[Terminé] Dis, Siffroy ... (2ème édition) [pv Siffroy]

[Situé avant le sujet avec Daël, après la rencontre avec Gadyan]

Odéline y pensait depuis plusieurs jours. Elle avait vu des images, elle en avait croisé. Parfois elle regardait Siffroy à la dérobée, et tentait de l’imaginer ainsi. Et elle y arrivait parfaitement. Il serait tellement beau, il aurait tellement de prestance, elle serait si fière, elle … Oh oui, elle adorerait. Elle en rêvait dorénavant la nuit, dans son lit tendu de draps bleus, puisqu’ils ne dormaient toujours pas ensemble. A vrai dire ce n’était pas quelque chose qui lui manquait. Elle adorait cela, mais gardait ce plaisir pour la rassurer les soirs d’orage par exemple.
De nouveau, entre deux coups de cuillère dans ses rillettes, elle regarda son conjoint. Comment réagirait-il ? Oh et puis après tout …
Elle lâcha ses fourneaux ,s’approcha de lui, le força à lâcher son journal en allant se blottir sur ses genoux. Elle s’y lova tout tendrement et lui fit un bisou sur la joue.

- Dis Siffroy …

Elle fit une pause, le regardant en souriant. Puis …

- On se marie bientôt ?

Voilà qu'elle commençait à parler de mariage ! Avec elle il savait qu'il s'exposait à un nombre incalculable de choses étranges mais il ne s'attendait pas à se faire embringuer dans autant d'histoires en même temps ! Elle lui ramenait n'importe qui voir n'importe quoi à la maison et maintenant elle voulait se marier. 
Il se composa un visage extrêmement sérieux avec les sourcils froncés et les lèvres tombantes sous sa moustache pour dire à Odéline que le mariage c'était pour les grand. Puis il vit le visage d'Odéline si mignon et pur, joyeux. Il réprima son envie de rire aigu à cause du fait qu'il ne pouvait rien lui refuser mais il fit quand même un compromis

- Pas tout de suite, on verra 

En voyant son visage arborer ce masque sérieux, Odéline comprit immédiatement que l’affaire était mal engagée. A sa réponse, le visage de la jeune fille se décomposa cependant, et ses yeux se mirent à briller de façon soudaine. Un peu trop soudaine.

- Mais … Mais …

Sa voix se brisa.

- Siffroy … On se marie quand on s’aime …

Il y avait des larmes qui commençaient à se former dans ses yeux.

- Tu ne m’aimes pas assez ? Tu veux attendre de m’aimer plus ?  

Sa voix tremblait beaucoup. Elle avait vraiment envie de se marier, car la voix dans sa tête lui avait expliqué que, même si cela n’avat pas toujours été ainsi, et ne l’était toujours pas d’ailleurs, le mariage était généralement un signe d’amour intense et de volonté d’engagement pour la vie. Et, même si elle ne comprenait pas trop ces mots-là « pour la vie », elle voulait montrer son amour à Siffroy par cet acte. Qu’il ne veuille pas lui faisait une drôle de sensation dans l’estomac. Et elle ne comprenait pas.

Le visage d'Odéline d'ordinaire si heureux se brisa instantanément, faisant tomber en morceaux le coeur du vieil homme en même temps, il ne supportait plus de la voir triste, il était tombé d'un seul coup complètement amoureux d'elle sans même savoir comment c'était possible. Avant ça il se pensait assez mature pour ne pas essayer de sortir avec une fille qui avait probablement un âge presque quatre fois moins avancé que le sien et aujourd'hui elle lui demandait de l'épouser. 
Le problème ne venait pas d'elle, il venait de lui : C'était paradoxal mais à 70 ans passés, il ne se sentait pas de se marier, c'était trop tôt dans son aventure avec Odéline pour le moment et il n'arrivait à trouver aucune explication valable pour le lui dire.

- Ecoute ma chérie ... Ce que je veux dire c'est que ... Je ne suis pas prêt à me marier de suite avec toi, je suis encore trop jeune tu vois, des gens qui se marient aujourd'hui ils ont plus de cent ans facilement mais ils ont l'air jeune ! Et puis tu sais le mariage on ne peut le vouloir qu'avec un signe du destin ! -
Il venait de trouver son idée qui lui manquait en parlant
-Ca a toujours été comme ça ici, les couples ne se marient que lorsqu'un signe leur saute aux yeux : Quelque chose qui te dit "Marie-toi!" pour en être complètement sûr ! Est-ce que tu l'as vu toi ce signe déjà ? 

Elle voyait qu’il était embêté, mas elle ne pouvait pas s’empêcher d’être malheureuse. Elle avait l’impression qu’il était en train de rejeter tout son amour en bloc. Et c’était très douloureux pour la pauvre jeune fille qu’elle était. Elle sentit une première larme couler sur sa joue. Elle l’essuya, tout en souhaitant que ça s’arrête. Elle avait l’impression de lui faire du chantage, et de le forcer, lorsqu’elle pleurait. Mais là, le refus l’avait surprise, avant de la rendre particulièrement malheureuse, et les larmes étaient venues seules. Puis il lui parla d’un signe. Elle ne comprenait pas.

- Mais le signe, c’est qu’on s’aime non ? Je t’aime moi, Siffroy, c’est un signe du destin, ça hein ? C’est a le signe, c’est qu’on s’aime ? On se marie parce qu’on s’aime, Siffroy, et moi, moi je t’aime, il n’y a pas besoin d’être vieux pour s’aimer, alors, il y a pas besoin d’être vieux pour se marier … C’est qu’on s’aime le signe du destin …

Elle n’arrivait pas dire autre chose. Son cerveau tournait en rond. Elle ne s’était pas attendue à devoir argumenter. Et elle ne voulait pas argumenter : s’il lui disait oui, il devait le vouloir autant qu’elle. Mais elle, elle mourrait d’envie d’être en robe blanche, des fleurs dans les cheveux et les mains et un anneau au doigt, un anneau choisi par lui, et le même que lui. Elle voulait se marier avec lui, car elle l’aimait, et c’est car soudain, elle avait l’impression qu’il ne l’aimait plus qu’elle pleurait, qu’elle était si triste.

Le vieil homme se sentait pris dans une boucle de laquelle il n'arrivait pas à sortir, il lui semblait que la jeune fille ne le laisserait pas s'en tirer aussi facilement que d'habitude, si il ne voulait pas se marier elle pensait qu'il ne l'aimait pas mais il l'aimait donc ils auraient du se marier. Si ils devaient attendre un signe, le signe était sûrement déjà là : Il avait l'impression d'être prisonnier d'un système de cercles concentriques menant les uns aux autres sans aucune sortie possible.

C'est alors que sa sortie se présenta à la porte d'elle même: la sonnette sonna et Siffroy se leva d'un bond, entre la surprise et le soulagement. Il ne voulait pas se marier maintenant, pourquoi pas un peu après avec elle ? Mais pas tout de suite !

- Je vais voir qui c'est

Il lui adressa un gentil sourire, toujours très amoureux avant de se diriger vers la porte, il avait l'impression que toutes ses réactions étaient des réflexes et étaient trop soudaines pour paraître normales, il se sentait extrêmement stressé d'un seul coup.
Quand il ouvrit la porte, c'était juste le facteur qui lui apportait le journal

Elle le vit, les yeux affolés, chercher une issue de toutes les façons possibles. On sonna. Il lui adressa un gentil sourire, elle se leva, et il se leva aussi, allant voir qui était là, agissant comme un robot. La jeune fille comprit que le dialogue était clos. Blessée, mais pas vexé, elle partit vers la cuisine, préparer un dessert pour le soir et sécher ses dernières larmes en toute dignité. Avec un soupir, elle sortit la farine. Elle allait faire un gâteau léger marbré au chocolat. Le chocolat, ça remontait le moral. Elle se mit à fredonner, histoire de penser à autres chose, et se jura qu’elle n’aborderait plus le sujet. Elle ne voulait pas faire souffrir Siffroy, elle l’aimait cent fois trop pour cela.