulier.

Bon, le Rituel était de toute évidence un succès, la nuit était tombée, son mentor se réveillerait avec sans aucun doute un mal de crâne intense et des douleurs articulaires mais elle avait de quoi faire un remède dans son sac.
Tapahari se contorsionna pour ajuster sa position au mieux. Des pattes griffues sous elle comme matelas, la tête de Béhékine comme couverture... la situation était plutôt embarrassante mais elle devait reconnaitre qu'elle avait déjà connue bien moins comfortable.

Une main posée sur le museau de son mentor, elle se posa la question d'importance : et après cette nuit ? Maintenant qu'il était libre, est-ce qu'il irait exercer sa vengeance sur ceux qui l'avaient trahi ? Elle savait les dégàts que pouvaient faire le désir de vengeance, même assouvi.
Pourrait-il retrouver une apparence moins bestiale ?
Et elle ? Cela faisait longtemps maintenant qu'elle était sur les routes pour sa mission, maintenant accomplie. Son île, sa tribu lui manquaient. Elle voulait rentrer chez elle mais... laisser son mentor, le coeur empli de colère, elle refusait l'idée.
...
Accepterait-il de venir quelques temps sur son île ?
Tapahari soupira, rajusta encore sa position, et ferma les yeux, se laissant bercer par la respiration de son mentor.