[Terminé] Concours de patinage [libre]

Beldura sourit, et resserra les pans de son manteau contre elle. Il faisait froid, c’était vrai. Mais elle était bien couverte, et la neige brillait sous ses yeux, craquait sous ses pas. Elle aimait cela, c’était si beau ! ET puis, elle n’était pas seule. En tant que reine, elle ne sortait jamais seule. Aujourd’hui, elle avait voulu aller jusqu’au lac [quoi y en a pas ? Moi j’en rajoute un, na !] Voir les concours de patinage libre des habitants de son continent auxquels se joignaient parfois, souvent même, des habitants d'ailleurs. Elle avait envie de les voir tourbilloner sur la glace, de les voir heureux dans le froid de l'hiver.
Il y avait des gens sur cette étendue d’eau gelée, des gens chaussés de lames, qui allaient vite, si vite que parfois ils faisaient du vent. Des enfants étaient là aussi, et leurs rires clairs plaisaient à la jeune reine qui les regardait, attendrie. Elle était plutot bien ici. Les patineurs exécutaient tous des figures, plus ou moins alambiquées donnant lieu à des ensembles poétiques et harmonieux ou bien assez saccadés. Chacun avait son style, et elle aimait regarder cela, massée comme les autres autour du lac.
Ses gens étaient là, eux aussi, ils la surveillaient, la protégeaient ou se distrayaient tout simplement. elle ne risquait pas grand chose de toute façon. elle était venue sans couronne, sans grande robe. Elle était vêtue de rose pâle, avec des chaussures élégantes et confortables. Elle s'était protégée d'un manteau long, lourd, épais et chaud. Elle était bien protégée contre le froid. Si elle l'avait voulu elle aurait pu patiner, mais elle ne savait pas faire, et n'avait personne pour lui apprendre. De plus elle avait bien trop peur de se risquer ainsi sur la glace, la glace qui aurait pu se casser à tout instant. Elle réprima un frisson et concentra de nouveau son attention sur les patineurs, anonyme parmi d'autres.

L'hiver était une merveilleuse saison. La neige embellissait tout, rendait les paysages les plus simples d'une féérie et d'une poésie sans nom. Les sons étaient étouffés, plus délicats, plus importants. Les enfants s'amusaient à laisser leurs traces dans la neige encore immaculée et les jeux venaient d'eux-mêmes et entre les bonhommes de neige des fleurs de givre et duveteuses craquaient la couche de neige.
Dans les maisons, le feu ronflait dans son âtre, les familles réunies autour tandis que dehors, les animaux hibernaient ou cherchaient de quoi survivre à la rudesse des températures.

Et sur le lac gelé, Sejan voltigeait parmi d'autres. Elle était entièrement vêtue de blanc : un pantacourt sous lequel ses jambes étaient protégées par d'épais collants, une veste courte à revers qui la laissait libre de ses mouvement et une chapka sans rabat, sous lequel s'échappaient des mèches violettes.
Et elle filait, par mouvements amples, entre les autres patineurs, en admirant certains mais elle-même capable de quelques pirouettes dont elle n'était pas peu fière.

Après avoir calculé les distances et vérifié les environs, elle se lança dans une vrille. Cependant, un enfant se mit sur sa route lors de la réception. Elle tenta tant bien que mal de changer sa trajectoire en l'air, mais finit par bousculer l'enfant et atterrit en catastrophe, se foulant la cheville qui lui envoya son signal lancinant à travers le système nerveux.

La mère vint chercher son enfant qui n'avait rien et Sejan, non sans précaution, se releva. Plus de peur que de mal, elle se banderait le pied et pourrait y retourner. Heureuse de ce verdict, elle sortit de l'étendue gelée et alla s'asseoir au bord, légèrement en retrait. De sa sacoche elle prit une crème spéciale dont elle s'enduit la cheville puis enroula autour une bande. Elle se releva et posa doucement son pied blessé. Le produit ne tarderait pas à faire effet. En attendant, elle avisa la jeune femme à côté de laquelle elle s'était posée. Celle-ci était joliment vêtue de rose pâle et regardait les gens patiner. Elle avait l'air aimable.

- Vous ne patinez pas ?

Bien malgré elle, Sejan avait surpris la personne à laquelle elle s'était adressée. En même temps, parler à quelqu'un sans préavis...

- Excusez-moi de vous avoir surprise, et merci bien de votre compliment ! Cependant, j'ai toujours aimé faire du sport, je pratique régulièrement alors je n'ai pas tant de mérite.

Le sourire de son interlocutrice lui fit en rendre un. Après tout, ils étaient courants sur cette planète. Elle avait même surpris des dialogues de sourires uniquement sans jamais en comprendre l'intérêt.
Il lui avait également semblé surprendre un regard du côté de sa cheville. Le baume, créé à partir de plantes médicinales par un maître Tarima, avait déjà presque fini de faire effet.

- Voudriez-vous patinez en ma compagnie ? L'air est si doux aujourd'hui, c'est un régal de le sentir galoper contre soi.

La réaction de l'inconnue enchanta Sejan, qui la regardait rougir. "Trop mignonne !" se disait-elle secrètement, sans chercher à la retenir de son recul.

La pâleur qui ne tarda à s'emparer du minois de la jeune dame lui fit en revanche un tout autre effet. Elle se rechaussa rapidement et, les sourcils levés en signe d'interrogation, tenta de l'apaiser de sa voix calme.

- Tout va bien ? Je ne vous forcerai pas si vous ne le souhaitez pas. Seulement... en vous voyant regarder les autres patiner, je me suis dis que vous voudriez peut-être en faire partie.

Elle se tourna vers les-dits "autres" allant chacun à leur rythme, à des niveaux différents, mais avec tous le même sourire aux lèvres.

- L'air heureux qu'ils affichent n'est pas feint, et puis, ce n'est pas tous les jours qu'il nous est permis de glisser sur plus d'un mètre de glace. Soit plus de cinq fois plus que la norme sécuritaire. Et cette glace bleu pâle ! En plus d'être la plus solide, elle est un véritable joyau scintillant au soleil !

Elle l'admira quelques secondes. L'air qu'elle expirait se muait en petits nuages blancs s'évanouissant dans l'air gelé.

- Plus on est de fous, plus on rit, n'est-ce pas ? Si vous êtes disposée à me faire confiance, je serais plus qu'heureuse de vous apprendre quelques bases. Et je vous promets que je ne vous lâcherais pas.

Elle eut beau sourire à cette dernière phrase, elle voulait réellement tenter de partager son bonheur.

La réponse de l'inconnue ne fut pas sans soulager Sejan qui, pour une raison dont le sens lui échappait, aurait trouvé fort dommage d'être confrontée à un refus.

La curiosité la piqua en voyant une dame à l'air aimable lui remettre une paire de patins, mais elle ne souffla mot. Tandis que la jeune rousse se préparait, la Dessinatrice prit plaisir à goûter à un vent léger qui passait. Les yeux fermés, elle laissa quelques mèches s'échapper de sa toque pour suivre la direction du vent. Cet air purgatoire lui fit ressentir un immense bien-être intérieur, lui délassa les muscles, et fit brûler en elle le désir de retourner sur la glace.

Dans cet état de décontraction et de confiance, elle se tourna à demi pour répondre à la question -légitime- posée.

- Mon nom est Sejan. Quant à savoir qui je suis, chaque personne qui m'a connue vous donnerait une réponse différente de la précédente. Donc pour vous, je serai Sejan, une patineuse un peu douée qui trouverait fort dommage qu'une demoiselle aussi jolie que vous reste sur le bas-côté et ne vienne pas s'amuser un peu !
En retour, me feriez-vous la grâce de me dévoiler votre nom ?

Elle attendit, en la regardant, que la jeune femme soit prête. Désormais qu'elle y prenait garde, le moindre mouvement de tête faisait onduler ses cheveux à la manière d'un feu.

- Dîtes-moi quand vous vous sentez prête.

Elle n'osait le dire mais l'impatience de se dépenser encore la gagnait peu à peu.

- C'est amusant, vous portez le même nom que la Reine.

Elle avait dit cela d'un ton léger mais se rendit compte dans l'instant suivant qu'il s'agissait à environ 100% d'une gaffe. Elle fit comme si de rien n'était et lui rendit son sourire avant de l'entraîner par la main, la poigne sûre, sur la glace.
Là elle ralentit et renforça sa position, faisant pénétrer avec douceur et fermeté sur l'étendue gelée la jeune novice, lui tenant les mains dans les siennes afin d'assurer une bonne stabilité.

- Là, doucement... Essayez de ne pas vous crisper, mais vous aller voir, vous allez vous détendre au fur et à mesure.

Se tenant face à Beldura, elle commença à reculer lentement sur la glace à petits pas afin de la laisser s'habituer à glisser. Elle lui adressa un sourire rassurant.

- Je vais vous guider, ne bougez pas et laissez-vous faire... Vous voyez, on progresse.

Pour débuter, elle ne s'éloignait guère de plus d'un mètre du bord, puis, au bout de quelques temps, estima qu'elles pouvaient passer à l'étape supérieure.

- Ca vous dit de commencer à faire le tour du lac avec les autres ? Comme maintenant, je vous guiderai, nous irions lentement et je ne vous lâcherai pas.

Le regard de Sejan ne quittait pas celui de Beldura. Elle avait assez confiance en ses pieds pour ne pas y prêter trop attention et préférait se montrer rassurante. Elle n'était pas la dernière à savoir que sentir le sol se dérober sous ses pieds était un fait des plus troublants. La rousse était cependant appliquée et se familiarisait doucement à l'exercice, elle adressa lui même un petit sourire ! Ce visage plus jovial l'embellissait et fit plaisir à Sejan.

- Vous vous en sortez très bien. Si vous continuez à garder courage comme vous le faites, vous allez bientôt pouvoir vous passez de moi !

Sans d'abord lâcher les deux mains de la jeune femme, la Dessinatrice s'éloigna doucement du bord à reculons tandis que les autres patineurs les évitaient si d'aventure ils passaient vers elles puis finit par atteindre le cercle.

- Je vais lâcher votre main droite et patiner à vos côtés. On va continuer à y aller doucement mais vous allez voir, plus on va vite, et plus on peut se laisser glisser. Mais plus tard.

Et effectivement, elle lâcha la main droite de Beldura et se mit à sa gauche avant de reprendre lentement l'avancée. Cette fois, elles avaient autour d'elles plusieurs dizaines de patineuses et patineurs, plus ou moins expérimentés, seuls ou à plusieurs. Mais elles et eux faisaient désormais partie du même cercle.
Ayant vérifié sa bonne prise avec la main de la jeune femme et soutenu son avant-bras également, Sejan calqua son allure sur celle de la rousse.

- Ca va ? Vous commencez à vous sentir à l'aise ?

La jeune femme la regardait fixement, mais gentiment, et elle avait l’air contente de voir qu’elle se débrouillait un peu mieux, qu’elle était un peu plus sûre d’elle.

- Vous vous en sortez très bien. Si vous continuez à garder courage comme vous le faites, vous allez bientôt pouvoir vous passez de moi !

Belle lui adressa un nouveau sourire timide : elle n’était pas tout à fait convaincue de la véracité de ces propos. Elle se connaissait : faire quelque chose seule lui était toujours difficile. Cependant, elles s’éloignaient du bord, toujours mains dans les mains. Elles entrèrent dans le cercle normal de patineurs, et Belle sentit le stress la gagner peu à peu, atteignant un point culminant lorsque Sejan la lâcha. Elle serra ma main à s’en faire blanchir les jointures et à lui couper la circulation sanguine. Ses pieds étaient encore hésitant, et la foule, bien que peu compacte, autour d’elles l’angoissait. Alors que son cœur battait la chamade et que son cerveau commençait à s’emballer, elle se força, peut-être pour la première fois, à dominer ses terreurs. Elle respira lentement, tout en continuant à bouger régulièrement ; Sejan la soutenait bien, et cela la rassurait quelque peu. Elle lui demanda si elle commençait à se sentir à l’aise. Belle secoua la tête.

- Pas tout à fait … On peut aller lentement encore un peu ?
-
Elle savait que cela irait mieux, mais ça risquait de prendre du temps …

La crispation dont faisait preuve la novice était palpable, mais elle était vaillante, quand bien même elle lui fit part de son appréhension. C'était bon signe. C'est toujours un bon signe.

- Bien sûr, on va faire quelques tours sur ce rythme pour que vous vous y habituiez. Quoi qu'il en soit, c'est un très bon début ! l'encouragea--t-elle.

Elles continuèrent ainsi quelques temps. Sejan gardait un oeil attentif sur son "élève" tout en prenant garde aux autres patineurs et en profitant un peu de l'air. Tout cela l'amusait et elle avait, en outre, un besoin quasi-permanent de se sentir active. La curiosité la poussa ensuite à en savoir plus sur celle à qui elle tenait si fermement la main.

- D'où venez-vous ? Vous êtes venue voir quelqu'un en particulier patiner ?

La réplique fit sourire Sejan qui attarda un coup d'oeil rieur du côté de Beldura.

- Quand vous parlez de cette manière, on dirait une mère qui veille sur ses enfants.

Elle effectua un demi-tour sur la droite en accélérant légèrement pour se retrouver face à face avec la rousse avant de continuer sur le rythme lent et décontracté utilisé. Durant cette manoeuvre, l'étreinte des mains s'était forcément un peu desserrée et Sejan espérait que cela permettrait à Beldura de se rendre compte qu'elle était en sécurité même sans lui broyer les os. De son côté, ne voyant plus vers où elles se dirigeaient, elle laissait -sans le lui dire- le soin à la belle le soin de la diriger, même inconsciemment.
Tout en patinant vers l'arrière, elle regarda les pieds de la novice d'un air satisfait, ses foulées étant bien plus régulières qu'au début et sa posture bien ajustée. Ceci vérifié, elle releva le menton et les yeux.

- Pour ma part, je viens de Rhadamante. Mais cela fait plusieurs années. Vous vous en sortez vraiment bien pour quelqu'un qui n'avait jamais patiné.

Sejan tendit bien sa main libre pour attraper la rousse, mais celle-ci glissa au dernier moment, déconcentrée. Avec grand mal, elle retint un éclat de rire devant le comique de la situation, ce qui la réduisit à sourire tout en aidant du mieux qu'elle pu la jeune reine à se relever sur le terrain glissant.

Elle l'accompagna jusqu'à ses affaires et attendit qu'elle eût revêtu ses chaussures.

- Je vous en prie, c'était un réel plaisir. J'espère cependant que ce petit incident ne vous démotivera pas, cela serait tellement dommage.

S'ensuivit un court silence durant lequel elle adressa un grand sourire à Beldura.

- Je vous souhaite une excellente fin de journée, ainsi qu'une bonne continuation...

Étant habitante de Minos, elle hésita -tout en pliant l'échine- quant à l'appellation la plu adéquate entre 'Votre Altesse' ou 'Majesté'.

- ...Beldura.

Après tout, ce n'était pas un petit manquement au protocole qui allait lui retomber dessus.
Elle continua de sourire tout en faisant un signe d'au-revoir tandis que la jeune femme s'éloignait, puis retourna patiner.