Epreuve 5 - Just Married
Accident ou coup de génie, magique ou technologique, vous vous retrouvez tout à coup devant vous-même enfant, et avez la possibilité d’échanger avec ce vous du passé. Que lui diriez-vous ? De se méfier de telle ou telle personne ? De persévérer ? De croire en l’avenir ? De ne pas jeter cette bouteille dans la mauvaise poubelle, sinon… “voilà ce qu’il va se passer” ?
C’est sûrement aussi le moment pour lui - ou vous - offrir un cadeau, pour l’aider ou le guider. Charité bien ordonnée commence par soi-même, après tout.
Vous avez une journée pour poster un message de maximum 1500 mots. Vous pouvez utiliser un compteur de mots (trouvable ici). Vous pouvez faire moins de mots.
L’épreuve se termine dimanche 10 décembre à 23h59.
La forme est intégralement libre.
Vous pouvez présenter au début de votre post votre personnage et son univers si vous jugez cela utile. Cela ne compte pas dans les 1500 mots de votre réponse.
Vous pouvez préciser au début de vos posts du vocabulaire spécifique à votre univers. Cela ne compte pas dans les 1500 mots de votre réponse.
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Bon jeu !
- Jia HiraiInvité
Re: Epreuve 5 - Just Married
- Précisions:
- Sur le contexte Just Married :
Au bord de l'effondrement démographique, l'Etat japonais a créé le super-programme de l'Incontestable pour sauver sa nation. Addict aux paliatifs technologiques, vivant par proxy au travers d'écrans et de gadgets, délaissant complètement la relation à l'humain, le peuple japonais s'est retrouvé pucé comme du bétail. L'objectif ? Créer des couples artificiels grâce à la compatibilité de parfaits inconnus, qui sont alors déclarés unis par les liens sacrés d'un mariage aux clauses mortelles. Les jeunes époux doivent apprendre à se connaître et se supporter. Certains citoyens se retrouvent dans des relations allant contre leurs valeurs, voire même contre leurs sexualités, car l'Incontestable règne en maître et les données ne mentent jamais. Derrière la propagande et les heureuses unions, le régime de l'Incontestable est sans pitié. Toute contestation ou manquement à ses devoirs est sévèrement réprimé. Une dictature nécessaire et une réussite, redonnant peu à peu vigueur à une société malade.
Sur le personnage de Jia :
Jia est une jeune femme de 29 ans, d'origine coréenne, et qui a été adoptée à l'âge de 5 ans par un couple japonais en 2091. Très aisés, ses parents adoptifs ne vont cependant jamais lui accorder une grande attention, encore moins de l'affection. Après tout, son adoption est le résultat d'un ordre de l'Incontestable suite à des problèmes d'infertilité de la part de l'un des époux. Heureusement, ses “parents” ont réussi, quelques années plus tard, à donner naissance à deux enfants successivement. Mise de côté à ses dépens, c’est sûrement la meilleure chose qui lui a permis de retrouver de la liberté quant à ses déplacements, ses fréquentations et son emploi du temps.
Malgré une adolescence heureuse, ces dernières années ont été parsemées d’événements qui ne feront que la renforcer dans son choix de se barricader, elle et tous ses sentiments qu'elle ne veut éprouver : une fausse couche à la vingtaine, sa première rupture, l’arrêt de ses études de droit, le décès de sa meilleure amie après une catastrophe naturelle, un premier mariage fortuit avec une femme qui deviendra son amie, des copains et coup d’un soirs sans importance –ou plutôt, avec lesquels l’échec de la relation est courue d’avance.
Non, elle ne veut plus jamais prendre le risque de couler, quitte à rester sur le quai à tout jamais. Pourtant, ce n’est pas ce que l’Incontestable a décidé. Trois mariages accumulés, Jia est l'exception du mariage unique dans cette dictature tant admirées par la plupart des japonais. Remariée depuis la semaine passée, elle vient tout juste de rencontrer aujourd'hui son nouvel époux pour la vie -ou du moins, jusqu'au divorce qu'elle anticipe. Toson Hirai. Pourtant, très vite une complicité insoupçonnée se forme après quelques heures à se côtoyer et son sarcasme aiguisé... Combien de temps va-t-elle s’obstiner à le rejeter ? Le tester pour lui trouver toutes les raisons de le détester ?
Quant à son caractère, difficile de le cerner tant ses agissements peuvent parfois paraître inexpliqués. Si quelques adjectifs devaient être cités, par formalité, ça serait : spontanée, franche mais rusée (si le mensonge doit être utilisé, elle le fera sans sourciller), pessimiste mais délurée, elle adore utiliser le second degré.
TW : FAUSSE COUCHE, ADOPTION, LANGAGE FAMILIER
Après ce petit jeu d’action ou vérité, jeu durant lequel tes réponses ont fusé sans laisser ton esprit y appliquer ton filtre habituel pour préserver tes plus profondes pensées, tu vas te coucher dans ce nouveau lit partagé pour moitié en ne pouvant t’empêcher de ressasser cette dernière question posée. La dernière question qui t’a été adressé :
─ Si tu devais donner un conseil à toi quand tu étais enfant, ça serait quoi ?
Déstabilisée, le temps a filé plus que les trois secondes autorisées.
Manqué ; tu viens de merder.
Une gorgée du whisky avalée, la partie a repris comme si de rien était tandis que tu as bredouillé, sans aucune garantie, que la Jia enfant devrait apprendre à montrer davantage ses vrais sentiments.
As-tu eu raison ou tort ?
Si tu avais eu ce pouvoir
Serait-ce ton seul purgatoire ?
C’est bourrée de doutes que tu t’endors.
Je la vois. Elle est là, devant moi. La petite Jia, âgée de cinq printemps déjà.
Toujours le même teint porcelaine, les cheveux ébènes et le regard en peine. Cela ne fait qu’une semaine qu’elle a quitté la Corée parce qu’elle s’est fait adopter par ce couple d’étrangers japonais.
Si certains, encore aujourd’hui, considèrent mon adoption comme la meilleure des aubaines, ils se méprennent. Pour moi, elle continue juste d’alimenter ma haine vers ceux qui m’ont entourée de personnes hautaines, piégée dans une étoffe beaucoup trop mondaine, trop inhumaine. Émotion exacerbée, elle l’est d’autant plus lorsque je me retrouve face à cette enfant faisant soulever frénétiquement son abdomen.
Je ne peux m’empêcher de la scruter de la tête aux pieds, sans aucune possibilité de me détourner. Ou plutôt, sans la moindre volonté de m’en libérer.
Rien, je n’ai rien oublié.
En retrait dans sa nouvelle chambre qu’elle n’a pas encore apprivoisée, la même qu’elle ne va que peu personnaliser malgré les années durant lesquelles elle va l’occuper, les larmes ne cessent de couler pendant que le reste des habitants dorment à poings fermés. Ressentant chaque vague d’angoisse l’attaquer, chaque déception du jour la tirailler, je me suis d’abord tue dans l’obscurité comme si j’allais me contenter de l’observer.
Cependant, j’ai sous-estimé les blessures que ça allait raviver.
Alors, dans un excès de naïveté, je me suis approchée de ce petit être recroquevillé dans un coin de la pièce bien trop lustré comme si, même les matériaux utilisés, vous criiez que vous n’y aviez pas votre place. « Bande de dégueulasses, quittez immédiatement cet espace bien trop classe », je les entends, à chaque pas, ces voix qui l’ont mise dans cet état.
Enfin arrivée à sa hauteur, je décide de m’abaisser avant que mes bras viennent l’encercler d’une extrême douceur.
Léger parfum enfantin, la nicotine qui va dans quelques années s’y accrocher en est encore si loin. Je ne peux que l’apprécier, malgré les spasmes entre mes doigts que je tente de canaliser. Sans me rejeter, la fillette n’essaie même pas de contester. Etais-je donc si facile à aborder ? A enlacer ?
Je ne me rappelle pas ce trait de ma personnalité, tout comme je ne me souviens plus être capable d’autant sangloter.
Et puis, une idée me traverse et me transperce ; celle de tout lui révéler pour la protéger. Me protéger.
Si je lui avoue que ses parents adoptifs ne vont jamais s’intéresser à la vraie personne qu’elle est, que ce soit ses passions ou ses relations, et encore moins combler ses besoins d’affection, cela va-t-elle la soulager dans son processus d’acceptation ?
Quant à son premier amour, je ne pourrai l’empêcher de l’aimer ou de finir blessée après qu’ils se soient quittés, mais lui faire poser un stérilet empêcherait peut-être cet embryon de s’implanter avant de la quitter quelques semaines après s’être accroché par inattention.
Et puis, il y a tant d’autres événements, s’ils avaient pu être anticipés, que j’aurais aimé éviter.
Le tourbillon des regrets commence à m’emporter en son épicentre pour me fustiger. Et Koharu, ma meilleure amie, aurait-elle pu être sauvée de ce typhon si je l’avais cherchée pour l’emmener hors de son sillon ? Aki, aurais-je entamé une relation avec lui si j’avais été avertie qu’il entacherait ma dignité en me trahissant ainsi ? Sérieusement, une tromperie...
Emportée par l’ouragan que mon propre esprit a créé, il a cessé lorsque ses lèvres ont commencé à bouger.
─ Merci, finit-elle par m’adresser. J’espère un jour devenir comme vous.
─ Comme moi ? La demandais-je, interloquée par tant d’honnêteté.
Ses larmes déjà séchées, je me suis tant égarée que je n’ai pas remarqué à quel moment sa respiration a repris un rythme régulier. Sa spontanéité m’ayant frappée, la surprise avec laquelle je l’ai réceptionnée était grossière à souhait. Mon sourcil arqué, je crois même être démasquée. Pendue à ce qu’elle va m’annoncer, je recule comme je peux, agenouillée, cassant l’étreinte que j’avais formé. Notre bulle vient d’éclater et je me sens revenir à la réalité.
─ Oui, gentille et jolie, m’assure-t-elle.
Son aveu, un vœu des plus niaiseux, a le mérite de m’arracher un rictus amusé. Comme si ces qualités suffisaient... avant de penser :
Que c’est bon d’être un enfant, finalement.
Le reflet de son innocence, de mon ancienne ignorance, m’interpelle à me faire revoir mes conseils. Et si, toutes les épreuves surmontées, les mêmes que j’ai toujours considérées comme des séquelles responsables de mon mal-être, soient également celles qui m’ont appris à me connaître ? Aurais-je envie de devenir une autre fille ? Ne pas rencontrer mes futurs amis ? Prendre le risque de ne jamais m’intéresser à la photographie ?
─ Merci mais tu l’es déjà, la rassurai-je en lui caressant ses cheveux emmêlés, replaçant derrière son oreille l’une de ses mèches rebelles avant de continuer, pleure autant qu’il le faudrait si cela te permet de te libérer. Apprends à le faire, même en public. Ce n’est pas une forme de faiblesse mais de force que d’exposer ses peurs. C’est ce qui va te permettre de ne pas te perdre.
─ Me perdre ?
Elle répète. Je me sens bête ; après tout, ce n’est qu’une mouflette et j’utilise un vocabulaire bien trop indirect.
─ Tu verras, dans la vie, beaucoup de personnes vont y entrer et en sortir. Ça sera aussi joyeux que douloureux, comme aujourd’hui, mais il y a une personne qui ne va jamais te laisser tomber, Jia, jamais. Elle sera toujours avec toi, quoi qu’il arrive alors tu devras en prendre soin. En plus, tu la connais déjà. Tu sais de qui je parle ?
─ Non ?
A sa réponse attendue, je me permets de poser mes doigts sur ses frêles épaules avant de mettre fin à tout malentendu.
─ De toi. Tu es la première personne que tu vas devoir aimer. Ne l’oublie jamais, c’est envers toi-même que tu vas devoir fidélité, dans la joie comme dans les épreuves.
Si tu le fais, nous réussirons toujours à nous relever. C’est la meilleure solution que j’ai trouvée pour t’accompagner dans le chemin auquel tu vas te destiner sans t’effrayer ni te dégoûter car, si tel est ton souhait, de me ressembler, tu ne devras rien changer. Absolument rien car chaque changement, aussi insignifiant, pourrait t’empêcher de devenir la jeune femme de vingt-neuf ans que tu sembles admirer tant.
A force de te tourner et te retourner, tu finis par te réveiller le cœur battant et les yeux larmoyant.
Putain d’illusion, quelle imagination !
Comme si tu pouvais revenir en arrière,
Et accepter sans broncher,
Le futur sans tenter de l’influencer ou le modifier.
Tu t’es prise pour Molière ?
Un souffle plus bruyant que les précédents vient balayer tes songes les plus délurés pour tenter de t’apaiser et te permettre de retourner dans les bras de Morphée - ou, à défaut, contre le dos de la nouvelle personne somnolant à tes côtés. Juste un instant, quelques secondes seulement, c’est ce que tu t’es dit pour justifier cette proximité et ce besoin d’être enveloppée de sa chaleur sans qu’il n’en soit jamais informé.
Ce que tu as omis de révéler, c’est que cette version enfantine a également voulu te transmettre un message que tu sembles réfuter. Sûrement n’étais-tu pas encore prête à l’accepter, cette vérité, qui ne cesse pourtant de te marteler à coup de pulsations cardiaques désordonnées ; il te plaît. Toson te plaît plus que tu ne le voudrais, au-delà de ces obligations qui vous sont imposées et des sommations que tu tentes de te dicter.
─ D’accord, mais c’est un peu triste de n’aimer que soi... Je veux dire, quand je grandirai, mon cœur augmentera alors je risque de m’y sentir de plus en plus seule... Ce n’est pas ce que vous avez fait, pas vrai ?
A cela, je n’ai plus rien répondu.
Elle a compris que nous ne sommes pas des inconnues.
En fin de compte, inutile de discuter ;
J’imagine qu’il est impossible de se dénaturer.