[Archivé] Coincés ! [libre]

Il y avait un immense bateau. Un trois mâts, magnifique. Magnifique, oui, vraiment. Mais complètement inutile. Car il y avait la mer, certes. Mais surtout, il y avait la glace. Et ce fichu bateau n’était pas fait pour fendre les glaces dans lesquelles il était pris !
C’est ce que découvrit Aëlia en ouvrant les yeux ce matin là. Alban et tout l’équipage s’étaient établis ici pour passer quelques temps durant l’hiver. Par quelques temps, ils entendaient deux semaines, maximum. Manifestement, ce n’était pas l’avis de la mer gelée autour d’eux. La jeune fille écarquilla les yeux face à l’étendue blanche à perte de vue. Seul un peu de bleu la trouait, loin, loin, très loin. Le ciel et la mer gelée se confondaient, tout était lumineux à l’extrême, jusqu’à la saturation visuelle, jusqu’aux problèmes de rétines. De l’autre côté, la ville. Loin. A quelques kilomètres. Au moins.  
Elle se leva, s’enveloppa dans des fourrures. Elle était fatiguée en ce moment, les évènements récents l’avaient terriblement heurtée. Alors, elle avait souvent froid. Elle se coiffa de son inséparable tricorne et sortit sur le deuxième pont, rejoignant son frère.

- Lëlie, ça va ? Qu’est ce que tu fais dehors ? Rentre ! Tu vas geler toi aussi !
- Alban, je ne suis plus un bébé. Que s’est-il passé ? La mer était normale hier soir …
- Il y a eu des températures terriblement basses cette nuit, c’était déjà arrivé, il y a presque un siècle de ça. Tout a gelé sur deux mètres de profondeur. Le bateau est pris dans la glace : nous sommes coincés petite sœur !

Ainsi ils étaient coincés … Un immense sourire illumina le visage d’Aëlia.

- Qui est tenté par un peu de patinage sans patin, par une promenade sur l’eau à pied ?

Son idée ne fit pas beaucoup d’adeptes, aussi partit-elle seule sur la glace, avec ses bottes, en riant toute seule de sa maladresse. Elle se rapprochait de la ville lorsqu’une silhouette se dessina non loin d’elle, sans qu’elle ne la remarquât vraiment, trop occupée à garder son équilibre –si elle se cassait quoi que ce soit, Alban allait entrer dans une fureur noire ! -.

C'était comme une chanson qui passait en boucle dans son esprit, effaçant tout le reste. Tym détestait les bateaux. Tym détestait la mer. Tym détestait être perdue. En bref, Tym avait des ennuis. Elle ne se souvenait pas comment elle avait atterri dans la barque miteuse où elle s'était réveillée ce matin-là. Après un certain temps de dérive, le petit rafiot s'était retrouvé peu à peu pris dans la glace, bientôt complètement immobilisé. La métamorphe s'était réveillée au beau milieu de nulle part, pour ainsi dire. Sa tête la faisait souffrir, ses mouvements étaient au départ mal aisés et manquaient de précision. Elle s'était extirpée des cordes mal nouées autour de ses membres, puis avait posé avec précaution un pied sur la glace. Un sourire carnassier avait alors étiré ses lèvres. Qui que soit celui qui avait tenté de se débarrasser d'elle, il n'avait pas pensé que la glace pouvait résoudre le problème de son incapacité à nager.

Néanmoins, après un moment à marcher en direction de la terre qu'elle apercevait, le moral de Tym était redescendu au ras des pâquerettes. Les grincements de la glace sous elle lui hérissaient le poil. Sa queue, qu'elle avait encore une fois conservée sous sa forme humaine, battait nerveusement l'air tandis que Tym marchait. La vision d'un bateau pirate acheva de la convaincre que c'était un jour de malchance. Heureusement pour elle, ses vêtements d'hiver s'accordaient bien avec le "paysage" alentour, et en cas de danger elle pouvait toujours adopter sa forme de tigre des neiges.

Lorsqu'elle aperçut la jeune pirate qui se baladait en direction de la terre ferme, elle adopta une démarche méfiante et plus légère. Il n'y avait pas moyen de savoir si elle représentait une menace immédiate. Elle accéléra le pas jusqu'à arriver à sa hauteur. Puis, pour ne pas avoir à parler, elle tenta d'attirer son attention en raclant un pied sur la glace. Après tout, elle avait l'avantage des quatre pattes s'il fallait fuir...

Une silhouette se profila donc derrière Aëlia. Une silhouette avec une queue en balancier derrière elle. Une silhouette avec des vêtements qui lui permettaient de se fondre dans le décor. Une silhouette qui gratta son pied sur la glace, faisant du bruit, un bruit léger qui alerta Aëlia qui se retourna d’un bond. Elle regarda dans la direction du bruit, et vit des cheveux roux et une queue qui se balançait nerveusement, une silhouette de femme qui venait vers elle. Ce n’était pas Nathalia : elle l’aurait appelée. Et puis, elle n’était pas fichue comme cette femme là. C’était donc une autre métamorphe rousse. Aëlia se fendit donc d’un joli sourire flambé et alla vers la personne, prête cependant à décamper si danger il y avait. Mais pourquoi cette personne aurait-elle été agressive puisqu’elle avait elle-même attiré son attention ?

- Bonjour !