[Archivé] L'inauguration [libre]

Senea applaudissait poliment. A vrai dire, être ici lui paraissait un peu étrange. Elle ne se serait pas attendue à se retrouver affublée de ce type de mission, pas déjà, mais elle ne s’en plaignait pas. Ceci dit, voir, si près, des pointures de la vie politique elysionnienne lui rappelait étrangement les relents de sa vie pas si lointaine de courtisane.
Comment est-ce que Senea s’était retrouvée en plein cœur de Minos, bien loin de sa très chère académie, mais cependant entourée d’autres étudiants de sa promotion, et au milieu d’un certain nombre de gens qu’elle ne connaissait pas, et ce en pleine guerre ? C’était ma foi bien simple …

Quelques semaines auparavant, des affiches avaient fleuri à l’Académie: on recherchait des participants pour un concours de décoration intérieure. Les gagnants pourraient décorer l’intérieur d’un bâtiment, et cela serait compté dans la validation de leur cursus. Il y avait une réunion dans la semaine, à laquelle elle participa, ainsi qu'un grand nombre d’autres étudiants. Elle fut assez surprise de la personne dont on leur parla: Odéline Belgan.
C’était un nom qu’elle connaissait car cette femme s’était mariée, quelques années plus tôt, au conseiller de la Reine de MInos, Siffroy Belgan. De par cette situation, elle s’était donc plus ou moins volontairement projetée dans la vie publique. Senea étant encore à cette époque à la Cour d’Hypnos, c’était évidemment une information dont elle avait eu vent, et dont à l’époque on avait fait des gorges chaudes. En effet, le vieux conseiller au passé rocambolesque et un peu trouble se mariait soudain à une femme qui paraissait avoir le tiers de son âge, et dont personne ne saait rien, qui sembalit être comme … Tombée du ciel ? Aucun courtisan sain d’esprit n’aurait pu passer à côté de cette information, voyons ! Cependant, la jeune femme était restée discrète et si Senea l’avait parfois aperçue lors de célébrations officielles, elle n’avat jamais eu l’occasion d’aller lui parler, puis avait quitté la Cour. La retrouver ici la surprit, ce qui leur fut présenté encore plus.
Cette jeune femme sans histoire mariée à un conseilelr royal (donc avec très certaienemnt un bon niveau de vie) avait décidé de monter un orphelinat. Elle était soutenue dans cette démarche non seulement par sa souveraine, mais également par le roi et la reine d’Eaque et ce projet semblait dès à présent se présenter comme une collaboration inter-continentale pour le plus grand bien de tout le monde. C’était dans cette optique que ce concours était présenté: afin de proposer un environnement des plus agréable aux enfants qui se retrouveraient à vivre dans cette nouvelle structure.

Mue par une envie de sortir de sa zone de confort, amis aussi motivée par ses camarades, la jeune femme s’était décidée à participer. Elle s’était également dit que si en effet elle décorait cet endroit, son nom figurerait dans les journaux, et peut-être qu’ainsi, Oigean se manifesterait de nouveau. Elle s’en voulait de toujours penser à lui, de toujours espérer un signe, alors qu’il les avait abandonnés son père et elle, mais elle ne pouvait s’en empêcher.
Tout ceci l’avait poussée à se dépasser, et son résultat avait été bon. Elle avait donc fait partie des cinq élèves sélectionnés pour décorer l’endroit, et, au fond d’elle, elle en était ravie. C’était sa première incursion sur le terrain, sa première commande. Cela lui avait confirmé que c’était quelque chose qui l’intéressait vraiment: elle aimait les dessins de grande ampleur, loin de toiles classiques. Cette-fois, elle avait pu déployer toute sa créativité sur des murs, des poutres, des portes, des fenêtres, des plafonds, des sols, et elle avait adoré ça.
Elle avait joué avec la lumière du jour, son côté changeant pour décider des motifs, des couleurs. Elle s'était beaucoup adaptée à l’utilité des pièces pour ce qu’elle voulait évoquer, et il s’était avéré que ce qu’elle avait fait avait beaucoup plu. Il était à présent temps d’inaugurer les lieux (évènement qui avait été retardé pour une raison qu’elle n’avait pas comprise: l’orphelinat aurait dû ouvrir en début d’année, mais finalement le plein coeur du Renouveau avait été choisi comme date symbolique).
Plusieurs discours s’étaient enchaînés, et on arrivait au moment important où le ruban d’entrée était coupé par la Reine; Une fois ceci fait, un torrent d'applaudissements fut déversé, et un certain nombre d’invités purent entrer dans l'orphelinat afin de partager un apéritif de bienvenue. Cela permit à Senea de discuter avec plusieurs personnes afin de ne pas paraître sauvage. Du coin de l’oeil, elle observait qui se trouvait là; elle avait d’ailleurs eu la surprise d’apercevoir la ministre Séléné Saralondë qui n’était définitivement pas l’une des personnalités les plus appréciées de la Cour dont elle ne s’était jamais conformée aux usages. Évidemment, aucun ministre, et certainement pas le roi ou la Reine ne l’avait reconnue. Quitter la Cour était synonyme d’oubli instantané, à moins d’un haut fait très marquant. Elle-même avait rapidement perdu contact avec ses anciens “amis”.   Elle fut plusieurs fois complimentée, ainsi que ses camarades, sur son travail de décoration, et lorsqu’elle eut jugé avoir serré assez de main et assez souri poliment à des inconnus pour la journée, elle commença à prendre la tangente, se dirigeant doucement mais sûrement par étapes successives, vers la sortie. Elle faisait en sorte d’éviter de croiser trop d’officiels ou de rappels de son ancienne vie. Elle se rendait bien compte aussi qu’elle avait peu discuté avec ses camarades ou leurs invités, mais il y avait un peu trop de monde dans ce petit endroit pour qu’elle se sente complètement à l’aise. En plus, les enfants, ça n’était pas trop son truc.

Lorsqu’elle franchit la porte, la foule s’était dissipée, les badauds étant retournés à leurs occupations. Elle avait pour projet de tranquillement marcher jusqu’au portail le plus proche, en profitant de la beauté de l’architecture minosienne, qui avait toujours un côté mignon et accueillant très peu présent sur Hypnos.

[Vous pouvez avoir été dedans avec elle, la croiser sur le chemin, ou même une fois de retour à Hypnos, à l’Académie, auquel cas je changerai juste le sujet de place ! ]

Eulalie réfléchissait calmement, elle avait un objectif à atteindre ce week-end, une technique de création à maîtriser parfaitement d’ici la semaine suivante et ne pourra donc pas retrouver sa famille les deux jours suivants. Elle réfléchissait à l'endroit idéal pour travailler, et une idée lui vint. Elle avait toujours entendu parler de Minos comme d’un continent parfait, mais tout cela n'était que mystère pour elle. Ayant eu une enfance peu aisée à cause des moyens financiers faibles pour la grande famille qu’ils formaient, Eulalie avait très rarement voyagé.
La jeune étudiante décida d’aller sur Minos d’une part parce qu’elle voulait se faire sa propre opinion de ce continent qui la faisait rêver depuis l’enfance et d’autre part, car, qu’y a-t-il de mieux pour étudier l’art de la création qu’un des beaux parcs tant réputés d’Elysée ?

C’était donc en ce beau jour de printemps, qu’elle se retrouva seule sur un continent inconnu. Il était vrai que l’étudiante éprouvait de l’angoisse, mais l'excitation et l’impatience prenaient le dessus.
Elysée avait l’air si vivant avec ses commerces ouverts qui accueillaient un nombre incalculable de personnes, sans qu’aucuns passants ne doivent jouer des coudes tellement il y avait de place. L’air était si pur, les allées, les parcs et les rues étaient colorées par des fleurs de toutes variétés et de toutes les couleurs :

*Le paradis doit être similaire* se disait-elle.

Tandis qu’Eulalie se promenait tranquillement, de rues en rues, de parcs en parcs, elle eut l'idée d’aller s’acheter un pique-nique et de se poser dans un endroit paisible pour créer ce qu’il lui passait par la tête, sans oublier de faire son devoir sur la Création.
La jeune femme se retrouva donc devant une boulangerie de laquelle s’échapait une odeur de croissant très apaitissante. Elle y entra, avec un objectif précis : ne pas acheter tous les croissants ! Quand elle ressortit, son objectif était plus ou moins réussi…
La Créatrice partit donc, la bouche pleine de saveurs délicieuses, en direction d’un parc peu fréquenté. Là bas, allongée dans l'herbe fraîche, elle pensa à sa famille, à ses études, à ses différents choix…

Environ une heure plus tard, elle se réveilla en sursaut, d’ordinaire Eulalie ne faisait jamais de sieste, dormir en journée n’était pas son truc. Pourtant, ce jour-là, la sieste l'avait envahie et il n’y eut aucune trace de résistance de sa part.
La Créatrice se décida enfin à s'entraîner pour la semaine suivante et il était tard dans l’après-midi lorsqu’elle prit la décision de se diriger vers le portail le plus proche pour repartir à l’académie.
Sur le chemin, elle entendit des conversations à propos d’une certaine inauguration et se demandait ce dont il était question.
Elle eut sa réponse en arrivant sur les lieux, un orphelinat venait d’ouvrir, il y avait un grand nombre de personnes sur place et elle n’arrivait pas à se sortir de cette foule. A cet instant elle repéra un étudiant de l’académie, Eliott, qu’elle connaissait plutôt bien et qui s'approcha d’elle :

“Hey ! Eulalie ! J’ai participé au projet de décoration de cet orphelinat, tu veux venir voir ?”

*Tant qu’à être ici, autant entrer dans l’orphelinat puisque que cette visite lui était proposée* pensait-elle.

Elle répondit donc :

“Oh ! Eliott ! Oui avec plaisir ! Je te suis.”

L’intérieur était absolument magnifique, du sol au plafond en passant par les meubles et la décoration.
Alors qu’Eulalie observait, elle repéra une femme, plutôt jeune, mais n’en était pas certaine car celle-ci se trouvait de dos. Quelqu’un venait de l’appeler du nom de Serea ? Senea ? Eulalie avait mal entendu.

Après avoir fait un tour rapide et salué son ami, Eulalie sortit avec l’envie d’attendre que cette femme sorte pour la voir de face. Dehors, la foule s’était un peu dissipée et on y voyait plus clair. Elle alla donc se poster à environ cinq mètres de l’orphelinat dans un endroit un peu reculé.
Quand cette femme supposée être Serea ou Senea, sortit, Eulalie la vit : Elle avait un corps si parfait, une chevelure blonde magnifique, et ses yeux….au grand regret d’Eulalie, l’inconnue ne regardait pas dans sa direction.
Cette dernière avait un visage familier pour Eulalie, mais impossible pour elle de se rappeler où est ce qu’elle l’avait déjà vu.
Eulalie l’observait toujours, et ne se rendit pas compte que le nombre de personne diminuait et qu’elle se retrouva bientôt seule en la regardant qui commençait à partir….dans....sa direction ! Trop tard ! La jeune femme au nom inconnu avança vers Eulalie qui la fixait d’un regard insistant sans y prendre garde.

Senea avait une drôle de sensation. Elle sentait comme quelque chose qui pesait sur elle, et ce dès ses premiers pas hors de l’orphelinat. C’était une sensation qu’elle connaissait, pour l’avoir ressentie de nombreuses fois lors des années passées à la Cour d’Hypnos, où chacun s’observait sans cesse à la dérobée, s’épiait, et passait son temps à répandre des rumeurs. Cependant, elle n'aurait pas pensé y être confrontée dans les rues de Minos, et un désagréable frisson parcourut son échine. D’instinct, elle chercha à trouver qui l’examinait ainsi, zyeutant dans toutes les directions sans cesser de marcher.
C’est alors qu’elle croisa deux grands yeux noirs dans un recoin. Ils appartenaient à une jeune fille qu’elle aurait juré avoir déjà aperçue auparavant, et qui était là lors de l’inauguration, invitée par un de ses camarades. Elle fronça ses sourcils blonds, se demandant pourquoi diable cette fille l’examinait ainsi. Il y avait un souci avec sa robe ? Un peu agacée d’être ainsi fixée, elle changea de direction, et alla se poster face à elle.

Bonjour. Je peux t’aider ?

Son ton n’était pas vraiment sympathique, mais plutôt froid, presque un peu cassant. On y sentait assez clairement pointer son agacement. Pourquoi la regarder avec tant d’intensité, alors qu’elle aurait juste pu venir lui parler lors de la cérémonie ?

Eulalie ne se rendit pas compte que la presque inconnue venait vers elle, en effet, elles se trouvaient maintenant assez proches l’une de l’autre pour mieux s'observer. De voir cette femme de si près permit à Eulalie de voir ses yeux d’un bleu si clair, si pur, si.... d’après elle, les mots ne suffisait pas à les décrire. Cela lui permit aussi de confirmer qu’elles s’étaient toutes deux déjà croisées quelque part. Une question demeurait pourtant dans son esprit : Où l’avait-elle vue auparavant ?

La Créatrice sursauta quand la femme à la chevelure blonde se mit à lui parler d’un ton qu’elle n’aurait pas imaginé.

Et puis l’image de sa cousine, Stella, lui vient en tête et c’était seulement là qu’elle comprit l'agacement de son interlocutrice. Eulalie avait cette fâcheuse tendance à regarder les gens de travers sans se rendre compte de rien et Stella avait pour habitude de le lui faire remarquer.
Elle lui répondit, confuse:

“Bonjour. Excuse mo… euh non… Veuillez m'excuser de vous avoir scruté avec insistance, j’ai pris cette mauvaise habitude étant petite de fixer les gens et je n’arrive pas à m’en défaire. Il faut dire que ta...euh...votre beauté, si vous me permettez, et le sentiment que je vous connais n’ont pas aidé.
Et euh...enchantée, je m’appelle Eulalie !”

A cet instant, Eulalie se sentit rougir, heureusement pour elle, sa peau mate masquait un peu les rougissements. Elle se sentait vraiment bête à bafouiller, ne sachant pas s’il fallait tutoyer ou vouvoyer cette jeune femme.

La jeune fille eut l’air surprise de se faire ainsi interpeller, un peu désorientée même pendant un instant. Ceci décontenança même un peu Senea: pensait-elle vraiment ne pas être remarquée à fixer ainsi les gens ? Mais, lorsque l'inconnue aux grands yeux sombres prit la parole, son étonnement fut plus grand encore: elle ne se rendait manifestement pas compte de ce qu'elle faisait et de sa propre impolitesse, et était toute confuse face à elle, alternant même vouvoiement et tutoiement. Face à cette situation inattendue, Senea éclata d’un rire franc, pas moqueur pour un sou, mais peut-être légèrement surpris, et un tantinet soulagé.

Du calme enfin ! Tu peux me tutoyer, ne t’en fais pas: on doit avoir le même âge ou presque ! Je m’appelle Senea, Senea Greimhridh. Enchantée de te rencontrer, Eulalie. Ne t’en fais pas je ne t’en veux pas. C’était juste un peu étonnant, et j’ai tendance à régir un peu vite.

Elle lui sourit, ses yeux pétillaient.

C’est étrange, car moi aussi j’ai l’impression de t’avoir déjà croisée, avant l'inauguration je veux dire. Tu y es venue avec Eliott, c’est ça ?

Déconcertée et confuse, voilà comment se sentait Eulalie face à cette femme qui venait d’éclater de rire. D’autant plus qu’il fut impossible pour Eulalie de déterminer s'il fallait qu’elle rit aussi. C’était donc à moitié en riant et à moitié en dévisageant (encore) Senea qu’elle lui répondit :

“Non, non, c’est ma faute…
Enchantée, Senea, ravie de faire ta connaissance malgré les circonstances !
Oui, Elliot m’a proposé de me faire visiter, vous avez fait un très bon travail, j’espère que les enfants qui vivront dedans s’y sentiront bien.
Ah ! Ça me rassure de ne pas être la seule à avoir cette impression, je me croyais folle !
Je suis désolée, mais il va falloir que je te laisse, il commence à se faire tard et je dois rentrer à l’académie d’Eaque.”

Senea lui sourit.

Merci pour tes compliments. J’espère moi aussi qu’ils y seront bien.

Puis Eulalie mentionna qu’il allait lui falloir rentrer.

On peut y aller ensemble si tu veux ! Je pensais rentrer aussi de toute façon.

Et joignant le geste à la parole, elle commença à marcher.

Ca fait longtemps que tu es à l'Académie ? Tu es dans quel cursus ?

Tout en déambulant, elle admirait intérieurement la splendeur des maisons minosiennes. Cela se sentait que ces gens n’avaient jamais eu à craindre les guerres et les destructions et qu'ils bénéficiaient d’un système bien plus équitable que les autres. Tout semblait cossu et paisible, chacun semblait se sourire en permanence, et elle ne parvenait pas à imaginer des drames, des disputes et des tragédies dans ce quartier. Cela respirait une vie simple et tranquille.

Eulalie se mit à marcher à côté d'elle et était contente que Senea ne la prenne pas pour une folle, elle lui répondit donc, plus détendue :

“Je suis en première année dans l’art de la Création, c’est tout nouveau pour moi de me retrouver ici, je n’étais presque jamais partie de mon petit village”

Eulalie soupira intérieurement, elle avait DÉJÀ faim et le bruit que faisait son ventre lorsqu’elle avait vraiment faim n’était pas très adapté quand elle parlait avec quelqu’un, qui plus est avec une jeune femme relativement charmante comme Senea. Comment allait-elle faire ? C’était un réel problème bien qu’il puisse sembler anodin, Eulalie était encore traumatisée de la fois où à l’école son ventre avait gargouillé et tous les élèves de la classe s’étaient tournés vers elle en la dévisageant.

*Il faut que je trouve une boulangerie au plus vite*

Trop tard. Le premier bruit avait retenti. Pourquoi fallait-il toujours que quelque chose arrive alors que tout allait bien ? Senea avait-elle entendu ? Eulalie ne savait pas si elle devait s’excuser ou s’il fallait qu’elle fasse comme si rien ne s’était passé.

Alors qu’elles bavardaient en se dirigeant vers le portail, il y eut soudain un bruit qui, s’il fit écarquiller les yeux à SEnea, donna un air tout piteux à Eulalie. La Fille de l’Eau éclata de rire, en comprenant que c’était l’estomac de sa nouvelle rencontre qui venait d’émettre un tel bruit. Lorsque son rire se tarit, elle se tourna vers la jeune femme, le regard pétillant:

Tu as faim ? Tu n’as pas profité des petits fours à la cérémonie d'ouverture de l’orphelinat ?

Puis elle prit conscience du regard d’Eulalie:

Je ne me moque pas de toi ! ajouta-t-elle précipitamment, se rendant compte de l'effet que cela pouvait faire que quelqu’un rie alors qu’on était soi-même en pleine gêne. J’ai juste été surprise.

Elle lui fit un sourire rassurant.

Si tu veux, on peut s’arrêter manger quelque chose quelque part ! Après, tout c’est l’heure du repas. Je ne connais pas bien Elysée, mais on trouvera sans aucun doute; on peut aussi retourner à Hypnos et manger là-bas si tu veux ! Je connais quelques endroits sympas, à force.

Elle sourit gentiment à Eulalie. Décidément, depuis qu'elle avait quitté la Cour, elle était devenue quelqu’un d’autre, s’adoucissant beaucoup. Ce n’était pas vraiment pour lui déplaire: Eulalie avait l’air sympathique, et elle ne lui aurait sans doute jamais adressé la parole lorsqu’elle était encore courtisane.

Plus de doute possible, Senea avait bien entendu et riait aux éclats. Malaise. Ce n'était pas la première fois que des gens se moquaient d’elle à cause de ça et Eulalie ne fut pas vraiment surprise, il faut dire que le bruit qu’émettait son estomac était particulièrement bizarre et fort.
Le moment d’étonnement passé, elle lui répondit :

“Non je n’en ai pas mangé, à vrai dire j’ai juste observé les pièces avant de te voir et je suis sortie”

Eulalie fut soulagée d’apprendre qu’en fait Senea ne se moquait pas d’elle, effectivement ce bruit avait dû la surprendre. C’était en reprenant son sourire habituel, qu’elle lui dit :

“Oui ça me ferait plaisir ! Je ne connais aucun des endroits pour manger que ce soit ici ou à Hypnos alors je te laisse me guider !”  

Elle se demanda ce que ses parents auraient pensé s’ils savaient que leur fille allait manger avec quelqu'un qu’elle connaissait à peine. Et puis Eulalie se dit qu’ils n’avaient pas besoin d’être au courant, maintenant elle était grande et pouvait faire ce qu’elle voulait, il fallait qu’elle perde cette habitude de se demander ce que diraient ses parents à la moindre chose qu’elle allait faire ou non.
Tout en continuant à déambuler dans les rues de Minos avec Senea, elle repensa à cette dernière et se dit qu’elle allait peut-être pouvoir se faire des amis, malgré sa timidité, plus tôt qu’elle ne l’avait pensé.

Le sourire de Senea s’élargit un peu.

Alors c’est parti !

Elle venait sans doute de se faire une nouvelle amie, qui appréciait ses créations, qui était à la même fac qu’elle, et en plus elles allaient manger … Que demander de mieux sincèrement ? C’est ainsi que quelques minutes plus tard elles se retrouvèrent attablées dans un restaurant Elyséeen, dont le patron venait d’ouvrir cette antenne. Senea connaissait en effet son établissement, qui était situé dans une des venelles à l’Est d’Hypnos et était réputé pour ses très bons produits de saison, en proposant une cuisine à la fois traditionnelle et moderne, sans être trop cher (ce qui, depuis qu'elle n’était plus à la Cour était un critère important). sans cesser de discuter avec Eulalie, elle étudia un peu la carte, et fit facilement son choix, décidant de manger un plat à base de fruits et légumes typiquement minosiens de cette saison, parfois difficiles à trouver à bas prix sur Eaque, arrangés en différentes textures dans un plat se rapprochant du ramen de l’ancien monde. Lorsque le serveur eut prit sa commande, elle sourit de nouveau à sa nouvelle compagne.

Tu me disais venir d’un village ? d'Eaque ? Tu es arrivée dans la capitale il y a longtemps ? Tu te fais au changement de rythme, ça va ?

Ses questions étaient sincères: elle savait combien il pouvait être difficile de s’arracher à son quotidien.

Ce fut dans un endroit fort sympathique que Senea emmena Eulalie. Une fois installées à une table et la carte en main, cette dernière essaya de choisir rapidement un plat. Ce qui pourrait sembler simple, sauf qu’avec Eulalie, choisir quand il s’agissait de nourriture s'avérait vite compliqué. Il y avait beaucoup trop de choses qui lui faisaient envie. Voyant que sa nouvelle amie ne tardait pas à faire un choix, la créatrice finit par se décider pour des lasagnes sous les yeux interrogatifs du serveur visiblement peu disposé à attendre; ce qu’elle comprenait tout à fait vu le nombre de clients attablés.

Elle se faisait une joie d’être là et répondit aux questions que lui posait Senea avec plaisir.

“Oui, je viens d’un petit village d’Eaque dans lequel je vivais avec mes parents et mes frères et sœurs. Je suis arrivée ici il y a peu, pour le début de l’année scolaire et effectivement il m’a fallu un peu de temps d’adaptation avant de me sentir bien. Et toi, tu viens d’où ? ”

Quand elle eut fini de parler, elle se demanda si c’était une bonne idée d’avoir posé cette question à sa compagne, c’était peut-être un peu indiscret ? Son inquiétude fut vite dissipée par l'arrivée du serveur qui apporta une corbeille de pain dont l’odeur était alléchante. Eulalie ne tarda pas à piocher dedans tant elle avait faim et ce fut un pur régal, elle avait maintenant hâte que ses lasagnes arrivent pour y goûter.

Très bon choix, commenta Senea quand Eulalie prit des lasagnes. En général, elles sont très goûteuses, moelleuses et crémeuses à cœur et bien gratinées dessus.

Elle sourit à sa nouvelle amie, et écouta ses explications sur ses origines, qui lui firent hocher la tête.

Je comprends. Ce n’est pas forcément facile au départ. Moi, la ville ne m'effrayait pas, j’ai toujours vécu à Hypnos, mon père travaillait au palais. Mais quitter le palais et la Cour, pour venir étudier ma passion, ça a été un sacré challenge. En général, ceux du palais ne s’en éloignent pas, de peur de ne pas pouvoir y revenir. Personnellement, je me suis rendue compte que je préférais étudier à l’Académie, plutôt qu’être là-bas, mais au début ça été assez difficile. Tout était si différent de ce que je connaissais ! J’imagine que ça a dû te faire le même effet, pour des raisons différentes.

Elle lui sourit de nouveau, et attrapa un pain, qu’elle fit passer d’une main à l’autre, avant d’en casser la croûte pour le grignoter. Elle servit aussi un verre d’eau à chacune d’entre elles.

Tu connais déjà du monde, ici, tu as de la famille à l’Académie ? Ton village ne te manque pas trop, tu arrives à rentrer voir les tiens?

La jeune fille prit une gorgée d’eau, assez fraîche.