[Terminé] Une Belle échappée [Libre]

[J'accepte les compliments pour le titre de ce sujet. ^^
Totale dédicace à Théophile sur ce jeu de mots.]

Sur le char de la Reine de Minos qui progressait lentement dans la foule du Carnaval, à quelques pas derrière la monarque, Sorga se tenait droit en se creusant les méninges.
Dame Beldura ne goutait pas à la fête : cela se voyait tellement que l'homme-lézard se demandait pourquoi personne d'autre que lui semblait le remarquer.
Mais la question était la suivante : pourquoi ?
Le Carnaval était source de milles divertissements : la jeune monarque aurait dû y trouver là l'occasion de se vider la tête, d'oublier un peu l'emploi du temps que sa fonction lui imposait sans cesse. Une journée où on pouvait tout oublier, et jouer à être quelqu'un d'autre...

Seulement...
C'était toujours un déguisement de Reine qu'elle portait. Des gardes se tenaient toujours à proximité pour assurer sa protection. Et le char était tel le balcon sur lequel certaines apparitions et discours se faisaient. La Reine de Minos restait comme telle, même pendant ce Carnaval.
Sorga comprenait du coup, son air maussade.
Et cela le faisait bouillir intérieurement.

Elle avait le droit aussi, de se mêler à la foule, de se déguiser, de danser, de jouer, de crier et chanter des chansons idiotes jusqu'à en avoir mal à la gorge, d'admirer au plus près les danseurs et acrobates...
Tant qu'elle serait sur le char, la Reine serait forcée de rester la Reine.

L'homme-lézard mit une main dans son sac, en sortit une balle de papier noir agrémentée d'une mèche...
Fabriquée pour les cas d'urgence par ses soins... c'était sûrement le moment idéal pour l'utiliser.
Il s'approcha de la Reine assise, et se pencha pour murmurer à son oreille :

- Carnaval pas fait pour rester sur char. Ce être jour folie. Sorga proposer nous partir, trouver déguisement et voir vrai visage Carnaval.

Il eut un sourire espiègle.

Elle répondait distraitement et poliment aux saluts qu’on lui faisait, le regard toujours un peu vitreux, un peu triste. Les domestiques et les gardes autour d’elle étaient tout aussi impassibles, parfois un peu plus joyeux, il est vrai. Mais les vrais heureux étaient en bas. Ils riaient, dansaient, sautaient, chantaient, s’amusaient, se rencontraient. Etrangement, elle n’éprouvait pas que de l’envie. Il y avait aussi de l’angoisse. Si elle allait là-dedans, elle serait seule, à leur merci et … cette idée, qui la terrorisait, la fit frissonner.
C’est alors que Sorga, dans son langage particulier, s’adressa à elle. Il lui proposait, tout simplement de s’amuser, de voir le vrai visage de Carnaval, le tout assorti d’un sourire espiègle, légèrement inquiétant pourtant –sûrement était-ce dû aux dents-. Elle le regarda, étonnée, et lui sourit.

- D’accord. Mais uniquement si vous me promettez de rester avec moi, de ne pas me laisser seule, quoiqu’il arrive.


Avec lui, elle se sentait en sécurité.

Sorga sourit de plus belle, accrocha sa lance dans son dos et sortit de son sac le briquet à amadou qui ne le quittait jamais.

- Sorga promettre jamais laisser Dame Beldura seule. Sorga demander Dame Beldura excuser Sorga pour quoi devoir faire... Sorga conseiller vous fermer yeux et compter jusqu'à vingt.

L'homme-lézard se redressa, jeta un oeil aux alentours : il y avait une petite ruelle sur la droite du char, que ce dernier allait bientôt dépasser... Peu de monde à l'intérieur et juste devant. Il se souvenait à peu près de ce qui se trouvait dans la rue suivante...
Il alluma la mèche de sa curieuse boule de papier grâce à son briquet, compta trois secondes, puis la lança discrètement à l'avant du char.

Il y eut une petite explosion, comme un pétard, et le char entier se retrouva plongé dans un nuage de fumée blanche, parcouru par des étincelles plus lumineuses qui volaient en tous sens comme des lucioles brillantes. La foule se mit à crier, de joie, de surprise. Rien ne pouvait provoquer la peur pendant un Carnaval...
Les gardes et domestiques du char réagirent plus vite, mais ne purent que constater l'absence de la Reine et de Sorga.

Ce dernier, arrivant dans une rue parallèle un peu essoufflé, déposa la Reine sur le sol.
Ils étaient en face d'un petit magasin de costumes, masques et vêtements...

Sorga lui sourit, et accrochant sa lance dans son dos, sortit un briquet à amadou. Un … briquet ? Comptait-il utiliser le feu ? Belle sentit la peur se distiller dans ses veines. Il promit, lui demanda de l’excuser, et lui conseilla de fermer les yeux, et de compter jusqu’à vingt.

- D … D’accord.

Elle s’exécuta alors, et sentit une légère odeur de brûlé, ce qui fit augmenter son rythme cardiaque encore un peu. Puis il y eut du bruit, des rires, des cris, mais elle était emportée. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle était dans les bras de Sorga qui, d’ailleurs, la déposa presque immédiatement au sol, face à un magasin de costumes et masques. Elle le regarda un instant, vacillant un peu sur ses jambes, bne comprenant pas vraiment ce qu’il s’était passé.

- Que … Comment avez-vous fait ?

Décidément, non, elle ne comprenait pas comment ils s’étaient si vite écartés de la rue principale. Mais son cerveau commençait déjà à s’activer : bon sang, comment allait-elle pouvoir s’habiller, se changer, pour ne pas être reconnue ? Il y avait tellement de choses dans la vitrine …

[Hippie ? Arlequine ? Danseuse ? Autre chose que mon cerveau absolument pas fertile mais plus tout à fait stérile n’a pas trouvé ?]

- Sorga juste courir.

L'homme-lézard souriait, toujours un peu espiègle, devant l'air perdu de la Reine.
Détourner l'attention et agir, c'était le ba-ba du chasseur.
Et... de pleins d'autres métiers moins... recommandables, bien sûr.

Il y avait moins de monde dans cette rue qui du coup semblait presque déserte et silencieuse en comparaison de celle où avait lieu la parade. Les quelques passants, tous déguisés, ne prêtèrent quasiment pas attention à la Reine et l'homme-lézard, sauf peut-être pour admirer leurs "déguisements" respectifs.
Les yeux de Sorga se perdirent un instant dans la multitude de costumes qui se laissaient admirer dans la vitrine du magasin.
Il pencha soudain la tête sur le côté, comme à l'écoute de quelque chose, puis il s'avança jusqu'à la porte de l'échoppe.

Une clochette tinta lorsqu'il l'entrouvrit, avant de s'écarter du passage, tenant toujours la porte ouverte, et de sourire de plus belle à la Reine.

- Ce être sûrement bon endroit pour trouver nouveau déguisement, vrai ?

Beldura regarda son serviteur avec effarement. Il l’avait portée et avait courru avec elle dans les bras. Elle lui sourit.

- Merci.

Les gens passaient rarement et ceux qui étaient là les regardaient à peine, considérant leurs tenues comme des déguisements. Elle hocha la tête aux paroles de Sorga et lui sourit. Elle passa la porte qu’il lui tenait.

- En effet Sorga. Merci beaucoup. Vous êtes … génial.

Elle lui sourit, et regarda autour d’elle, épatée par tous ces costumes. Le vendeur s’approcha d’elle.

- Mademoiselle ?

Elle sursauta, étonnée de voir quelqu’un jaillir près d’elle.

- Vos cherchez un costume ?

Elle hocha la tête, toujours impressionnée.

- Il y a en tellement ici … Regardez, prenez votre temps !

Le vendeur s’éloigna. Elle regarda Sorga.

- Vous avez ... une idée ?

Elle était entourée de costumes, et ne savait que choisir, qui puise leur permettre de se fondre dans la masse joyeuse et bariolée.

Sorga effleura du bout des doigts plusieurs costumes, testant la qualité des tissus et des matières sous ses écailles. Il resta là un instant, se grattant le menton d'une griffe, le regard perdu dans la contemplation de la montagne d'habits différents.
Une idée...
Pas facile.

- Sorga pas doué pour faire conseil tenue. Penser juste être important couvrir cheveux. Moins Dame Beldura être reconnaissable, plus longtemps pouvoir visiter Carnaval.

D'ailleurs, lui aussi risquait de devoir passer par la case costume : dans le genre reconnaissable, il l'était au moins tout autant que les cheveux roux de la Reine.

[Bon, c'est un post pour se remettre au boulot, ça. Huhu ^^]

[Chaud ! x)]

Belle regarda tout cela d’un œil impressionné puis sourit à son serviteur. Il avait raison. Elle décida finalement d’aller chercher dans tous ces vêtements ce qui pourrait leur aller à tous les deux, et pourrait aussi s’assortir. Il fallait éviter que l’on voie trop ses cheveux et Sorga, lui, devait être dissimulé afin de ne pas être reconnaissable. Elle soupira. Ca risquait d’être compliqué. Enfin, elle avisa une robe médiévale, avec sa coiffe, qui pourrait tout à fait faire l’affaire. Elle sourit, alla l’essayer. Violette et blanche, avec des surpiqures oranges, elle lui allait comme un gant, et, surtout, dissimulait se cheveux parfaitement sous une sorte de voile. Elle sourit à Sorga.

- C’est pas mal, non ?

Sa robe, la vraie, était encore dans la cabine. Certes, elle n’avait pas de masque, mais cela ne lui semblait pas très grave.

La Reine partie se changer, Sorga se retrouva seul avec le vendeur.
L'homme-lézard s'examina un instant dans un miroir, cherchant à s'imaginer vêtu de la plupart des costumes qu'il pensait pouvoir convenir... malheureusement, aucun masque ne semblait capable de le rendre moins reconnaissable... et il ne tenait pas à laisser derrière lui ni son armure, ni sa lance car trop précieuses à ses yeux.
Peut-être un costume plus complet, plus large et gros que lui ?
Sentant le regard du vendeur peser sur lui, Sorga sourit, toujours un peu espiègle. Puis, il activa les cellules spécialisées de ses écailles... et devint jaune vif avec des tâches noires !

Le vendeur fit un bond et, après quelques secondes à l'observer, sembla se rendre compte d'un légr détail :

- Je suis désolé monsieur. Je pensais que vous aviez déjà un costume très élaboré sur vous.

- Sorga avoir habitude, ce pas être grave. Vous avoir costume qui pouvoir empêcher gens reconnaitre Sorga ? Vouloir faire blagues...

S'il était surpris de s'adresser à un homme-lézard, le vendeur le cachait bien. Au moment où il se mettait à fouiller dans ses rayonnages, la Reine sortit de sa cabine.
Heureusement que Sorga savait que c'était elle, sinon il aurait eu du mal à la reconnaître, maintenant que ses cheveux étaient cachés sous un voile élégant.
Cette nouvelle tenue lui allait bien.

- Ce être très bien ! Dame Beldura être tranquille et pouvoir maintenant découvrir Carnaval sans devoir rester sur char !

Bon, il ne restait plus que lui à déguiser...
Le vendeur vint vers lui à ce moment précis, portant ce qui ressemblait à un énoooooorme pan de tissu fin de couleur rouge vif.

- Si vous permettez, monsieur...

Sorga n'eut pas vraiment le loisir de dire s'il le permettait ou pas...
Une seconde plus tard, il se retrouva littéralement empaqueté dans l'étoffe rouge, qui se révéla ainsi être un habit large et léger, similaire à la tenue des nomades du Désert de Cruor.
Un turban cachait son crâne si particulier ainsi que ses cornes, et son museau était également recouvert jusqu'à ses yeux par le tissu. Se regardant dans le miroir, il fit passer les rares écailles visibles à une couleur blanche qui pouvait faire croire à un maquillage.
Le vendeur revint de nouveau vers lui, amenant une succession d'accessoires qui achevèrent la métamorphose : un masque grimaçant en bois sombre qu'il plaça sur le côté de sa tête, des gantelets de cuir pour cacher ses mains, un ensemble de fausses épées qui lui donna l'air d'une armurerie ambulante ainsi qu'une paire de chausses de grande taille qu'il coupla avec des "sandales" correspondant à peu près à sa forme de pied si particulière...

Sorga s'observa dans le miroir : il ressemblait à un guerrier du désert, une masse de tissu rouge, de cuir et d'armes en tous genres. Le résultat était à la fois sauvage, imposant et intimidant. L'homme-lézard était surtout invisible sous ce déguisement.
Il devrait faire attention aux mouvements de sa queue qui pourraient le trahir, mais c'était bien tout.

- Sorga penser nous être prêt pour Folie Carnaval, vrai ?

Deux déguisements complets en échange de la première robe de la Reine... ils étaient gagnants dans l'affaire ! Et si avec ça une femme rousse entrait un peu plus tard dans la boutique et flashait sur la robe que Beldura venait de céder...
Sorga sourit sous le tissu rouge, en priant Dame Chance pour qu'elle accepte de donner un petit coup de pouce.

Essayant de rester le plus droit possible - ce qui le fit paraître plus grand que son habituel maintien courbé montrait - l'homme-lézard fit quelques pas vers la sortie puis ouvrit la porte et, comme à l'allée, s'écarta pour permettre à la Reine de passer devant.

- Sorga remercier vendeur. Habits être magnifiques, et exactement ce que nous avoir besoin. Dame Beldura, si vous être prête ?

La porte ouverte laissait entendre les bruits de la rue, de la fête, de la foule qui, maintenant que les Chars étaient passés, investissaient par petits groupes les rues avoisinantes, dont celle où ils s'étaient "abrités".
L'homme-lézard savait la peur de la foule de la Reine, et ne voulait pas imposer de rythme à la jeune femme ; c'était à elle de faire le premier pas vers la folie du Carnaval.

Sorga hocha la tête, puis s'engagea dans la rue, prenant le rôle de "brise-foule" pour la Reine. Très régulièrement, il tournait la tête pour voir si elle suivait bien.
Les costumes des badauds étaient tous plus superbes les uns que les autres, preuve que le Carnaval était une fête qui se préparait avec patience et passion pendant l'année entière.
Deux acrobates s'étaient semble-t-il retrouvé par hasard, et étaient en train d'improviser un numéro pour la grande joie des passants...

En progressant dans la rue, Sorga eut soudain une impression de déjà-vu.
Il comprit bien vite, en reconnaissant l'endroit où la femme étrange et son petit dragon l'avaient embarqué dans cette course sur les toits ; c'était la ruelle qu'elle avait traversé d'un bond. L’hôtel particulier dont lui avait escaladé la façade était là, décoré pour le Carnaval de banderoles multicolores.

Au loin, il vit passer plusieurs gardes d'Elysée. L'air de rien, il se déplaça légèrement pour se mettre entre eux et la Reine.

[Bon, on continue comme ça, ou on attend Otto ? ^^]