[Terminé][Fête de la Créativité] Les origamis

Kyril sourit. Presque comme le sien. C'étaient les bons mots.
Mais apprendre qu'il y avait un Béhékine dans ce monde lui serait utile plus tard, car le sien lui servait de passeur entre les dimensions, et s'il ne faisait pas attention au moment de l'appeler, il risquerait de se retrouver avec le Béhékine de ce monde-ci au bout du fil. Bonjour la galère pour s'expliquer !
La question d'Odéline le plongea un moment dans ses souvenirs. Plusieurs décennies de voyage semblèrent défiler derrière ses yeux marrons, avant qu'il réponde :

- Ce n'était pas vraiment une prison en fait, plus un centre de recherches. Des humains m'y avaient amenés après m'avoir trouvés, et ont fait quelques expériences sur moi. C'est l'un de ces expériences qui m'a donné mon intelligence et la faculté de parler d'ailleurs. Mais je n'étais pas libre, et quand Béhékine a débarqué avec une possibilité de s'évader, j'ai suivi.
...
Et non, je n'ai jamais croisé quelqu'un portant le même nom que toi. J'ai vu des jeunes filles qui te ressemblaient beaucoup, ça oui, mais pas au point d'avoir une impression de déjà-vu en t'apercevant.
Wait ! Tu peux... traverser les murs ? Ça, c'est dingue !

Ça lui rappelait quelque chose aussi. Une discussion théologique pour être exact, qu'il avait eu avec sa Dame, une des rares sur ce sujet que le kitsune avait su tenir avec elle. Une discussion sur la nature des dieux. Rien que ça.

- Une voix-qui-sait-tout, et un corps qui peut aller partout. Tu ne serais pas une déesse en devenir, Odéline ?

La question était posée avec le sourire, mais le fond était sérieux.

Mais c’était affreux ! Comment  pouvait-on oser faire des expériences sur un animal au point de le modifier ? Elle détestait cette idée –même si le fait que Kyril parle état appréciable. Ses sourcils blonds étaient froncés sur son visage juvénile. Elle avait du mal à comprendre. C’était, à ses yeux, affreux.

* L 'expérimentation animale consiste à utiliser des animaux comme substitut ou « modèle », pour mieux comprendre la physiologie d'un organisme et sa réponse à divers facteurs ou substances (pour en tester, vérifier ou évaluer l'innocuité ou la toxicité), et tout particulièrement pour tenter de prévoir ce qui se passe chez l'Homme. La plupart du temps, c’est fait sur des rongeurs, ou des primates. L'expérimentation animale est une pratique controversée, certaines personnes pensent qu'on fait ainsi souffrir des animaux, sans apporter aucun bénéfice ni pour eux, ni pour les humains.*

Sa voix était intervenue, mais ne lui avait pas donné toutes les réponses. Elle savait juste qu’elle était des personnes dont sa voix lui parlait, celles contre ce type d’expériences répugnantes.
Puis, Kyril parla de sa capacité à traverser les murs, en utilisant un mot d’ancienne langue, qu’elle traduisit automatiquement par « attends ». Lorsqu’il lui demanda si elle n’était pas une déesse en devenir, elle rit.

- Je suis juste une fille normale, tombée du ciel.

Cependant, les réactions de Kyril la perturbaient. Peut-être n’était-elle pas si normale …

- Très belle oxymore, mais je comprends ce que tu veux dire. Je ne suis pas vraiment porté religion d'habitude. Ma Dame doit déteindre un peu sur moi...

Ou alors il était plus fatigué qu'il n'en avait l'air.
Il hocha la tête plusieurs fois, ce qui lui donna un air étrange de vieillard dodelinant, puis il sourit.

- Je suis curieux à propos de cette fête de la Créativité. Tu veux bien me servir un peu de guide ?

Elle lui sourit. La religion non plus, ce n’était pas trop son truc, surtout depuis que sa voix lui avait fait un très long exposé à ce sujet, qui leur avait pris presque une après-midi. Et encore, elle n’avait pas tout dit ! Elles devaient encore en discuter. Kyril avait un air soudain de vieillard qui la fit rire. Puis, il lui demanda des informations sur la Fête de la Créativité.

- Oui, bien sûr ! …

Avant qu’elle n’ait pu en dire plus, sa vox déversait déjà dans son cerveau de nombreuses explications.

*Lors de la Deuxième Ere, on fête depuis l’Antiquité le retour des beaux jours le jour le plus long de l’année, le jour du solstice d’été. Cela pouvait marquer le début de la nouvelle année comme en Egypte, ou bien être célébré par des fêtes, comme la danse du soleil chez les Amérindiens. *



- Lors de la Deuxième Ere, on fête depuis l’Antiquité le retour des beaux jours le jour le plus long de l’année, le jour du solstice d’été. Cela pouvait marquer le début de la nouvelle année comme en Egypte, ou bien être célébré par des fêtes, comme la danse du soleil chez les Amérindiens.



* C’est en France en 1976 qu’un journaliste musical met en place une tradition musicale à cette date, et en 1982, Jack Lang, ministre de la culture, crée la fête de la musique avec pour vocation de promouvoir la musique sous toutes ses formes. La fête s’internationalise peu à peu, jusqu’à devenir presque mondiale.*





- C’est en France en 1976 qu’un journaliste musical met en place une tradition musicale à cette date, et en 1982, Jack Lang, ministre de la culture, crée la fête de la musique avec pour vocation de promouvoir la musique sous toutes ses formes. La fête s’internationalise peu à peu, jusqu’à devenir presque mondiale.

*Après les cataclysmes de 3050 à 3067, les hommes dispersés n’ont pourtant pas oublié cette fête, et ceux qui la pratiquaient la transmettent à leurs compagnons, puis à leurs enfants sur le Continent du milieu. Ainsi, lorsque le beau temps revient, on continue, des générations durant, à le fêter par de la musique, et peu à peu, ceci se diversifie.*



- Après les cataclysmes de 3050 à 3067, les hommes dispersés n’ont pourtant pas oublié cette fête, et ceux qui la pratiquaient la transmettent à leurs compagnons, puis à leurs enfants sur le Continent du milieu. Ainsi, lorsque le beau temps revient, on continue, des générations durant, à le fêter par de la musique, et peu à peu, ceci se diversifie.



*Cette tradition perdure, on fête les arts sur tous les continents. Ce n’est qu’en l’an 2 que le roi d’Eaque décide de créer la Fête de la Créativité le 21 Zabulonien. Cette fête mettra un certain temps à s’exporter sur les autres continents à cette date, mais ce sera chose faire en 67.*



- Cette tradition perdure, on fête les arts sur tous les continents. Ce n’est qu’en l’an 2 que le roi d’Eaque décide de créer la Fête de la Créativité le 21 Zabulonien. Cette fête mettra un certain temps à s’exporter sur les autres continents à cette date, mais ce sera chose faire en 67.



*Elle reste traditionnellement fêtée à Hypnos, mais on trouve de quoi la célébrer dans toute ville et tout village. C’est une fête de joie, conviviale, dont on a bien souvent oublié l’origine. *



- Elle reste traditionnellement fêtée à Hypnos, mais on trouve de quoi la célébrer dans toute ville et tout village. C’est une fête de joie, conviviale, dont on a bien souvent oublié l’origine.



Elle lui sourit. Son ton de voix avait été un peu automatique.

- Voilà, tu sais tout ! Cette année, à cause de la guerre, la fête d'Hypnos a été annulée, et du coup, à Rhadamanthe, on illustre leur victoire future je crois, à Eaque on fait des œuvres et des ventes aux enchères, et ici, il y a plein de scènes ouvertes, un gros banquet ce soir, puis un concert, et plein d'ateliers créatifs, type penture, musique, sculpture, cuisine, couture, magie, avec plein d'origamis parce que c'est le thème, cette année. On marque un souhait dessus, et ce soir, on les lâchera dans le ciel. 

Ses yeux très bleus brillaient.

- On peut visiter, si tu veux !

Le kitsune sourit, amusé devant ce double discours :

- Me voilà avec deux réponses pour le prix d'une ! C'est donc l'évolution de la fête du Solstice, transformée peu à peu en fête des Arts... c'est intéressant. Il n'y a pas ça chez moi... c'est une idée à creuser ceci dit.
Une visite serait avec plaisir, Ô Déesse du Savoir.

Il s'inclina bien bas devant elle, avec un sourire gentiment moqueur, un brin roublard aussi.

- J'aurais bien aimé essayé de faire un origami aussi, tiens. Mais je suppose que ça ne compte pas si je me sers de mes pouvoirs.

Il risquait de perdre le contrôle sur sa télékinésie aussi, et de réduire en bouillie sa création comme celle de cette fille.
S'il pouvait éviter de recommencer...

- Arrête de te moquer !

Elle riait en disant cela ; en fait ça ne la dérangeait pas, l’amusant plutôt.

- Je ne suis pas du tout une déesse !

Ses yeux très clairs pétillaient. Siffroy était parfois gentiment moqueur avec elle, et elle avait toujours trouvé ça drôle. Elle se leva et épousseta machinalement sa robe.

- Allons –y ! Je suis persuadée que tu peux quand même faire un origami … Tu ne peux pas transformer le papier en joli origami, non ?

Elle lui sourit, et commença à se diriger vers la ville.

- A vos ordres, Ô Déesse !

Le kitsune emboita le pas à Odéline, abandonnant cette gentille moquerie avec une dernière pique. Les sujets sérieux qui se terminaient par de l'humour ; c'était le genre de discussions qu'il aimait le plus.

- Oh, je suis sûr que je pourrai. Mais vu ce qui s'est passé avec le dernier origami tout à l'heure... le résultat risque d'être pas beau à voir si je me sers de télékinésie. Et mes pattes et ma gueule ne sont pas pratiques pour les arts plastiques !

Il laissa sa langue pendre hors de sa gueule pour appuyer ses propos, allant même jusqu'à laisser couler un peu de bave...
Faire l'idiot était pour lui un bon moyen de se changer les idées, et d'oublier un peu ses soucis qui lui bouffaient le moral depuis un moment. C'était aussi le signe qu'il était particulièrement à l'aise avec Odéline.

Ils quittèrent donc les jardins du Palais, retournant dans les rues animées de la ville.
Kyril marchait un peu la tête en l'air, observant les origamis accrochés sur des fils au-dessus de la foule, formant des guirlandes de papier improvisées et multiformes.

- C'est assez joli tout ça en fait. C'est vraiment une idée à creuser, ce genre de fêtes.

Odéline rit un peu à sa dernière pique. Par contre, elle s’esclaffa devant ses bêtises avec sa gueule. Il l’amusait vraiment. Ils s’éloignèrent ensuite des jardins, déambulant dans les rues. Ils avaient tous deux la tête en l’air, contemplant les couleurs aux fenêtres, les oiseaux, les gens qui sortaient la tête de chez eux, et surtout les origamis-vœux suspendus en guirlandes agitées par un vent transportant des effluves sucrées et des rires de joie. Un sourire heureux étira le mignon visage de la jeune fille.
Lorsque Kyril parla, elle baissa la tête.

- Oui, c’est très joli. Ca en fait plusieurs que je vis ici, et c’est rigolo, je trouve, de voir tout le monde se rassembler comme ça. Tout le monde est heureux, les plus habiles aident ceux qui le sont moins, on rencontre beaucoup de gens. C’est assez agréable, somme toute !

Elle sourit.

- En plus, il y a toujours de jolies musiques !

Comme si ses derniers mots avaient servi de signal secret, un petit groupe de musiciens surgit des rues alentours, s'installa autour d'un piano posé presque sur la rue devant un bar, et se mirent à jouer.
Le tout s'accorda tellement vite qu'ils semblaient avoir attendu la dernière phrase d'Odéline pour venir. Kyril se mit à rire doucement tandis que la musique emplissait l'air, les badauds ralentissant leur pas pour profiter eux aussi du spectacle, les discussions et rires se mêlant à la mélodie et aux chants pour former un tout joyeux.

- Tu l'as fait exprès ?

Le kitsune leva le museau en l'air et se mit à renifler activement, soudain captivé par une odeur de nourriture particulièrement vive et appétissante. Rassasié par l'odeur seule, il cessa finalement de ressembler  un limier pour tourner la tête vers Odéline :

- Tu veux bien me montrer comment tu fais des origamis ? A une table pas trop loin peut-être ? Histoire de profiter de la musique. Les chansons qu'ils jouent, ça me rappelle des souvenirs agréables.

Odéline vit avec ravissement un petit groupe de musiciens surgir d’alentours, les rejoindre et se mettre à jouer un entraînant air de jazz qui interpella les badauds, qui, comme eux, s’arrêtèrent afin d’écouter attentivement. La joie qui emplissait l’air était presque palpable, et affecta la jeune fille, dont le visage s’illumina d’un grand sourire. La question de Kyril la surprit toutefois.

- Moi ? Mais non ! Comment j’aurais fait ? Je ne savais pas qu’ils étaient là !

Elle le regarda, étonnée, se prendre soudain pour un chien flairant un doux fumet dans l’air qu’elle-même sentait à peine, mêlé à tant d’autres odeurs.  Puis il se retourna vers elle. Elle hocha la tête vivement, battant des mains toute doucement.

- Oh, oui, avec plaisir ! Là, il y en a si tu veux, regarde !

Elle lui désigna une table couverte de papiers et des chaises à une grosse dizaine de mètres, et se dirigea vers elle immédiatement. Elle se mit sur une chaise, et prit un papier, puis regarda son ami, un grand sourire au lèvres.

- Une idée d’origami particulier que tu veux faire ? I faut bien plier les papiers différemment en fonction de ce que tu veux faire, mais ça reste du pliage hein !

Kyril rit un peu en la voyant parler sur ce ton surpris. Sa blague avait fonctionné ! Il tira la langue, observa quelques secondes les musiciens... c'était étrange, mais il connaissait les morceaux joués...
Il rejoignit ensuite Odéline, sautant d'un bond sur une chaise voisine. Après l'avoir écouté, il jeta un oeil sur tous les papiers différents disséminés sur la table.

- J'aurais peut-être une idée oui. Faire un ange en origami, tu crois que c'est faisable ?

Un sourire sur son museau, un peu rêveur, il posa ses yeux sur un grand morceau de papier bleu, et le souleva par télékinésie, tout doucement, comme s'il faisait attention à ne pas perdre le contrôle sur ses pouvoirs.
L'ambiance festive, la musique, tout ça semblait bien l'aider à se concentrer.

Elle le vit regarder autour de lui, posé sur la chaise. Il avait un sourire sur le museau. Il proposa un ange, et elle battit des mains, toute contente à cette idée.

- Oh oui ! Bien sûr !

Un grand papier bleu se souleva, comme de lui-même, doucement, lentement. Elle même attrapa un papier, un peu jaune. Dans sa tête, sa Voix lui expliquait comment faire un ange en papier plié, et il fallait avouer que le résultat avait l’air bien mignon.

- Bon alors … Je plie le mien et tu suis avec le tien ?

Sa voix était toute pleine d’enthousiasme, alors que déjà elle commençait ses pliages.

Kyril acquiesça, avant de se concentrer sur le papier qu'il "tenait" pour le plier comme Odéline le faisait avec le sien.
Le kitsune imita les étapes montrées par Odéline avec application, surpris un peu par ce travail de pliage original ; il ne savait pas du tout à quoi allaient servir chacune des étapes dans le résultat final ! Travailler à l'aveugle avait un effet apaisant toutefois, et il n'eut aucun souci avec son pouvoir.
Ils parlèrent peu, à part quelques questions de Kyril sur une étape délicate, concentrés sur l'origami.

Un renard à trois queues assis à côté d'une jeune fille aux cheveux blonds, travaillant sur leur origami.
Bizarrement, avec la foule bigarrée, ils ne dénotaient presque pas.

Enfin, la dernier pliage se fit, Kyril put laisser de côté sa télékinésie et il pencha la tête sur le côté, admirant le résultat. L'ange était plus imagé que véritablement sculpté dans le papier, mais la forme des ailes, le corps était suffisamment reconnaissable, et l'ensemble tenait debout.
Satisfait, Kyril sourit à Odéline :

- Maintenant, il faut écrire un vœu dessus, c'est ça ?

Odéline était très concentrée dans son rôle de jeune professeur. Elle faisait tout pour bien montrer à Kyril et pour l’aider. Un peu plus, elle en aurait tiré la langue. Satisfaite du travail accompli, elle sourit à son ami renard. Puis elle hocha vigoureusement la tête, acquiesçant d’un léger bruit.

- C’est ça ! Celui que tu veux, celui qui te tient à cœur.

Elle mit une mèche de cheveux derrière l’oreille.

- On les lâchera tous ce soir, en espérant qu’ils se réaliseront.

Elle attrapa un stylo violet qui se trouvait ô grand hasard, sur la table et d’une écriture soignée, inscrivit sur son papier son souhait, avant de tendre à Kyril l’objet.

Le kitsune réfléchit un court instant, puis se saisit délicatement du stylo en usant de sa télékinésie.
Des vœux, il n'en avait pas beaucoup.
Même s'il ne croyait qu'à moitié à ce genre de rituels, il préférait écrire quelque chose de moins bateau que la réussite de son expédition comme souhait, ne serait-ce qu'en considérant la portée morale du geste.
Il se mit donc à écrire...
...
Des signes bizarres, qui n'avaient rien à voir avec l'alphabet utilisé dans la région. Pourtant, il y avait bien des mots dans ces signes, évoquant dans sa langue natale quelque chose qui pouvait être traduit par "Retrouve tes ailes" ou "Envole-toi de nouveau."

Satisfait, il déposa doucement origami et stylo sur la table, et sourit à Odéline :

- Merci pour la leçon.

Kyril fit bouger le stylo tout seul comme un grand. Ce procédé faisait toujours son petit effet sur Odéline, qui regardait cela avec une certaine fascination : voir les choses bouger seules, voilà qui était joli. Pas mystérieux, non, mais joli, oui. Et elle aimait bien les choses jolies comme ça. Elle vit d’ailleurs, en regardant sans faire vraiment exprès, qu’il écrivait avec cde jolis signes, très différents de la langue d’ici.

*C’est du japonais, une langue parlée lors de la seconde Genèse dans un pays nommé Japon, situé en Asie de l’Ouest. C’était une grande île, très puissante économiquement et politiquement, avec une histoire très riche, et connue à travers le monde pour ses habitants mangeant du poisson cru, buvant du thé, et lisant des illustrés nommés mangas donnant lieu à un courant de culture spécfique.*

Elle hocha distraitement la tête.

*Ici, il a écrit l’idée de répétition et d’envol, et on peut traduire cela par « Retrouve tes ailes » ou « Envole-toi de nouveau ».*

Elle sourit. Comme c’était joli ! Mais à qui cela pouvait-il bien s’adresser ? Le stylo se posa sur la table, et Kyril la remercia.

- De rien ! Mais, dis, qui est-ce qui a perdu ses ailes ?

Elle était très curieuse, mais ne se rendait pas compte que ça pouvait être trop, ni même que cela pouvait braquer son ami, ou simplement le surprendre de savoir qu’on pouvait encore lire et comprendre ce qu’il avait écrit dans cette étrange langue.

Kyril se demanda effectivement pendant une fraction de seconde comment elle avait su lire et comprendre ce qu'il venait d'inscrire sur son origami, puis il se rappela à qui il avait affaire. Il sourit ; rien de surprenant de la part d'une future Déesse du Savoir !
Son regard se fit un peu lointain tandis qu'il regardait son origami :

- C'est ma Dame qui a perdu ses ailes. Cela date, mais j'espère encore qu'elle acceptera un jour de faire ce qu'il faut pour les retrouver. Elle est un peu têtue...

Le kitsune se mit à rire, puis secoua la tête en soupirant.

- Bref, que doit-on faire avec les origamis maintenant ? Les accrocher quelque part ?

Elle le vit sourire, et sentit qu’il se perdait un peu dans ses souvenirs. Sa Dame … Il en avait déjà parlé, plusieurs fois, et plus il lui en parlait, plus cela l’intriguait, plus elle rêvait d’en savoir plus sur elle, voire même de la rencontrer. Il rit, et soupira, avant de secouer la tête.

- Les origamis ? Ils seront récupérés ce soir. Il faut juste les mettre là !

Elle lui désigna un sac dissimulé sous la table, où elle glissa le sien, effleurant les autres origamis déjà présents, nombreux. Un sourire éclaira son visage.

- Elle a l’air chouette ta Dame ! Elle s’appelle comment ? on pourrait se rencontrer tu penses ?

Sa voix était enjouée, un peu chantante … et terriblement innocente.

A son tour, Kyril travailla à déposer son origami dans le sac. Comme il ne tenait pas à faire de bêtises avec sa télékinésie - user d'un stylo, ce n'était pas dangereux ; réduire en bouillie sa sculpture, c'était plus embêtant - il se contenta de pousser la figurine de papier avec son museau, jusqu'au bord de la table, puis il la fit tomber, la réceptionna d'un coup de queue bien placé, jongla une fois avec une deuxième queue et envoya l'origami d'un dernier coup de patte.
Satisfait, il hocha la tête puis reposa les yeux sur Odéline, souriant et répondant sur le ton de la conversation :

- Elle est merveilleuse, oui. Je lui ai déjà parlé de toi d'ailleurs. Elle t'aime bien, et ton Don l'intrigue. Mais elle ne peut pas voyager comme je le fais. Pas en même temps que moi, en tout cas. Peut-être un jour, qui sait ? Elle s'appelle Alana.

En son for intérieur, le kitsune se doutait qu'une rencontre était quasiment impossible. Là où il était méfiant dans son impact avec les autres mondes, sa Dame était psychotique.
"Puisse-t-elle ne jamais savoir que j'ai pensé ça !" songea Kyril en retenant un frisson.

- Je devrais peut-être essayer de trouver cette auberge dont tu m'as parlé. C'était quoi le nom déjà ? L'auberge du Ponay fringuant ?

[Aha ! J'ai feinté la censure du forum ! :o]

[Trop fort pour nous tu es \o/]

Odéline regarda avec une admiration non feinte le numéro de Kyril. Quelle maîtrise du jonglage ! Ses yeux brillaient de joie. Elle adorait ces choses-là !
Puis il lui parla de sa Dame, et il sembla à la jeune fille sentir toute l’affection qu’il avait pour Alana. D’un côté elle enviait cette femme : elle aurait tant aimé que quelqu’un parle ainsi d’elle, un jour ! Elle sourit au kitsune.

- Tu lui diras que j’aimerais beaucoup la rencontrer, un jour ?

Puis, alors qu’elle allait lui poser une question sur ses voyages, il lui parla de l’auberge.

- Haha, non ! C’est le Cheval Blanc ! C’est pas loin du tout, à quatre rues, toujours à droite, je t’emmène si tu veux. Après je rentrerai, sinon, ils vont râler …

Elle lui sourit, tout en retrouvant le sol sous ses pieds.

- Mais comment tu fais pour voyager ? Tu peux pas l’emmener avec toi ? Ca marche pas ?

L’innocence de sa question était terrible.

Kyril sauta au sol à son tour, prêt à suivre la jeune fille.

- Je lui dirai quand je pourrai, promis.

Il n’avait toujours pas complètement récupéré de sa « blessure » et le lien qu’il avait avec sa Dame non plus. Il ne pouvait pas encore discuter avec elle, malgré la distance infinie qui les séparait, mais ressentait parfois sa présence. Il espérait bien qu’un peu de temps et de repos remettraient les choses en place, comme pour ses pouvoirs.

- Ha oui ! Le Cheval Blanc. J’étais pas loin, héhé…
Mais, si c’est quatre rues toujours à droite, on fera un tour complet sur nous-même !

Il se mit à rire :

- Tu veux bien m’accompagner ? Parce que je crois que le grand baroudeur que je suis risque de finir perdu dans cette ville si tu me laisses chercher cette auberge seul.

Il retrouva un peu de sérieux avec la dernière question d’Odéline. Comme d’habitude, la jeune fille gardait les questions difficiles pour la fin. Que répondre à ça ?

- Ma Dame ne voyage pas avec moi car c’est elle qui me permettra de rentrer. Entre elle et moi, il y a comme un fil d’Ariane qui facilitera bien les choses lorsque je devrai repartir.
…
A mon tour de te demander : tu as écrit quoi comme souhait sur ton origami ?

Elle hocha la tête :

- Presque ! Les rues sont pas égales. Oui, évidemment que je vais t’accompagner ! Allons-y !

Un joli sourire ornait son visage. S’il y avait eu plaisanterie, elle ne l’avait pas perçue, manifestement … Elle se fit plus sérieuse lorsqu’il répondit à sa question. Elle commença à marcher, tout en réfléchissant. Cette histoire de voyage la perturbait. D’où venait-elle, elle ? Avait-elle un fil d’Ariane ? Elle n’en était pas sûre … Elle secoua la tête, afin de chasser es pensées quelque peu moroses, alors que lui lui posait une question. Elle rosit un peu. Avant, elle avait souhaité le retour de la reine, sa bonne santé et son bonheur. Là, elle avait pensé à elle.

- Que … Que Siffroy … Veuille bien m’épouser.

Elle avait une toute petite voix, un peu hésitante.

Kyril fit un pas de côté pour éviter de rentrer dans un centaure particulièrement tête-en-l'air, puis il revint se placer aux côtés d'Odéline. Il déclara ensuite, d'une voix enjouée :

- C'est un super vœu ça ! Tu lui as déjà demandé ?

Il sentit aussitôt qu'il venait de dire une bêtise. La petite voix de la jeune fille, avec la formulation, tout ça voulait bien dire qu'elle avait effectivement fait une demande à Siffroy, et qu'elle avait eu droit à un refus.
Le kitsune pouvait presque sentir le regard gentiment accusateur de sa Dame se poser sur lui, lui faisant remarquer son erreur...

- Hum... je suppose que oui...
Ça reste un super voeu, ceci dit. Il avait répondu quoi ?

[Au fait, je te laisse y aller sur les bateaux hein, j’ai répondu pour les deux en un post ^^]

Elle baissa les yeux à ses questions, un peu triste. Sa voix était soudain plus grave, plus triste, un peu éteinte.

- Il a dit non. Pas tout de suite, qu’il se sentait trop jeune et attendait un signe du destin … Moi je croyais que le signe, c’était qu’on … qu’on s’aimait. Pas lui …

Elle poussa un soupir à fendre le cœur, et tourna à droite, encore. Puis elle fit un signe de la main, comme pour balayer tout ça.

- Enfin, dit-elle de sa voix normale, c’est pas grave, on n’en n’a pas besoin ! On arrive, tiens au fait !

Et, de la main, elle lui désigna l’auberge au bout de la rue bondée.

Kyril garda le silence, pas dupe pour un sou à propos de son "c'est pas grave" dit avec une toute petite voix et son langage corporel qui disait bien que c'était un sujet important pour elle.
Cela ne l'empêchait pas de penser que l'excuse avancée par Siffroy pour refuser un mariage était juste... nulle.

L'auberge qu'Odéline venait de pointer du doigt n'était certainement pas la plus grande ou la plus luxueuse, mais elle avait l'air bien tenue et propre comme il fallait. Du peu que Kyril pouvait voir depuis cette distance en tout cas...
Il faisait confiance à Odéline pour ne pas le mener dans un taudis plein de puces.

- J'avais raison de dire que je n'aurais pas trouvé sans ton aide ; avec cette foule, je ne vois pas grand chose ! Juste des pieds, partout.

Arrivé devant l'auberge, dont l'enseigne montrait un cheval blanc en train de cabrer, il s'arrêta un instant et s'assit à côté de la porte, ses trois queues de renard se balançant dans son dos.

- Merci de m'avoir accompagné, Odéline.
C'est gentil de ta part, vraiment, de même que de m'avoir écouté me plaindre de mes problèmes comme le vieillard que je suis parfois. Mais... ce n'est pas gentil de me dire que le refus de Siffroy n'est pas grave pour toi. De toute évidence, c'est un mensonge.

Le kitsune sourit à la jeune fille, et poursuivit avant qu'elle puisse dire ou faire quoi que ce soit :

- Je comprends pourquoi tu as dit ça ceci dit, mais si je peux te donner un conseil utile ; ce n'est pas une bonne solution de cacher un problème sous le tapis. Ça rend aigri à la longue, et ça risque de pourrir une relation. Je ne connais Siffroy qu'à travers ce que tu m'as dit de lui, et ce n'est pas grand chose au final, mais je suis certain que la réponse qu'il t'a donné n'est pas la vraie raison.
Si c'est vraiment important pour toi, tu devrais en parler avec lui, sans chercher à lui imposer de changer d'avis, mais au moins pour que vous sachiez tous les deux ce que vous ressentez vraiment.
Bref...

Il fit un autre petit sourire à Odéline, comme pour s'excuser d'avoir trop parlé.