[Archivé] Un repas bleu [spé Zel, Nath, Séléné et Siffroy] [Fête de la Couleur et de la Gourmandise 2784]

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Nous étions le 25 Judien 2784, et ce jour là, c’était la Fête de la Couleur et Gourmandise. Pour une raison inconnue, c’était le bleu qui avait été choisi comme thème, et cela avait un peu préoccupé Odéline. Ce n’était pas très pratique ! Enfin, au moins, leur porte et leurs volets étaient déjà de la bonne couleur …
Evidemment, ces derniers mois n’avaient pas été des plus simples. Mais la jeune femme avait décidé d’en faire fi, et de tout préparer comme d’habitude. Noïa avait toujours adoré cette fête, et cela lui permettait de s’en donner à coeur joie en cuisine et en décoration. Elle avait commencé la préparation il y avait plus d'une semaine, rassemblant des accessoires de tous les bleus, cousant, découpant, collant. Hier elle avait tout nettoyé, et ce matin, elle avait chargé Siffroy et Nathalia de la décoration, alors Noïa l’aidait en cuisine, et que Gadyan et les kiwis s'ébattaient joyeusement dans le jardin.
Ainsi, lorsqu’à midi passé de treize minute, on sonna à la porte, le rez de chaussé tout entier était décoré de guirlandes de crépons et de fleurs bleues, et les rideaux avaient été changés, assortis aux coussins. Odélien avait choisi pour eux un tissu liberty bleu et blanc du meilleur effet. La grande table de bois était surmontée d’une nappe turquoise, sur laquelle trônait un bouquet de fleurs fraîches bleues. Les assiettes avaient toutes un liseré bleu marine.
Il s’échappait de la cuisine un doux fumet. Pour ce midi, elle avait cuisiné de nombreux amuses gueules colorés accompagnant un cocktail léger coloré au curaçao, plus une salade aux bleuets et à la bourrache, suivie d’un plat de poisson sur lit de pommes de terre vitelottes accompagné de maïs bleu. Il y avait ensuite du fromage, puis un superbe gâteau aux myrtilles.
Elle même était vêtue d’une robe bleue à manches trois quarts, et avait noué ses cheveux en une queue de cheval retenue par un noeud bleu. Lorsque les coups furent frappés à la porte, cela déclencha un instant d’hystérie chez Gadyan et les kiwis, ce qui fit bougonner Siffroy, et rire Noïa. Elle eut cependant la surprise de se retrouver nez à nez avec non pas une mais deux personnes, ce qui élargit son sourire encore un peu.

Me déranger ? Mais pas du tout ! Venez, entrez, entrez ! Siffroy, chéri, il faudrait rajouter une chaise et un couvert à table, Séléné Saralondë nous a ramené un ami !

Et une fois qu’ils furent entrés, elle ferma la porte, et sourit à l’invité surprise.

Je m’appelle Odéline, Odéline Belgan. Voici mon mari Siffroy, ainsi que Gadyan, notre hippogriffe, et nos kiwis ! accrochée à ma jupe, c’est Noïa. Sa maman Nathalia arrive, elle vit avec nous aussi. Assieds-toi je t’en prie, fais comme chez toi !

Elle lui désigna uen chaise, et alla chercher l’apéritif et les amuses bouche.

Vous devez mourir de faim après une telle matinée !

Elle servit d’abord Séléné, puis la garçon, et, alors que Séléné commençait à discuter avec Siffroy, elle lui demanda:

Comment tu t’appelles ? Cela fait longtemps que tu connais Séléné Saralondë ?

Elle lui souriait, ravie de rencontrer une nouvelle personne. Il était placé entre elle et Séléné. A la gauche de Séléné il y avait Siffroy, puis Noïa, et enfin, Nathalia.

-C'est tout bleu ! ...encore.

La porte vers laquelle l'a entraîné Séléné s'est en effet ouverte sur tant de bleu qu'un instant, Zel se demande s'il s'agit de la maison sous-marine d'un Aniformus poisson. Mais la femme qui s'approche de lui n'a rien d'une Aniformus - du moins, d'autant qu'il peut en juger. Elle est très jolie, et littéralement éblouissante avec ses cheveux qui forment comme un miroir autour de son visage. Le Voyageur en sent ses pupilles s'étrécir.

Venez, entrez, entrez ! Siffroy, chéri, il faudrait rajouter une chaise et un couvert à table, Séléné Saralondë nous a ramené un ami !

Zel se sent rougir d'être ainsi associé à Séléné. Allez, respire, elle a juste dit "ami"... et c'est ce que tu es, bougre de cochon, un ami, alors calme-toi !

Le jeune homme pénètre donc dans la maison, en essayant de ne pas trébucher pendant qu'il parle. Il s'arrête immédiatement. Il y a... des oiseaux. Enfin, des sortes d'oiseaux... Qu'est-ce que c'est que ces trucs ?

Je m’appelle Heaudailyne, Heaudailyne Bêllguane. Voici mon mari Ssifhrhoye, ainsi que Guadyiahn, notre hippogriffe, et nos kiwis ! accrochée à ma jupe, c’est Nauya. Sa maman Nhattalÿa arrive, elle vit avec nous aussi. Assieds-toi je t’en prie, fais comme chez toi !

Des kiwis ? Zel fixe un des petits oiseaux qui lui retourne son regard, les yeux dans les yeux. Mais les kiwis... ce sont des fruits, non ? Est-ce que Séléné serait amie avec un couple de sorciers fous qui feraient des expériences étranges pour donner vie à des végétaux ?

-Tu viens, Zel ?

Le garçon se rend tout à coup compte qu'il doit avoir l'air étrange, ainsi, à fixer ce kiwi comme s'il était lancé dans un concours de regard. Mais curieusement, il n'a pas envie de le perdre.

-Euh... oui. Oui.

Avec une pointe de dépit, Zel détourne le regard du kiwi, mais ne peut se départir de l'impression que le drôle d'oiseau le fixe toujours.

Vous devez mourir de faim après une telle matinée ! lance Heaudailyne sans se douter du conflit ridicule qui agite le jeune homme. Comment tu t’appelles ? Cela fait longtemps que tu connais Séléné Saralondë ?

A ce moment, Zel se rend compte qu'il a manqué à toute convenance élémentaire. Bougre d'idiot ! C'est sûrement la faute des kiwis... oui, c'est sûrement ça.

-Je... Je suis Zel. Zel Sayren. Alchimiste. Un... ami de Séléné... Enchanté. Euh... Je la connais depuis... l'Expédition à Crannsliabh. Celle qui a eu lieu il y a six mois.

Un des kiwis vient de sauter sur la table - est-ce que c'est le même que tout à l'heure ? - et Zel pousse un peu son assiette pour éviter qu'il ne lui pique de la nourriture... ce qui permet à celui qui était caché de l'autre côté de chiper un légume.

-Euh... Dites, tous ces oiseaux, ils sont à vous ? C'est la première fois que j'en vois autant... enfin, dans une maison, parce que dans la nature, y'en a toujours beaucoup. Hey, rends-moi ce bout de pain ! Qu'est-ce que je disais... Ah, oui, euh... des kiwis, c'est ça ? Ils viennent d'où ?

Oui oui, ce sont les nôtres ! Ils vivent avec notre Hippogriffe aussi, il s’appelle Guadyiahn ! En fait c’est un peu eux qui nous ont adoptés ! Un jour, je suis allée cueillir des fleurs et je me suis perdue, dans les montagnes, parce que j’avais suivi  le vent qui me disait de fuir la tempête qui arrivait, et je me suis réfugiée dans la caverne qui servait de maison à une famille ours. On a bien joué, il faudrait que je retourne les voir d’ailleurs ! Mais Ssifhrhoye était inquiet, alors il est venu me chercher avec un ami à moi en brume, qui n’est plus en brume du tout maintenant, il est très solide et très gros, et plus trop copain avec Ssifhrhoye non plus d’ailleurs, mais bref, peut-être qu’ils me chercheraient encore ensemble si je disparaissais, et quand ils sont rentrés dans la caverne, un troupeau de kiwis est rentré aussi, parce que eux aussi étaient pas loin et n'aimaient pas l’eau et … Et … Et voilà, en fait. Ils ont voulu venir, et Ssifhrhoye a accepté, il leur a même fait une maison ! Ah oui, après on a bu le thé, et un génie à chapeau est apparu. Et depuis, ils sont là.

Zel a gardé la bouche ouverte pendant tout le discours de la jeune femme, n'osant l'interrompre. Son histoire le captive. Quand elle finit enfin son explication, le jeune homme hoche la tête frénétiquement :

-Oui oui oui ! Je vois exactement ce que tu veux dire ! Quand j'étais plus petit, je suis allé me promener un peu loin de la Tribu - c'est le village dont je viens, plus loin à l'Est d'ici. J'ai croisé des cochons volants - c'est comme des cochons, mais avec des ailes plus ou moins fournies en plumes au fur et à mesure qu'ils vieillissent - et je les ai suivi pendant plusieurs heures. J'ai couru avec les petits, je me suis roulé dans la boue avec eux et j'ai fait une sieste dans leur plaine. Mais après, il faisait tout noir et je me suis perdu. Si Aëlia - c'est une amie pirate que je me suis faite quand elle m'a prise comme mousse sur l'Envolée, ça c'est son bateau - donc si Aëlia avait été là, elle m'aurait aidé à retrouver mon chemin, parce qu'une pirate, ça a le sens de l'orientation, mais je la connaissais pas encore, donc j'étais perdu dans le noir. Mais les cochons volants adultes ont utilisé leurs ailes pour me réchauffer. Du coup, je suis rentré que le lendemain, et Maman était très inquiète, mais elle m'a pas grondé et j'ai pu retourner voir les cochons volants après et on est devenus amis, enfin, pas autant amis qu'avec Aëlia et Xerxes - lui c'est un Daraah que j'ai rencontré et on est devenus amis après que je l'ai fait vomir - mais on était amis quand même. Donc je comprends tout à fait !

Un kiwi - non, vraiment, quelqu'un peut nous dire si c'est le même que tout à l'heure ? - est venu se lover sur la tête de Zel, se servant de sa tignasse rousse comme nid temporaire. Le jeune Voyageur n'y fait pas attention. Enfin, quelqu'un qui pense comme lui !

Odéline faisait passer le plat d’amuses-bouches sans y faire attention, par réflexe, happée par l’histoire de Zel. Il était passionnant ce garçon, elle adorait ce genre d’histoire ! Elle fut cependant interpellée par un détail.

Tu connais Aëlia ?!

Son ton était réellement étonné. Tout le monde connaissait cette fille décidément !

Oui, elle a le sens de l’orientation, heureusement ! Tu sais que j’ai fait une expédition dans les montagnes avec elle ? On est allées récupérer le navire volant de notre ami Kyril qui vient d’un autre monde et qu’une amie à lui d’un autre monde avait caché dans les montagnes pour lui faire une blague. Ah ben quelle blague ! On a marché pendant plusieurs jours, on a même fait des raquettes et utilisé des pics à glace pour escalader tu imagines ? Et puis j’ai parlé à des chauves-souris, on a fait pipi dans la neige, on a mangé de drôles de choses, on a vu des trolls, oh et puis, on a négocié avec des gardes aussi ! Mais Aëlia, elle m’a sauvé la vie, elle est super ! Heureusement qu’elle était là, j’étais tombée par dessus bord, et elle m’a rattrapée; Je ne tombais pas vite, grâce à mon collier, mais elle ne le savait pas, et elle a plongé pour me rattraper ! Mais je ne l'ai pas beaucoup revue après, mis à part quand je me suis mariée. Elle va bien ? Je sais qu’elle n’est plus avec Garmyr, mais je ne sais pas grand chose d’autre !

Elle s’arrêta pour reprendre son souffle.

Dis, il y en a beaucoup des cochons volants, là d'où tu viens ? Je n’en ai jamais vu, ils ont l’air super gentils ! Et ils doivent être trop mignons, et tout doux ! Tu crois qu’on pourrait aller les voir un jour ? Ils doivent avoir plein de choses à raconter !

Elle gratouilla la tête du kiwi sur la tête de Zel.

Tu as l’air de bien t’entendre avec les animaux toi aussi, Silvio t’a élu nid je crois !

Elle rit et lui tendit à manger.

Mange, mange, c’est fait pour ça !!

Tu connais Aëlia ?!

Zel hoche la tête - manquant de faire tomber le kiwi perché dessus. Ouaip, ça pour sûr, il connait Aëlia. Heaudailyne a l'air contente, c'est probablement une amie à elle.
A ce moment, probablement dérangé par le mouvement de tête de Zel, le kiwi lui donne un petit coup de bec. Le jeune Voyageur lui agite un bout de pain pour le calmer et lorsqu'il reporte son attention sur Heaudailyne, elle a déjà reprit la conversation :

... caché dans les montagnes pour lui faire une blague. Ah ben quelle blague ! On a marché pendant plusieurs jours, on a même fait des raquettes et utilisé des pics à glace pour escalader tu imagines ? Et puis j’ai parlé à des chauves-souris, on a fait pipi dans la neige, on a mangé de drôles de choses, on a  vu des trolls, oh et puis, on a négocié avec des gardes aussi ! Mais Aëlia, elle m’a sauvé la vie, elle est super ! Heureusement qu’elle était là, j’étais tombée par dessus bord, et elle m’a rattrapée; Je ne tombais pas vite, grâce à mon collier, mais elle ne le savait pas, et elle a plongé pour me rattraper ! Mais je ne l'ai pas beaucoup revue après, mis à part quand je me suis mariée. Elle va bien ? Je sais qu’elle n’est plus avec Ghârrmïïr, mais je ne sais pas grand chose d’autre !


Aïe, il a un peu raté le début ! C'est pas poli, ça. Bon, heureusement, son oreille traînait quand même, donc il peut essayer de se souvenir. Alors, qu'est-ce qu'elle disait, déjà... Que Aëlia a effectivement un bon sens de l'orientation, puis...

Dis, il y en a beaucoup des cochons volants, là d'où tu viens ? Je n’en ai jamais vu, ils ont l’air super gentils ! Et ils doivent être trop mignons, et tout doux ! Tu crois qu’on pourrait aller les voir un jour ? Ils doivent avoir plein de choses à raconter !

-Hein ? Euh, oui, beaucoup. Hum... Quelque-chose comme quatre ou cinq hardes d'une douzaine de bêtes chacune dans la forêt et les montagnes. Et y'a pas plus bête plus gentille, sauf si on essaie de s'en prendre à un petit, parce que là, les mamans deviennent très en colère et elles gonflent leurs joues comme ça ! dit le garçon en joignant le geste à la parole, imité par le kiwi sur son crâne. Et puis après, elles foncent sur les inopportuns, et les plus âgées, elles ont des défenses comme ça ! renchérit le jeune Voyageur en écartant les bras, toujours imité par le kiwi qui écarte les ailes. Et du coup, les prédateurs et les chasseurs, il volent loiiiiiin des petits. Et oui, y'a pas plus doux, surtout pour dormir, et du coup, les chasseurs ils essaient de prendre les ailes des cochons pour en faire des oreillers mais encore une fois, les défenses de la maman, elles protègent la harde. Et si tu vas vers l'est, un peu dans les montagnes, tu peux sûrement en trouver sans soucis ! Par contre, j'ai déjà essayé de leur parler, mais elles m'ont pas répondu (ou alors, en faisant "Oïnk, oïnk", et ça m'aide pas beaucoup), mais tu pourras peut-être essayer !

Zel prend un peu de jus pour déshydrater sa gorge un peu sèche, tout à coup. Alors, elle disait quoi, Heaudailyne, tout à l'heure... Que Aëlia a effectivement un bon sens de l'orientation, puis... puis qu'elles ont fait une expédition dans les montagnes...

Tu as l’air de bien t’entendre avec les animaux toi aussi, Silvio t’a élu nid je crois !

Zel lève la tête. Silvio baisse son bec. Les deux se regardent dans les yeux une seconde. Et s'il n'a pas de réponse quant à la question de savoir si c'est le même depuis la porte d'entrée, il va faire une crise d'angoisse.

-Tant qu'il se décide pas à pondre d'un seul coup...

Ah oui, et après, elle a parlé d'un bateau volant... un bateau volant qui appartient à...

Mange, mange, c’est fait pour ça !!

Zel se ressert avec un grand sourire.
Qui appartient à Kìrrill... Kìrrill qui vient... qui vient...

Tout à coup, Zel se met à tousser. A tousser très fort. Le jus qu'il essayait de boire lui ressort en partie par les narines, faisant paniquer le kiwi sur sa tête. Il reprend avec difficultés sa respiration. Son visage est rouge comme une tomate, plus encore que ses cheveux. Il ne sent même pas les autres lui taper dans le dos. Mais petit à petit, le liquide est expulsé de ses bronches et il prend une grande inspiration sifflante :

-VOUS AVEZ DES AMIS QUI VIENNENT D'UN AUTRE MONDE ?!

Son cri provoque un silence général pendant quelques secondes. Puis :

-D... Désolé, je voulais pas crier comme ça... Ça m'a surprit...

Il se trémousse sur sa chaise d'un air gêné.

-C'est juste que... Depuis que je suis parti de chez moi, je cherche des informations sur les autres mondes dont mon Papa a parlé dans son carnet ! Et jusqu'à maintenant, j'avais peu de réponses... Je t'en ai parlé quand on s'est rencontré, Séléné, tu te souviens ? Enfin bref... Tu... Tu peux m'en dire plus, Heaudailyne, s'il-te-plaît ?

Une fois ses voies respiratoires dans un état à peu près normal, Zel mobilise toute son attention sur ce que dit Odéline - ce qui est plutôt compliqué quand un verre d'eau magique vient se mettre sous votre nez pour que vous le buviez.

-Oh, ce n’est pas grand chose … Ssifhrhoye est au courant aussi ! J’ai un ami qui s’appelle Kìrrill. c’est un quitte-suné, un renard à plusieurs queues. Il est vraiment très gentil, et il vient d’un autre monde. Il est venu pour poursuivre une amie à lui, Ma-Hëkko, qui allait faire une grosse bêtise. C’est elle qui a caché dans les montagnes le bateau dont je t’ai parlé ! Elle vient d’un autre monde, elle aussi, mais je crois que c’est peut-être d’un monde encore différent de Kìrrill! C’est un peu compliqué, parce qu’il y a deux Ma-Hëkko, et puis deux Béhékine aussi, mais c’est pas les mêmes, parce que c’est des gens de mondes différents mais ils aiment tous voyager en tous cas. Mais ils sont repartis dans leur monde avec leur bateau volant. Si tu veux, je te le montrerai après le repas,je l'ai  dans une bouteille qu’il m’a offerte pour notre mariage.

La tête de Zel se met à tourner. Enfin, des informations concrètes... mais si étonnantes. Un renard à neuf queues, une amie qui vient d'un troisième monde et un bateau dans une bouteille. Et puis, est-ce qu'elle vient de mentionner Béhékine ? Est-ce qu'il vient d'un monde parallèle, lui aussi ? Zut,s'il avait su, il aurait pris le temps de lui demander...

-Je n’en sais pas énormément plus, et puis je suis pas trop censée en parler, mais si c’est important pour toi, alors, bon.

Zel hoche la tête, sans répondre. Ses pensées sont encore en train de fuser à toute vitesse et sa zone du cerveau dédiées à la parole s'en trouve en manque d'irrigation.

-Mais, Zel, si ça ne te dérange pas, je préfèrerais qu’on en parle après le repas ! Prépare toutes tes questions !

Le re... Ah oui, le repas !

-Euh... Oui, oui, bien sûr ! Désolé, j'ai tendance à m'emporter quand on parle de ça. Merci... C'est très bon, d'ailleurs ! Merci.

A ce moment, la main de Séléné lui ébouriffe les cheveux. Zel oublie absolument toute la conversation en un instant et ne peut retenir une expression de pure béatitude. Elle ne se dissipe que partiellement quand la main se retire.
Alors que le repas reprend, Zel se souvient tout à coup d'un détail du récit d'Heaudailyne :

-Mais du coup, vous connaissez Béhékine ? Parce que je l'ai rencontré ce matin ! Il est sympa, c'est un gros chat-chèvre géant qui donne des bonbons aux enfants, il peut être que sympa. Il m'a dit que c'était un Membraneux, mais je savais pas que les Membraneux étaient comme ça.

Attrapant son verre à deux main, il bois doucement - pas question de s'étouffer une nouvelle fois - quand il sent de nouveau la main de Séléné dans ses cheveux. Son expression digne d'un saint ayant atteint l'illumination commence à reparaitre quand il réalise que ce n'est pas la même sensation. Il lève les yeux. Le kiwi baisse les yeux. Ah, il est de retour lui... C'est toujours Silvio ? Mais qu'est-ce qu'il lui veut ?

-Vous savez si il y a des Aniformus-Kiwi, quelque part ? demande brusquement le garçon.

Sans savoir pourquoi, cette pensée l'effrait un peu. Silvio pousse une petite trille grave : trululu. Par réflexe, Zel imite le cri du mieux qu'il peut : trûlûlû. Silvio lui répond : trululu. Pour se moquer, ou pour l'encourager ? Zel refait donc son imitation : trülülü. Et Silvio lui répond : trululu.
Et c'est ainsi qu'oubliant un instant le monde qui l'entoure, Zel se met à parler avec un kiwi.

Odéline se sentit toute heureuse face aux compliments qui la firent rougir. Elle aimait recevoir, faire en sorte que sa maison soit belle et accueillante, propre et pimpante, mais surtout, elle aimait cuisiner. Peu importait la complexité des plats, le temps que cela lui prenait, l’organisation que cela lui demandait, elle aimait ça, et il n’y avait rien de meilleur que de voir ses invités se régaler. Aussi, elle était toute rose de joie, et semblait rayonner, sagement assise à sa place.
Elle était toute heureuse de rencontrer Zel, qui lui plaisait beaucoup, et se faisait un plaisir de répondre à ses questions. Cependant sa description de Béhékine la surprit et elle écarquilla les yeux.

Chat-chèvre ? C’est …

Elle réfléchit un temps puis pouffa de rire.

Non, en fait, ça lui va pas mal du tout ! Je lui demanderai des bonbons, moi aussi, il ne m'en a jamais donné, le goujat !

Elle fit un immense sourire à Zel.

Un membraneux ? Oh, tu sais, Béhékine est assez unique dans son genre … Depuis que je le connais, il a changé plusieurs fois d’apparence, et ne m'a jamais trop expliqué, mais je crois que c’est le résultat de l'échec de plusieurs expériences. Il n’était sans doute pas comme ça, au départ !

Elle regardait avec affection le kiwi revenir dans les cheveux du garçon, et l’air béat de ce dernier. Ces deux-là avaient l'air de vraiment bien s'entendre ! Lorsqu’il demanda si des Anifromus kiwis existaient, Séléné et Odéline répondirent en même temps:

Oh sans doute !
Il y a des Aniformus d’un peu tout, alors je dirais oui.

La jeune femme sourit à la ministre Eaquienne. Elle ne s’était jamais sentie très proche d’elle, mais était contente de la voir très humaine à côté de ce garçon, elle qui avait toujours l’air si raide, qui était toujours si polie. C’est après ça qu’il se mit à communiquer sous forme de trilles avec le kiwi perché sur sa tête, ce qui eut pour effet de suspendre toutes les conversations, tandis que tout le monde le regardait, geste arrêté, fourchettes en l’air.

Il fait souvent ça ? glissa doucement Odéline à Séléné
Je ne sais pas, c’est la première fois que j’y assiste en tous cas … répondit celle-ci sur le même ton, manifestement tout aussi fascinée qu’elle.

Odéline rit doucement, et décida de laisser le nouveau duo à leur discussion manifestement passionnante et, en bonne hôtesse, orienta la conversation sur la fête de la Couleur de cette année.

Ainsi, Séléné vous avez pu assister aux festivités de ce matin ? La chasse s’est bien passée ? Je suppose que le buffet devait être impressionnant ! Et toi Nath ? Tu veux y aller avec Noïa cette après-midi ? J’ai entendu dire que la parade allait être impressionnante cette année … Tout ce bleu, tu imagines ? On va se croire en mer ! Ou en plein ciel !

Son ton était enthousiaste, elle avait un air légèrement rêveur, et reprit une bouchée de son plat, qu’elle avait quasiment terminé.