[Terminé] Dis, Siffroy ... [pv Belgan]

Odéline sortit de la cuisine et posa sur la table le plat de tomates farcies. Siffroy adorait ça, et elle le savait, du coup elle maîtrisait ça plutôt pas mal. La table était dressée : assiette en terre cuire émaillée de blanc, verre classiques et bouquet de fleurs du jour sur le côté droit, histoire qu’on puisse se voir. Elle avait ajouté la carafe d’eau et le pain frais, acheté le matin à la boulangerie.  Elle poussa un léger soupir de satisfaction, et repartit dans sa cuisine ouvrir les fenêtres. Puis …

- A table !

Elle entendit Siffroy arriver, et alla s’asseoir face à lui avec un sourire. C’était un repas normal, un jour normal, et ils discutaient de choses tout à fait banales (comme le temps, la cuisine, les fleurs, leurs occupations quotidiennes, les derniers ragots du palais etc.) lorsque soudain une question sortit à brûle pourpoint de la bouche de la jeune fille.

- Dis, Siffroy … Tu as de la famille ?

Il s'assit, tomates farcies, ça s'était un plat particulièrement bon ! Second seulement sur sa liste de plats préférés et il fallait dire que si Odéline au début n'était pas la déesse de la Farce, aujourd'hui elle faisait ces tomates comme pas deux.
Ils engagèrent la conversation sur quelques banalités comme d'habitude, une petite vie tranquille qu'il adorait et qu'il espérait qu'elle aimait aussi puisqu'elle s'y prêtait aussi bien quand elle lui posa LA question qui tue

- Dis, Siffroy … Tu as de la famille ?

Siffroy avait le choix entre deux réactions, s'étouffer avec sa tomate farcie ou prendre le temps de la finir pour lui répondre calmement. Etant donné la curiosité de la petite il s'attendait depuis un petit moment à ce que la question sorte un jour du chapeau. Il décida donc de prendre la question tout à fait calmement, il était assez vieux pour éviter de s'étouffer avec une tomate.
Il finit de mâcher et la regarda dans les yeux

- J'en ai eu il y a quelques années, il me reste peut-être quelques cousins par ci par là mais sinon, non.

Et c'était tout ce qu'il avait à lui dire

Siffroy finit tranquillement ses tomates farcies. Ceci déçut d’ailleurs énormément Odéline. Ca aurait été tellement plus drôle qu’il s’étouffe et que des tomates lui sortent du nez et de la farce des oreilles. Puis il planta ses yeux dans les siens. Et il lui répondit. Elle eut un air tout triste. Pas de famille ? C’était dommage ! Elle, elle les avait oubliés sûrement, mais lui, tout de même, à cet âge …

- Personne ? Pas même une ex-femme, des enfants ?

Ses yeux bleus brillaient de curiosité. Elle, elle voulait en savoir plus ! Elle ne savait presque rien de lui, et elle l’aimait bien ! Elle aurait aimé pouvoir écrire sa biographie un jour … Autant dire qu’elle en était loin.

Une ex-femme ... Oui il en avait eu une, et il aurait aimé qu'elle soit encore là, il se doutait que si elle n'avait pas passé l'arme à gauche, elle ne serait pas son ex actuellement. Des enfants par contre il n'en avait pas. Mais ces souvenirs, il les avait occultés de sa mémoire, il savait pourquoi: parce qu'ils lui ramenait trop de bons moment en tête, parce que ça lui faisait mal d'y penser, sa femme ... Dont il avait d'ailleurs complètement oublié le nom, il n'arriverait surement plus à mettre le doigt dessus.
Enfin bref elle vivait avec lui et vu son caractère curieux, il serait surement bien obligé un jour de lui répondre, il y serait forcé alors autant le faire assez tôt pour ne plus avoir à le faire après, il n'était pas forcément de nature procrastinatrice.
Il finit donc ses tomates farcies, vidant son assiette du plat qu'il adorait avant de lui répondre parce qu'il savait que ça allait durer. Il posa sa fourchette

-Bon ... j'espère que tu es prête à écouter le vieux radoter Odéline. J'ai eu une fiancée à un moment oui, une que j'adorais et que je ne sais plus nommer, elle était ...

Et alors il se lança dans un portrait de sa dulcinée décédée, un portrait dont les détails lui revenaient petit à petit, alors que ses souvenirs se dévoilaient à lui , il savait qu'il l'adorait encore, elle était plus jeune que lui, il la décrivait comme une déesse: Il s'en souvenait belle, intelligente et drôle, sa voix continuait longtemps à parler d'elle, il savait qu'il pourrait continuer longtemps pour tout décrire d'elle, ses manières qui revenaient comme des flashs et tout son être.

Il y eut un long blanc, durant lequel Odéline demeura sa fourchette suspendue en l’air et où Siffroy mangeait tranquillement ses tomates. Elle en vint à douter qu’il l’ait entendue lorsque soudain, son assiette nettoyée de tout reste de nourriture, il lui répondit. Longtemps. Il semblait passionné par ce qu’il disait, emporté par le flot des souvenirs qui peu à peu semblaient lui revenir. Odéline les enviait. Eux, pour la beauté manifeste du couple qu’ils avaient formé. Lui, pour ses souvenirs. Elle, pour l’amour qui lui avait porté, et qu’il lui portait encore. Il ne se souvenait pas de son nom, c’était d’ailleurs dommage. Odéline aurait aimé le savoir, elle aurait beaucoup aimé. Cependant, ce n’était manifestement pas possible. Elle l’écoutait avec adoration, buvait ses paroles. Elle était pendue à ses lèvres qui se mouvaient dans sa mâchoire carrée et sèche. Puis vint le moment où il lui raconta, entre deux gorgées d’eau servie par la jeune fille entre temps (elle avait peur qu’il ne se dessèche, c’était extrêmement inquiétant comme idée !), la mort de cette extraordinaire femme. Odéline serra les poings et sentit la colère et l’indignation monter, ainsi que la douleur, la douleur pour Siffroy. Oh cela faisait longtemps apparemment mais … Elle le regarda avec ses grands yeux humides plein d’incompréhension. Elle ne comprenait pas comment on pouvait faire ça à un être humain, à un autre être humain, et sur cela la voix ne l’aiderait pas. Lui demander s’il avait de nouveau aimé après n’était pas nécessaire. Quant à la question de la sexualité, Odéline n’en avait même pas idée pour tout dire. Aussi ce fut autre chose qui lui vint à l’esprit.

- Dis, Siffroy, tu aurais voulu un enfant, toi ?

Ceci, il ne l’avait pas même évoqué.

Là où les larmes lui montaient légèrement aux yeux alors qu'ils racontait tout ce qu'il savait sur sa femme, vint la question des enfants. Il éclata de rire, elle touchait aux points sensibles, il aurait adoré avoir des enfants mais il se savait à cet age là de nature trop aventureuse pour pouvoir en prendre soin et prendre ses responsabilités avec eux, il n'aurait pas pu s'en occuper correctement, les éduquer comme il l'aurait souhaiter car pas assez là, trop Marchombre pour ça.

- Disons que l'occasion ne s'est pas présentée, si j'avais pu j'en aurai voulu un mais maintenant je préférerai plus être grand-père, ou même oncle mais j'ai très peu de famille. D'ailleurs si tu ne trouves personne de mieux, quand toi tu auras un enfant je pourrai te les garder de temps en temps ! Juste en temps qu'ami de la famille !

Il ne doutait pas que princesse et gamine comme elle était, elle aurait adoré avoir une famille, une vraie, mariée avec des enfants comme dans les contes -Il avait peut-être tord de ne pas en douter mais il y croyait- Aussi avec son physique et son attitude elle n'aurait pas de mal à faire chavirer quelqu'un de bien probablement et il en était content à l'avance ! Il savait d'ailleurs que le premier mec pas bien qui la fréquenterait, il l'aurait à l'oeil et lui foutrait une déculottée si jamais il osait lui faire des crasses.

Elle vit ses yeux briller, puis il lui répondit : oui, il airait voulu avoir des enfants, mais non, il n’en avait pas eu, l’occasion. Elle ri lorsqu’il évoqua le fait d’avoir un enfant. Elle n’y avait en fait jamais pensé, ne sachant pas comment ça se faisait, et croyant cela réservé aux grandes personnes, ce qu’elle n’était pas à ses propres yeux. Elle lui sourit.

- Je ne sais pas si j’en aurais tu sais … C’est pour les adultes, plutôt, non ?

Elle cligna un peu des yeux. Puis elle se leva sans attendre la réponse, fermant plus ou moins malgré elle le sujet, et remballa ses assiettes de tomates, son plat, et partit chercher le dessert, tout en enclenchant la cafetière. Elle revint avec plusieurs fruits différents et un flan à l‘orange qu’elle avait elle-même confectionné. Elle en coupa deux parts, et les plaça dans des récipients, avec une cuillère, et en tendit un à Siffroy.

- J’espère que c’est bon !

La séance d’interrogatoire était finie pour aujourd’hui.

[On finit là si tu veux !]