[Archivé] La nature fait bien les choses... et certaines personnes. [PV Sejan]

Neven se redressa avec un soupir bienheureux. Le soleil était haut dans le ciel, et même les  imposants arbres de la Forêt du Pendu ne suffisaient pas à en occulter la chaleur. Heureusement, il avait terminé les boutures, et pouvait enfin retourner à la fraîcheur de sa cabane.

La maisonnette était silencieuse et vide. Neven ne s'était toujours pas habitué à ce retour à la normale, et il s'attendait bien souvent à entendre Sejan l'appeler, d'une voix aussi chaude que ses douces mains. Il pouvait presque encore la voir, à deux pas de la porte entrouverte, à peindre le paysage forestier. Pourtant, Sejan était absente depuis déjà un mois ̶ plus du double du temps passé en sa compagnie. Neven avait bien essayé de la retenir un peu plus, sous prétexte de sa santé, mais la jeune artiste avait elle aussi à faire.

« Tu n’as rien ? »

Un petit sourire amusé se dessina sur le visage de l'herboriste à ce souvenir. Sejan était restée longtemps, ses blessures n'étaient plus que de fines cicatrices que Neven aimait parcourir du bout des doigts, lors des heures passées étendus sur son lit, en silence. La guerre était finie, le désordre presque disparu, et les clients de l'herboristerie aussi rares qu'auparavant.

Leur fuite de l'auberge n'avait pas été des plus calmes, et Neven s'était fait un devoir de rappeler à Sejan qu'elle était convalescente, merci de respecter son travail. Sejan avait bien évidemment eu son mot à dire, et après avoir boudé quelques heures, Neven s'était dit qu'un peu de paix entre eux ne serait pas de trop. Une inspection des blessures et quelques câlins tranquilles plus tard, les deux compagnons étaient de retour à leur état normal.

Ils avaient rapidement pris quelques habitudes, et vivre avec quelqu'un ne déplaisait plus vraiment à Neven au bout d'une seule semaine. Il y avait ensuite pris goût, à tel point qu'il se trouvait à présent debout au beau milieu de son atelier, un peu perdu. Néanmoins, du travail l'attendait encore, et il s'y attela. Il s'assit à sa table et se pencha sur les sachets qu'il devait remplir d'herbes séchées. Ses cheveux, plus courts, lui tombaient constamment devant les yeux. Une mésaventure avec un roncier lui avait valu une bonne coupe, mais il ne s'en plaignait pas.

Les échos de la guerre étaient lointains, et s'étaient ternis avec le temps et la paix retrouvée. Sejan n'avait pas pu continuer son combat, trop mal en point selon son médecin personnel pour abréger sa convalescence. Lors de leur fuite de l'auberge, elle avait tout donné pour au moins leur permettre de sortir vivants de l'endroit au nez des barbares s'y étant introduits. Évidemment, Neven avait froncé les sourcils, et l'avait rappelée à l'ordre ; elle devait faire plus attention à sa santé, quand bien même il était là pour la soigner.

Ensuite, il était devenu muet, fermé, tandis qu'ils marchaient côte à côte pour s'éloigner de l'auberge. Elle ne savait pas trop où ils devaient aller alors, mais elle notait bien que Neven semblait boudeur, comme un enfant, parce qu'elle avait désobéi. Péniblement, elle marchait une main discrètement posée sur sa blessure qui n'avait heureusement pas l'air de s'être rouverte. Elle taisait la douleur, craignant de briser quelque chose si elle s'adressait à Neven. Mais il demeurait de marbre, alors elle posa une main sur le bras de l'herboriste, tirant légèrement sur son vêtement.

« Neven ? Ne sois pas fâché s'il te plaît... »

Ils avaient fini par renouer le dialogue ; aucun d'eux ne désirait rester en froid – surtout que son acte, bien qu'inconsidéré, partait d'une bonne intention.

Et finalement, après qu'elle se fût reposée, elle effectua un autre pas sur le côté pour les mener sur Eaque, à partir d'où ils allèrent aux abords de la forêt du Pendu, chez Neven.

Là, elle goûta à une sérénité dont elle ne se laissait pas si souvent le loisir. Certes, sa petite maison sur Minos était très calme, et paisible, mais elle y menait une vie active. Cette fois, elle n'avait eu à se soucier de rien, pour ce qui lui semblait être la première fois de sa vie. Elle était au calme dans la forêt, l'air y était pur malgré des relents putrides, Neven était un bon cuisinier qui les faisait manger sain et, surtout, il y avait Neven.

Elle n'oubliait pas qu'elle lui devait la vie, mais comment ne pas profiter de la situation ? De son attention absolument charmante ? Parfois, sous prétexte de consulter l'évolution de son rétablissement, il lui caressait les cicatrices du bout des doigts, délicatement, et elle suivait son geste du regard. Et la nuit, parfois, elle sentait encore le spectre de ses mains sur elle, sans jamais rien faire pour en avoir plus. Leur moment de tendresse à l'auberge avait donné suite à d'autres, une fois qu'elle fût totalement guérie. Alors que Neven l'auscultait, elle finit par poser la main sur la sienne, et entama un baiser que d'autres suivirent. Bien des soirs et des matins, allongés l'un contre l'autre, ils se câlinèrent, sans aller bien loin.

Et puis un jour, il fût temps pour Sejan de rentrer chez elle.

Après une dernière tendre embrassade dans laquelle elle se perdit dans ses bras, un pas-de-côté la mena sur Minos, où elle reprit son travail d'artiste. Pendant son séjour avec Neven, elle avait beaucoup dessiné son ami, soit en reproduisant des scènes de travail, soit le représentant en train de dormir, ou bien d'autres dessins dont elle lui cachait l'existence. Le continent était encore en liesse, la population si pacifique de Minos soulagée que le monde eut retrouvé sa quiétude. Elle y mena sa vie habituelle pendant un mois, en ayant de nombreuses pensées pour Neven qu'elle ne pouvait encore retourner voir à cause de son travail.

Mais au bout d'un mois, elle put se prendre quelques jours de repos, et en profita pour se déplacer sur Eaque, et prit le chemin désormais familier de la forêt du Pendu. Son ami et elle étant désormais proches, elle avait prit un sac avec quelques affaires, et toqua à la porte de l'herboristerie exhalant comme à son habitude une bonne odeur de plantes. Tout en s'annonçant ainsi, elle entra dans la boutique, et sourit en voyant la silhouette de Neven, assidu à son travail comme toujours.

« Excusez-moi, je cherche le charmant jeune homme qui tient cet endroit. Il a des très beaux traits et une longue chevelure neigeuse, l'auriez-vous vu ? »

Son sourire s'élargit à cette taquinerie et elle s'avança vers l'herboriste, dont elle avait follement envie de passer sa main dans ses cheveux courts.

« Bonjour Neven, tu vas bien ? Tu ressembles de plus en plus à un ange, dis-moi. »

Pour changer, Neven semblait dans la lune, si bien qu’il ne réagit pas immédiatement à son salut. Et quand il se tourna enfin vers elle, il n’arbora pas le même sourire qu’elle. Sejan eut bien envie de faire semblant de bouder, rien que pour le taquiner sur le fait qu’il aurait du sauter de joie en la voyant, voyons ! Mais au final, il la traita de fantôme et elle ne put s’empêcher de rire avec lui.

« Dixit le jeune homme tout pâle presque tout le temps dans sa cabane. »

Elle, avait pris quelques couleurs, son teint s’étant un peu hâlé à force de rester à profiter de rayons de soleil printanier. L’air chez elle était si doux, un vrai délice. Qu’elle aimerait un jour faire partager à son ami.

La Créatrice lui retourna son bref câlin, même si elle aurait aimé le prolonger. Neven commençait à lui manquer, après tout, et contempler les moults dessins qu’elle avait fait de lui ne suffisait plus à la combler.

Mi-amusée, mi-exaspérée, elle leva les yeux au ciel quand son côté infirmier prit le dessus pour l’ausculter rapidement. Ce n’était pas comme si elle était blessée tout le temps ! Avec un sourire, elle posa un main rassurante sur son épaule.

« Non non, tout va bien ne t’en fais pas. Je suis désolée, j’aurai du te prévenir de ma venue, t’envoyer une lettre… J’espère que je ne te dérange pas. »

Ses jours déjà passés avec lui lui disaient que non, et elle eut un petit geste vers son sac.

« J’ai eu un boulot fou à Minos quand je suis rentrée, mais je me suis pris quelques jours de vacances, alors j’ai pensé à toi. Ça… te gêne si je reste ? »

Comme un gros cliché, elle leva les yeux vers lui et battit une fois de ses longs cils, les lèvres tirées en un petit sourire.

« Non non, tout va bien ne t’en fais pas. Je suis désolée, j’aurai du te prévenir de ma venue, t’envoyer une lettre… J’espère que je ne te dérange pas. J’ai eu un boulot fou à Minos quand je suis rentrée, mais je me suis pris quelques jours de vacances, alors j’ai pensé à toi. Ça… te gêne si je reste ? »

Neven l'écouta avec un petit sourire en coin et fit semblant de réfléchir pendant un instant, tapotant son menton du bout du doigt.

« Hmm voyons voir… »

Il fit quelques pas jusqu'à sa table où il s'appuya, les mains posées à ses côtés sur le rebord et la tête délicatement penchée, avec un air taquin.

« Question difficile que voilà. Que dire ? »

Puis, d'un geste presque théâtral, il présenta une charmante petite bulle de verre remplie de succulentes nichées dans du sable rouge, au creux de sa paume.

« Je crois que ce cadeau t'attend depuis assez longtemps. Reste. »

[J'ai eu beau chercher, je vois vraiment pas quoi rajouter. x)]

Les mains derrière le dos, la Créatrice se balançait légèrement en attendant la réponse de Neven. En lui demandant de rester chez lui, elle le mettait en position de force, et le chenapan semblait se régaler de la situation ! Il la faisait mariner même si, au fond, la réponse ne faisait aucun doute, et Sejan était heureuse de retrouver son ami taquin et accueillant.

Elle le suivit du regard, sans l'accompagner dans ses déambulations, n'attendant que son affirmative.

Mais quand il lui offrit son présent, quand il lui répondit fermement et calmement à la fois, le coeur de la jeune femme loupa un battement et elle se détourna pour cacher le rouge qui lui montait aux joues derrière quelques mèches. Comment osait-il être à la fois aussi mignon, et aussi sexy ?

Le visage encore tiède - à son grand dam, car il pourrait en user en bien comme en mal -, elle rejoignit l'herboriste et saisit le cadeau avec précaution. Il y avait quelque chose de poétique dans ce paysage miniature abrité dans un cocon si fragile. Que faire s'il s'agissait-là d'une métaphore et qu'il lui offrait son coeur en lui demandant d'en prendre soin ? Haha, impossible.

« Neven... »

L'orbe contre sa poitrine, elle vint déposer un baiser au coin des lèvres du jeune homme.

« Merci. »

Elle resta un moment sans bouger, à le dévorer des yeux. Ce qu'elle éprouvait à ce moment n'était pas de la sérénité, mais quelque fût ce sentiment, il la grisait.

« Si ce cadeau m'attendait, alors, tu m'attendais ? »

Elle leva vers lui des yeux plein d'espoir. Sentir que l'on importe pour quelqu'un, elle aurait aimé ressentir cela, se sentir importante pour quelqu'un.

« Si je peux te remercier de ton hospitalité... Une pancarte pour l'entrée par exemple, ou autre chose... »

Qu'il demande autre chose !

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