Epreuve 2 - IndaSin & The Otherlands

Lorsque j'ai décidé de voyager de part et d'autre des Otherlands, j'avais pleinement conscience que si cela me libérait des contraintes d'une vie plus sédentaire, ça s'accompagnait également de certains inconvénients inévitables. Notamment une chance plus accrue de me retrouver à la merci des aléas et autres facéties que les Otherlands ont à dispositions. Et si découvrir les mystères dissimulés de ces terres est une aventure que j'apprécie particulièrement, certains jours sont plus incongrus qu'ils ne le sont habituellement. Spécialement quand Père Castor s'ennuie.

J'observais ma compagne, partenaire malchanceuse de la farce qui nous avait été faite plus tôt, raconter notre mésaventure à un public qui semblait captivé. Cette dernière, visiblement à l'aise dans son rôle improvisé de compteuse, je m'étais mise en arrière pour écouter son récit. Hochant affirmativement la tête à son témoignage.

- Cela s'est effectivement produit. Je pense cependant qu'il serait plus juste de qualifier cela d'une épreuve commune constituée de deux labyrinthes distincts liés l'un à l'autre.

Je ne sais pas si les événements précédents et ceux se déroulant actuellement sont bel et bien réels ou si je me trouve dans une sorte d'illusion échappant à mon contrôle. Toujours est-il que je me souviens m'être réveillée dans une pièce énigmatique. Elle donnait une impression exiguë presque étouffante, tout en ayant l'air de ne jamais se terminer, et dont les décors changeaient et se mouvaient à intervalles réguliers. Tel un vaste couloir sans fin ni logique jonché d'obstacles.

- C'est un événement difficilement oubliable.

Je me souviens également avoir été surprise de constater que, non seulement, je n'étais pas seule, mais qu'il nous fallait également travailler en tandem pour pouvoir sortir. Les mécanismes débloquant la sortie d'une pièce ne pouvant être activé que dans sa voisine en résolvant diverses énigmes.

- Je me demande quand même comment fonctionnaient ces étranges statues qui apparaissent parfois pour nous donner des instructions.

Maintenant que ma comparse me le faisait remarquer, il était effectivement possible qu'il ne se soit agi que d'une seule et même sculpture se manifestant à divers endroits lorsqu'elle était jugé nécessaire. Je n'avais pas fait assez attention aux détails de l'apparence de cette dernière, m'étant trop focalisé sur les messages et pas assez sur le messager. Une erreur qu'il voudrait mieux éviter de reproduire à l'avenir. Je fis de mon mieux pour concentrer mon attention sur ma partenaire, ignorant l'odeur puissante de détergent régnant sur les lieux. Cette dernière, mélangée au parfum de fleurs posées ici et là, avait créé un pot-pourri d'odeurs montant à la tête de n'importe qui y restant trop longtemps. À moins que ce ne soit l'inverse et que plus on y soit confronté, plus on s'y habitue.

- Si l'horloge fonctionnait correctement, on a passé , un peu moins d'une heure sur cette étape, une quarantaine de minutes. Elle était plus ardue que les précédentes, mais une fois résolu elle nous a bien fait avancer.

L'énigme dont elle faisait référence était en fait une suite de plusieurs devinettes à base de calcul. Qui avait permis l'obtention d'un code pour un coffre dont l'ouverture nous donnait une nouvelle instruction : appuyer simultanément sur certains tableaux précis. Si, durant quelques secondes, rien n'avait semblé bougé, un mur avait fini par coulisser. Il donnait sur une nouvelle pièce encore complètement inconnue, reliant apparemment les deux labyrinthes, car ma coéquipière avait fini par m'y rejoindre. Après quoi, les murs se refermèrent sur notre passage, nous empêchant ainsi de faire demi-tour.

- Cette troisième salle n'était pas beaucoup plus rassurante. Et puis il y avait également cette drôle d'odeur présente, mais je ne saurais pas dire de quoi il s'agissait.

Le formol était une option plus qu'envisageable, cela collait parfaitement à l'effluve âcre et persistante qui s'était accrochée à nous à long moment. Cela était d'autant plus cohérent au vu du thème de la dite pièce, et de son atmosphère de cabinet de curiosités. La salle dans laquelle nous nous trouvions faisait plus penser à une sorte de grande cellule en pierre. Étonnamment, la difficulté de cette salle ne fut pas les énigmes en elles même, mais le fait que la moindre erreur réinitialisait toute la pièce, nous forçant ainsi à reprendre du début à chaque fois. Ce fut donc plus pénible et long, que réellement compliqué.

- Il est vrai que ces quatre gargouilles n'étaient pas des plus affables.

Je fis mine d'observer la petite foule qui s'était formée face à nous alors que je corrigeais, discrètement, je l'espérais, ma coéquipière. Mon but n'étant pas de la mettre dans une situation délicate. Même si je voyais bien aux sourires en coin de notre audience que notre duo ainsi que nos petites étourderies les divertissaient énormément.

J'étais certaine du nombre de gargouilles, car elles étaient la clé pour passer à la salle suivante. En effet, chacune des gargouilles avait un pouvoir qui était lié aux éléments et nous suivait constamment. Une en crachotant des petites flammes, une autre des bulles, la troisième avait des plantes lui poussant dessus et la dernière nous lançait des souffles d'air glacés de temps à autre.

Encore une fois rien de bien dangereux. Qui que soit la personne à l'origine de cet endroit, son but n'était visiblement pas de causer du mal à ses visiteurs. Toujours est-il que nous avions fini par trouver quatre gemmes correspondant aux gargouilles, et qu'une fois ses dernières en leur possession, elles étaient chacune aller dans un coin de la pièce alors qu'un clic retentissait.

- Même si c'est attendu, le miroir était tellement petit que je ne m'attendais pas à ce qu'il cache un passage.

Si j'arrive à retenir mon rire, un léger sourire étire mes lèvres alors que ma partenaire évoquait l'unique créature dont nous avions fait la connaissance.

- Allons, le pauvre animal était simplement méfiant et sûrement quelque peu effrayé de notre arrivée. Il s'est montré très amical une fois calmé.

S'il est vrai que si ce dernier était effectivement grand, avec son apparence dodue et ses grandes oreilles à l'allure toute douce, il n'était pas réellement très intimidant une fois la surprise initiale passée. Je ne savais pas comment il s'était retrouvé ici, ni depuis quand il y était, mais cela devait faire un certain moment au vu de la tristesse présente dans ses yeux. La seule chose redoutable le concernant était sa détermination absolue à jouer et à se faire câliner par ma coéquipière dès qu'il s'était senti plus en confiance.

Enfin, on pouvait dire qu'il avait techniquement failli étouffer cette dernière avec son pelage alors qu'il l'avait accidentellement fait trébucher en arrière avant de l'attaquer à grand coup de câlins et autres léchouilles. Et, le calmer suffisamment pour qu'elle puisse se relever, pouvait être vu comme une sorte de combat. J'avais d'ailleurs profité qu'il semblait déjà avoir dépensé la majeure partie de son énergie pour lui faire quelques caresses à mon tour.

- Si je me souviens bien, l'énigme de cette dernière pièce était un rébus à six images pour trouver le nom de notre nouvel ami. Je crois que c'était quelque chose en lien avec des sucreries ?

J'avais tort, on ne s'habituait vraiment pas à cet étrange mélange d'odeurs avec le temps. C'était même de pire en pire, au point où je perds le fil de mes pensées. Heureusement que ma partenaire était là pour rattraper ma bêtise. Même si je ne suis apparemment pas la seule  par cet assommant parfum.

- Un champ de carottes aurait sûrement fait le bonheur de notre nouveau compagnon. Malheureusement pour lui, il s'agissait de tournesols.

La vue de cette étendue de soleils miniatures, faisant face à l'astre qui apparaissait timidement à l'horizon, et dont les rayons caressaient paresseusement quelques pétales de lumière ici et là, était à couper le souffle. Le fait que ce tableau féerique se déroule à quelques mètres seulement de l'étrange édifice nous ayant retenu captifs ces dernières heures, qui, je pouvais le voir maintenant, tombait en ruine, créait un décalage si violent qu'il en devenait presque poétique. Loin de ce genre de préoccupation, notre nouvel acolyte fit un son heureux avant d'aller gambader joyeusement dans cette mer couleur or. Ce fut le signe qu'il était temps que nos chemins se séparent et que l'on parte chacun de notre côté.

Enfin, avant de se retrouver de nouveau dans un autre lieu inconnu, divertissement temporaire d'un public friand d'histoires extravagantes. Seulement toute chose à une fin, et il est temps de clôturer celle-ci.

- Ce fut un honneur.

Un signe de tête en guise d'au revoir et ce fut à mon tour de quitter la salle, pour me retrouver quelques secondes plus tard face au paysage familier des Otherlands. J'étais de retour au camp que j'avais monté la nuit dernière, saluée par l'aube, m'invitant à reprendre mon voyage.