[Terminé] Un tour de Manège [libre]

[Que non !]

Elle écouta ses explications ; elle aurait vraiment voulu en savoir plus sur cette mission, i ça se trouve elle aurait pu l’aider et … non, c’était la mission de Kyril, pas la sienne. Pas la sienne du tout.
A vrai dire, les signes ne disaient rien pour elle. Et, pas inquiète pour un sou, elle but quelques gorgées, alors que le kitsune lapait son thé.
Puis il lui parla des fleurs. Elle sourit. Elles étaient son plaisir. C’était ce qu’elle préférait.

- En général, je es cueille. J’adore me promener, et, au milieu des fleurs, je suis très bien. C’est vraiment agréable dans une maison je trouve. Mais parfois Siffroy va me les chercher. Il sait que ça me fait plaisir.

Elle souriait, candide, comme toujours.

Le kitsune hocha la tête.

- C'est vrai que ça rend bien dans cette maison. Personnellement, je préfère voir les fleurs dans leur état sauvage. D'après ce que j'ai vu pour l'instant, il y a de sacrés champs de fleurs hors de la ville ! Il faudrait que j'aille y faire un tour, à l'occasion...

Si l'occasion se présentait, bien entendu.
Kyril se tut, continuant de laper pensivement son thé.
Il devait faire des efforts pour rester concentré sur sa mission. C'était difficile, vu son caractère curieux et aventureux, avec les milles et unes choses qu'il découvrait à chaque instant, mais il le devait bien pour protéger les personnes comme Odéline...
Il se mit à rire doucement lorsqu'il se rendit compte que, malgré son intention de rester concentré sur sa mission, il était là à boire un thé et à manger du gâteau avec une sympathique jeune fille !

Histoire de ne pas garder un silence qui aurait pu être gênant, le kitsune sourit à Odéline en optant pour sa stratégie favorite en pareille occasion : une anecdote de voyages.

- En fait, je n'ai cueilli qu'une seule et unique fleur dans ma vie : une très très rare, qui ne poussait que dans une région quasi-polaire, sur une banquise glaciale. La Fleur des Glaces. Il m'avait fallu des semaines d'explorations pour la trouver...
Je l'ai offerte à ma Dame.
Ca va faire quarante ans maintenant, mais elle est toujours aussi fraîche et belle.

Elle hocha la tête. Oui, des champs de fleurs, il y en avait. Elle les adorait, c’était là où souvent elle allait chercher celles qui embaumaient sa maison. Un silence se fit, où Jyril lapait son thé, et où Odéline finissait sa boisson. Puis, alors qu’elle cherchait quelque chose à dire, le kitsune prit la parole, évoquant une fleur rare qu’il avait trouvée lors d’une expédition. La Fleur des Glaces. Etrangement, sa voix ne dit rien à ce sujet. Aucune intervention. Silence radio. Odéline sourit, émoustillée.

- A quoi ressemble-t-elle ? elle sent bon ? Est-elle gardée dans un vase, de l’eau ? Ou sous un bocal ? Hein ?  De quelle couleur est-elle ?  

Son sourire, ses yeux demandaient à tout connaître, à tout savoir. Elle était assoiffée de nouveautés. Elle adorait apprendre.

Au ton curieux d'Odéline et son avalanche de questions, Kyril comprit que son don ne connaissait rien sur la Fleur des Glaces...
Ce n'était pas si surprenant que cela, étant donné l'endroit où il l'avait trouvée.

- Elle est toute simple et toute blanche, sans aucune feuille ni une multitude de pétales. Une beauté pure, sans artifices ni chichis.
En fait, la Fleur des Glaces te ressemble un peu, maintenant que j'y pense !

La comparaison soudaine qu'il venait de faire le fit rire, avant qu'il ne se reprenne et achève ses explications.

- Ma Dame la conserve sous un bocal avec un peu de neige pour la laisser dans des conditions proches de son milieu naturel. C'est un peu délicat de trouver de la neige tout le long de l'année mais ma Dame est pleine de ressources, et il faut croire que ça marche assez bien depuis le temps...

Le kitsune s'arrêta là pour terminer de boire son thé, grimaçant lorsque sa langue lapa le substrat amer des feuilles qui s'était déposé au fond de la tasse. Il se ensuite lécha les babines et, inclinant la tête bien bas, il s'écria :
- Gochisoosama deshita ! Osséwa ni narimashita, Odéline !

Les yeux bleus d’Odéline furent tout d’un coup très visibles au milieu de son visage. En effet, celui-ci avait viré de façon étonnante au rouge vif au compliment de Kyril. A vrai dire, elle n’en recevait que très peu, et de toute façon, si tel était le cas, en général, elle ne les comprenait pas. Trop d’innocence en elle. Beaucoup, beaucoup trop. Elle lui sourit timidement, mais il enchaina, de sorte qu’elle ne le remercia même pas, puisqu’elle était trop passionnée par ce que racontait Kyril et ce qu’ainsi échafaudait son imagination fertile. C’est ainsi qu’elle laissa silencieusement le kitsune finir son bol de thé. Elle sursauta lorsqu’il prit la parole. Et sursauta une deuxième fois lorsqu’elle eut la traduction automatique.

* - C’était délicieux ! Merci pour tout Odéline ! C’est du japonais, une langue ancienne pratiquée dans l’Ere précédente. *

Elle répondit à son salut.

- Dou itashimashite, Kyril-san.

Elle lui sourit.

- Tu peux revenir quand tu voudras. Je suis sûre que Siffroy sera heureux de te rencontrer ! Il est adorable, tu verras.

Kyril sourit plus largement lorsque Odéline lui répondit dans ce qu'il pensait être sa langue maternelle. Cela faisait presque deux décennies qu'il n'avait pas rencontré quelqu'un capable de la comprendre, et ça faisait du bien.

- Ce sera avec plaisir, mais il faudra que je te rende la pareille en cuisinant un plat de mon cru.

Son expression se fit plus malicieuse.
Le succès de ses plats à lui dépendait presque toujours du moment où il décrivait la recette ; avant ou après la dégustation, tout changeait.
Il sauta au sol, secouant ses queues de renar au passage, en ajoutant :

- Je pense que je vais te laisser, et reprendre mon enquête. Tout d'abord...

Il ne termina pas sa phrase, et porta son regard sur la vaisselle sale qui reposait sur la table.
Ses trois queues se mirent à danser doucement dans son dos...
Tasses, assiettes et couverts s'envolèrent d'eux-mêmes et traversèrent la cuisine avant d'atterrir doucement dans l'évier. Le robinet s'ouvrit seul et la vaisselle se fit en quelques secondes, sous l'oeil facétieux du kitsune.

Elle rit.

- Si tu veux, mais tu n’es pas obligé tu …

Sa phrase s’interrompit par sa bouche qui s’agrandissait et ses yeux qui s’arrondissaient. Sa vaisselle … se faisait … toute seule.

- C’est trop bieeeeeeeeeeeeeeeen !

Elle battit des mains. Ses yeux pétillaient, et elle sautillait légèrement.

- TU m’apprendras ? C’est super pratique ! Comment tu fais ?!

Son air d’absolue petite fille était de retour. Bizarrement, là, sa voix se taisait.

Le dernier couvert s'envola jusqu'au séchoir dans un léger tintement.
Kyril hocha la tête, satisfait, secoua ses queues qui redevinrent immobiles avant de sourire de tous ses crocs :

- Télékinésie quand tu nous tiens ! Si tu arrives à créer une main mentale en te concentrant, pas de problème ; je t'apprendrai la suite. Si tu veux commencer à déplacer de petits objets, je te conseille les stylos, ça marche bien.

S'imaginer en professeur de télékinésie le fit rire.

- Merci encore pour ton invitation et ta gentillesse. Je vais y aller...

Il se releva, prêt à se diriger vers la sortie.

Elle hocha la tête aux propos de Kyril. Bon. Main mentale pour faire la vaisselle toute seule. Elle allait s’entrainer.

*C’est Siffroy qui va rigoler !*

Le kitsune se dirigea vers la sortie, et la jeune fille l’accompagna.

- Je m’entrainerai alors. Ca m’a fait plaisir que tu viennes. Tu peux revenir me voir quand tu veux ! Peut-être que tu feras la connaissance de Siffroy quand tu reviendras !

Elle lui sourit, tout en ouvrant la porte.

La jeune fille aux cheveux blancs ouvrit la porte. Kyril leva son museau et ses yeux vers elle, disant :

- J'ai été ravi de passer ces moments avec toi, Odéline. Je repasserai à coup sûr, avec un plat de mon crû, histoire de te rendre la pareille ! Porte-toi bien !

Il sortit, fit quelques pas dans la rue, puis sembla hésiter un instant avant de se retourner pour lancer :

- Hmm... si par hasard tu croises un jour une femme aux cheveux noirs, accompagnée par un petit dragon, méfie-toi, même si elle te semble amicale. Elle est dangereuse, et je n'aimerais pas te savoir en danger.
Au revoir !

Inclinant la tête une dernière fois avec un sourire un peu gêné, il se détourna ensuite et s'éloigna en trottinant, ses trois queues ondulant paresseusement derrière lui.

Elle rit à la mention d’un plat de Kyril. Elle aurait beaucoup aimé voir ça. Ca promettait d’être intéressant. Elle lui sourit.

- D’accord ! OK, promis, je fera attention …

Elle se demandait pourquoi ce conseil, mas à vrai dire, elle se doutait un peu que si elle lui demandait il ne répondrait pas. Et puis, il était déjà parti…
Elle referma la porte en souriant, puis nettoya la maison impeccable, la remit en ordre, reprisa quelques chaussettes, avant de se lover dans un fauteuil avec un des livres reliés de cuir craquent de Siffroy. Elle les aimait, non pas pour leurs histoires, qu’il lui semblait avoir toutes lues, mais pour leur odeur, et leur bruit. E puis parce que c’était une bonne raison pour elle de se recroqueviller sur un fauteuil, sa robe sur ses pieds nus, en attendant le retour du conseiller royal auquel elle tenait tellement.

[Fin !]