[Terminé] Fête de la Couleur, 11 Asherien 2780 : le Bal

Ca y est, la nuit est tombée, et avec elle quelques flocons. Vous entrez dans le palais d’Eaque, et vous êtes directement menés au 26ème étage par un  ascenseur. Attention ! Vous n’entrerez que si vous êtes costumé et, surtout, masqué. Au 26ème étage, vous trouverez des fleurs qui éclosent, le renouveau de la nature, les chants des oiseaux. Le plafond est une aube printanière : le ciel se pare d’or. Au 27ème, ce sera plus ensoleillé, et vous pourrez même voir la mer, qui a déjà englouti le soleil : dans cette salle le plafond est une chaude nuit étoilée d’été. Au 28ème, les feuilles tombent, tout est en reflet d’or, et vous pourrez même humer comme une odeur de mousse. Au plafond, vous verrez un coucher de soleil d’automne, rendu trouble par la brume, mais toujours plein de reflets violets, roses, or. Le  29ème a une luminosité très étrange, exactement celle du soleil qui se réverbère sur la neige. Au plafond, rien : les nuages semblent avoir tout obstrué. A chaque étage, vous trouverez un buffet rempli de mets de saison, tous succulents, puisque cuisinés par les cuistots Eaquiens. Un groupe de bardes de Cour accompagnera votre soirée de danses, de chants et de contes en rapport avec le thème de votre étage, et le thème de la parade de l’après-midi.
Le 30ème étage ne vous sera peut-être pas accessible, tout dépendra de votre porte-monnaie. Il n’a pas de thème, sinon luxe, calme et volupté. Il est réservé aux plus riches, aux plus nobles, qui, ne voulant se mêler à la lie, pourront s’y isoler quand bon leur semblera (et ce contre une petite participation, équivalente à deux fois le salaire moyen sur Eaque).  Ici, les plats seront des plus raffinés, et ce ne seront pas des bardes, non, ce sera un orchestre de chambre, qui jouera des airs bien plus précieux.

Manifestement, ses costumiers n’avaient pas compris le concept de thème libre. Elle était un animal, mais pas n’importe lequel.
Cette après-midi, elle était parvenue à être dispensée de parade : il faisait froid, quelques flocons tombaient et non, décidément, elle n’avait pas du tout envie d’aller dans les rues. Cela l’effrayait trop. Elle était donc restée avec Isaac au Palais, réglant quelques derniers détails avec ses conseillers, ses costumiers, ou les fauves, comme les appelait Sorga. Bizarrement, depuis qu’Isaac vivait là, elle entendait souvent le mot « noces » et ceci la répugnait. Leurs appartements communs n’étaient toujours pas finis, et déjà ils voulaient les marier !  Leur vie n’était déjà pas des plus simples alors …
Elle ne put s’empêcher de soupirer sous son masque de plumes flamboyantes. Elle remit en place une mèche, qu’elle coinça dans son bijou de tête : un oiseau d’or incrusté de petits rubis, représentant ses plumes, et dont la queue partait en filament d’or et de rubis qui retenaient la splendide chevelure rousse de la jeune reine.
Beldura Glow était, vous l’avez peut-être deviné, un phénix d’or.
Elle portait une robe bustier à la jupe immense qui semblait composée de plumes immenses, flamboyantes, toutes en reflets d’or et de feu. Son décolleté était orné de ces mêmes plumes, et elle portait un collier ras du cou en or en rubis, étincelant de mille feux, rappelant son bijou de tête, mais aussi celui qui lui ceignait le bras gauche, plume d’or sertie d’un beau rubis. Elle semblait renvoyer toute la lumière de la pièce, splendide créature à la peau de lait. Sur son visage, sa bouche peinte de rouge ressortait, splendide, et plus encore lorsqu’elle souriait à Isaac, près d’elle. Elle ne s’envolerait pas sans lui.
Aujourd’hui, cela faisait pour eux un an complet.
Elle serra un peu plus fort sa main aux ongles rouges et or dans la sienne, et se rapprocha de lui.

Elle refusait d’aller à l’étage des privilégiés, référant rester avec les gens qui lui ressemblaient. Cet étage, elle en avait peur. Il n’y avait là-haut que complots, et regards par en-dessous. On la regardait avidement, et on lorgnait sur Isaac et elle d’une façon qui la mettait mal à l’aise. Ils étaient donc au 29ème étage.

Au 28ème étage, la belle Réprouvée avait fait des ravages. Sa robe d’un beau rouge lie de vin avait attiré quelques regards, ou plutôt, les formes qu’elle dissimulait sous cette robe avaient attiré bien des regards. C’était un bustier drapé, qui s’ouvrait sr une jupe de corolles rouges, fendue sur le côté, et qui malgré son volume étonnant, laissait parfois apparaître une longue jambe mince et galbée, chaussée d’escarpins bordeaux brillants. Elle ressemblait plus à une magnifique rose en plein épanouissement qu’à un animal, et c’était, bien sûr, voulu, puisque le masque vénitien qui dissimulait son visage était orné de motifs de roses rouges pailletées d’argent.
Très vite, elle s’était ennuyée, et était montée au 30ème, ayant de toute façon depuis longtemps abandonné Angel. Si elle n’était pas allée à la parade, c’était pour ne pas avoir à se mêler à ce ramassis d’idiots sales : pourquoi le ferait-elle ici ? Elle avait retrouvé là-haut certaines connaissances, mais surtout avait repéré des proies, et ce avec grand plaisir. Ses ongles peints d’un rouge sanglant s’étaient posés sur l’épaule d’un beau jeune homme qu’elle comptait bien convertir à l’Ombre et soumettre à son très cher père à la force de ses appâts bien connus. Elle lui avait souri, et son rouge à lèvres avait fini le travail d’hypnose de ses yeux verts.
Un disciple de plus.

Actuellement, elle était dans la salle, et discutait avec les invités qui l’intéressaient, parfaite mondaine, parfaite veuve noire.

Le tueur aux yeux de sang portait un costume queue de pie d’un beau rouge entre le lie de vin et le sang, aux détails noirs, brillants, contrairement au reste, fait d’un tissu très mat. Son masque, aussi sombre que ses cheveux, était un simple loup, posé sur son nez, sous lequel il avait la sensation d’horriblement transpirer. Il était venu sous ordre d’Eden puisqu’il « faut bien quelqu’un pour me ramener quand je serai ivre ! ». Il avait soupiré, et s’était vêtu. Il était actuellement au 26ème étage, où il s’ennuyait à mourir sur un balcon, un verre d’une boisson pétillante à la main, alors qu’Inferno avait disparu quelque part entre une conquête, une danse et une proie.

Vêtue d’une combinaison originellement très moulante, noire, de gants et de bottes, elle arborait au sommet de la tête des oreilles de chat, juchées sur ses cheveux blonds continuellement en bataille. Sur son visage, on trouvait un loup noir, et des moustaches félines noires. Dans ce costume, quelques années plus tôt, elle avait un air terriblement espiègle, qui lui allait comme un gant. Aujourd’hui, ce costume flottait un peu sur elle, du fait d’une grosse perte de poids suite à une expédition éprouvante, où elle s’était blessée, et surtout de quatre années difficiles sur le plan sentimental. Ses yeux n’avaient plus rien d’espiègle, et elle semblait cherche quelqu’un dans la salle, tout en dansant gentiment quelques danses énergiques au 27ème étage, son préféré, avec des partenaires trouvés au hasard. Alban avait refusé de venir, et elle n’avait pas trop insisté. S’il trouvait Garmyr … Elle préférait cesser d’y songer. Elle secoua la tête, et soudain, il lui sembla le voir. Elle finit sa danse après lui avoir fait un signe de loin. Elle irait le rejoindre bientôt, très bientôt.