[Terminé] Le repos de la mariée [mariage d'Odéline et Siffroy - SP Kyril]

Nous étions le 14 Lévien 2781, et ce soir, on pouvait dire qu’Odéline était plus heureuse qu’elle ne l’avait jamais été. Elle souriait, et ses yeux brillaient plus que jamais. Elle ressemblait à une poupée un peu décoiffée, toute mince dans sa robe de mariée très simple, de style Empire. Le chignon s’était à présent complètement défait, et une veste en crochet était venue recouvrir ses épaules.
La cérémonie était finie depuis plusieurs heures, ils fêtaient cela tous ensemble dans leur quartier. La nuit était complétement tombée à présent et les étoile et la Lune s’étaient jointes aux guirlandes pour éclairer la scène. L’orchestre jouait encore, mais le repas était terminé : il ne manquait que la pièce montée. Des gens étaient retournés danser, mais la mariée, elle, était restée un peu assise, elle qui n’avait cessé de danser, afin de digérer un peu. En attendant, elle regardait d’un air attendri Noïa qui s’était trouvé un partenaire à sa taille, en repensant à quel point elle était heureuse d’avoir enfin épousé Siffroy.
Ce soir, presque tout le monde était venu : amis, voisins, connaissances, quelques badauds même, et puis, bien sûr leurs invités. Elle n’avait d’ailleurs pas encore eu le temps de revoir tout le monde ! Seuls n’étaient pas revenu la Reine et son compagnon, l’ancien apprenti de Siffroy, et Garmyr masqué.
Elle ferma les yeux, et laissa sa tête partir en arrière un instant, savourant les odeurs du repas qui flottaient encore en l’air, la faute aux assiettes encore sur la table, rassemblant ses souvenirs afin de ne rien oublier. Soudain, une voix familière la tira de ses rêveries.

- Des babiles débiles des babouins nubiles

Elle cligna des yeux, et redressa la tête, se tournant vers Kyril - car c'était bien lui- et sourit:

- AH ! Tu l’attendais pas celle là HEIN ?!

Puis elle s'assit correctement:

- Bien mangé ?

- Ah zut ! Moi qui espérais enfin réussir à te poser une colle ! Déesse du Savoir un jour, Déesse du savoir toujours pas vrai ?

Le kitsune se coucha à côté de la chaise où était assise Odéline. Sa fourrure toujours impeccablement brossée malgré son temps passé à danser lui donnait un air plus gros que d'ordinaire. Il avait aussi des yeux brillants et une expression un peu rêveuse, signe qu'il n'avait pas seulement "goûté" les alcools disponibles à la consommation.
Sa Dame n'était visible nulle part, mais il n'avait pas l'air inquiet. Après quelques secondes à observer la piste de danse, il tourna la tête vers la jeune mariée :

- Oui, oui ! Bien mangé ! Et... bien bu aussi ! Et toi ? Qu'as-tu fait de ton mari ?

Odéline éclata de rire. Déesse du Savoir …
Elle reporta ensuite son regard sur Kyril, à qui sa fourrure parfaitement brossée donnait un air bien plus gros qu’à l’ordinaire. Sachant qu’il n’aimait pas cela, elle résista à la tentation d’y passer la main, et de gouter à la douceur de ses poils –ceci dit, il n’était pas certain qu’elle résisterait bien longtemps à la tentation suprême ! (Oui, à ce point.)
Elle ne vit pas ses yeux brillants et son expression rêveuse, mais observa avec lui la piste. Pus elle hocha la tête.

- C’était le but ! Oh, Siffroy ? Il doit être en train de discuter avec des vieux amis, ou de faire pipi quelque part … ET Alana, où est-elle ?

Elle lui sourit.

Kyril bloqua un peu lorsqu'Odéline avança l'hypothèse que Siffroy était en train de faire pipi quelque part... comme elle n'avait pas simplement dit qu'il devait être aux toilettes, le kitsune alcoolisé eut tout à coup l'image du vieil homme en train de vider sa vessie dans un coin.
Il se mit à rire de façon incontrôlable - un peu stupidement avouons-le - preuve supplémentaire de son état d'ébriété, finissant même par se rouler sur le dos, les quatres pattes fouettant l'air.
Il s'arrêta tout à coup, l'oeil illuminé d'une nouvelle réalisation :

- Imagine... si ça se trouve, Siffroy discute et fait pipi... en même temps !

Son fou rire reprit de plus belle, pendant presque une minute.
La grande classe quoi.

Finalement, il se calma assez pour se rappeler la question d'Odéline concernant sa Dame. Il se redressa dans une position plus convenable que les quatres fers en l'air et répondit :

- Elle a dit qu'elle partait chercher ton cadeau de mariage. Elle a aussi parlé d'un truc pour ma condition... mais j'ai pas compris. Oh ! Tu vas A-do-rer ton cadeau, tu vas voir ! Mais j'ai pas le droit d'en dire plus. Alors inutile d'essayer de me tirer les vers du nez !

Voyant Kyril partir sur un énorme fou rire, les quatre fers en l’air, pattes fouettant les airs, juste à imaginer Siffroy debout vidant sa vessie dans un coin, et pire encore, discutant à la fois, fit pouffer Odéline, qui finit par rire avec lui, amusée à la fois par l’image de son mari dans cet état, ce qui était bien possible après tout, et celui de son ami au rire communicatif.
Puis il reprit son sérieux, et elle avec lui, essuyant une larme de rire qui s’apprêtait à rouler sur sa joue. Il lui parla d’Alana, et d’un cadeau, mais ses propos étaient un peu confus, preuve supplémentaire de son ébriété.

*Eh ! Et si c’était un moyen de lui tirer les vers de la truffe justement ?… … … … Non … Ce ne serait pas très fair-play, pauvre Kyril !*

Il ne fallait cependant pas qu’Alana ne tarde trop … Sinon, la jeune mariée risquait de ne pas résister bien longtemps à la tentation !

- Oooh … Alors il faut l’attendre patiemment ? Et je ne peux pas poser de questions ?

Elle lui fit un clin d’œil.

Kyril hocha la tête aux paroles d'Odéline. Puis il afficha une expression bizarre, yeux grands ouverts, car le mouvement rapide venait de lui faire un effet de vertige que son cerveau flottant dans l'éthanol mit du temps à analyser. Enfin, il répondit à la mariée :

- Oui, tu ne dois pas bouger ! D'ailleurs, je suis là pour... t'empêcher de fuir ! Oui, farpaitement ! Ça me revient maintenant. Je devais faire en sorte que tu restes là pour qu'on puisse te donner ton cadeau au calme. La miniature du Marikshar est fragile, alors il faut faire attention.

Le kitsune cligna des yeux plusieurs fois sans les détacher d'Odéline, comme pour l'empêcher par la force de son regard de s'envoler dans le ciel spontanément.
Il ne s'était pas encore rendu compte qu'il venait de vendre la mèche, visiblement.

Apparut à cet instant Alana, reconnaissable à sa robe d'un autre temps et son chignon toujours impeccable malgré la fête. La Dame de Kyril venait vers eux en se faufilant entre les convives, tenant sous un bras un élégant coffret en bois.
Elle serrait aussi entre ses mains libres un petit bouquet de fleurs diverses, ce qui semblait assez étrange.
Arrivant dans le dos de Kyril, elle fit un sourire à Odéline, et posa un doigt sur ses lèvres, lui faisant signe de ne pas signaler sa présence, si possible.

La femme se mit ensuite à faire des mouvements de mains mystérieux au-dessus des fleurs, tout en remuant sans bruit ses lèvres, le visage soudain très concentré. Après quelques secondes, les fleurs se désagrégèrent dans l'air, devenant des étincelles bleutées qui dansèrent autour de ses doigts. Elle les guida, formant peu à peu une petite sphère brillante...
Puis elle franchit en quelques pas rapides la distance qui la séparait de Kyril, et plaqua la sphère dans la nuque de ce dernier !

Le kitsune poussa un petit cri de surpris, tandis que la magie pénétrait sa peau, puis il fut pris d'un frisson. Alana frictionna vigoureusement sa tête et son dos, le temps que le sort fasse effet, puis elle se recula et sourit à Odéline :

- Bonsoir Odéline. Kyril ne t'a pas trop embêtée ?

Le kitsune faisait la grimace, mais ses yeux étaient déjà bien plus alertes, comme si toute trace d'alcool avait disparu de son organisme.

- C'est donc ça que tu me préparais ? Tu sais très bien que j'ai horreur de ce sortilège !
- Tu ne seras pas malade au réveil demain. Et je te préfère avec toute tes facultés.
- Hmmmm... Oh. Je crois que j'ai gâché la surprise...

Alana secoua la tête en souriant, puis tendit le coffret à Odéline :

- Tiens. Un petit quelque chose en cadeau pour ton magnifique mariage.

L’expression de Kyril la fit rire, mais ses paroles encore plus.

- Moi ? Fuir ? Kyril, tout de même !

Elle ne lui fit pas remarquer qu’il avait vendu la mèche, bonne joueuse, alors qu’il la regardait avec un air très déterminé. Elle se mordait l’intérieur des joues pour ne pas éclater de rire. Ses lèvres tremblaient un peu, et ses yeux brillaient terriblement. Puis apparut Alana, qui lui sourit, et lui fit signe de rester silencieuse alors qu’elle avançait vers Kyril, un coffre en bois et un bouquet de fleurs dans les mains. Odéline ne put s’empêcher de froncer un sourcil lorsqu’Alana incanta pour former à partir de son bouquet de fleurs une sphère brillante … qu’elle plaqua dans la nuque de Kyril, qui frissonna alors que sa Dame le frictionnait. Lorsqu’il regarda Odéline, il avait l’air bien plus alerte. Un sort qui effaçait les effets de l’alcool ? D’autres en auraient sans doute bien besoin !
Odéline rit à la question d’Alana :

- Oh non, ne t’en fais pas, il était très drôle !

Lorsqu’Alana lui tendit le coffret, ses yeux s’arrondirent. Lorsque Kyril lui avait parlé d’une miniature, elle avait pensé à quelque chose de vraiment petit. Vu la taille du coffre, c’était déjà plus gros que ce qu’elle croyait ! Le coffret lui-même était très joli, en bois orné.

- Oh merci, merci beaucoup !

Elle l’ouvrit, pour y découvrir une bouteille en verre dans laquelle se trouvait la réplique parfaite du Marishkar. Tous les détails semblaient y être. Ses yeux s’emplirent de larmes, et soudain …

- Mais … Ca bouge !

Elle voyait les voiles frémir comme sous l’effet du vent.

- C’est magnifique ! Merci beaucoup ! Merci !

Et, soudain, elle les enlaça tous les deux, et leur plaqua à chacun une grosse bise sur une joue.

Kyril venait d'ouvrir la gueule pour réagir à l'exclamation d'Odéline concernant l'enchantement de la miniature lorsque la mariée lui sauta au cou pour le remercier ! Du coup, le son qui sortit de sa gorge fut plus un "Eeeeep !" fort aigu plutôt que des mots articulés.
Surpris lui-même par sa réaction, il se mit à rire lorsque Odéline lui plaqua une bise sur la joue. Le kitsune retrouva sa voix une fois que la mariée fut partie faire la même avec Alana :

- Tu m'as fait peur Odéline ! C'est pas gentil !

Alana répondit plus dignement à l'embrassade, souriant avec bienveillance, tandis que Kyril poursuivait :

- C'est surtout Alana que tu dois remercier, c'est elle qui a tout fait. Je n'ai fait que rassembler les matériaux.
- Ne dis pas de bêtises, c'est notre travail à tous les deux. Si la bouteille reste intacte, l'enchantement devrait tenir plusieurs années. La miniature reproduit l'état de l'original en permanence. J'ignore s'il y a une limite de portée par contre mais, si c'est le cas, un alchimiste devrait pouvoir manipuler l'enchantement pour le rendre autonome.
- Oui, ce serait dommage de perdre le charme du sortilège lorsque nous serons repartis avec le Marikshar.

Alana se détacha de l'étreinte d'Odéline et alla s'asseoir sur une chaise. Kyril la rejoignit aussitôt pour s'asseoir également, le plus près possible d'elle, ses trois queues dansant paresseusement dans son dos.

- Alors ? Comment va la nouvelle mariée ?

Le glapissement de Kyril aurait pu la faire rire si elle n’avait pas été trop occupée à lui plaquer une bise sonore sur la joue pour ensuite recommencer avec Alana. Celle-ci réagit, de manière assez évidente, plus dignement que le kitsune, ce qui ne surprit pas Odéline. Elle écouta ce qu’ils lui disaient.

- Je suis donc si effrayante ?

Elle lui fit un clin d’œil, puis redevint sérieuse.

- Oui, je le ferai arranger si jamais il cesse de reproduire l’état du vrai Marishkar mais … Vous partez donc si loin que ça ?

Son visage s’était soudain attristé, et ses yeux paraissaient plus sombres. D’un côté de son cerveau, on lui soufflait qu’elle risquait bien de ne pas les revoir immédiatement … Peut-être sa miniature lui permettrait-elle de voir si ses amis avaient des ennuis ? Si le Marishkar était en mauvais état, il était certain qu’Alana et Kyril étaient en danger, non ? Mais pourrait-elle seulement les aider ? Kyrl l’interrompit dans son fil de pensées, et elle se rendit compte qu’ils étaient assis côte à côte et l’observaient. Elle cligna des yeux, leur sourit, et prit une chaise, soupirant en s’asseyant. Elle ne s’était pas rendue compte de son propre état de fatigue avant de s’asseoir.

- Ma foi bien ! Je ne sais pas ce qu’on est censés ressentir, mais je suis très contente d’avoir un nom de famille et un mari, et tous les gens que j’aime avec moi !

Son sourire s’était fait immense.

Kyril rendit son clin d'oeil à Odéline, tout en expliquant :

- Disons que tu as réveillé un vieux traumatisme, qui date de l'époque où j'étais un tout petit renardeau incapable de se défendre contre toutes celles qui voulaient le serrer dans leurs bras pour lui faire des câlins !
- Je suis certaine que tu exagères un peu, ça ne devait pas être aussi effrayant ni désagréable que cela.
- Que si ! Imagine que des géants essaient de t'attraper pour te câliner dès qu'ils te voient ! Et certaines avaient une expression vraiment flippante quand ça leur prenait ! Surtout Maya...
- Vu sous cet angle. Il faut dire aussi que tu étais tellement mignon, c'était dur de résister.
- Je suis toujours mignon.

Le kitsune frappa le sol d'une patte pour mettre l'emphase sur le toujours, puis le duo redevint sérieux lorsqu'Odéline posa la question qui tue. Depuis le temps, il aurait dû s'habituer à cette manie que la jeune femme avait de toujours poser les bonnes questions, mais la future Déesse du Savoir le prenait par surprise à chaque fois !
Une fois n'était pas coutume, il laissa Alana répondre cette fois :

- Nous rentrons chez nous, Odéline. Je crois que Kyril l'a laissé entendre à plusieurs reprises sans l'énoncer clairement, mais nous sommes d'une autre dimension, et il vaut mieux garder les échanges au minimum entre les mondes, aussi agréables soient-ils.
- Il va nous falloir plusieurs jours de préparation ceci dit. Faire un grand saut avec le Marikshar, c'est sport !

Alana sourit, mais n'ajouta rien.
Ce fut au tour de Kyril de poursuivre donc, ce qu'il fit avec un sourire malicieux :

- Ce qui me fait penser, que je compte bien passer par chez toi avant le départ, pour te reprendre la recette de ton gâteau des anges - car non, je n'ai pas oublié cette merveille - en échange de mes nouvelles rations. Je suis en train de les laisser faisan... mûrir dans le Marikshar, et je suis quasiment certain qu'elles seront encore meilleures que celles à la chauve-souris !

- Mais oui, Kyril, évidemment que t’es toujours aussi adorable !

Elle lui sourit et lui fit un clin d’œil.

- C’est d’ailleurs pas Noïa qui me contredirait !

Il se souvenait sans doute du jour où la fillette s’était accroché à ses poils alors qui faisait la course dans la foule. Pourtant, lorsqu’ils évoquèrent leur retour, son visage s’assombrit.

- Oh …

Cependant la proposition suivante lui fit reléguer un instant à l’arrière-plan ses questions, nombreuses, pour la faire pouffer.

- Oh ! Je suis persuadée que Siffroy adorera ça ! Elles sont à quoi, pas de risque de se faire attaquer par des congénères mécontents, cette fois ?

Elle lui fit un clin d’œil.

- Vous aurez possibilité de revenir ? Vous en avez pour combien de temps ? il y a beaucoup d’autres mondes ? qu’étiez-vous venus faire sur Elysion ? juste du tourisme ? Pardon, je vous harcèle mais … C’est intrigant cette histoire de multivers ! Ma voix est trop silencieuse à ce propos comme i … comme si elle n’en savait pas assez pour … m’aider …

Elle semblait pensive. Le fait que sa voix ne semble pas tout connaitre sur tout la chiffonnait. Comme s’il y avait un problème, un manquement, quelque chose à éclaircir, ou à découvrir … Mais ce n’était rien à côté de l’idée de ne plus croiser Kyril au hasard !

Kyril hocha la tête en souriant :

- Merci Odéline. Je n'ai fait qu'apercevoir Noïa de loin aujourd'hui d'ailleurs. Elle va bien depuis la dernière fois ?

Son expression se fit ensuite plus songeuse :

- Attends, avec ce que j'ai mis dans ces rations... hmmm... non, pas de risques, pas avec ça... quoique... tu peux négocier avec les papillons ? Juste au cas où...

Le kitsune souriait, à moitié moqueur seulement. Il sembla ensuite vouloir répondre aux multiples interrogations de la nouvelle mariée mais Alana l'interrompit en lui posant une main entre les deux oreilles.

- Même si j'espère que nous nous reverrons, nous ne pouvons rien te promettre Odéline.
- Tout dépendra de si on rattrape celle après qui on court ou pas.
- C'est exact. Concernant le multivers, il y aurait théoriquement autant de dimensions que de choix que tu as dû faire dans ta vie, multiplié par le nombre de choix que tous ont eu à faire dans leur vie.
- Ce qui fait fichtrement beaucoup, mais les voyages dans des calques aussi proches sont quasiment impossibles, alors ça réduit un peu les possibilités. On m'a dit une fois que les dimensions sont comme des livres dans une grande bibliothèque. On passe d'une histoire à une autre en quelque sorte.
En tout cas, ça devrait te rassurer qu ta Voix ne sache pas tout ! Ça veut dire que tu as encore matière à apprendre ! Même si ça la fout un peu mal, pour une Déesse du Savoir, de botter en touche, héhé...

Elle écouta ce que lui disait le duo, hochant gravement la tête. L’idée d’un multivers l’ébranlait. Etait-il possible qu’elle vienne de là ? Cela expliquerait-il son arrivée étrange ? Oui, mais qu’est ce qui expliquerait sa Voix, son apparence éternelle ? Elle cligna les yeux à la pensée d’innombrables doubles et … Quelqu’un après qui il courraient ? Comment ça ?

- Vous poursuivez quelqu’un ? Elle est passée par ici ? Elle repassera par-là ?

Elle avait des questions plein le regard.

- Et Kyril, ce n’est pas bien de faire la charpie de papillons ! Quant à Noïa elle va bien, mais je ne trouve pas très rassurant au fond que ma voix ignore quelque chose … C’était plutôt infaillible jusque-là !

Elle avait en effet l’air un peu préoccupée …

- Enfin, ce n’est pas grave.

L'expression d'Alana s'adoucit en entendant Odéline s'inquiéter de son don.
Elle garda pourtant le silence, tandis que Kyril expliquait :

- Oui, on lui court toujours après. Je t'en ai déjà parlé d'ailleurs, pendant la Fête avec les origamis, et tout ça. C'est aussi la même personne qui avait déposé le Marikshar dans les montagnes.
Aux dernières nouvelles, elle n'est plus sur Elysion aujourd'hui. Même si je me suis fait rétamer quand j'ai essayé de l'arrêter tout seul, j'ai au moins réussi à modifier ces plans il semblerait...

Le regard d'Alana s'assombrit aussitôt lorsque Kyril évoqua sa rencontre avec la femme qu'ils poursuivaient, et elle caressa un peu plus fort la tête du kitsune, comme pour le rassurer et lui rappeler qu'elle était là avec lui.
Ce dernier laissa passer un instant, avant de continuer :

- Hé ! Il faut bien se nourrir, non ? Et les papillons, c'est très nourrissant ! Avec ce que j'ai ajouté dans mes rations, ce sera très bon aussi, tu verras !
Hmmm... si ta Voix ne peut pas t'aider sur les autres dimensions, ça doit vouloir dire que tu es entièrement d'origine de ce monde, non ?

Elle hocha le tête, très concentrée, se rappelant tous les éléments en effet. [mode mamie Odéline on]Cette personne ne lui semblait pas très fréquentable, et elle se demandait un peu comment Kyril l'avait rencontrée, et pourquoi il l’vaiat qualifiée d’ “amie” [mode mamie Odéline off]. Au regard d’Alana lorsque Kyril évoquait tout cela, elle décida de ne plus poser d’autres questions: ce souvenir avait l’air sombre, et elle ne voulait rien remuer qui puisse obscurcir cette soirée merveilleuse. Ainsi, elle fut soulagée lorsqu’il revint au sujet de la nourriture. Elle fit une grimace drôlatique, pour la forme, mais au fond, elle se demandait tout de même à quoi le goût allait ressembler.

Je te crois, je te crois ! Et puis, les papillons, c’est moins dangereux que les chauve-souris …

*Est ce que ça croque sous la dent ? *

Il réévoqua sa voix et elle se figea.

Je ne sais pas. On dirait qu’une partie de ce que je sais a disparu, pas que ce n’est pas su. Tu vois ce que je veux dire ? Ce n’est pas vraiment la même sensation. Mais de toute façon, ce n’est pas très important !

Elle sourit de nouveau, et balaya tout cela d’un geste de la main.

- Je suis certain que tu sauras négocier avec des papillons le cas échéant, ce serait bête de perdre une nouvelle fois des délicieuses rations après un congrès inter-espèces sur les relations humano-lépidoptèriennes. Hmm... l'est pas facile à dire celui-là. Il faudrait prévoir une chaise ou un perchoir pour les émissaires des papillons si ça arrive...
- You're going too far too fast, dear.

Alana souriait, amusée par les pitreries du kitsune, qui lui tira la langue, avant de faire un clin d'oeil à Odéline. Il reprit ensuite, son sourire contrastant avec ses mots plus sérieux :

- Je ne vais pas te mentir, étant aussi un ancien amnésique, ce que tu décris là me parle assez clairement. Et j'avoue aussi être surpris que tu ne veuilles pas enquêter à ce sujet. Mais c'est ton choix et je vais pas t'embêter plus avec ça. Surtout aujourd'hui !
Même si je sens que ça pourrait donner une bonne aventure, héhé ! Si jamais tu changes d'avis un jour, hésite pas à m'appeler hein ?

Odéline étouffa un rire en imaginant la tête de Siffroy s’il la trouvait en train de négocier âprement avec toute une délégation de papillons sur une chaise chez eux. A vrai dire, l’image était cocasse. Puis, Kyril amena sur le tapis l’amnésie, et surtout une proposition d'aventure, qui fit grandir les yeux d’Odéline.

Vraiment ? Tu viendrais m’aider ?Mais comment je pourrais t’appeler ?

Car là était la question qui permettait de décrocher le cocotier: comment contacter Kyril ?

Et comment ça, toi aussi tu étais amnésique ? tu as tout retrouvé ? Comment, quand, pourquoi ?

Sa voix reflétait toute sa surprise.

Une drôle de lueur fit briller les yeux du kitsune, qui répondit :

- Tu n'auras qu'à te tenir devant un miroir, et prononcez à voix haute mon nom trois fois, en faisant un tour sur toi-même entre chaque appel.

Alana leva les yeux au ciel, avant d'ajouter plus sérieusement, en montrant de la main la miniature offerte à la nouvelle mariée :

- Si vous me laissez quelques heures, je peux modifier l'enchantement pour lui rajouter la propriété d'envoyer des messages, en insérant des lettres dans la bouteille par exemple. Ce n'est pas très compliqué, et ce sera plus fiable que la méthode de Kyril.
- You still have enough magic plants for this ?
- Yes, dear. I wouldnt make the offer if I didn't.

Alana souriait. Kyril l'observa avec admiration quelques secondes, avant de penser à voix haute :

- Voici ma merveilleuse Dame, qui propose d'accomplir des miracles sur le ton de la conversation et avec le sourire...

Les joues de la Dame en question rosirent sous le compliment et elle toussa discrètement pour camoufler son embarras, tandis que le kitsune se tournait vers Odéline pour lui répondre :

- C'est une assez longue histoire que tu me demandes de te raconter, Odéline, et beaucoup de parties ne sont pas très heureuses. D'ordinaire, je t'en aurais fait le récit avec joie, mais pas ce soir, pas à ton mariage.
Je dirais juste que je voulais vraiment retrouver la mémoire pour mieux comprendre où était ma place dans le monde, pour savoir ce que j'étais. Je n'avais pas vraiment de foyer pour remplacer efficacement des souvenirs perdus, donc j'avais besoin de faire cette quête pour me construire.

Le kitsune balaya l'air de ses queues et fit un clin d'oeil à Odéline, sachant pertinemment que sa demie-réponse la laisserait sur sa faim. Il était taquin, ce soir.

Naïve, elle crut un instant à la méthode kyrillienne d’invocation, et tout son visage s'illumina d'enthousiasme … avant de retomber de déception à la vue de la mimique d’Alana. Elle se serait très bien imaginée, un miroir dans les mains, tourner sur elle-même tout en appelant Kyril à trois reprises ! D’ailleurs, elle en voyait pas pourquoi ça ne marcherait pas. Cependant, lorsqu’Alana proposa s asolution, la jeune épouse resta sans voix -et c'était assez rare pour le souligner.

*C’est vraiment une magicienne exceptionnelle !*

Elle sourit, attendrie, devant la relation du kitsune et de sa Dame.
Et, comme prévu, la réponse du kitsune à sa question ne lui apporta aucune satisfaction.

Tu es méchant ! Tu me fais marcher, et en plus tu me gardes plein de suspense ! C'est frustraaaaaaant ! En plus le soir de mon mariaaaaaaaage !

Ses sourcils blonds étaient froncés, légèrement.

Vous avez intérêt à revenir pour me raconter tout ça tous les deux, hein !

Son ton s’était déjà fait plus amusé, voilant un gentil ordre un peu menaçant.

- Héhé... je sais Odéline, je sais. Je t'en parlerai quand je viendrai te faire goûter mes nouvelles rations, promis, en échange de ta recette du gâteau des anges.

Alana, qui avait écouté d'une oreille la conversation, les yeux fixés sur la miniature du Marikshar, releva la tête soudainement et sourit :

- Je pense que je vais prendre congé, Odéline. Modifier l'enchantement de ton cadeau est faisable, mais il faut que je note la méthode que je pense pouvoir appliquer avant de risquer de l'oublier.
- Ne va pas tenter l'enchantement ce soir, très chère.
- You know me, I'll have to prepare everything first. Do not drink again while I'm away, you know how it goes after the sober spell.
- Been there before, I won't do the mistake again.

Alana rit doucement comme au souvenir d'une vieille plaisanterie, avant de se lever, de rajuster sa robe et de faire une révérence distinguée à l'attention d'Odéline. La femme récupéra ensuite la miniature du Marikshar et son coffret, fit une caresse sur la tête de Kyril - auquel le kitsune répondit d'un coup de langue - puis s'éloigna comme elle était venue, traversant la foule de convives avec précautions avant de disparaître.
Le kitsune mit quelques secondes après avoir perdu de vue sa Dame à reporter son attention vers Odéline. Il tenta d'expliquer la mise en garde d'Alana à la mariée, histoire de relancer la discussion :

- Le sortilège de sobriété qu'elle m'a lancé dissipe l'alcool, mais ne remplace pas l'eau que l'alcool fait perdre, du coup si par malheur je rebois, je vais me manger une gueule de bois digne des sept enfers !
Pendant que j'y pense, ne crois pas que je n'ai pas remarqué tes petites cachotteries ! Cachotteries, farpaitement ! Tu ne m'avais pas dit que tu étais célèbre ; regarde un peu tout ce beau monde qui est venu à ton mariage ! Même la Reine !

L'oeil du kitsune s'était fait accusateur. Un brin moqueur aussi.

Odéline allait répondre, losqu’Alana se leva, et la salua. Elle lui rendit sa révérence, et la remercia un dernière fois alors qu'elle s’éloignait, tout en souriant face à l’échange qu’elle avait eu avec Kyril. Le kitsune resta un moment le regard dans la foule, et elle, pour une fois, ne dit rien.Lorsqu’il se reconcentra sur elle, elle lui sourit, et puffa en écoutant son explication, imaginant parfaitement Kyril vaincu par les effets secondaires du manque d’eau. A vrai dire, du moment où il y avait une bêtise ou une idiotie à faire … Elle imaginait très bien Kyril la faire. Cela en disait-il long sur sa vision du kitsune ? Sans doute …
Cependant le sujet suivant, elle ne s’y attendait pas, aussi ses yeux s’agrandirent-ils de surprise lorsque Kyril lui parla de cachoteries. Qu'avait-elle donc fait ? Lorsqu’il lui en dit la raison, un éclat de rire retentit alors qu’elle se détendait. Elle ? Connue ?

Mais Kyril ! Siffroy est l’ancien conseiller de sa Majesté ! C’est lui qui est connu, pas moi !

Elle regarda pourtant autour d’elle.

Moi,je suis responsable de la venue de tout le quartier,et des animaux, haha !

Elle lui fit un clin d’oeil. Kyril connaissait sa tendance au babillage, et son extrême sociabilité.

Kyril sourit, amusé par la véhémence d'Odéline, avant de tiquer et de pencher la tête sur le côté :

- Hmm ? Comment ça, "ancien conseiller" ? Il a démissionné ?

Il promena son regard sur la foule d'invités, où se mêlaient joyeusement habitants du quartier, notables richement vêtues, animaux divers et variés ainsi que plusieurs créatures n'entrant dans aucune de ces catégories.

- Tu bats Siffroy quand même sur la variété des invités. Et en célébrité, assurément. J'ai discuté avec pas mal de monde, et je n'ai croisé personne qui ignorait qui tu étais, tandis que plusieurs ne connaissaient de ton mari que le nom. Ça en dit beaucoup, héhé !
Même ma Dame a voulu venir à ton mariage !

Ou plutôt il avait su la convaincre. Mais qu'elle ait accepté avait été une surprise, elle qui d'ordinaire évitait tout contact lors des voyages dans d'autres mondes.

- J'ai même vu les kiwis dont tu m'avais parlé une fois. On dirait un seul être vivant, tellement ils bougent dans le même ensemble.

Elle rit à ses propos.

Oui, les kiwis sont un phénomène à eux seuls ! Ils sont très drôles, mais désespèrent un peu Sifroy je crois. Et puis, ils ne sont pas très efficaces à la maison, les bougres ! Gadyan m’aide beaucoup plus.

Elle se racla la gorge.

Oui, bon, certes, d’accord mais euh … Roh tu m’embêtes ! Tu sais bien que je parle avec tout le monde haha !

Elle lui sourit.

Et non, il n’a pas démissionné, je ne crois même pas qu’il y pense, même s’il a largement l’âge de la retraite ! Je suis juste un peu fatiguée avec tout ça je crois !

Soudain, on l’appela. Il était l’heure de jouer, et on avait besoin d’elle.

Oh, le devoir m’appelle !

Puis, Odéline fit un clin d’oeil à son compagnon d’aventures.

Encore merci à ta dame et à toi d’être venus. Votre présence à elle seule est un cadeau.

Elle l’enlaca, et plaqua un baiser sur son front.

Ne bois pas trop, et si je ne recroise pas d’ici la fin de la soirée, surtout … Donne-moi de tes nouvelles. Et ne m’oublie pas. Ma porte te sera toujours ouverte !

Elle lui sourit, le lâcha, et s’éloigna. Son nez la picotait un peu, et ses yeux brillaient.

En entendant Odéline parler de Gadyan qui l'aidait plus à la maison que les kiwis, Kyril eut l'image d'un griffon passant le balai dans un salon, et il étouffa un rire.
Tirant la langue à la nouvelle mariée, il avoua volontiers qu'il faisait bel et bien exprès de l'embêter, car cela avait le mérite de marcher à chaque fois ! Puis Odéline fut appelée par les autres convives et le kitsune sourit :

- Mais je t'en prie Odéline, tout le plaisir était pour nous. Et je me sentirais mal si on t'accaparait toute la soirée. Tu as d'autres invités, madame la bavarde !

Il accepta le câlin d'Odéline de bonne grâce, pour une fois, se contentant de hocher la tête en souriant à ses dernières paroles.

- Hé ! Je t'ai promis de passer te voir avant de repartir, et je le ferai ! Ne t'en fais donc pas trop pour ça !

Il l'observa s'éloigner, avant de se redresser et de se secouer. Bon sang ! Le sortilège anti-alcool de sa Dame était éreintant malgré les bénéfices : il avait les pattes en compote !
Le kitsune partit du mariage peu de temps après, s'éclipsant tranquillement dans les rues en direction du port, de son navire, de sa Dame.