[Terminé] L'épopée disparue [pv Senea]

La lutte contre son propre sommeil, ou en tous cas le sommeil magique induit par cet endroit, était manifestement acharnée pour Snow. Il fallait bien admettre que Senea devait, elle aussi, combattre l’engourdissement qui l’immobilisait peu à peu, la langueur dans laquelle elle aurait adoré se lover. Ce n’était pas pour rien qu’elle parlait à Snow ainsi: elle faisait en sorte de lutter contre leur fatigue à tous les deux, concentrant son propre esprit sur les pensées à formuler et espérant que sa voix guide Snow pour l’empêcher de se rendormir. Manifestement, cela fonctionnait, au vu des mouvements et des grognements du jeune homme, au vu du tableau également. Lorsqu’enfin il grogna vraiment, relevant le cou, s’arrachant à l’étreinte de Senea, celle-ci n’en prit cependant pas ombrage, et ne fit pas un pli lorsqu’elle comprit qu’il attendait d’elle qu’elle monte sur son dos afin qu’ils puissent partir de cet endroit: après tout, c’est ce qu’elle attendait depuis qu’elle l’avait trouvé là. Alors, sans plus hésiter, elle monta sur lui comme on serait monté sur un cheval, prenant appuis sur ce qu’elle pouvait afin de se hisser en croupe sur les écailles nacrées. Une fois prête, installée, elle le caressa un instant, comme pour le remercier en lui disant:

“C’est bon, je suis prête. Vas-y. Partons d’ici.”

Elle espérait simplement qu’il serait assez en forme et assez réveillé pour ne pas tomber en plein vol, pour ne pas s’écraser.

Il luttait profondément pour agiter ses doigts griffus, il les faisait grincer sur le carrelage en grognant alors que ses yeux se refermaient de nouveaux. Quelle difficulté surréaliste. Il fit claquer plusieurs fois sa queue sur le sols alors qu'il s’efforçait de déployer ses ailes. Il sentait ses pulsations s'accélérer et le sans pulser à travers ses veines. Les grincements sur le carrelage se voulait de plus en plus strident si bien que ses griffe crispées en détacha quelques carreaux, marquant des tranchées profondes dans les sol. Il grogna de plus belle, concentrant tout son énergie sur la simple tache de se lever. Sa queue claqua de nouveau plusieurs fois sur le sol et sur le mur du fond détruisant au passage quelques peinture que son esprit avait formé. Ses ailes qui venaient de finir de s'étendre se mirent alors à fendre l'air comme pur décoller. Son regard à demi focus fixait aussi intensément qu'il lui était possible la gigantesque baie vitrée qui se trouvait non loin de là. Il se redressa doucement et à demi rampant il avança vers celle ci. Plus il gagnait de vitesse mieux il se tenait. QUand il arriva à proximité de la baie vitrée il se redressa de tout ce que la hauteur de la salle lui permettait et d'un puissant coup de corne, il fait voler en éclat les vitres millénaire. Il poussa un long hurlement comme pour finir de se convaincre de ne pas retomber de sommeil et... S'élança vers le vide toute voile dehors. Le balcon surplombait une falaise abrupte et leurs altitude baissait déjà dangereusement. Il battit des ailes plusieurs foir pour tenter de les garder à flots mais la tâché tait ardue, car il ne devait pas désarçonner sa dame. Finalement, il réussit à se mettre à planer vers le lointain!

Il y eut plusieurs mouvements erratiques, patauds, balourds, accompagnés de crissements qui lui donnèrent la chair de poule et lui hérissèrent chaque poil tout en lui faisant grincer des dents de douleur face à cette dysharmonie agressive. Et soudain, sa queue fouetta l’air, ses ailes claquèrent, et il se mit à courir.
D’abord lent, il prit de la tresse alors que Senea se couchait contre les écailles, la joue contre l’une d’elles. Voyant approcher la baie vitrée dangereusement, elle rentra par réflexe la tête dans les épaules avant de fermer les yeux le plus fort possible. Evidemment, il ne ralentit pas, et il ne fallut qu’un instant pour qu’elle entende un son de bris de verre, et à peine une inspiration pour que soudain son estomac ne remonte à son coeur et celui-ci ne se retrouve dans sa gorge alors qu’elles était parcourue de centaines de milliers de picotements qui hurlaient sa peur: ils venaient de s’élancer dans le vide.
Evidemment, elle resserra les jambes sur Snow, contractant tous ses muscles alors qu’elle se sentait tomber, crispant ses mains, comme si cela pouvait aider. Ils tombaient à pic dans les montagnes, et il fallut plusieurs battements d’ailes assourdissants à Snow pour parvenir à redresser la barre, à faire en sorte de défier la pesanteur.
Pour la première fois, Senea découvrait des sensations de vol. Les battements de son coeur se régulèrent alors qu’elle sentait un air froid lui caresser le visage, à présent qu’ils avaient arrêté de tomber. La lumière filtrait à travers ses paupières, et, en les ouvrant, elle découvrit avec un certain enchantement la lumière abrupte du milieu d’une journée du coeur de Danien qui recouvrait le monde jusqu’au l’horizon, éclairant plus loin qu’elle n’aurait jamais imaginé voir. Très vite pourtant, le Soleil lui fit monter les larmes aux yeux, et elle cria à Snow de se diriger vers le Nord: ainsi, elle ne deviendrait pas aveugle.
Sous eux, les montagnes défilaient, et peu à peu se transformèrent un amas de pierres, puis en désert: ils survolaient Phobos. Elle ne savait pas du tout à quelle vitesse ils volaient, ni combien de temps il leur faudrait pour atteindre Thanatos, située sur cette partie-là du continent Rhadamantien. Quoi qu’il en soit, Snow était parti dans la bonne direction: en allant vers l’Ouest, ils se seraient retrouvés à devoir traverser l’Océan pour gagner Minos … et elle n’était pas du tout certaine d'avoir envie de faire un tel trajet à dos de dragon mal réveillé.
L’air froid, glacial même, s’était transformé en brise tiède: Senea n’avait aucun doute, en bas, c’était la fournaise. S’ils s'arrêtaient là, ils se dessècheraient en moins de temps qu’il n’en faudrait pour le dire … Et pourtant c’était indispensable: elle n’avait aucune envie de tester la sympathie des gardes de Thanatos face à un dragon et de finir embrochée car montant un gros lézard ailé, merci bien. Il fallait donc, impérativement, que Snow parvienne à re-trouver forme humaine avant qu’ils puissent envisager passer un portail pour rentrer sur Eaque … et que Senea puisse se rendre au travail. Quitte à devoir affronter sa patronne, elle se demandait si elle ne préférerait pas être tirée comme un lapin par la garde de Thanatos …

“Snow, arrêtons-nous à la première oasis.”

Elle lui avait suggéré cela en se penchant vers lui, se demandant bien ce qu’il percevait de ce qu’elle lui disait. Coup de chance, il ne fallut pas longtemps pour que se profile un de ces havres du désert, facilement identifiable par plusieurs palmiers dattiers dont le volume comme la couleur contrastaient avec l'uniformité du désert le plus inhospitalier d’Elysion. La jeune fille indiqua cela à Snow, et serra les fesses en espérant un atterrissage pas trop difficile.