- Phina LearzaMinosien.ne
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Date d'inscription : 22/11/2023
Localisation : Quelque part par là ... Ou alors par ici !
Votre personnage et ses relations
Date de naissance: 25 Siméen 2770
Âge: 20 ans à peine
Branche(s): Duveteux (métissée de Membraneux) non liée !
Lieu de vie: Élysée, sur Minos
Occupation: En recherche d'un endroit où vivre (au Refuge, peut-être)
Niveau de richesse:
Niveau de célébrité:
Relations principales:
Autres informations essentielles:
[Archivé] À la recherche d'un refuge, ou du Refuge ... [sp Odéline]
Jeu 30 Nov 2023 - 9:43
Trois jours plus tôt, le soir, aux Champs Élysées.
Phina avait suivi le groupe d'enfants qu'accompagnaient les deux adultes pendant presque quatre jours jusqu'à une zone circulaire et pavée au milieu des champs de blés mûrs. Elle était en train de se demander à quoi cette place servait quand elle réalisa que le nombre d'enfants, qui eux avaient continué à marcher, diminuait au fur et à mesure qu'ils avançaient. Après la disparition du dernier d'entre eux, elle s'approcha mais ne vit rien de particulier. Il devait y avoir une explication magique à cela. Elle haussa les épaules et les ailes.
Comme la nuit commençait à tomber, elle s'envola en direction d'une énorme pile de bottes de foin toute proche, au sud des Champs, et, après s'être posée à son sommet, elle s'allongea sur le côté, se recouvrit de sa couverture bleue et se mit rapidement à somnoler sous le ciel constellé d'étoiles, rassurée par l'odeur du foin en train de sécher sous elle.
Personne ne s'aperçut de sa présence, ou, si ce fût le cas, on ne chercha pas à la chasser de son perchoir.
Le lendemain.
Elle se leva à l'aube, reposée et, après avoir pris quelques minutes pour s'orienter, étirer ses ailes et réarranger leurs plumes, elle s'envola pour retourner en direction du sud. Même si elle ne savait pas exactement où se trouvait Élysée, elle avait compris que la capitale se trouvait plus ou moins dans cette direction. Elle vola ainsi jusqu'à ce que, survolant une rivière poissonneuse sur quelques kilomètres, elle s'aperçût soudain qu'elle avait faim en voyant un poisson sauter hors de son élément vital. Elle fondit sur lui en piqué et le saisit à pleines mains au milieu du saut suivant, glissant les doigts dans les ouïes de l'animal pour l'empêcher de s'échapper. Elle n'aimait pas tuer un autre être vivant mais c'était depuis des années le prix de sa propre survie. Elle se posa à l'écart de l'eau, sur une grosse dalle en pierre, attrapa le poisson par la queue et abrégea ses souffrances en lui faisant heurter brutalement le sol, sans oublier de le remercier de son sacrifice. Enfin, maniant rapidement un de ses couteaux, elle le vida, l'écailla et croqua avidement dans la chair de sa proie qui se vengea en lui laissant quelques arêtes coincées entre les dents. Son repas terminé, elle déposa les restes du poisson dans l'eau de la rivière, rendant à la nature ce qui n'était pas comestible. Elle allait reprendre son envol quand une voix masculine l'interpella au-dessus d'elle.
"Hé, en bas ! …"
Phina leva le regard à la verticale. Un autre Duveteux était là, en vol quasi stationnaire, lui masquant le soleil de son dos. Ce devait être un subadulte d'une dizaine d'années son aîné au vu de ses ailes. Le premier Duveteux plus âgé qu'elle-même qu'elle voyait depuis des années. Elle n'osa pas répondre. Il se posa à proximité avant de reprendre :
"Jolie, la technique de pêche en piqué ! Où avez-vous appris à faire ça ?"
"Mon père m'a appris les bases quand j'étais enfant et je me suis entraînée."
En substance, c'était vrai, mais elle n'allait pas raconter sa vie à un total inconnu, fusse-t-il un Duveteux.
"Vous pensez qu'il pourrait m'apprendre ou pas ?"
"Non, il ne peut pas. Il est plus là. Il est mort à la guerre."
"Ah, désolé ! Moi, c'est ma mère qui est morte, victime de l'Ombre."
Si Phina ne réagit pas à l'information, c'est qu'elle ne savait pas ce qu'il appelait l'Ombre. Était-ce comme ça qu'il appelait la nuit, ou était-ce autre chose ? Il continua :
"Je peux vous poser une autre question ? Est-ce que c'est lui qui vous a appris à voler aussi vite ? Parce que je vous suis depuis plus d'une heure et si vous ne vous étiez pas arrêtée, je serai encore loin derrière."
Sur le qui-vive, Phina fronça les sourcils. Il l'avait suivie et elle ne s'était aperçue de rien.
"Pourquoi vous me suivez ? Vous me voulez quoi ?"
Il agita les bras, un peu nerveux de la voir en alerte.
"Euh, non, désolé, je me suis mal exprimé. Je ne vous suivais pas volontairement. C'est juste que … qu'on allait dans la même direction, vous et moi. C'est tout ! Je ne cherchais pas à vous suivre, en fait. C'est juste le hasard !"
Phina se détendit un peu. Il avait l'air sincère. Malgré tout, toujours sur ses gardes, elle lui demanda :
"Comment vous savez qu'on va dans la même direction ? Vous allez où, vous ?"
Il souriait en s'approchant de quelques pas de Phina. Elle recula. Voyant cela, il s'arrêta pour lui répondre. Il ne voulait pas lui faire peur, juste discuter avec elle et, éventuellement, l'aider.
"Je vais rendre visite à un parent qui habite au sud des Montagnes Déméter, dans un petit village au bord de l'océan. Et vous, vous allez où ?"
"Élysée !"
Phina n'en revenait pas d'avoir répondu comme ça, du tac au tac. Elle baissa les yeux, gênée.
"Ah, et visiblement, vous ne connaissez pas très bien la région, sinon, vous auriez déjà obliqué en direction de l'ouest. Si vous voulez, on peut faire un peu de chemin ensemble, si vous acceptez de voler un tout petit peu moins vite."
Phina secoua la tête. Un peu honteuse de sa situation, elle expliqua :
"Je ne peux pas aller moins vite, il faut que j'arrive à Élysée avant demain midi … Je n'ai plus rien à manger."
"Ça, ça peut s'arranger facilement. Je connais au moins trois endroits entre ici et Élysée, où, en échange de deux heures de travail à la cueillette de fruits, on peut en emporter quatre ou cinq. Et en tant que Duveteux, on est appréciés parce qu'on peut accéder à ceux situés au sommet des arbres sans les abîmer en leur faisant heurter les branches. Et en plus, on a aussi droit à un repas chaud et un endroit pour dormir le soir. Quand je voyage, c'est comme ça que je mange à l'œil, en travaillant d'une ferme à l'autre. Et comme je prévois de reprendre l'élevage de mes grands-parents, je connais les meilleures adresses de tout Minos. Alors, ça vous tente ? On vole ensemble et je vous fais entrer dans le circuit des récolteurs de fruits."
"Vous n'avez pas peur que votre parent s'inquiète, si vous arrivez plus tard que prévu ?"
La question de Phina, naïve, le fit sourire.
"Non, je le préviendrai ce soir que je fais un petit détour pour aider quelqu'un … Après, depuis Élysée, je passerai par les Montagnes Déméter. Dans le pire des cas, j'arriverai là-bas en début de nuit au lieu du milieu de matinée."
"Vous êtes sûr que ça ne vous embête pas ?"
"Puisque je le propose, c'est que ça ne m'ennuie pas !"
Il tendit la main vers elle en ajoutant :
"Au fait, je m'appelle Ozèl, Ozèl Lansère, et vous, mademoiselle ?"
Phina regarda la main ouverte d'Ozèl d'un œil circonspect. Elle se souvenait avoir vu son père avoir ce même geste envers un ancien collègue. Il lui avait saisi la main et l'avait secoué. Elle décida de tenter de faire pareil et attrapa la main tendue du Duveteux en répondant simplement.
"Phina."
"Phina ... Un beau prénom pour une joli brin de fille. Enchanté de faire votre connaissance."
Même s'il ne lui avait pas broyé la main, elle avait senti une force contrôlée dans sa poigne.
"Bon, on décolle, on y va ?"
"D'accord !"
Le même jour, une heure avant le coucher du soleil.
Phina n'avait pas volé avec un autre Duveteux depuis le jour où sa mère avait disparu au-dessus des Montagnes Deimos, au sud d'Artgard. La sensation était étrange, d'autant plus qu'il s'agissait d'un quasi inconnu. Pourtant, en quelques heures de vol à peine, Ozèl en était arrivé à la tutoyer, un peu par accident quand, un quart d'heure plus tôt, il lui avait évité d'être percutée par un énorme insecte et qu'ils étaient tombés au sol, lui enlaçant Phina pour la protéger à l'impact. Il lui avait demandé si elle n'était pas blessée. Ce tutoiement n'était pas encore très naturel pour Phina mais plus ils discutaient, plus cela lui semblait aller de soi. Ils en étaient venus à parler de leurs familles respectives. La mère d'Ozèl était une Augmentée, et il avait une demi-sœur, fille aînée de sa mère, qui était mariée et tenait, avec son époux, la ferme vers laquelle il emmenait Phina.
"Moi aussi, je suis une moit'-moit' !"
"Une quoi ?!"
"Une moit'-moit' ! Moitié Duveteux, moitié autre chose. Comme vous, enfin toi !"
"Ah, d'accord ! Et l'autre moitié, c'est quoi chez toi ?"
Phina hésita. Elle savait que cette info pouvait être une vraie bombe. Et elle ne souhaitait pas voir Ozèl la fuir à cause de ça. Elle l'aimait bien et avait envie d'être son amie.
"C'est papa qui n'était pas un Duveteux. C'était … un Membraneux."
"Un Membraneux ! Et ce n'était pas explosif, entre tes parents ?"
"Non, je ne crois pas … Ils s'aimaient beaucoup. Et papa était un tout petit peu Duveteux aussi."
"Oh, alors tu es un peu plus Duveteux que Membraneux, du coup ! On se pose !"
Phina ne releva pas l'affirmation de son côté plus Duveteux que Membraneux. Ce n'était pas le moment d'embrouiller les idées de son compagnon de vol. Elle secoua la tête en voyant que celui-ci n'avait pas attendu sa réponse pour atterrir. Toujours dans les airs, elle lui dit :
"Non, on peut continuer à voler encore, il reste un moment avant la nuit."
"Oui, je sais bien qu'il reste un moment avant la nuit, mais on est arrivé chez ma sœur … Descends maintenant."
Elle atterrit en douceur à un mètre de lui et, après l'avoir attiré plus près de lui sans violence, il continua :
"Par contre, comme tu as seulement vingt ans, pour éviter que certains ne te tournent autour on va te vieillir un peu, disons vingt-cinq ans, et on va dire que toi et moi, on est ensemble, tu es d'accord."
"Pourquoi tu veux mentir à ta sœur ?"
"Non, non, non, pas à ma sœur, ni à mon beau-frère, eux, on leur dit la vérité. C'est seulement à leurs employés. L'an dernier, quand je suis venu pour la dernière fois, un des ouvriers tournait autour d'une jeune femme qui faisait sa première saison ici. Elle m'avait confié qu'elle pensait partir parce qu'elle le trouvait un peu lourd. Elle se sentait harcelée. J'ai pas envie qu'il t'arrive la même chose. Lui, il n'est probablement plus là parce qu'au moment de partir, j'avais lâché le morceau auprès de mon beau-frère, histoire de la protéger, elle. Mais on ne sait jamais."
Phina prit le temps de réfléchir. L'explication d'Ozèl tenait la route. Soudain, sans prévenir, il la prit dans ses bras et lui murmura à l'oreille :
"Quelqu'un approche, laisse moi faire, je te protège."
L'instant suivant, elle entendit des pas qui crissaient dans les graviers du chemin. La personne avait le pas relativement léger. Soudain, l'intonation de la voix d'Ozèl changea. Il paraissait amusé :
"Eh, mais c'est la femme en question ! Viens, je vais te présenter."
Tout en entraînant Phina, il héla l'ouvrière.
"Hé, Mademoiselle Hamade !"
L'interpellée s'arrêta, se tourna vers lui et, le reconnaissant, le salua en retour.
"Bonsoir Monsieur Ozèl, comment allez-vous ? Vous voulez rester pour dîner ? Je me permets de vous le demander parce que c'est mon tour de cuisiner ce soir."
Il hocha la tête avant de répondre.
"Euh, oui, nous restons ici pour la soirée et la nuit. Et je vois que vous avez fait de même."
L'ouvrière étouffa un léger rire avant de répondre.
"Oui, après votre départ, l'an passé, les patrons se sont retrouvés avec un employé en moins parce que quelqu'un leur avait dit qu'il me tournait autour sans mon consentement et ils l'ont renvoyé. Apparemment, il y avait eu un précédent avec une autre saisonnière. Du coup, ils m'ont proposé son poste et j'ai accepté l'offre."
"Super ! Je suis content pour vous. Et du coup, c'est à vous que je dois demander s'il y a des choses qui restent à faire … Traire les bêtes, par exemple … Je pourrais m'en occuper avec Phina."
Il sentit que cette dernière lui tapotait gentiment l'avant-bras et se tourna vers elle.
"Ozèl, je ne sais pas faire, ça … J'ai jamais trait des animaux."
"Pas grave, t'inquiètes pas Phina, je t'apprendrai. Tu verras, c'est facile !"
"Oui, bonne idée. Je veux bien que vous vous occupiez de la traite. Par contre, la Blanche a eu une mammite alors son lait n'est pas encore consommable. Et votre sœur n'est pas en état de s'en occuper en ce moment. Du coup je suis allée poser une annonce pour un emploi d'employé de ferme."
Soudain inquiet, Ozèl questionna :
"Qu'est-ce qui lui arrive ?"
"Rien de grave, et ce n'est pas à moi d'en parler, vous leur demanderez à eux, si vous ne comprenez pas tout seul avant."
"Vous êtes sûre que ce n'est pas grave …"
"Certaine ! Juste un peu gênant pour faire certaines choses. Rien de plus. Maintenant, allez traire les vaches. Je préviens les patrons que vous êtes là et que vous vous en chargez avec votre amie. Comment s'appelle-t-elle ?"
"Je m'appelle Phina. J'ai bientôt vingt-cinq ans et Ozèl et moi, on est ensemble."
Le Duveteux la regarda d'un air attendri avant de l'embrasser sur le front et de lui chuchoter :
"Merci ma petite plume !"
"Du coup, je vous fais préparer une chambre pour deux ?"
Voyant le regard soudain paniqué de Phina, il déploya son aile pour la masquer sous couvert de l'ébrouer et répondit :
"Oui, une seule chambre, mais avec deux lits séparables, si c'est possible. On a encore jamais dormi ensemble et je ne voudrais pas que Phina se sente mal à l'aise à l'idée de passer la nuit avec moi. Bon, on s'occupe de la traite du soir. À tout à l'heure, Mademoiselle Hamade."
Sans attendre une réponse de sa part, il prit la main de Phina et la guida jusqu'à l'étable.
"J'ai dit ce qu'il fallait ?"
"Tu as été parfaite, Phina. Maintenant, fais comme moi, laves toi les mains, prends un seau et un tabouret. Je vais te montrer comment on trait une vache."
Phina hocha la tête et obéit. Ozèl s'approcha d'une bête blanche et rousse qu'il flatta à l'encolure tout en lui parlant. Elle l'imita.
"Maintenant, poses ton tabouret ici, entre elle et le mien et assieds toi dessus. Puis pose ton seau sous son pis et tu le maintiens avec tes pieds. Déploie légèrement tes ailes, le temps que je te montre la technique pour la traite."
Ozèl s'éloigna en chantonnant. Il revint avec un seau d'eau et une serviette. Il posa le seau à côté d'eux, et y trempa le morceau de tissu avant de l'utiliser pour nettoyer un à un les trayons de l'animal.
"Donne moi tes mains !"
Le ton était impérieux mais sans mépris. Phina se laissa guider sans broncher.
"Elles sont un peu froides, alors frotte les l'une contre l'autre pour les réchauffer un peu. Les vaches n'aiment pas avoir froid aux mamelles."
"Je crois que personne n'aime ça. Et toi ?"
Ozèl sourit à Phina, silencieux, tout en s'assurant que ses mains étaient un peu réchauffées. Puis il s'assit derrière elle, sur le second tabouret, ses jambes encadrant celles de Phina. Il se plaqua dans son dos, pris ses mains dans les siennes et les guida jusqu'aux trayons qu'il coinça entre le pouce et la base de l'index et entraîna vers le bas. Un jet de liquide blanc fusa. Puis un autre tandis qu'il renouvelait le geste d'une main sûre. Après avoir obtenu un premier jet de lait de chaque trayon, il attrapa le seau et sous les yeux ébahis de Phina, le vida sur le sol avant de le replacer sous le pis.
"Pourquoi t'as fait ça ? Il avait l'air bon, ce lait."
"Oui, mais il y a toujours de petites saletés dans le premier. Maintenant, tu vas le faire toute seule. Je garde mes mains sur les tiennes au début pour corriger si je vois que tu t'y prends mal. Vas-y ! J'ai confiance en toi, tu vas y arriver."
Phina reprit le geste que lui avait montré Ozèl. Et à chaque fois que le lait sortait, il la félicitait. Puis il lâcha ses mains et, tout en continuant à l'encourager, il se leva lentement et s'éloigna avec les deux seaux, son tabouret et le tissu qu'il échangea contre un autre.
"Tu te débrouilles comme une pro, alors je vais aller traire une autre bête. On ira plus vite à deux. Arrête toi et préviens moi simplement quand il n'y aura plus de lait qui sort. Surtout ne force pas ou tu pourrais la faire saigner et ton lait serait gâché. Ah, et, tu peux replier tes ailes, si tu veux, maintenant."
Tout en parlant, Ozèl avait pris place aux côtés d'une autre vache et avait commencé à la traire et il allait passer à la suivante quand Phina l'appela :
"Ozèl, ça y est, je crois que j'ai fini !"
Il s'approcha pour examiner le contenu du seau ainsi que le pis, constatant que Phina avait fait le travail correctement. Avec une moue approbatrice, il la félicita une fois de plus.
"Pas mal, pour une débutante. Tu es presque aussi rapide que moi. Prend ton seau et ton tabouret et suis moi, je te montre la suite."
Il la guida jusqu'à un coin de l'étable où se trouvaient plusieurs bidons de grande taille munis de couvercles. Saisissant la poignée de l'un d'eux, il le fit tourner d'un quart de tour et le souleva.
"Ce sont des berthes, et on va verser ton seau dans celle-là. Vas-y, je pose le couvercle à côté. La partie intérieure sur le dessus pour éviter de salir le couvercle et le lait après. Tu le refermeras bien comme il faut après. Quand tu as fini, tu choisis une autre vache pour la traire mais tu ne prends pas la blanche dans cette rangée, c'est celle qui est malade, il faut la traire séparément et jeter son lait. On s'en occupera en dernier tous les deux."
"D'accord Ozèl. Merci."
Il lui sourit et s'éloigna en chantonnant de nouveau. Phina versa le lait dans la berthe, la referma soigneusement et s'approcha d'une autre bête, celle qui était juste à côté de la vache malade. Ozèl pouffa alors, avant d'éclater franchement de rire.
"Non, je crois que tu vas avoir du mal à traire cette bête-la. Ou si tu y parviens, tu n'auras pas beaucoup de lait. Regarde son ventre."
Phina obéit puis regarda Ozèl d'un air désabusé tandis que celui-ci peinait à stopper son fou rire.
"C'est pas une vache !"
"Non, effectivement, ce n'en est pas une. C'est un taurillon. Ils ont probablement dû le sélectionner pour être un reproducteur pour l'an prochain."
Soudain, Phina éclata de rire elle aussi. Elle ne souvenait pas que le rire pouvait être aussi fort pour se sentir bien.
Le lendemain, une heure après l'aube.
La veille au soir, au repas, la sœur d'Ozèl leur avait fait la surprise de son ventre très arrondi de femme enceinte. Puis Ozèl et Phina avaient dormi dans la même chambre, dans deux lits séparés et étaient repartis, après avoir effectué la traite du matin avec la future mère, quelques minutes après le lever du soleil en direction de l'ouest. Chacun emportait avec lui de quoi manger pour les deux jours suivants.
"J'en reviens pas, Phina ! Je vais être tonton et elle n'en a parlé à personne. Tu te rends compte, tonton."
"D'après ce que j'ai compris hier soir, elle voulait faire la surprise à son père."
"Non, pas le sien, le mien, c'est lui qu'elle appelle 'Papa'. C'est normal, c'est lui qui l'a élevée. Son vrai père a disparu avant que mes parents se rencontrent. Je sais que je lui ai promis de ne rien dire à personne, mais faudrait pas qu'elle attende trop ou elle va le pondre avant. Par contre, il faudrait qu'on se pose un moment, j'ai besoin de faire une pause d'urgence, si tu vois ce que je veux dire."
Phina ne voyait pas du tout à quoi Ozèl faisait référence mais, quand elle voulut le suivre, il lui demanda de l'attendre à l'écart en affirmant qu'il ne tarderait pas à revenir, lui laissant son sac de vivres à surveiller. Le Duveteux tînt parole. Quand il reparût, elle remarqua qu'il la regardait en souriant, l'air amusé.
"Quoi ? Qu'est-ce qui se passe, Ozèl."
"Non, rien, je pensais seulement que tu es … spéciale ! Et que je t'apprécie beaucoup."
"Moi aussi, je t'aime bien. Tu es gentil avec moi, et tu as changé de route pour me guider jusqu'à Élysée."
Ozèl eut une réaction qui parût étrange à Phina. Il baissa les yeux, comme s'il voulait lui cacher quelque chose qu'il n'osait pas lui dire pour ne pas la blesser. Il avait l'air un peu déçu et son sourire s'effaça un peu. Au bout de quelques minutes, il reprit son envol, rapidement suivi par Phina. Ils reprirent leur vol à une vitesse modérée. Après deux bonnes heures, Ozèl lui demanda :
"Je voudrais savoir ce que tu penses faire, quand tu seras à Élysée. Tu sais où tu vas vivre ou pas ?"
"J'ai entendu les enfants que j'ai suivis l'autre jour qui parlaient de l'endroit où ils vivaient. Apparemment, ça s'appelle le Refuge, mais je ne sais pas où il est, exactement. Tu connais, toi ?"
"Le Refuge ? Bien sûr que je connais ! La ferme de mes grands-parents fait partie de leurs donateurs pour le lait de l'orphelinat … Tu vas y aller ?"
"Je ne sais pas, je ne suis pas sûre de pouvoir. C'est peut-être difficile …"
"Si tu veux y aller, tu iras ! Ils ne te refuserons pas, enfin, je crois qu'ils t'accepterons, sincèrement ! Et si, un jour, tu veux trouver du travail, tu n'auras qu'à venir voir mes grands-parents. Je leur parlerai de toi. Tu es douée pour traire les vaches, quand tu ne choisis pas de t'essayer sur un jeune taureau."
"Arrêtes de te moquer, Ozèl !"
"Mais je ne me moque pas, je suis très sérieux au contraire. Tu sais faire la différence entre une vache et un taureau, je peux le certifier !"
Phina avait envie de rire et le regard mutin d'Ozèl ne l'aidait pas à résister. Elle finit par se lâcher, rapidement imitée par un Ozèl qui, visiblement, n'attendait que ça pour s'esclaffer. Quand ils parvinrent à se calmer tous les deux, il lui demanda :
"Phina, je peux te demander un truc ? Tu n'es pas obligée de me répondre maintenant, je te rassure."
"Oui, quoi ?"
"Est-ce que tu serais d'accord pour qu'on reste en contact, quand tu seras au Refuge, ou à Élysée …"
"Oui, je serai très contente qu'on puisse se voir, pour discuter, ou que tu m'apprennes de nouvelles choses. J'aime bien ta compagnie."
"Super !"
De nouveau, Ozèl eu l'air quelque peu déçu par la réponse, sans que Phina n'en comprenne la raison.
"Dis, Ozèl, tout à l'heure, tu disais que je pourrai aller demander à tes grands-parents, si un jour je veux travailler. Tu voulais dire quoi, par là ? Tu crois qu'ils seront d'accord si je viens ?"
"Il faudra que je leur en parle, mais il n'y a pas de raison qu'ils refusent de te prendre à la ferme, tu es tout à fait capable de te rendre utile. Et j'ai pu le constater, tu n'es pas la fille la plus maladroite, avec les bêtes. Je leur en parlerai quand je rentrerai à la ferme. Ça te laissera le temps de trouver ta place au Refuge et de t'installer tranquillement. Je passerai te donner des nouvelles, quand ce sera fait."
"Elle est où, la ferme de tes grands-parents ? Parce que, si je veux y venir, il faut que je le sache."
"Je ne te l'ai pas dit ? Je croyais, pourtant ! Euh, comment t'expliquer ça simplement ? Ah, ça y est, je sais ! Tu te souviens les bottes de foin sur lesquelles tu as dormi, la veille de notre rencontre ?"
"Ben oui, pourquoi ?"
"Parce qu'elles sont sur le terrain de leur ferme. Je t'ai vue quand tu t'es envolée, le matin. Et je t'avais vue aussi la veille quand tu t'étais posée à leur sommet."
Phina baissa les yeux, penaude.
"Je savais pas où dormir..."
Se plaçant face à elle et volant à reculons, Ozèl lui saisit les deux mains dans les siennes. Peu à peu, il la guida vers le sol et ils se posèrent.
"Hé, Phina, ne t'inquiètes pas, ce n'est pas grave. Je ne te reproche rien ! Mon grand-père m'a dit qu'il t'avait vue lui aussi et il n'est pas venu te chasser. Il a bien vu que tu étais un peu perdue. Et moi, je n'ai pas osé venir te proposer de venir à l'intérieur. Mais je l'aurais fait sans hésiter s'il y avait eu le moindre risque d'orage pendant la nuit, je tiens à ce que tu le saches !"
"Mais si tu m'as vue quand je suis partie de chez ton grand-père, tu m'as suivie, après."
"Non, je te l'ai déjà dit, on allait dans la même direction et c'est tout. Ce voyage, je le fais à chaque fin de saison. Je rends visite à mon père. Il vit loin de nous parce que vivre à la ferme le rend malheureux. Ça lui rappelle trop l'absence de ma mère. Alors je vis avec mes grands-parents et je lui rends visite tous les trois mois, pendant quelques jours. C'est mieux ainsi, pour lui."
Phina comprenait parfaitement ça. Elle qui avait vu sa mère sombrer dans la folie après la mort de son époux savait ce qu'avait dû vivre Ozèl. Des regards perdus de sa mère, trop choquée pour prendre la moindre décision aux cris, la nuit, quand les cauchemars la réveillaient en sursaut, tout lui revint en mémoire. Si le père d'Ozèl avait perdu la raison de la même façon, alors la décision de l'éloigner de la ferme familiale avait été prise pour qu'il puisse guérir.
"Oui, je comprends. Alors c'est ton père, que tu vas visiter ?"
"Oui, ça permet aussi aux trois personnes qui se relaient et veillent sur lui le reste du temps de prendre quelques jours de repos complets pendant une semaine."
Le même jour, en fin de journée :
Ozèl et Phina avaient volé ainsi, discutant et riant ensemble jusqu'au soir, ne s'accordant que deux heures de pause au milieu de la journée pour manger et se reposer un moment dans un champ en jachère. Le soleil s'approchait dangereusement des montagnes à l'horizon lorsqu'ils s'arrêtèrent pour la nuit sur la terrasse de toit d'une maison désertée depuis longtemps. Ozèl pointait du doigt un point lumineux, au pied de la chaîne montagneuse.
"Les premières lumières d'Élysée. Ce doit être le palais qui s'éclaire pour la soirée. Tu seras là-bas avant cette même heure demain. Peut-être même déjà au Refuge."
Phina baissa les yeux. Elle n'était pas certaine de vouloir continuer en direction de la capitale de Minos, surtout si ça signifiait ne plus être avec celui qui, en quelques jours à peine, était devenu son ami. Des larmes mouillèrent son regard et, comme s’il avait lu dans ses pensées, Ozèl se rapprocha d'elle et passa son bras sur l'épaule de la jeune Duveteux avant de lui dire, d'un ton rassurant :
"Ne t'inquiètes pas, petite plume, ce n'est pas parce que le vent nous emporte dans des directions différentes qu'on ne se verra plus."
Elle plongea son regard dans les yeux d'Ozèl.
"Tu me le promets ?"
"C'est promis, petite plume. Moi non plus, je n'ai pas envie de m'éloigner de toi. Tu es … spéciale, je veux dire importante, pour moi."
Après quelques instants de réflexion, il ajouta :
"Je n'aurais peut-être pas dû te dire ça. Est-ce que tu vas accepter qu'on dorme à côté l'un de l'autre, maintenant ?"
Phina prit le temps de réfléchir. Même si elle n'en était pas certaine, elle pensait que les mots d'Ozèl devaient avoir un autre sens, plus adulte que ce qu'elle en comprenait avec certitude. Elle était un peu mal à l'aise de ne pas saisir en quoi elle était 'spéciale' pour lui. De son point de vue, elle était une Duveteux normale, même si son père était un Membraneux. Elle agita légèrement ses ailes, cherchant à comprendre en quoi elle était différente ou importante. Ses plus grandes rémiges étaient encore loin de toucher le sol, contrairement à celles d'Ozèl. Soudain, elle réalisa que ce qui la rendait 'spéciale', c'était qu'Ozèl était peut-être habitué à côtoyer d'autres Duveteux de son âge, plutôt qu'une fille de vingt ans et qu'elle devait lui sembler particulièrement bête.
"Je suis désolée, je suis encore trop jeune pour comprendre. Tu sais Ozèl, j'ai pas vécu avec des Duveteux plus âgés que moi depuis longtemps, alors je sais pas comment font les plus grands."
"L'âge n'a rien à voir avec le fait de ressentir des choses pour les autres, ma petite plume … Tu ne comprends pas que je tiens simplement à toi ? Tu sais, si nous étions des Humains, au lieu d'être des Duveteux, tu aurais treize ans, et moi, quinze, presque seize. Ce n'est pas une si grande différence d'âge, si ?"
"Hein ?! Mais c'est pas possible, t'as quel âge ?"
"Moi, je fête mes vingt-sept ans le 1er Gadien prochain. Même si je ne suis pas censé être au courant, mes grands-parents profitent chaque année de mon absence pendant Nephtalien pour m'organiser une petite fête. Si tu veux, tu peux y venir, il y a toujours assez de nourriture pour que tous remportent de quoi manger chez eux. Et certains de mes amis seront probablement tes voisins, au Refuge."
"C'est vrai ? Je peux vraiment venir ?"
Ozèl ne pût pas se retenir de sourire à la réaction de Phina.
"Bien sûr que oui, j'arriverai probablement de chez mon père la veille au soir alors tu pourras me faire la surprise."
"Mais si tu sais que je viens, ça ne sera plus une surprise !"
"Au contraire, ce sera la plus belle de toutes. Si tu es là, j'aurais toutes les raisons de passer une bonne journée, ma petite plume. Bon, assez bavardé, il faut qu'on dorme où on n'arrivera jamais à Élysée avant midi demain."
Tout en parlant, il s'était assis dans un angle de la terrasse.
"Tu dors près de moi ou tu préfères prendre un autre coin de la terrasse ?"
"Près de toi ! J'aurais moins peur."
Ozèl se décala un peu sur sa gauche et ouvrit largement son aile droite, l'invitant à se blottir contre lui.
"Dis Ozèl, je peux poser ma tête sur ta cuisse ?"
"Tu ne préfères pas dormir sous mon aile ?"
"J'ai toujours du mal à m'endormir, assise. Les fois où j'ai essayé, je suis tombée."
"D'accord, alors couche toi et pose-la là, près de mon genou."
Phina obéit aux instructions d'Ozèl, ravie qu'il accepte. Le jeune Duveteux la laissa s'installer puis se pencha sur elle et embrassa son front avant de se laisser aller en boule, son aile recouvrant Phina comme une couverture de plumes.
"Bonne nuit, ma petite plume. Fais de beaux rêves."
"Bonne nuit Ozèl. Dors bien, toi aussi !"
Le lendemain, peu avant midi :
Les deux Duveteux avaient dormi jusqu'au lever du jour, Ozèl ne s'éveillant qu'un court instant pour changer de position et s'allonger près de Phina presque sans la réveiller. Il lui laissa son avant-bras gauche comme oreiller en lieu et place de sa cuisse, son aile droite les recouvrant tous les deux. Puis, après un petit déjeuner où ils finirent le fromage de la ferme de la sœur d'Ozèl, ils décollèrent rapidement ensemble pour la dernière fois du trajet. Aucun d'eux n'était assez joyeux pour parler et la majorité de leur vol se fit dans une ambiance un peu morose. Soudain, Phina éclata de rire, surprenant Ozèl. Elle venait d'apercevoir un mouvement dans les herbes au dessous d'eux, mouvement qui s'était avéré être une portée de jeunes conils d'un blanc éclatant mais étrangement tacheté de brun sur le ventre et les côtés. Elle réalisa que la surprenante couleur n'était due qu'à leurs jeux de poursuite près d'une mare.
"Ozèl, tu as vu ?"
"Oui, je les ai vus, moi aussi. Ils ont l'air mignons comme ça, mais c'est un piège. Ils sont beaucoup moins aimables à la pleine lune, quand ils se transforment et qu'ils te boulottent pendant la nuit."
"Ah bon ! Moi, j'aurais bien aimé en adopter un."
"Ne fais surtout pas ça … je ne voudrais pas qu'il t'arrive malheur. Il existe des animaux beaucoup moins dangereux dans le monde, comme la nouchka. On en a parfois à la ferme. Je soupçonne la mienne d'avoir disparu pour avoir des petits. Si j'ai raison, elle devrait réapparaître aux environs de mon retour à la ferme avec eux."
"J'ai pas vu de nouchka depuis mon enfance sur Éaque ! J'aimais bien celle de mon grand-père. En tout cas, merci, c'est gentil de veiller sur moi."
"Hé, c'est à ça que je sers, veiller sur les jeunes filles en péril !"
"Mais tu ne sers pas qu'à ça. Tu sais aussi apprendre à des filles que tu connais depuis quelques heures à peine comment traire une vache ou comment elles peuvent gagner leur vie et se rendre utile pendant qu'elles voyagent avec toi."
"Je peux aussi leur apprendre à faire la différence entre une vache et un taurillon."
Ozèl éclata de rire, rapidement imité par Phina, à l'évocation de ce souvenir commun.
"T'es bête !"
"Ah, non, moi, je savais déjà la différence ! C'est toi qui ne la connaissais pas …"
"Si, je connaissais la différence moi aussi … Je croyais seulement qu'il n'y avait que des vaches, je savais pas que ta sœur et son mari avaient un jeune taureau dans l'étable."
"Je sais ! Je te taquine juste un peu, ma petite plume."
Comme ils approchaient d'une zone où les véhicules semblaient tous être rassemblés alors qu'ils en avaient croisé ou doublé moins d'une centaine sur l'entièreté de leur voyage, Ozèl se posa au sol, faisant signe à Phina de l'imiter. Elle atterrit à son tour tout en le questionnant :
"Pourquoi on s'arrête Ozèl ?"
"C'est très simple, si on est dans les airs, on n'avancera pas très vite, à pied, ce sera plus rapide, on peut passer par les portes pour les piétons pour pénétrer dans Élysée."
"Tu vas m'accompagner ?"
"Oui, mais je te laisserai quand nous serons arrivés à la porte du Refuge. Après, ce sera à toi de décider si tu y entres ou pas."
Phina hocha la tête.
"Je sais pas si … si je saurais refaire le trajet, pour retourner jusque chez tes grands-parents. Je ne suis pas sûre."
"On voit que tu n'es jamais allée au Refuge ! Comment crois-tu qu'ils ont fait, les enfants que tu suivais, l'autre soir, pour disparaître. Mes amis m'ont expliqué que, en entrant pas la porte située dans Élysée, tu arrives dans l'orphelinat. La sortie opposée se trouve dans le Village du Refuge. C'est là qu'ils habitent. Et à l'autre bout de ce village, il y a un passage qui mène aux Champs Élysées. Je pense qu'il s'agit d'un portail. Tu ne peux pas le trouver si tu n'es jamais passée par la porte d'Élysée. Par contre, après, il est visible pour toi, pour repasser des Champs au Village du Refuge directement. Tu pourras le prendre. Il ne te faudra que quelques minutes pour aller du village à chez mes grands-parents. Sinon, on ne pourrait pas livrer du lait frais du matin pour les petits déjeuners de l'orphelinat. Tous les matins, je dépose dix berthes à proximité du portail juste après la traite, ils viennent les chercher et je repars avec celles de la veille, vidées. C'est pour ça qu'il y a une zone pavée, pour que les véhicules puissent y circuler et faire demi-tour pour retourner au village."
"Et tu l'as fait, l'autre jour, avant de partir …"
"Oui, et j'ai aussi lavé les berthes, enfin, comme il faut, je veux dire, parce qu'il reste souvent un peu d'eau mélangée à du lait qui a séché quand ils nous les rendent. Ils n'ont pas le matériel pour les laver à fond et les faire sécher correctement. C'est pour ça que je suis parti un bon moment après toi. Presque une heure, en fait."
Tout en discutant, ils avaient franchi l'entrée de la ville, Ozèl expliquant au garde, qui visiblement le connaissait bien puisqu'ils se tutoyèrent dès le début de la conversation, qu'il ne faisait qu'accompagner Phina jusqu'à la porte du Refuge avant de repartir de son côté. Vingt minutes plus tard, ils arrivèrent devant une porte aux motifs végétaux. Ozèl prit la main de Phina et, la regardant droit dans les yeux, il lui dit :
"Ça y est, tu es arrivée à bon port. Ta nouvelle vie va pouvoir commencer. Alors si tu veux me faire plaisir, il y a un bon moyen … Prends ton destin en main et sois heureuse !"
Puis il l'embrassa sur le front une dernière fois avant d'ajouter :
"Au revoir, ma petite plume. Prends soin de toi et à bientôt … Peut-être au 1er Gadien, chez mes grands-parents."
"Au revoir Ozèl. J'essayerai de venir te voir, si je trouve le passage pour les Champs Élysées avant. Merci encore pour tout ce que tu as fait pour moi."
"Ce fut un plaisir de faire la route avec toi. Au revoir !"
Reculant de quelques pas, il s'envola, quasiment à la verticale, puis, après un dernier signe de la main, se dirigea vers le sud. Phina resta là où il l'avait laissée quelques minutes encore après sa disparition puis, prenant son courage à deux mains, se dirigea vers la porte, frappa et n'obtenant pas de réponse, elle entra. Visiblement, Ozèl non plus n'avait jamais passé cette porte. De l'autre côté se trouvait un hall monumental, pratiquement aussi grand que … Phina n'avait aucun point de comparaison qui convienne. L'endroit était simplement immense.
"Bonjour, il y a quelqu'un ?"
Sa voix se répercuta en écho.
"S'il vous plaît …"
Phina avait suivi le groupe d'enfants qu'accompagnaient les deux adultes pendant presque quatre jours jusqu'à une zone circulaire et pavée au milieu des champs de blés mûrs. Elle était en train de se demander à quoi cette place servait quand elle réalisa que le nombre d'enfants, qui eux avaient continué à marcher, diminuait au fur et à mesure qu'ils avançaient. Après la disparition du dernier d'entre eux, elle s'approcha mais ne vit rien de particulier. Il devait y avoir une explication magique à cela. Elle haussa les épaules et les ailes.
Comme la nuit commençait à tomber, elle s'envola en direction d'une énorme pile de bottes de foin toute proche, au sud des Champs, et, après s'être posée à son sommet, elle s'allongea sur le côté, se recouvrit de sa couverture bleue et se mit rapidement à somnoler sous le ciel constellé d'étoiles, rassurée par l'odeur du foin en train de sécher sous elle.
Personne ne s'aperçut de sa présence, ou, si ce fût le cas, on ne chercha pas à la chasser de son perchoir.
Le lendemain.
Elle se leva à l'aube, reposée et, après avoir pris quelques minutes pour s'orienter, étirer ses ailes et réarranger leurs plumes, elle s'envola pour retourner en direction du sud. Même si elle ne savait pas exactement où se trouvait Élysée, elle avait compris que la capitale se trouvait plus ou moins dans cette direction. Elle vola ainsi jusqu'à ce que, survolant une rivière poissonneuse sur quelques kilomètres, elle s'aperçût soudain qu'elle avait faim en voyant un poisson sauter hors de son élément vital. Elle fondit sur lui en piqué et le saisit à pleines mains au milieu du saut suivant, glissant les doigts dans les ouïes de l'animal pour l'empêcher de s'échapper. Elle n'aimait pas tuer un autre être vivant mais c'était depuis des années le prix de sa propre survie. Elle se posa à l'écart de l'eau, sur une grosse dalle en pierre, attrapa le poisson par la queue et abrégea ses souffrances en lui faisant heurter brutalement le sol, sans oublier de le remercier de son sacrifice. Enfin, maniant rapidement un de ses couteaux, elle le vida, l'écailla et croqua avidement dans la chair de sa proie qui se vengea en lui laissant quelques arêtes coincées entre les dents. Son repas terminé, elle déposa les restes du poisson dans l'eau de la rivière, rendant à la nature ce qui n'était pas comestible. Elle allait reprendre son envol quand une voix masculine l'interpella au-dessus d'elle.
"Hé, en bas ! …"
Phina leva le regard à la verticale. Un autre Duveteux était là, en vol quasi stationnaire, lui masquant le soleil de son dos. Ce devait être un subadulte d'une dizaine d'années son aîné au vu de ses ailes. Le premier Duveteux plus âgé qu'elle-même qu'elle voyait depuis des années. Elle n'osa pas répondre. Il se posa à proximité avant de reprendre :
"Jolie, la technique de pêche en piqué ! Où avez-vous appris à faire ça ?"
"Mon père m'a appris les bases quand j'étais enfant et je me suis entraînée."
En substance, c'était vrai, mais elle n'allait pas raconter sa vie à un total inconnu, fusse-t-il un Duveteux.
"Vous pensez qu'il pourrait m'apprendre ou pas ?"
"Non, il ne peut pas. Il est plus là. Il est mort à la guerre."
"Ah, désolé ! Moi, c'est ma mère qui est morte, victime de l'Ombre."
Si Phina ne réagit pas à l'information, c'est qu'elle ne savait pas ce qu'il appelait l'Ombre. Était-ce comme ça qu'il appelait la nuit, ou était-ce autre chose ? Il continua :
"Je peux vous poser une autre question ? Est-ce que c'est lui qui vous a appris à voler aussi vite ? Parce que je vous suis depuis plus d'une heure et si vous ne vous étiez pas arrêtée, je serai encore loin derrière."
Sur le qui-vive, Phina fronça les sourcils. Il l'avait suivie et elle ne s'était aperçue de rien.
"Pourquoi vous me suivez ? Vous me voulez quoi ?"
Il agita les bras, un peu nerveux de la voir en alerte.
"Euh, non, désolé, je me suis mal exprimé. Je ne vous suivais pas volontairement. C'est juste que … qu'on allait dans la même direction, vous et moi. C'est tout ! Je ne cherchais pas à vous suivre, en fait. C'est juste le hasard !"
Phina se détendit un peu. Il avait l'air sincère. Malgré tout, toujours sur ses gardes, elle lui demanda :
"Comment vous savez qu'on va dans la même direction ? Vous allez où, vous ?"
Il souriait en s'approchant de quelques pas de Phina. Elle recula. Voyant cela, il s'arrêta pour lui répondre. Il ne voulait pas lui faire peur, juste discuter avec elle et, éventuellement, l'aider.
"Je vais rendre visite à un parent qui habite au sud des Montagnes Déméter, dans un petit village au bord de l'océan. Et vous, vous allez où ?"
"Élysée !"
Phina n'en revenait pas d'avoir répondu comme ça, du tac au tac. Elle baissa les yeux, gênée.
"Ah, et visiblement, vous ne connaissez pas très bien la région, sinon, vous auriez déjà obliqué en direction de l'ouest. Si vous voulez, on peut faire un peu de chemin ensemble, si vous acceptez de voler un tout petit peu moins vite."
Phina secoua la tête. Un peu honteuse de sa situation, elle expliqua :
"Je ne peux pas aller moins vite, il faut que j'arrive à Élysée avant demain midi … Je n'ai plus rien à manger."
"Ça, ça peut s'arranger facilement. Je connais au moins trois endroits entre ici et Élysée, où, en échange de deux heures de travail à la cueillette de fruits, on peut en emporter quatre ou cinq. Et en tant que Duveteux, on est appréciés parce qu'on peut accéder à ceux situés au sommet des arbres sans les abîmer en leur faisant heurter les branches. Et en plus, on a aussi droit à un repas chaud et un endroit pour dormir le soir. Quand je voyage, c'est comme ça que je mange à l'œil, en travaillant d'une ferme à l'autre. Et comme je prévois de reprendre l'élevage de mes grands-parents, je connais les meilleures adresses de tout Minos. Alors, ça vous tente ? On vole ensemble et je vous fais entrer dans le circuit des récolteurs de fruits."
"Vous n'avez pas peur que votre parent s'inquiète, si vous arrivez plus tard que prévu ?"
La question de Phina, naïve, le fit sourire.
"Non, je le préviendrai ce soir que je fais un petit détour pour aider quelqu'un … Après, depuis Élysée, je passerai par les Montagnes Déméter. Dans le pire des cas, j'arriverai là-bas en début de nuit au lieu du milieu de matinée."
"Vous êtes sûr que ça ne vous embête pas ?"
"Puisque je le propose, c'est que ça ne m'ennuie pas !"
Il tendit la main vers elle en ajoutant :
"Au fait, je m'appelle Ozèl, Ozèl Lansère, et vous, mademoiselle ?"
Phina regarda la main ouverte d'Ozèl d'un œil circonspect. Elle se souvenait avoir vu son père avoir ce même geste envers un ancien collègue. Il lui avait saisi la main et l'avait secoué. Elle décida de tenter de faire pareil et attrapa la main tendue du Duveteux en répondant simplement.
"Phina."
"Phina ... Un beau prénom pour une joli brin de fille. Enchanté de faire votre connaissance."
Même s'il ne lui avait pas broyé la main, elle avait senti une force contrôlée dans sa poigne.
"Bon, on décolle, on y va ?"
"D'accord !"
Le même jour, une heure avant le coucher du soleil.
Phina n'avait pas volé avec un autre Duveteux depuis le jour où sa mère avait disparu au-dessus des Montagnes Deimos, au sud d'Artgard. La sensation était étrange, d'autant plus qu'il s'agissait d'un quasi inconnu. Pourtant, en quelques heures de vol à peine, Ozèl en était arrivé à la tutoyer, un peu par accident quand, un quart d'heure plus tôt, il lui avait évité d'être percutée par un énorme insecte et qu'ils étaient tombés au sol, lui enlaçant Phina pour la protéger à l'impact. Il lui avait demandé si elle n'était pas blessée. Ce tutoiement n'était pas encore très naturel pour Phina mais plus ils discutaient, plus cela lui semblait aller de soi. Ils en étaient venus à parler de leurs familles respectives. La mère d'Ozèl était une Augmentée, et il avait une demi-sœur, fille aînée de sa mère, qui était mariée et tenait, avec son époux, la ferme vers laquelle il emmenait Phina.
"Moi aussi, je suis une moit'-moit' !"
"Une quoi ?!"
"Une moit'-moit' ! Moitié Duveteux, moitié autre chose. Comme vous, enfin toi !"
"Ah, d'accord ! Et l'autre moitié, c'est quoi chez toi ?"
Phina hésita. Elle savait que cette info pouvait être une vraie bombe. Et elle ne souhaitait pas voir Ozèl la fuir à cause de ça. Elle l'aimait bien et avait envie d'être son amie.
"C'est papa qui n'était pas un Duveteux. C'était … un Membraneux."
"Un Membraneux ! Et ce n'était pas explosif, entre tes parents ?"
"Non, je ne crois pas … Ils s'aimaient beaucoup. Et papa était un tout petit peu Duveteux aussi."
"Oh, alors tu es un peu plus Duveteux que Membraneux, du coup ! On se pose !"
Phina ne releva pas l'affirmation de son côté plus Duveteux que Membraneux. Ce n'était pas le moment d'embrouiller les idées de son compagnon de vol. Elle secoua la tête en voyant que celui-ci n'avait pas attendu sa réponse pour atterrir. Toujours dans les airs, elle lui dit :
"Non, on peut continuer à voler encore, il reste un moment avant la nuit."
"Oui, je sais bien qu'il reste un moment avant la nuit, mais on est arrivé chez ma sœur … Descends maintenant."
Elle atterrit en douceur à un mètre de lui et, après l'avoir attiré plus près de lui sans violence, il continua :
"Par contre, comme tu as seulement vingt ans, pour éviter que certains ne te tournent autour on va te vieillir un peu, disons vingt-cinq ans, et on va dire que toi et moi, on est ensemble, tu es d'accord."
"Pourquoi tu veux mentir à ta sœur ?"
"Non, non, non, pas à ma sœur, ni à mon beau-frère, eux, on leur dit la vérité. C'est seulement à leurs employés. L'an dernier, quand je suis venu pour la dernière fois, un des ouvriers tournait autour d'une jeune femme qui faisait sa première saison ici. Elle m'avait confié qu'elle pensait partir parce qu'elle le trouvait un peu lourd. Elle se sentait harcelée. J'ai pas envie qu'il t'arrive la même chose. Lui, il n'est probablement plus là parce qu'au moment de partir, j'avais lâché le morceau auprès de mon beau-frère, histoire de la protéger, elle. Mais on ne sait jamais."
Phina prit le temps de réfléchir. L'explication d'Ozèl tenait la route. Soudain, sans prévenir, il la prit dans ses bras et lui murmura à l'oreille :
"Quelqu'un approche, laisse moi faire, je te protège."
L'instant suivant, elle entendit des pas qui crissaient dans les graviers du chemin. La personne avait le pas relativement léger. Soudain, l'intonation de la voix d'Ozèl changea. Il paraissait amusé :
"Eh, mais c'est la femme en question ! Viens, je vais te présenter."
Tout en entraînant Phina, il héla l'ouvrière.
"Hé, Mademoiselle Hamade !"
L'interpellée s'arrêta, se tourna vers lui et, le reconnaissant, le salua en retour.
"Bonsoir Monsieur Ozèl, comment allez-vous ? Vous voulez rester pour dîner ? Je me permets de vous le demander parce que c'est mon tour de cuisiner ce soir."
Il hocha la tête avant de répondre.
"Euh, oui, nous restons ici pour la soirée et la nuit. Et je vois que vous avez fait de même."
L'ouvrière étouffa un léger rire avant de répondre.
"Oui, après votre départ, l'an passé, les patrons se sont retrouvés avec un employé en moins parce que quelqu'un leur avait dit qu'il me tournait autour sans mon consentement et ils l'ont renvoyé. Apparemment, il y avait eu un précédent avec une autre saisonnière. Du coup, ils m'ont proposé son poste et j'ai accepté l'offre."
"Super ! Je suis content pour vous. Et du coup, c'est à vous que je dois demander s'il y a des choses qui restent à faire … Traire les bêtes, par exemple … Je pourrais m'en occuper avec Phina."
Il sentit que cette dernière lui tapotait gentiment l'avant-bras et se tourna vers elle.
"Ozèl, je ne sais pas faire, ça … J'ai jamais trait des animaux."
"Pas grave, t'inquiètes pas Phina, je t'apprendrai. Tu verras, c'est facile !"
"Oui, bonne idée. Je veux bien que vous vous occupiez de la traite. Par contre, la Blanche a eu une mammite alors son lait n'est pas encore consommable. Et votre sœur n'est pas en état de s'en occuper en ce moment. Du coup je suis allée poser une annonce pour un emploi d'employé de ferme."
Soudain inquiet, Ozèl questionna :
"Qu'est-ce qui lui arrive ?"
"Rien de grave, et ce n'est pas à moi d'en parler, vous leur demanderez à eux, si vous ne comprenez pas tout seul avant."
"Vous êtes sûre que ce n'est pas grave …"
"Certaine ! Juste un peu gênant pour faire certaines choses. Rien de plus. Maintenant, allez traire les vaches. Je préviens les patrons que vous êtes là et que vous vous en chargez avec votre amie. Comment s'appelle-t-elle ?"
"Je m'appelle Phina. J'ai bientôt vingt-cinq ans et Ozèl et moi, on est ensemble."
Le Duveteux la regarda d'un air attendri avant de l'embrasser sur le front et de lui chuchoter :
"Merci ma petite plume !"
"Du coup, je vous fais préparer une chambre pour deux ?"
Voyant le regard soudain paniqué de Phina, il déploya son aile pour la masquer sous couvert de l'ébrouer et répondit :
"Oui, une seule chambre, mais avec deux lits séparables, si c'est possible. On a encore jamais dormi ensemble et je ne voudrais pas que Phina se sente mal à l'aise à l'idée de passer la nuit avec moi. Bon, on s'occupe de la traite du soir. À tout à l'heure, Mademoiselle Hamade."
Sans attendre une réponse de sa part, il prit la main de Phina et la guida jusqu'à l'étable.
"J'ai dit ce qu'il fallait ?"
"Tu as été parfaite, Phina. Maintenant, fais comme moi, laves toi les mains, prends un seau et un tabouret. Je vais te montrer comment on trait une vache."
Phina hocha la tête et obéit. Ozèl s'approcha d'une bête blanche et rousse qu'il flatta à l'encolure tout en lui parlant. Elle l'imita.
"Maintenant, poses ton tabouret ici, entre elle et le mien et assieds toi dessus. Puis pose ton seau sous son pis et tu le maintiens avec tes pieds. Déploie légèrement tes ailes, le temps que je te montre la technique pour la traite."
Ozèl s'éloigna en chantonnant. Il revint avec un seau d'eau et une serviette. Il posa le seau à côté d'eux, et y trempa le morceau de tissu avant de l'utiliser pour nettoyer un à un les trayons de l'animal.
"Donne moi tes mains !"
Le ton était impérieux mais sans mépris. Phina se laissa guider sans broncher.
"Elles sont un peu froides, alors frotte les l'une contre l'autre pour les réchauffer un peu. Les vaches n'aiment pas avoir froid aux mamelles."
"Je crois que personne n'aime ça. Et toi ?"
Ozèl sourit à Phina, silencieux, tout en s'assurant que ses mains étaient un peu réchauffées. Puis il s'assit derrière elle, sur le second tabouret, ses jambes encadrant celles de Phina. Il se plaqua dans son dos, pris ses mains dans les siennes et les guida jusqu'aux trayons qu'il coinça entre le pouce et la base de l'index et entraîna vers le bas. Un jet de liquide blanc fusa. Puis un autre tandis qu'il renouvelait le geste d'une main sûre. Après avoir obtenu un premier jet de lait de chaque trayon, il attrapa le seau et sous les yeux ébahis de Phina, le vida sur le sol avant de le replacer sous le pis.
"Pourquoi t'as fait ça ? Il avait l'air bon, ce lait."
"Oui, mais il y a toujours de petites saletés dans le premier. Maintenant, tu vas le faire toute seule. Je garde mes mains sur les tiennes au début pour corriger si je vois que tu t'y prends mal. Vas-y ! J'ai confiance en toi, tu vas y arriver."
Phina reprit le geste que lui avait montré Ozèl. Et à chaque fois que le lait sortait, il la félicitait. Puis il lâcha ses mains et, tout en continuant à l'encourager, il se leva lentement et s'éloigna avec les deux seaux, son tabouret et le tissu qu'il échangea contre un autre.
"Tu te débrouilles comme une pro, alors je vais aller traire une autre bête. On ira plus vite à deux. Arrête toi et préviens moi simplement quand il n'y aura plus de lait qui sort. Surtout ne force pas ou tu pourrais la faire saigner et ton lait serait gâché. Ah, et, tu peux replier tes ailes, si tu veux, maintenant."
Tout en parlant, Ozèl avait pris place aux côtés d'une autre vache et avait commencé à la traire et il allait passer à la suivante quand Phina l'appela :
"Ozèl, ça y est, je crois que j'ai fini !"
Il s'approcha pour examiner le contenu du seau ainsi que le pis, constatant que Phina avait fait le travail correctement. Avec une moue approbatrice, il la félicita une fois de plus.
"Pas mal, pour une débutante. Tu es presque aussi rapide que moi. Prend ton seau et ton tabouret et suis moi, je te montre la suite."
Il la guida jusqu'à un coin de l'étable où se trouvaient plusieurs bidons de grande taille munis de couvercles. Saisissant la poignée de l'un d'eux, il le fit tourner d'un quart de tour et le souleva.
"Ce sont des berthes, et on va verser ton seau dans celle-là. Vas-y, je pose le couvercle à côté. La partie intérieure sur le dessus pour éviter de salir le couvercle et le lait après. Tu le refermeras bien comme il faut après. Quand tu as fini, tu choisis une autre vache pour la traire mais tu ne prends pas la blanche dans cette rangée, c'est celle qui est malade, il faut la traire séparément et jeter son lait. On s'en occupera en dernier tous les deux."
"D'accord Ozèl. Merci."
Il lui sourit et s'éloigna en chantonnant de nouveau. Phina versa le lait dans la berthe, la referma soigneusement et s'approcha d'une autre bête, celle qui était juste à côté de la vache malade. Ozèl pouffa alors, avant d'éclater franchement de rire.
"Non, je crois que tu vas avoir du mal à traire cette bête-la. Ou si tu y parviens, tu n'auras pas beaucoup de lait. Regarde son ventre."
Phina obéit puis regarda Ozèl d'un air désabusé tandis que celui-ci peinait à stopper son fou rire.
"C'est pas une vache !"
"Non, effectivement, ce n'en est pas une. C'est un taurillon. Ils ont probablement dû le sélectionner pour être un reproducteur pour l'an prochain."
Soudain, Phina éclata de rire elle aussi. Elle ne souvenait pas que le rire pouvait être aussi fort pour se sentir bien.
Le lendemain, une heure après l'aube.
La veille au soir, au repas, la sœur d'Ozèl leur avait fait la surprise de son ventre très arrondi de femme enceinte. Puis Ozèl et Phina avaient dormi dans la même chambre, dans deux lits séparés et étaient repartis, après avoir effectué la traite du matin avec la future mère, quelques minutes après le lever du soleil en direction de l'ouest. Chacun emportait avec lui de quoi manger pour les deux jours suivants.
"J'en reviens pas, Phina ! Je vais être tonton et elle n'en a parlé à personne. Tu te rends compte, tonton."
"D'après ce que j'ai compris hier soir, elle voulait faire la surprise à son père."
"Non, pas le sien, le mien, c'est lui qu'elle appelle 'Papa'. C'est normal, c'est lui qui l'a élevée. Son vrai père a disparu avant que mes parents se rencontrent. Je sais que je lui ai promis de ne rien dire à personne, mais faudrait pas qu'elle attende trop ou elle va le pondre avant. Par contre, il faudrait qu'on se pose un moment, j'ai besoin de faire une pause d'urgence, si tu vois ce que je veux dire."
Phina ne voyait pas du tout à quoi Ozèl faisait référence mais, quand elle voulut le suivre, il lui demanda de l'attendre à l'écart en affirmant qu'il ne tarderait pas à revenir, lui laissant son sac de vivres à surveiller. Le Duveteux tînt parole. Quand il reparût, elle remarqua qu'il la regardait en souriant, l'air amusé.
"Quoi ? Qu'est-ce qui se passe, Ozèl."
"Non, rien, je pensais seulement que tu es … spéciale ! Et que je t'apprécie beaucoup."
"Moi aussi, je t'aime bien. Tu es gentil avec moi, et tu as changé de route pour me guider jusqu'à Élysée."
Ozèl eut une réaction qui parût étrange à Phina. Il baissa les yeux, comme s'il voulait lui cacher quelque chose qu'il n'osait pas lui dire pour ne pas la blesser. Il avait l'air un peu déçu et son sourire s'effaça un peu. Au bout de quelques minutes, il reprit son envol, rapidement suivi par Phina. Ils reprirent leur vol à une vitesse modérée. Après deux bonnes heures, Ozèl lui demanda :
"Je voudrais savoir ce que tu penses faire, quand tu seras à Élysée. Tu sais où tu vas vivre ou pas ?"
"J'ai entendu les enfants que j'ai suivis l'autre jour qui parlaient de l'endroit où ils vivaient. Apparemment, ça s'appelle le Refuge, mais je ne sais pas où il est, exactement. Tu connais, toi ?"
"Le Refuge ? Bien sûr que je connais ! La ferme de mes grands-parents fait partie de leurs donateurs pour le lait de l'orphelinat … Tu vas y aller ?"
"Je ne sais pas, je ne suis pas sûre de pouvoir. C'est peut-être difficile …"
"Si tu veux y aller, tu iras ! Ils ne te refuserons pas, enfin, je crois qu'ils t'accepterons, sincèrement ! Et si, un jour, tu veux trouver du travail, tu n'auras qu'à venir voir mes grands-parents. Je leur parlerai de toi. Tu es douée pour traire les vaches, quand tu ne choisis pas de t'essayer sur un jeune taureau."
"Arrêtes de te moquer, Ozèl !"
"Mais je ne me moque pas, je suis très sérieux au contraire. Tu sais faire la différence entre une vache et un taureau, je peux le certifier !"
Phina avait envie de rire et le regard mutin d'Ozèl ne l'aidait pas à résister. Elle finit par se lâcher, rapidement imitée par un Ozèl qui, visiblement, n'attendait que ça pour s'esclaffer. Quand ils parvinrent à se calmer tous les deux, il lui demanda :
"Phina, je peux te demander un truc ? Tu n'es pas obligée de me répondre maintenant, je te rassure."
"Oui, quoi ?"
"Est-ce que tu serais d'accord pour qu'on reste en contact, quand tu seras au Refuge, ou à Élysée …"
"Oui, je serai très contente qu'on puisse se voir, pour discuter, ou que tu m'apprennes de nouvelles choses. J'aime bien ta compagnie."
"Super !"
De nouveau, Ozèl eu l'air quelque peu déçu par la réponse, sans que Phina n'en comprenne la raison.
"Dis, Ozèl, tout à l'heure, tu disais que je pourrai aller demander à tes grands-parents, si un jour je veux travailler. Tu voulais dire quoi, par là ? Tu crois qu'ils seront d'accord si je viens ?"
"Il faudra que je leur en parle, mais il n'y a pas de raison qu'ils refusent de te prendre à la ferme, tu es tout à fait capable de te rendre utile. Et j'ai pu le constater, tu n'es pas la fille la plus maladroite, avec les bêtes. Je leur en parlerai quand je rentrerai à la ferme. Ça te laissera le temps de trouver ta place au Refuge et de t'installer tranquillement. Je passerai te donner des nouvelles, quand ce sera fait."
"Elle est où, la ferme de tes grands-parents ? Parce que, si je veux y venir, il faut que je le sache."
"Je ne te l'ai pas dit ? Je croyais, pourtant ! Euh, comment t'expliquer ça simplement ? Ah, ça y est, je sais ! Tu te souviens les bottes de foin sur lesquelles tu as dormi, la veille de notre rencontre ?"
"Ben oui, pourquoi ?"
"Parce qu'elles sont sur le terrain de leur ferme. Je t'ai vue quand tu t'es envolée, le matin. Et je t'avais vue aussi la veille quand tu t'étais posée à leur sommet."
Phina baissa les yeux, penaude.
"Je savais pas où dormir..."
Se plaçant face à elle et volant à reculons, Ozèl lui saisit les deux mains dans les siennes. Peu à peu, il la guida vers le sol et ils se posèrent.
"Hé, Phina, ne t'inquiètes pas, ce n'est pas grave. Je ne te reproche rien ! Mon grand-père m'a dit qu'il t'avait vue lui aussi et il n'est pas venu te chasser. Il a bien vu que tu étais un peu perdue. Et moi, je n'ai pas osé venir te proposer de venir à l'intérieur. Mais je l'aurais fait sans hésiter s'il y avait eu le moindre risque d'orage pendant la nuit, je tiens à ce que tu le saches !"
"Mais si tu m'as vue quand je suis partie de chez ton grand-père, tu m'as suivie, après."
"Non, je te l'ai déjà dit, on allait dans la même direction et c'est tout. Ce voyage, je le fais à chaque fin de saison. Je rends visite à mon père. Il vit loin de nous parce que vivre à la ferme le rend malheureux. Ça lui rappelle trop l'absence de ma mère. Alors je vis avec mes grands-parents et je lui rends visite tous les trois mois, pendant quelques jours. C'est mieux ainsi, pour lui."
Phina comprenait parfaitement ça. Elle qui avait vu sa mère sombrer dans la folie après la mort de son époux savait ce qu'avait dû vivre Ozèl. Des regards perdus de sa mère, trop choquée pour prendre la moindre décision aux cris, la nuit, quand les cauchemars la réveillaient en sursaut, tout lui revint en mémoire. Si le père d'Ozèl avait perdu la raison de la même façon, alors la décision de l'éloigner de la ferme familiale avait été prise pour qu'il puisse guérir.
"Oui, je comprends. Alors c'est ton père, que tu vas visiter ?"
"Oui, ça permet aussi aux trois personnes qui se relaient et veillent sur lui le reste du temps de prendre quelques jours de repos complets pendant une semaine."
Le même jour, en fin de journée :
Ozèl et Phina avaient volé ainsi, discutant et riant ensemble jusqu'au soir, ne s'accordant que deux heures de pause au milieu de la journée pour manger et se reposer un moment dans un champ en jachère. Le soleil s'approchait dangereusement des montagnes à l'horizon lorsqu'ils s'arrêtèrent pour la nuit sur la terrasse de toit d'une maison désertée depuis longtemps. Ozèl pointait du doigt un point lumineux, au pied de la chaîne montagneuse.
"Les premières lumières d'Élysée. Ce doit être le palais qui s'éclaire pour la soirée. Tu seras là-bas avant cette même heure demain. Peut-être même déjà au Refuge."
Phina baissa les yeux. Elle n'était pas certaine de vouloir continuer en direction de la capitale de Minos, surtout si ça signifiait ne plus être avec celui qui, en quelques jours à peine, était devenu son ami. Des larmes mouillèrent son regard et, comme s’il avait lu dans ses pensées, Ozèl se rapprocha d'elle et passa son bras sur l'épaule de la jeune Duveteux avant de lui dire, d'un ton rassurant :
"Ne t'inquiètes pas, petite plume, ce n'est pas parce que le vent nous emporte dans des directions différentes qu'on ne se verra plus."
Elle plongea son regard dans les yeux d'Ozèl.
"Tu me le promets ?"
"C'est promis, petite plume. Moi non plus, je n'ai pas envie de m'éloigner de toi. Tu es … spéciale, je veux dire importante, pour moi."
Après quelques instants de réflexion, il ajouta :
"Je n'aurais peut-être pas dû te dire ça. Est-ce que tu vas accepter qu'on dorme à côté l'un de l'autre, maintenant ?"
Phina prit le temps de réfléchir. Même si elle n'en était pas certaine, elle pensait que les mots d'Ozèl devaient avoir un autre sens, plus adulte que ce qu'elle en comprenait avec certitude. Elle était un peu mal à l'aise de ne pas saisir en quoi elle était 'spéciale' pour lui. De son point de vue, elle était une Duveteux normale, même si son père était un Membraneux. Elle agita légèrement ses ailes, cherchant à comprendre en quoi elle était différente ou importante. Ses plus grandes rémiges étaient encore loin de toucher le sol, contrairement à celles d'Ozèl. Soudain, elle réalisa que ce qui la rendait 'spéciale', c'était qu'Ozèl était peut-être habitué à côtoyer d'autres Duveteux de son âge, plutôt qu'une fille de vingt ans et qu'elle devait lui sembler particulièrement bête.
"Je suis désolée, je suis encore trop jeune pour comprendre. Tu sais Ozèl, j'ai pas vécu avec des Duveteux plus âgés que moi depuis longtemps, alors je sais pas comment font les plus grands."
"L'âge n'a rien à voir avec le fait de ressentir des choses pour les autres, ma petite plume … Tu ne comprends pas que je tiens simplement à toi ? Tu sais, si nous étions des Humains, au lieu d'être des Duveteux, tu aurais treize ans, et moi, quinze, presque seize. Ce n'est pas une si grande différence d'âge, si ?"
"Hein ?! Mais c'est pas possible, t'as quel âge ?"
"Moi, je fête mes vingt-sept ans le 1er Gadien prochain. Même si je ne suis pas censé être au courant, mes grands-parents profitent chaque année de mon absence pendant Nephtalien pour m'organiser une petite fête. Si tu veux, tu peux y venir, il y a toujours assez de nourriture pour que tous remportent de quoi manger chez eux. Et certains de mes amis seront probablement tes voisins, au Refuge."
"C'est vrai ? Je peux vraiment venir ?"
Ozèl ne pût pas se retenir de sourire à la réaction de Phina.
"Bien sûr que oui, j'arriverai probablement de chez mon père la veille au soir alors tu pourras me faire la surprise."
"Mais si tu sais que je viens, ça ne sera plus une surprise !"
"Au contraire, ce sera la plus belle de toutes. Si tu es là, j'aurais toutes les raisons de passer une bonne journée, ma petite plume. Bon, assez bavardé, il faut qu'on dorme où on n'arrivera jamais à Élysée avant midi demain."
Tout en parlant, il s'était assis dans un angle de la terrasse.
"Tu dors près de moi ou tu préfères prendre un autre coin de la terrasse ?"
"Près de toi ! J'aurais moins peur."
Ozèl se décala un peu sur sa gauche et ouvrit largement son aile droite, l'invitant à se blottir contre lui.
"Dis Ozèl, je peux poser ma tête sur ta cuisse ?"
"Tu ne préfères pas dormir sous mon aile ?"
"J'ai toujours du mal à m'endormir, assise. Les fois où j'ai essayé, je suis tombée."
"D'accord, alors couche toi et pose-la là, près de mon genou."
Phina obéit aux instructions d'Ozèl, ravie qu'il accepte. Le jeune Duveteux la laissa s'installer puis se pencha sur elle et embrassa son front avant de se laisser aller en boule, son aile recouvrant Phina comme une couverture de plumes.
"Bonne nuit, ma petite plume. Fais de beaux rêves."
"Bonne nuit Ozèl. Dors bien, toi aussi !"
Le lendemain, peu avant midi :
Les deux Duveteux avaient dormi jusqu'au lever du jour, Ozèl ne s'éveillant qu'un court instant pour changer de position et s'allonger près de Phina presque sans la réveiller. Il lui laissa son avant-bras gauche comme oreiller en lieu et place de sa cuisse, son aile droite les recouvrant tous les deux. Puis, après un petit déjeuner où ils finirent le fromage de la ferme de la sœur d'Ozèl, ils décollèrent rapidement ensemble pour la dernière fois du trajet. Aucun d'eux n'était assez joyeux pour parler et la majorité de leur vol se fit dans une ambiance un peu morose. Soudain, Phina éclata de rire, surprenant Ozèl. Elle venait d'apercevoir un mouvement dans les herbes au dessous d'eux, mouvement qui s'était avéré être une portée de jeunes conils d'un blanc éclatant mais étrangement tacheté de brun sur le ventre et les côtés. Elle réalisa que la surprenante couleur n'était due qu'à leurs jeux de poursuite près d'une mare.
"Ozèl, tu as vu ?"
"Oui, je les ai vus, moi aussi. Ils ont l'air mignons comme ça, mais c'est un piège. Ils sont beaucoup moins aimables à la pleine lune, quand ils se transforment et qu'ils te boulottent pendant la nuit."
"Ah bon ! Moi, j'aurais bien aimé en adopter un."
"Ne fais surtout pas ça … je ne voudrais pas qu'il t'arrive malheur. Il existe des animaux beaucoup moins dangereux dans le monde, comme la nouchka. On en a parfois à la ferme. Je soupçonne la mienne d'avoir disparu pour avoir des petits. Si j'ai raison, elle devrait réapparaître aux environs de mon retour à la ferme avec eux."
"J'ai pas vu de nouchka depuis mon enfance sur Éaque ! J'aimais bien celle de mon grand-père. En tout cas, merci, c'est gentil de veiller sur moi."
"Hé, c'est à ça que je sers, veiller sur les jeunes filles en péril !"
"Mais tu ne sers pas qu'à ça. Tu sais aussi apprendre à des filles que tu connais depuis quelques heures à peine comment traire une vache ou comment elles peuvent gagner leur vie et se rendre utile pendant qu'elles voyagent avec toi."
"Je peux aussi leur apprendre à faire la différence entre une vache et un taurillon."
Ozèl éclata de rire, rapidement imité par Phina, à l'évocation de ce souvenir commun.
"T'es bête !"
"Ah, non, moi, je savais déjà la différence ! C'est toi qui ne la connaissais pas …"
"Si, je connaissais la différence moi aussi … Je croyais seulement qu'il n'y avait que des vaches, je savais pas que ta sœur et son mari avaient un jeune taureau dans l'étable."
"Je sais ! Je te taquine juste un peu, ma petite plume."
Comme ils approchaient d'une zone où les véhicules semblaient tous être rassemblés alors qu'ils en avaient croisé ou doublé moins d'une centaine sur l'entièreté de leur voyage, Ozèl se posa au sol, faisant signe à Phina de l'imiter. Elle atterrit à son tour tout en le questionnant :
"Pourquoi on s'arrête Ozèl ?"
"C'est très simple, si on est dans les airs, on n'avancera pas très vite, à pied, ce sera plus rapide, on peut passer par les portes pour les piétons pour pénétrer dans Élysée."
"Tu vas m'accompagner ?"
"Oui, mais je te laisserai quand nous serons arrivés à la porte du Refuge. Après, ce sera à toi de décider si tu y entres ou pas."
Phina hocha la tête.
"Je sais pas si … si je saurais refaire le trajet, pour retourner jusque chez tes grands-parents. Je ne suis pas sûre."
"On voit que tu n'es jamais allée au Refuge ! Comment crois-tu qu'ils ont fait, les enfants que tu suivais, l'autre soir, pour disparaître. Mes amis m'ont expliqué que, en entrant pas la porte située dans Élysée, tu arrives dans l'orphelinat. La sortie opposée se trouve dans le Village du Refuge. C'est là qu'ils habitent. Et à l'autre bout de ce village, il y a un passage qui mène aux Champs Élysées. Je pense qu'il s'agit d'un portail. Tu ne peux pas le trouver si tu n'es jamais passée par la porte d'Élysée. Par contre, après, il est visible pour toi, pour repasser des Champs au Village du Refuge directement. Tu pourras le prendre. Il ne te faudra que quelques minutes pour aller du village à chez mes grands-parents. Sinon, on ne pourrait pas livrer du lait frais du matin pour les petits déjeuners de l'orphelinat. Tous les matins, je dépose dix berthes à proximité du portail juste après la traite, ils viennent les chercher et je repars avec celles de la veille, vidées. C'est pour ça qu'il y a une zone pavée, pour que les véhicules puissent y circuler et faire demi-tour pour retourner au village."
"Et tu l'as fait, l'autre jour, avant de partir …"
"Oui, et j'ai aussi lavé les berthes, enfin, comme il faut, je veux dire, parce qu'il reste souvent un peu d'eau mélangée à du lait qui a séché quand ils nous les rendent. Ils n'ont pas le matériel pour les laver à fond et les faire sécher correctement. C'est pour ça que je suis parti un bon moment après toi. Presque une heure, en fait."
Tout en discutant, ils avaient franchi l'entrée de la ville, Ozèl expliquant au garde, qui visiblement le connaissait bien puisqu'ils se tutoyèrent dès le début de la conversation, qu'il ne faisait qu'accompagner Phina jusqu'à la porte du Refuge avant de repartir de son côté. Vingt minutes plus tard, ils arrivèrent devant une porte aux motifs végétaux. Ozèl prit la main de Phina et, la regardant droit dans les yeux, il lui dit :
"Ça y est, tu es arrivée à bon port. Ta nouvelle vie va pouvoir commencer. Alors si tu veux me faire plaisir, il y a un bon moyen … Prends ton destin en main et sois heureuse !"
Puis il l'embrassa sur le front une dernière fois avant d'ajouter :
"Au revoir, ma petite plume. Prends soin de toi et à bientôt … Peut-être au 1er Gadien, chez mes grands-parents."
"Au revoir Ozèl. J'essayerai de venir te voir, si je trouve le passage pour les Champs Élysées avant. Merci encore pour tout ce que tu as fait pour moi."
"Ce fut un plaisir de faire la route avec toi. Au revoir !"
Reculant de quelques pas, il s'envola, quasiment à la verticale, puis, après un dernier signe de la main, se dirigea vers le sud. Phina resta là où il l'avait laissée quelques minutes encore après sa disparition puis, prenant son courage à deux mains, se dirigea vers la porte, frappa et n'obtenant pas de réponse, elle entra. Visiblement, Ozèl non plus n'avait jamais passé cette porte. De l'autre côté se trouvait un hall monumental, pratiquement aussi grand que … Phina n'avait aucun point de comparaison qui convienne. L'endroit était simplement immense.
"Bonjour, il y a quelqu'un ?"
Sa voix se répercuta en écho.
"S'il vous plaît …"
Petite précision : À propos de l'animal que j'ai appelé "nouchka", c'est un animal que je prévois de proposer pour le bestiaire et qui ressemble un peu à un chat miniature avec des ailes (l'adulte est à peine plus gros qu'un chaton de trois mois). Il a quelques autres petites particularités originales …
- Odéline BelganMinosien.ne
- Messages : 559
Date d'inscription : 28/02/2012
Localisation : Dans sa maison, sur Minos.
Votre personnage et ses relations
Date de naissance: Inconnue
Âge: Inconnu (apparence aux alentours de 20 ans)
Branche(s): Inconnue
Lieu de vie: Au Refuge, à Minos
Occupation: Créatrice et gestionnaire du Refuge
Niveau de richesse: 6
Niveau de célébrité: 7
Relations principales:
Autres informations essentielles:
Re: [Archivé] À la recherche d'un refuge, ou du Refuge ... [sp Odéline]
Ven 1 Déc 2023 - 15:45
Nous étions une après-midi en semaine, et l’heure du déjeuner était passée. Cela signifiait que, parmi les enfants, les “grands” étaient retournés à l’école, là où les “petits” faisaient la sieste. Les autres occupants du Refuge vaquaient à leurs occupations.
Et Odéline ? Odéline avait terminé la vaisselle et de remettre en ordre la salle à manger pour le goûter qui arriverait à grands pas et elle tentait à présent de repriser quelques vêtements sur une chaise au soleil derrière la partie orphelinat, avec une belle vue sur la place. C’était incroyable à quel point les enfants abîmaient vite les vêtements ! Une déchirure par-ci, un trou par-là, et un bouton qui sautait … La jeune femme n’avait pas le temps de tout faire d’un coup, mais en s’y mettant un peu chaque jour, elle finirait bien par arriver ua bout de ce stock ! Lorsqu’elle ne parvenait pas à raccommoder discrètement, elle mettait de côté, afin de pouvoir broder par-dessus, ou mettre une pièce. C’était un travail différent, qui lui prenait plus de temps, et plus de matériel. Pour raccommoder, elle n’avait besoin que d'une chaise, d'une aiguille et de fil, alors elle profitait du temps clément de la saison chaude pour faire des réserves de vitamine D.
Elle sursauta cependant lorsqu’elle entendit du bruit venant du hall. A croire qu’elle s’était elle-même assoupie ! Se levant d’un bond, elle abandonna son ouvrage sur sa chaise, et alla à l’intérieur accueillir l’âme errante qui se profilait, oubliant au passage de remettre ses chaussures. C’est donc pieds nus qu’elle entra dans le hall plein de lumière en faisant craquer le plancher, comme un bruit de bienvenue. Immédiatement et malgré le changement de luminosité elle distingua une silhouette ailée, et peu à peu, alors que sa vue s’habituait, elle comprit que c’était une jeune fille, vers laquelle elle s’approcha.
“Bonjour !” la salua-t-elle dans un grand sourire. “Je suis Odéline, c’est moi qui gère le Refuge. Enchantée !”
La Duveteuse face à elle avait l’air jeune, un peu perdue. Comme la plupart de ceux qui arrivaient ici. Cela faisait toujours mal au cœur d’Odéline: qui savait ce qu’ils avaient traversé avant d’arriver à sa porte ?
“Tu es la bienvenue ici. Veux-tu boire ou manger quelque chose afin qu’on puisse faire connaissance, ou as-tu besoin de quelque chose de plus précis ou urgent ?” lui demanda-t-elle.
Sur le visage aux traits doux d’Odéline s’affichait un sourire aussi tendre que bienveillant. Elle avait fini par comprendre à quel point faire la démarche de passer cette porte pouvait parfois être douloureux. Elle était pourtant persuadée que cette jeune fille était arrivée au bon endroit pour elle, comme des dizaines d’autres avant elle.
[Pas de soucis pour la nouchka, tu peux l'ajouter au bestiaire quand tu veux ]
Sujet archivé: pas de réponse depuis 3 mois ou plus.
Ce n’est pas un problème il n'est pas perdu pour autant ! Vous pouvez le faire déverrouiller ! Il suffit d’envoyer un MP à Deus, Eden ou Sorga demandant de déverrouiller le sujet.
Et Odéline ? Odéline avait terminé la vaisselle et de remettre en ordre la salle à manger pour le goûter qui arriverait à grands pas et elle tentait à présent de repriser quelques vêtements sur une chaise au soleil derrière la partie orphelinat, avec une belle vue sur la place. C’était incroyable à quel point les enfants abîmaient vite les vêtements ! Une déchirure par-ci, un trou par-là, et un bouton qui sautait … La jeune femme n’avait pas le temps de tout faire d’un coup, mais en s’y mettant un peu chaque jour, elle finirait bien par arriver ua bout de ce stock ! Lorsqu’elle ne parvenait pas à raccommoder discrètement, elle mettait de côté, afin de pouvoir broder par-dessus, ou mettre une pièce. C’était un travail différent, qui lui prenait plus de temps, et plus de matériel. Pour raccommoder, elle n’avait besoin que d'une chaise, d'une aiguille et de fil, alors elle profitait du temps clément de la saison chaude pour faire des réserves de vitamine D.
Elle sursauta cependant lorsqu’elle entendit du bruit venant du hall. A croire qu’elle s’était elle-même assoupie ! Se levant d’un bond, elle abandonna son ouvrage sur sa chaise, et alla à l’intérieur accueillir l’âme errante qui se profilait, oubliant au passage de remettre ses chaussures. C’est donc pieds nus qu’elle entra dans le hall plein de lumière en faisant craquer le plancher, comme un bruit de bienvenue. Immédiatement et malgré le changement de luminosité elle distingua une silhouette ailée, et peu à peu, alors que sa vue s’habituait, elle comprit que c’était une jeune fille, vers laquelle elle s’approcha.
“Bonjour !” la salua-t-elle dans un grand sourire. “Je suis Odéline, c’est moi qui gère le Refuge. Enchantée !”
La Duveteuse face à elle avait l’air jeune, un peu perdue. Comme la plupart de ceux qui arrivaient ici. Cela faisait toujours mal au cœur d’Odéline: qui savait ce qu’ils avaient traversé avant d’arriver à sa porte ?
“Tu es la bienvenue ici. Veux-tu boire ou manger quelque chose afin qu’on puisse faire connaissance, ou as-tu besoin de quelque chose de plus précis ou urgent ?” lui demanda-t-elle.
Sur le visage aux traits doux d’Odéline s’affichait un sourire aussi tendre que bienveillant. Elle avait fini par comprendre à quel point faire la démarche de passer cette porte pouvait parfois être douloureux. Elle était pourtant persuadée que cette jeune fille était arrivée au bon endroit pour elle, comme des dizaines d’autres avant elle.
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