[Terminé] Chose promise, chose dûe [Beldura]

Dernière édition par Sorga le Dim 4 Oct 2020 - 22:39, édité 3 fois

Sorga s'arrêta un instant pour récupérer, le souffle court et la respiration sifflante.
Ils avaient ajouté une pente à cette avenue depuis son dernier passage ou quoi ?
Son voyage de Crannsliabh à Elysée avait été long, et rendu difficile par son... état. Mais, têtu comme il était, il avait forcé pour tout faire d'un trait. Heureusement qu'il avait laissé sa hache et son armure à l'auberge, sous la garde de son ami Esteban, l'aubergiste.
De toute façon, il n'aurait pas eu la force de porter l'équipement de feu son frère.
Du coup, il n'avait que son armure de cuir, sa sacoche et sa lance, sans oublier son anneau à plume, vissé sur une corne.
S'appuyant toujours sur sa lance comme un vieillard à sa canne, il leva la tête pour regarder le Palais qui se laissait découvrir entre les maisons, tout proche maintenant.
Puisant un second souffle dans cette vision pleine de nostalgie, l'homme-lézard se remit en route.

Quelques minutes plus tard, une jeune domestique l'escortait dans le Palais, en direction d'un salon où il pourrait attendre que la Reine puisse le recevoir.
C'était tout juste une adolescente, et l'homme-lézard s'amusait des fréquents coups d'oeil qu'elle lui jetait, tout en la suivant en boitant un peu, car ses genoux lui faisaient mal.
Finalement, elle se décida, et lui demanda d'une voix timide :

- Excusez-moi... vous êtes... le chevalier noir ?
- J'étais. Appelle-moi Sorga. Tu es nouvelle au Palais ?
- Oui, je suis là depuis trois semaines. Navrée de vous demander ça, messire Sorga, mais est-ce vrai que vous avez secouru la Reine lorsqu'elle a été enlevée ?
- Déjà, oublie le messire, ça me donne un coup d vieux. Et oui, c'est vrai. Mais je n'étais pas seul, le conseiller Siffroy était là aussi. Tu pourras lui demander de te raconter toute l'histoire ; il est plus âgé, et donc un meilleur conteur.

La jeune fille sourit, et ils continuèrent à marcher pendant un moment.
Comme elle continuait à lui jeter de fréquents coups d'oeil, l'homme-lézard demanda :

- Que t'ont raconté les autres domestiques à mon sujet ?
- Plein de choses ! Navrée si je donne l'impression de vous dévisager ! C'est juste que... vous êtes... très différent de ce à quoi je m'attendais après ce que j'ai entendu.

Sorga sourit, mais n'ajouta rien.
Soudain, ils passèrent dans une galerie des glaces, et Sorga eut tout le temps, grâce à son reflet, de prendre la mesure des changements dans son apparence.
Il n'y avait plus aucune trace de sa couleur habituelle verte-brune dans ses écailles : tout était remplacé par cette teinte grise, cendreuse, pleine de stries. Des craquelures mêmes étaient apparues à certains endroits de son visage, de ses mains, de sa queue...
Cette couleur n'avait rien de volontaire ; cela faisait des semaines que les tâches grises s'étaient peu à peu étendues à tout son corps, lui faisant du coup perdre sa faculté de caméléon.
Il ressemblait aujourd'hui à une sculpture de charbon de bois qui avait brûlé trop longtemps et semblait sur le point de tomber en cendres au moindre contact.
Ses yeux étaient emplis de la fatigue du voyage et ses vêtements auraient bin eu besoin d'un coup de nettoyage.
Il faisait vieux, en somme, surtout lorsqu'il s'appuyait comme ça sur sa lance pour marcher, légèrement voûté vers l'avant.

Du coup, pas étonnant qu'il ne corresponde plus à l'image du chevalier noir, le vigilant garde du corps de la Reine, portant une armure et une hache titanesque...

Sorga secoua la tête, et se redressa tant bien que mal malgré sa fatigue et ses douleurs articulaires : il était venu voir Beldura, et c'était ça la seule chose qui importait. Il avait envie de la voir en bonne santé, physique et émotionnelle, alors inutile de s'inquiéter de son état à lui.
Ils arrivèrent bientôt dans un petit salon aux couleurs chaleureuses, ouvert sur un des nombreux jardins et qui avait la bonne idée d'être orienté plein sud.

- Je vous en prie, attendez la Reine ici. Voulez-vous que j'aille vous chercher des rafraichissements avant d'aller prévenir la Reine ?
- Non merci, j'ai ce qu'il faut. Oh ! Si la Reine est actuellement en train de présider à une réunion ou quoiqu ce soit d'autre d'important, laissez-la termine avant de lui dire que je suis ici, s'il vous plait.
- D'accord. Ce fut un plaisir de faire votre connaissance, mess... Sorga !
- De même.

Avec un dernier sourire, la jeune fille partit, le laissant seul.
L'homme-lézard lâcha un soupir en faisant jouer ses articulations douloureuses, puis il alla s'asseoir dans le canapé qui était au soleil. Appréciant avec une joie non dissimulée le confort d'avoir de bons coussins sous les fesses et un soleil réparateur qui le réchauffait, Sorga se détendit et ne tarda pas à fermer les yeux.
Quelques secondes plus tard, il dormait, la respiration un peu sifflante.

30/06/2758

Ce jour là, il n’y avait pas eu de réunion. C’était une relâche. Elle avait donné un jour de libre à ses conseillers et à ses ministres, considérant que l’on avait assez avancé la vieille. Elle en avait profité pour se reposer, et puis, surtout pour lire. Ainsi, à l’instant où Sorga arrivait, elle était roulée en boule sur un fauteuil des jardins, bien dissimulée, absorbée par sa lecture. Elle changeait toujours de coin, histoire de ne pas pouvoir être dérangée. Là, elle était en fait non loin de l’endroit où il l’avait portée la fameuse nuit du bal.
Le roman qu’elle lisait était passionnant. C’était Isaac qui le lui avait conseillé, arguant qu’il lui plairait, et il ne s’était pas trompé –se trompait-il parfois à son sujet ?-. Elle avait à pine déjeuné pour pouvoir avancer plus vite. Mais c’est justement car on ne l’avait pas vue depuis le matin, et qu’elle n’était à aucun des endroits habituels qu’une petite vague de panique se créa dans le palais lorsque la jeune servante eut laissé Sorga. On ne la retrouvait pas. Soudain, on se mit à craindre un nouvel enlèvement ou bien … Les domestiques commencèrent à courir partout, alors que la nouvelle de la présence de Sorga se répandait comme une traînée de poudre. C’est en passant par cet endroit isolé, en proie à une certaine panique, qu’une de ses dames de compagnie lui passa devant sans même la remarquer, discrète comme elle était, dans une robe verte des plus sobres, et ses cheveux rassemblés en une couronne de tresses. Ce n’est qu’en revenant demander à cette jeune courtisane, au sens noble du terme, si elle avait vu la Reine, sans doute avec une certaine rudesse qu’elle s’aperçut de sa propre méprise. Sa Majesté était là. Elle s’inclina, et ce fut le froufrou du tissu et la sensation d’être observée qui firent lever les yeux de son livre à Beldura. Elle ne put s’empêcher de sursauter en la voyant.

- Oui ?
- Majesté, pardonnez-moi de vous importuner mais …
- Allez-y, vous ne me dérangez pas.

Elle lui sourit avec douceur tout en se levant. Elle se doutait bien que si une de ses dames de compagnie était là ce n’était pas pour repartir seule !

- Monsieur Sorga est arrivé il y a peu, et il vous attend dans le petit salon jaune Sud.

Cette nouvelle illumina le visage de Beldura.

- Par les Grands Rois, c’est vrai ?

Un immense sourire, très franc cette fois, lui fendit le visage. Elle avait lu et relu sa lettre des dizaines de fois, heureuse d’avoir de ses nouvelles. Il l’avait fait rire, et à la fois lui avait prouvé ô combien il lui manquait. Tout l’été elle l’avait guetté. Il venait juste au début de la saison des pluies, alors que le ciel n’était pas encore couvert, mais que les températures fraîchissaient. Elle lui avait répondu, évidemment.
Elle se mit sur ses pieds, prit son livre, et alla jusqu’au salon très vite, tout en bombardant de questions sa dame de compagnie qui semblait avoir du mal à la suivre. C’était la première fois que la reine courrait ainsi dans les couloirs, et surtout qu’elle semblait si joyeuse. Elle était malheureusement incapable de lui répondre, n’ayant pas elle-même vu le Chevalier Noir.
Lorsque Belle ouvrit la porte, elle ne reconnut pas de suite Sorga. Il était assis de dos, tout d’abord, mais surtout, il était gris. Elle s’avança, et plus aucun doute ne lui fut permis. Oui, c’était bien lui. Mais pourquoi était –il ainsi, semblable à un charbon ? Un sourire attendri étira cependant ses lèvres. Elle murmura :

- Préparez lui une chambre confortable, et des vêtements propres et à sa taille. Apportez-nous également de quoi boire et grignoter, prenez tout ce qu’il aime à la cuisine, dites que c’est pour lui, ils sauront. Et laissez-nous ensuite, je vous prie. Je ne veux pas être dérangée avant le dîner.
- Oui, Majesté.
- Merci.

Elle la remercia de nouveau lorsqu’elle porta ce qu’elle lui avait demandé. Beldura, sentant son ventre tirailler, se permit de piocher dans les gâteaux que le cuisinier avait mis là. Elle le grignota tout en lisant, sans réveiller son ami qui avait dû faire une bien longue route pour arriver jusque-là. Oh, oui, ils en auraient des choses à se dire ! Mais pour l’instant juste le voir là était suffisant pour lui réchauffer le cœur. Même s’il fallait admettre que son apparence la troublait grandement. Elle espérait qu’il ne lui était pas arrivé malheur …

Après quelques minutes d'un sommeil qui semblait bel et bien imperturbable - il ne fut en tout cas ni réveillé par les mouvements de la reine et des domestiques autour de lui en tout cas, ni par l'odeur pourtant délicieuse de la nourriture amenée sur la petite table - l'homme-lézard couleur charbon carbonisé eut soudain comme un sursaut, ouvrant les yeux en grand et s'agrippant au canapé comme s'il avait craint de tomber.
Il semblait un peu confus et mit plusieurs longues secondes pour se réveiller tout à fait, remarquant finalement la silhouette assise dans le fauteuil d'en face, en train de lire un livre.
Son visage s'illumina d'un grand sourire lorsqu'il reconnut enfin Beldura, ce qui accentua davantage les petites craquelures de ses écailles.

- Bonjour, Beldura ! Désolé de m'être endormi comme ça, je voulais te faire la surprise de ma visite, et au final je m'écroule dans un canapé !

Son ton était un peu contrit, mais restait enjoué.
Il était véritablement heureux de la voir, visiblement en bonne santé et détendue.
Sorga étouffa un bâillement à grand peine et se redressa comme il pouvait, ne jetant au final qu'un bref coup d'oeil aux victuailles étalées sur la table avant de revenir à la Reine.

- Tu as l'air en forme. Comment se passe la vie par ici ?

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A vrai dire, son livre était trop passionnant pour qu'elle remarque son réveil en sursaut. Aussi, ce fut elle qui fut surprise lorsqu'il lui parla, et elle ne put retenir un tremblement. Elle mit son marque page en vitesse, et le regarda avec un grand sourire. Arriver à lui faire décrocher de tels sourires était rare -à vrai dire, il faisait partie des deux seules personnes à y parvenir, et il était sans doute le plus efficace-. Sa nouvelle apparence ne l'effrayait pas -elle n'était pas effrayée du moment où elle reconnaissait Sorga-, mais par contre, cela l'inquiétait un peu. Etait-il malade ?
Cependant, son sourire, s'il pouvait paraître inquiétant pour toute autre personne, l'éloigna un instant de ses préoccupations. Ses difficultés de réveil lui furent même échapper un petit rire. Elle le regardait avec des yeux qui semblaient pétiller un peu.

- C'est quand même une surprise ! Je suis ravie de te voir, tu ne peux pas t'imaginer à quel point tu m'as manqué …

Elle lui sourit.

- Ici, ça va. La vie continue, tranquillement. Tu peux te servir, hein ! J'ai l’impression d'avoir toujours plus de réunions, et d'entrevues. Siffroy s'est marié à Odéline, Isaac et moi avons notre nouvelle chambre, on cherche toujours à nous marier on n'attend que d'avoir un héritier, et … Ah oui. Garmyr est venu me voir, je l'ai trouvé très … étrange. Il semblait avoir beaucoup plus changé que nous tous et ….

Elle soupira.

- Enfin. Et toi ? Comment vas-tu ? Tout se passe bien, là-bas ? Tu as recroisé ton caméléon ? Et qu'est ce qui t'es arrivé pour que tu changes ainsi de couleur ? Tu ne portes plus ton armure ? Il t'es arrivé des aventures ?

Elle s'arrêta soudain.

- Oh, pardon … Je t’assomme avec toutes mes questions … Mais je suis si contente de te revoir !

Elle lui sourit de nouveau. Sa joie intense n'était pas feinte. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas ainsi sentie aussi heureuse sans que rien ne vienne troubler le tableau.

Sorga écarquilla les yeux de surprise sous l'avalanche de questions posées par Beldura. Elle était rayonnante, pleine de vie, ne marquait aucune hésitation en parlant et son sourire franc se reflétait dans ses yeux qui ne cillaient pas.
Du coup, il se retrouva à poser la seule question qui lui venait à l'esprit :

- Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de la Reine Beldura ?

Il était gentiment moqueur aussi.
La femme qu'il avait en face de lui n'avait plus rien à voir avec le "pudding roux", ce qui le rendait... heureux, tout simplement.

- Je plaisante, je plaisante...
Ça me fait plaisir de te voir en forme aussi, Beldura. Tu sais que tu peux déléguer un peu si les réunions t'ennuient hein ? Ce n'est pas sain d'avoir à tout décider, tout gérer toute seule. Isaac ne fait pas de bêtises ?
Garmyr est passé ? Il a été sage j'espère ? Il est passé me voir à Crannsliabh, et c'est après notre discussion qu'il m'a dit vouloir te voir toi. Apparemment, les changements dans sa vie lui sont tombés dessus sans prévenir... et il essaie toujours de s'en dépatouiller, ou de s'y habituer.
Bref...

Tout en parlant, Sorga se pencha vers la table basse et servit deux grands verres d'eau, un pour lui et un pour la reine, sans lui demander si elle en voulait ou pas, par habitude acquise avec son ancien travail auprès d'elle.
Il but longuement, la gorge asséchée par le voyage.

- Siffroy s'est marié ? Fichtre ! Il faudra que je le félicite si je le vois...

Il garda le silence un moment, faisant tourner son verre dans sa main, perdu dans ses pensées :

- Crannsliabh est vraiment un bel endroit. Imprévisible, dangereux souvent, inexploré à coup sûr, mais chaque chemin offre quelque chose de nouveau à découvrir. C'est... grisant, et j'ai plusieurs fois dû me faire violence pour revenir vers la civilisation.
J'ai vu des arbres grands comme le Palais, des cascades si puissantes que l'eau a fendu la pierre sur laquelle elle est venue s'écraser, des papillons volant en colonie si nombreuse qu'ils recouvraient les arbres et remplaçaient les feuillages...
De belles choses, ça oui... de moins belles aussi, bien sûr, mais je ne vais pas trop en parler.

Il sourit, avant de reprendre d'un ton plus enjoué :

- Et non, je n'ai pas croisé le caméléon. Mais c'est la saison des amours pour eux, alors je suppose qu'il est occupé.
J'ai laissé mon armure là-bas, je n'en avais pas besoin pour venir ici, et elle est un peu dure à porter dans les longs voyages.
Quant à ma sublime couleur "fond de mine"...

L'homme-lézard marqua une hésitation.
Infime.
Il n'avait pas envie de lui cacher ça.

- Je me fais vieux, c'est tout.

Il sourit, avant de se resservir de l'eau.

- Ton roman est bien, au fait ?

30/06/2758

Elle rit tout en rougissant à sa remarque. Il est vrai qu’il était inhabituel de la voir ainsi … Elle écouta ce qu’il disait avec attention, et le remercia d’un sourire pour le verre d’eau, qu’elle but lentement, alors qu’il lui parlait. Elle hochait la tête de temps en temps, marquant ainsi son intérêt. Elle nota mentalement qu’il lui fallait se renseigner sur Crannsliabh. Ca avait l’air assez fascinant. Elle ne voulait pas y aller –non, trop dangereux, elle n’était pas si téméraire-, mais avait envie de lire des récits à ce sujet. Elle avait envie de pouvoir s’imaginer ce que son ami avait vécu. Elle avait même un air un peu rêveur … Et elle rougit lorsqu’il parla de la saison des amours, tout en souriant. Effectivement, il y avait des chances que ce bon caméléon soit occupé à autre chose … Il lui révéla qu’il avait laissé son armure là-bas, et au moment où elle allait lui demander s’il n’avait pas peur que cela lui manque, il lui expliqua la raison de sa nouvelle couleur. Elle pâlit. A vrai dire, sa question sur son livre passa un peu inaperçue, tant son cerveau était obnubilé par cette nouvelle.
Vieux ?
Vieux au point d’entièrement changer ainsi de couleur, voire même, elle l’aurait parié, de texture ? Est-ce que … ?
Etrangement, elle s’était mise à ressembler à nouveau à un pudding roux. Elle ne savait absolument pas comment poser les questions qui la préoccupaient.

- Tu … vieillis ? Mais quel âge as-tu ? Tu vieillis différemment de … ma race par exemple ?

Les enfants des Eléments avaient une espérance de vie moyenne semblable à celle des humains de l’ère précédente, contrairement aux Alfs par exemple, dont l’espérance de vie était très largement supérieure. Elle ut soudain peur que son ami meure de vieillesse justement bientôt. Elle n’y avait jamais pensé.

Lun 12 Sep 2016 - 23:35

Le cœur de Sorga se serra en voyant Beldura redevenir un peu le "pudding roux" après ses quelques mots. Il s'en voulait vraiment de la faire s'inquiéter de la sorte, mais il s'en serait sans doute voulu plus encore s'il lui avait caché la vérité.
Maintenant qu'il en avait déjà trop dit, ou pas assez, autant aborder carrément le sujet, pas vrai ?

- J'ai vingt-sept ans. C'est peut-être peu pour beaucoup d'autres races, mais parmi mes frères et sœurs, je suis celui ayant vécu le plus longtemps déjà. Le record précédent était détenu par ma grande sœur, qui a vécu jusqu'à vingt-trois ans. Doyen à vingt-sept ans, il faut le faire, pas vrai ? [Pas pu résister ^^]
Même si je peux me vanter d'être le plus "abouti" parmi les créations de mon... père, je suppose qu'il y a des limites à tout.

Il resta quelques secondes à fixer ses mains, se grattant la paume à la texture de cendre du bout des griffes. Il soupira, avant de sourire doucement en ramenant son regard sur Beldura :

- Je suis désolé de plomber l'ambiance le jour où je passe te voir, mais je n'ai pas envie de te mentir à ce sujet.
Est-ce que je vais mourir ? Oui.
Dans combien de temps ? Quelques mois, quelques semaines, plus, moins, je n'ai aucune certitude...

L'homme-lézard avait très vite compris ce qui lui arrivait lorsque les premières tâches grises étaient apparues sur son corps ; il avait pu consulter le journal de son Créateur, et les symptômes étaient les mêmes que ceux de sa sœur, peu de temps avant sa mort.
Il s'était assez vite fait à l'idée que son heure approchait.
Enfin, il croyait.

Mais dire qu'il allait mourir à voix haute, avec Beldura face à lui, dans le Palais qu'il considérait comme sa maison lui fit se rendre compte qu'il se trompait : il ne s'était pas du tout fait à cette idée !
Une fois mort, il ne pourrait plus parler avec Beldura, ni veiller sur elle, ni aller explorer de nouveaux lieux, ni chasser, ni rencontrer de nouvelles personnes, ni rire, ni pleurer, ni apprécier le contact du soleil sur ses écailles, ni boire une bonne bière en pêchant...
La réalité le rattrapa comme un taureau furieux, et envoya valdinguer le mur de certitudes et de logique qu'il avait bâti pour se protéger, avant de le percuter de plein fouet à son tour : face à sa propre fin, on ne pouvait pas rester calme, point barre.
L'homme-lézard était terrorisé oui !

Ses mains se mirent à trembler malgré tous ses efforts pour les immobiliser. Une boule se forma dans sa gorge, tandis que son ventre se glaçait. Il se recroquevilla sur lui-même, comme honteux de son état, les yeux humides.

- Je suis désolé...

Sa voix était à peine un murmure.

Spoiler:

30/06/2758

Elle sentit ses mains commencer à trembler alors qu’il lui parlait. Il allait mourir ? A vingt-sept ans ? Elle était incapable de le concevoir, mais plus il lui parlait, plus ses yeux s’emplissaient de larmes, qui finirent par déborder sur ses joues, coulant jusque sur son menton, et même, peu à peu, dans son cou.
Le pire fut sans doute lorsque Sorga lui-même cessa de paraitre calme. Si ce qu’il lui disait la bouleversait, le fait de le voir flancher la bouleversa d’autant plus. Il avait l’air si fragile, tremblant ainsi, recroquevillé les yeux humides !
Elle fit alors la seule chose qui lui veniat à l’idée. Elle se leva, et alla vers lui. Elle se plaça à côté de lui, et l’entoura de ses bras, puis le serra contre elle, plus fort qu’elle ne l’avait jamais fait. Elle savait maintenant qu’être entouré de bras aimants était l’une des meilleures façons de faire face à la peur à l’angoisse. Non, évidemment, cela ne l’anéantissait pas. Cela l’éloignait juste : on savait alors que l’on n’était pas seul face aux épreuves qui nous arrivaient. On savait qu’on était accompagné par quelqu’un qui nous soutenait, et posait sur nous un regard bienveillant. Et c’était déjà beaucoup, plus que tout ce qu’elle avait eu des années durant.
Elle ne dit rien, car sa seule pensée était « Comment vais-je vivre sans toi ? Comme vais-je faire ? Qui sera là pour m’aider, me conseiller, m’épauler, me soutenir, me faire rire, m’accompagner, me parler ? Comment pourrai-je supporter l’idée de ne plus jamais te revoir ? » et elle se refusait à le lui dire. Elle ne voulait pas le faire culpabiliser : il était terrorisé, manifestement, comme tout être normalement constitué face à sa propre fin, alors à quoi bon le faire se sentir coupable ? Il n’avait pas choisi de l’abandonner !
Pourtant, son étreinte parlait pour elle : elle disait à son ami à la fois tout l’amour qu’elle lui portait, et son refus de l’imaginer partir pour toujours.

Mer 2 Nov 2016 - 1:14

Sorga tenait encore à peu près le coup mais, lorsque Beldura vint en pleurant le serrer dans ses bras, exprimant sans un mot sa peur de le voir partir, il perdit pied pour de bon.
L'ancien domestique/garde du corps/chevalier noir/ami se mit à pleurer à son tour. Il se laissa aller dans l'étreinte de la Reine, le corps secoué de sanglots silencieux et de grosses larmes coulant sur les écailles cendrées de son museau. Il ressemblait soudain à un jeune enfant terrorisé.
Image très éloignée de celle du "chevalier noir " qui se tenait autrefois vigilant auprès de la Reine Beldura.
Ils restèrent ainsi dans les bras l'un de l'autre pendant plusieurs minutes, comme coupé du monde, jusqu'à ce que, finalement, les larmes de Sorga se tarissent.

Il essuya ses yeux et ses joues humides, avant de se frapper le crâne en essayant de sourire :

- Non mais tu te rends compte ? Je suis un imbécile parfois ; j'avais promis de venir te voir, et j'arrive avec des mauvaises nouvelles comme ça ! Mais une promesse est une promesse, et je devais le faire avant de...

Le mot était soudain trop difficile à exprimer.
Mais elle comprendrait ce qu'il voulait dire, il en était certain.

Voilà, c'était fait.
Il avait annoncé la pire nouvelle imaginable à Beldura. Et maintenant ?
L'homme-lézard posa sa main sur le bras de la Reine et le serra doucement, avant de réussir à mettre en un mot tout ce qu'il voulait lui dire :

- Merci, Beldura.

Merci de ne pas avoir eu peur de moi.
Merci pour m'avoir fait confiance.
Merci pour tout ce temps que j'ai pu passer à veiller sur vous.
Merci d'avoir pardonné mes erreurs.
Merci d'avoir partagé votre histoire.
Merci pour votre amitié.
Merci pour tout, et plus encore.

Il espérait que son regard saurait transmettre tout ce qu'il voulait dire dans le "merci" qu'il avait prononcé ; il ne pourrait pas retenir ses larmes une nouvelle fois s'il devait tout exprimer, et ne se sentait pas le coeur d'une nouvelle crise de larmes dans l'immédiat.

Spoiler:

30/06/2758

[T’es qu’un salaud, mon cœur se serre terriblement Sad

]

Lorsque Sorga vint s’effondrer contre elle, Beldura resserra encore son étreinte autour de lui, et ils pleurèrent ensemble. Ils semblaient incapables de retenir leurs larmes face à la nouvelle fatale, tragique qui s’abattait sur leurs têtes.
Ils étaient presque immobiles juste secoués par leurs sanglots, et presque silencieux. Si quelqu’un entrait, cette scène avait de grandes chances d’être répétée et amplifiée à tous les coins de rue (et du palais).
Heureusement, personne ne vint s’interposer dans cette scène à fendre les pierres, et lorsque Sorga se redressa pour essuyer se larmes, Beldura attrapa un mouchoir et s’essuya le visage, tentant de faire abstraction de ses yeux sans doute gonflés et rouges.
Elle balaya ses excuses d’un revers de main : il était revenu, c’était le plus important. Malgré tout, elle étai heureuse de le revoir, même si c’était peut-être … Elle se refusa cette pensée. Elle refusa de le voir comme déjà mort, ou presque. Elle ne savait pas ce qu’il voulait faire du temps qu’il lui restait, mais elle savait ce qu’elle, elle refusait que ce soit : du temps où l’on se morfondait.
Puis, il mit une main sur son bras et la remercia. Son cœur se serra, et une nouvelle vague de larmes la submergea. Elle lui sourit. Quelque part, elle avait l’impression de revivre, inversé, l’instant où il lui avait donné sa lettre de démission, moment qui l’avait profondément marquée. Elle mit sa main sur la sienne et serra doucement.

- Avec plaisir Sorga … Tu as fait pour moi au moins autant que j’ai fait pour toi …

Elle lui sourit, et cela se transmit jusque dans ses yeux humides.

- Tu as ... des idées de ce que tu voudrais faire, à présent ?

Voir Beldura sourire lui gonfla le coeur. Il se sentait à la fois très fier d'elle, profondément heureux de la compter parmi ses amies, et parfaitement honteux de l'avoir fait pleurer à cause de son état.
Il était aussi soudainement épuisé, la fatigue émotionnelle s'étant ajoutée à celle physique, due au voyage.

Sorga parvint néanmoins à rendre son sourire à la Reine :

- J'aimerais rester à Minos quelques jours, pour récupérer au moins du voyage que je viens de faire. On m'a recommandé une auberge, l'auberge du Cheval Blanc...

Il marqua une pause, laissant son regard dériver vers les jardins que l'on apercevait derrière la fenêtre :

- Après... je ne sais pas trop. Je vais sûrement envoyer quelques lettres, et retourner à Héraclès pour mettre de l'ordre dans mes affaires.

L'homme-lézard secoua la tête, avant de se passer une main sur le visage et de reporter son regard sur Beldura :

- Mais assez parlé de moi. Tu ne m'as pas répondu tout à l'heure. Le livre que tu lisais, il est bon ?

30/06/2758

Beldura resta près de son ami. Lorsqu’il évoqua le fait d’aller à l’auberge, elle lui posa une main sur le bras.

- Non ! Reste ici, s’il te plaît ! Tu peux prendre une des petites chambres, aller et venir comme bon te semble, si tu ne veux pas qu’on te serve, on ne te servira pas, mais reste s’il te plait … Je ne vais pas pouvoir beaucoup te voir sinon …

L’idée de ne pas le voir assez après cette déclaration lui brisait le cœur. Il était parti depuis si longtemps ! Elle avait tant à faire ! Elle ne pouvait le laisser filer … Elle se ravisa pourtant, s’empêchant d’insister. Elle hocha la tête à la mention d’Héraclès.

- Tu voudras de l'aide ? Je pourrais peut-être partir quelques jours, ça e ferait des vacances, et je verrais du pays …

A vrai dire, elle ne se rendait pas vraiment compte de ce qu’elle proposait ; Elle avait juste conscience d’avoir besoin de vacances, et de ne pas vouloir quitter son ami. Puis il lui parla de son livre. Elle sourit.

- Oui ! J'aime les romans de capes et d'épées, plein de magie et de princes ensorcelés... Elle rencontre le prince charmant mais elle ne l'apprend pas avant le chapitre trois ! Ceci dit, je crois bien que c’est en train de se gâter un peu, c’est loin d’être aussi niais que ça en a l’air ! Les soucis arrivent et … Ahem. Ca faisait longtemps que je n’avais pas lu, je m’emballe, pardon.

Elle lui fit un petit sourire contrit.

Jeu 12 Jan 2017 - 23:58

Il sourit lorsque la Reine insista pour qu'il reste au Palais le temps de son séjour à Elysée. Bizarrement, il s'était un brin attendu à cette réaction et, même s'il ne tenait pas trop à imposer sa présence claudicante, il ne se sentait pas de trop argumenter contre cette idée ; lui aussi avait envie de rester auprès de la Reine, dans ce lieu familier qu'était pour lui le Palais.
Néanmoins, il crut bon de poser des conditions, un peu taquin :

- D'accord, je veux bien prendre une chambre dans le Palais. Mais pas une trop grande, hein ? Ni trop luxueuse, sinon je fais un scandale !

Puis, Beldura lui proposa indirectement de l'accompagner à Héraclès. Sorga l'observa avec stupeur : étais-ce vraiment la jeune femme timorée qu'il connaissait ? Elle l'avait déjà surpris à plusieurs reprises depuis qu'il était assis là, mais il y avait tout de même une sacrée différence entre le bombarder de questions joyeuses... et proposer de l'accompagner sur une autre planète ! Imaginer la Reine devant l'entrée de son tombeau familial... voilà qui lui donnait des sueurs froides !
Pourtant, quelle incroyable aventure cela pourrait être ! Et quelle chance unique de lui montrer quelques-unes des merveilles qu'il y avait découvert !

Tout à ses pensées, il entendit ce que Beldura disait à propos de son livre avec un temps de retard, et lutta pour raccrocher les wagons.
Il sourit, tout simplement :

- Tu aurais adoré la bibliothèque de mon père alors, elle était pratiquement remplie de romans d'aventures, de capes et d'épées comme tu dis. J'ai passé la majeure partie de mon adolescence à les lire. Tant mieux si ce n'est pas trop niais, c'est difficile de se sentir engagé dans l'histoire quand ça l'est. Ce que j'aime le plus, c'est lorsque les personnages principaux progressent véritablement au fil de l'aventure, en ressortent grandis. Ça, et les mélanges comédie-tragédie.
Et... ce sera avec plaisir que j'accepterai ta compagnie pour mon retour à Héraclès, si tu voudras bien le moment venu. [Moi Fatigué, moi plus sûr de concordance des temps ^^']

30/06/2758

Elle lui sourit, l’écoutant parler de la bibliothèque de son père, et de ses goûts littéraires. Elle se rendit alors compte qu’elle et Sorga n’avaient jusqu’alors pas eu vraiment le temps de discuter de leurs goûts respectifs, de ce qu’ils aimaient. Ils savaient de l’autre ce qui était important, mais pas les détails, malheureusement. Son poste de Reine la privait bien trop de ces moment d’échange, sans compter, évidemment, sa difficulté à communiquer avec ceux qui l’entouraient.

- Oui, j’aime beaucoup cela aussi. Le décalage que ça provoque est à la fois déconcertant et drôle, et permet souvent mieux l’émotion, je trouve.

Elle fit une pause, repensant à ses lectures favorites.

- Quant à ta chambre, ne t’en fais pas, on fera en sorte qu’elle te convienne ! Pour Héraclès … Je pense que la situation politique est assez calme pour qu’ils puissent se débrouiller sans moi quelques jours. Alors, ce sera un plaisir.

A vrai dire, en y repensant, l’idée l’angoissait un peu. Elle n’était que très peu sortie du continent, et depuis qu’elle était Reine, elle ne sortait du palais qu’escortée. Evidemment, elle faisait entièrement confiance à Sorga. Mais l’idée de partir du palais l’angoissait. A vrai dire, la seule fois où elle s’était éloignée, le contexte était bien différent : elle avait été enlevée par Isaac. Isaac … Quelle serait sa réaction si elle partait ainsi avec Sorga ?
Elle cligna des yeux, et décida de ne plus y penser. L’important n’était-il pas de passer du temps avec Sorga ?

Lorsqu'elle confirma vouloir l'accompagner jusqu'à Héraclès, l'homme-lézard sourit, avec chaleur :

- Merci.

Sorga était soulagé de savoir qu'elle acceptait l'idée de l'accompagner, car c'était un voyage qu'il n'avait pas réellement envie d'accomplir seul. Pas au début, en tout cas. Et heureusement pour la Reine, il avait longuement travaillé à rendre à la "maison des morts" son confort d'avant l'apparition des morts-vivants qu'il avait combattu avec l'aide de Garmyr lors de sa découverte.
Cela restait un tombeau souterrain grand luxe, peu éclairé et silencieux, mais il avait nettoyé, dépoussiéré et aussi aéré les salles autant qu'il pouvait. Il n'y avait plus le risque de tomber nez à nez avec un zombie aussi.

Décidant que penser à son départ pouvait attendre pour le laisser un peu profiter de l'instant présent, il se secoua, avant de se lever, grimaçant lorsque ses articulations refroidies se rappelèrent douloureusement à son bon souvenir, et s'approcha d'une fenêtre ouverte.
Inspirant et expirant à fond l'air parfumé en provenance des jardins, il dit :

- Je ne m'en rends compte que maintenant mais... le Palais m'avait sacrément manqué. A y vivre tous les jours, on finit par ne plus voir à quel point il est magnifique.

Puis, se retournant pour sourire à la Reine :

- Tu voudras bien me prêter ton livre, lorsque tu l'auras terminé ? Cela fait longtemps que je n'ai pas lu de romans d'aventure.

[On finit ce sujet après ta réponse ? Je commence à manquer d'idées pour celui-ci ^^']

30/06/2758

[Ca me va ! ^^]

Elle lui sourit avec douceur :

- De rien.

C’était là bien normal, non, pour des amis ?
Il se leva alors, grimaçant, et s’approcha d’une fenêtre ouverte afin de contempler les jardins. Elle le rejoignit rapidement, et hocha la tête à sa remarque.

- Oui, le Palais est magnifique. C’est une véritable œuvre d’art. Un écrin …

Elle ne put s’empêcher de penser qu’un écrin n’était rien d’autre, finalement qu’un endroit où on enfermait ce qu’on avait décidé comme étant précieux. Une ombre passa sur son visage. Elle lui sourit de nouveau.

- Oui, évidemment ! et puis, tu sais, on a plein de nouveaux livres à la bibliothèque. Plus que je ne pourrai jamais en lire j’en suis sûre, mais j’ai fait en sorte que les romans aient une belle place.

A cet instant, on frappa :

- Majesté, la chambre est prête.

Elle haussa un sourcil surpris. Elle ne l’avait pas demandé. Des oreilles traînaient partout ici, et on anticipait ses demandes. Elle n’était toujours pa habituée.

- Oh … Merci beaucoup.

Puis elle se tourna vers son ami :

- Allons-y ! Tu pourras te rafraichir comme ça, puis on pourra se promener si tu veux.

Un joli sourire, un vrai pour une fois, ornait son visage : son ami, son seul ami, était de retour.

Sujet verrouillé

Finiiiiii !

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