- CireInvité
Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:46
ATTENTION !
Nombreux TW : Violences (guerre, agression, meurtre, mort, scènes macabres, vomi, coups et blessures…) tout au long du RP.
Les terres autrefois abreuvées de larmes et d’efforts, ne sont plus que sillons sanglants, engraissés aux vies disséminées. Plus de fermiers pour les cultiver, les champs foulés laisseront place aux chardons et bromes stériles. Passés les batailles, ces braves coulent des jours désormais paisibles en contemplant la voûte terrestre et l'enchevêtrement des racines de pissenlits comme autant de nuages filandreux. Reposant aux pieds de remparts démantelés, tel un sourire aux dents cariées dont les chicots se dressent encore fièrement, d’autres, moins chanceux, attendent encore leur place au havre, emmitouflés dans un drap blanc. Les chrysanthèmes fleurissent là où labourer ne fait plus pousser le blé.
Dans la ville hippodamienne, autrefois palpitante de vitalité, les artères de circulation ne sont plus que désordre et confusion, un dédale de couloirs fantomatiques délimités par des montagnes de gravats et de souvenirs brisés. Des cieux, la violence s’est écrasée, prenant la forme d’une pluie ardente et dévastatrice, faisant trembler le sol, s’écrouler les murs. Par les plaies béantes et jusqu’au cœur de la cité, les assaillants se sont infiltrés répandant sur les pavés éclatés les empreintes sombres de leur cruauté. Seul le temps, s’il ne se montre pas trop clément, pourra délaver le grenat souillé et purifier les rivières vermeilles.
Les habitations, autrefois fières et animées, ne sont plus que carcasses vides et silencieuses, ou craquantes sous la poussée du vent. Ravagées par les flammes voraces dévorant tout sur leur passage, il ne reste que des débris calcinés qui n’ont pu être digérés. Comme un halo macabre au-dessus des ruines, rappel narquois des folies destructrices, une fumée âcre, persistante, danse. A qui s’en approche, elle fait tousser et, chaque inhalation est un rappel des pertes quand l’expiration est une douleur qui ne fait que charger l’atmosphère déjà lourde de désespoir.
Aux portes Nord, face au vent qui emporte au loin les relents de la destruction, autour de quelques sages, les survivants se sont rassemblés. Des camps de réfugiés ont émergé comme des oasis de survie. Les uns rassemblant eau potable et rations, les autres portant secours. Ont commencé à être appelés héros ceux qui s'efforcent de sauver des vies. Dans les abris de fortunes, les médecins se relaient aux bouchers qui n’auraient jamais imaginé apprendre à soigner. L’heure de la lutte pour la survie à sonner. Même si dans ce bourbier d’incertitude, certains doutent encore de l’avenir, se demandant si un pas dans la boue est un pas vers la résilience ou une enlisante désillusion.
Ville égarée entre deux monstres de royaume, point insignifiant sur une carte, elle est le siège d’une bataille entre titans. Le monde est fou et avant que la folie ne les frappe eux aussi comme se propage une maladie, que les rues résonnent à nouveau du tumulte des combats, que les vivres deviennent des trophées dont chaque miette est une victoire sur l’autre, que la famine emporte les plus faibles, les habitants se préparent à quitter la terre qui les a vu naître. De ses cendres, tous le savent, elle ne se redressera pas.
Dans le camp, le regard fatigué, mais résolu, Cire réanime le feu d’un foyer vacillant. Ses gestes sont précis mêlant routine matinale et urgence des situations. Son teint pâle et ses cernes témoignent de sa nuit agitée. Journaliste de guerre depuis des années, elle ne s’habitue malheureusement pas aux théâtres de destruction et ses cauchemars se font un plaisir de le lui rappeler. En silence, elle prépare du thé, un rituel apaisant qui trouve un semblant de normalité au cœur du chaos de son esprit. Les pans de la tente voisine à la sienne s’ouvrent à leur tour. Toson. Entre les deux âmes épuisées par les horreurs qu’elles ont vues, la connexion est éphémère, mais se passe de mots inutiles. Elle sourit et lui tend une tasse fumante. Par-delà les portes, la lumière des étoiles vacille et s’éteint quant à l’horizon l’indigo s’éclaircit et qu’un premier rayon timide vient caresser la ville endormie.
Et soudain.
Le cor sonne la chasse.
Ainsi commence la purge des survivants.
- Toson HiraiInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:49
L’herbe macérée dégageait une senteur charbonneuse ; je remerciais Cire d’un pénible coup du menton alors que la nuit amassait sous mes yeux ses factures. L’aube décocha sa flèche à travers la fente du tissu et je me posais en tailleur en-face de ma compère, les épaules rompues, la nuque défaite, les mains pleines de poussière. Rester statique me rongeait les os : il me semblait que nous étions tous plongés dans le cauchemar d’Orphée, qu’il nous fallait sortir des Enfers maintenant et sans se retourner, je sentais près de ma joue le souffle d’Hadès. Mais l’espoir plombait les ardeurs, il avait ce goût de mie de pain roulée dans la terre, cette soupe trop pleine d’eau qui noyait ses saveurs. A quoi bon ? se lamentent les survivants qui après avoir vu le serpent de la destruction s’abattre sur eux, s’imaginaient qu’ils frapperaient à nouveau quand ils auraient reconstruit leur vie. Le monde était injuste et s’y acharner, un délire.
Puis ce cor… Oh non, ce cor… ! Impossible, impossible ! Ma surprise sacrifia ma tasse de thé. Puis un autre, venant de l’est.
— ON DÉGAGE !
J’attrapai Cire par l’avant-bras sans sommation et la tirai à l’extérieur. Les réfugiés démunis s’étaient arrêtés, jaugeant le pire. Je dégainai un mauser et tirai deux coups sonores en l’air.
— CACHEZ-VOUS ! FUYEZ TOUS, CACHEZ-VOUS !
Je croyais la libido guerrière éteinte, épongée par les massacres récents, mais non… À cette date, trois ans plus tôt, deux armées s’étaient massacrées sur un lac qui restait encore aujourd’hui, rouge et noir du sang versé. Deux années, une ville avait été purgée dans des circonstances mystérieuses sans qu’aucun assaillant n’en fut la cause. Un an à peine, tous les dragons de la région s’étaient entre-dévorés jusqu’à ce que le vainqueur finisse la panse explosée, souillant la terre de ses boyaux sur trois hectares.
C’était le jour fou.
Et nous étions au centre du cyclone. Deux bandes allaient nous pulvériser dans un chaos imminent. Quoi de pire ? La guerre était dictée par les officiers mais les massacres étaient portés collectivement par les soldats. Et ils étaient tous de sortie, et j’imaginais qu’une seule chose les empêchait de sauter à la gorge de leurs compagnons de suite : nous.
Le désastre commença bien avant qu’ils ne fondent sur nous : les survivants se mirent à hurler dans tous les sens, lâchant, poussant, beuglant, piétinant, rampant, priant Dieu ou l’injuriant, se précipitant dans toutes les directions dans un ballet anarchique. J’en vis même un, la poigne entourant un surin, chercher à le planter dans l’épaule d’un écuyer prêt à monter en cheval. Je tirai dans leur direction, immobilisant les protagonistes.
— RESTEZ CALME OU VOUS NOUS TUEREZ TOUS ! Ce n’était pas une belle image : la stricte vérité. CALMEZ-VO…
Puis un obus-colibri faucha le cheval comme s’il ne pesait rien, l’écrasant contre une tente cinq mètres plus loin et le tout détonna dans une déflagration fulgurante, écrasant voisins et gravats contre les environs. La pagaille chez les survivants devint un chambardement volcanique, alors qu’une dizaine d’autres obus-colibris se plantaient dans les alentours, créant un bombardement infâme et soulevant la vieille cendre à nouveau, arrachant de nouvelles victimes à chaque frappe.
— GARDEZ-VOUS DE LA FOLIE, RESTEZ CALMES ! hurlais-je comme un dément, mais mon cri se perdait dans ce magma de vacarmes et de vagissements. CIRE ! l’invitais-je à courir à ma suite. Il n’y avait qu’elle que j’aimais véritablement ici.
Les baleines meurtrières de l’ouest s’en prirent au soleil et lui arrachèrent des morceaux de plasma ou brûlaient en essayant, jetant sur le monde une orgie apocalyptique d’éclipses et de nuits. Je courrais comme un dératé sans savoir où j’allais, puis un souffle de colibri m’emporta dans les airs, mais si pris dans la course, je la repris une fois retrouvé à terre, les muscles me stabilisant comme une bête sauvage dans ma chute, quitte à ce que retenant de toutes mes forces l’invitation de la projection, j’y perdis l’ongle de mon index gauche.
Puis ce cor… Oh non, ce cor… ! Impossible, impossible ! Ma surprise sacrifia ma tasse de thé. Puis un autre, venant de l’est.
— ON DÉGAGE !
J’attrapai Cire par l’avant-bras sans sommation et la tirai à l’extérieur. Les réfugiés démunis s’étaient arrêtés, jaugeant le pire. Je dégainai un mauser et tirai deux coups sonores en l’air.
— CACHEZ-VOUS ! FUYEZ TOUS, CACHEZ-VOUS !
Je croyais la libido guerrière éteinte, épongée par les massacres récents, mais non… À cette date, trois ans plus tôt, deux armées s’étaient massacrées sur un lac qui restait encore aujourd’hui, rouge et noir du sang versé. Deux années, une ville avait été purgée dans des circonstances mystérieuses sans qu’aucun assaillant n’en fut la cause. Un an à peine, tous les dragons de la région s’étaient entre-dévorés jusqu’à ce que le vainqueur finisse la panse explosée, souillant la terre de ses boyaux sur trois hectares.
C’était le jour fou.
Et nous étions au centre du cyclone. Deux bandes allaient nous pulvériser dans un chaos imminent. Quoi de pire ? La guerre était dictée par les officiers mais les massacres étaient portés collectivement par les soldats. Et ils étaient tous de sortie, et j’imaginais qu’une seule chose les empêchait de sauter à la gorge de leurs compagnons de suite : nous.
Le désastre commença bien avant qu’ils ne fondent sur nous : les survivants se mirent à hurler dans tous les sens, lâchant, poussant, beuglant, piétinant, rampant, priant Dieu ou l’injuriant, se précipitant dans toutes les directions dans un ballet anarchique. J’en vis même un, la poigne entourant un surin, chercher à le planter dans l’épaule d’un écuyer prêt à monter en cheval. Je tirai dans leur direction, immobilisant les protagonistes.
— RESTEZ CALME OU VOUS NOUS TUEREZ TOUS ! Ce n’était pas une belle image : la stricte vérité. CALMEZ-VO…
Puis un obus-colibri faucha le cheval comme s’il ne pesait rien, l’écrasant contre une tente cinq mètres plus loin et le tout détonna dans une déflagration fulgurante, écrasant voisins et gravats contre les environs. La pagaille chez les survivants devint un chambardement volcanique, alors qu’une dizaine d’autres obus-colibris se plantaient dans les alentours, créant un bombardement infâme et soulevant la vieille cendre à nouveau, arrachant de nouvelles victimes à chaque frappe.
— GARDEZ-VOUS DE LA FOLIE, RESTEZ CALMES ! hurlais-je comme un dément, mais mon cri se perdait dans ce magma de vacarmes et de vagissements. CIRE ! l’invitais-je à courir à ma suite. Il n’y avait qu’elle que j’aimais véritablement ici.
Les baleines meurtrières de l’ouest s’en prirent au soleil et lui arrachèrent des morceaux de plasma ou brûlaient en essayant, jetant sur le monde une orgie apocalyptique d’éclipses et de nuits. Je courrais comme un dératé sans savoir où j’allais, puis un souffle de colibri m’emporta dans les airs, mais si pris dans la course, je la repris une fois retrouvé à terre, les muscles me stabilisant comme une bête sauvage dans ma chute, quitte à ce que retenant de toutes mes forces l’invitation de la projection, j’y perdis l’ongle de mon index gauche.
- CireInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:51
Le cor est une allumette jetée en l’air. Durant sa course jusqu’à la poudre et l’embrasement du chaos, Cire s’éteint. C’est trop. L’impératif retentit. Toson se saisit d’elle, la traînant comme un fardeau inutile hors du camp en déroute. Mais pourquoi courir quand c’est déjà la fin ? Le repos, inévitable, est à portée de main. Les premiers tirs retentissent comme l’appel à fuir. Tirée par le bras, Cire aurait pu tout abandonner, elle n’est qu’un spectre guidé par une lueur d’audace, de courage, de résilience. Elle est une épave ballottée par les courants quand Toson se fait phare d’humanité au cœur de l’anarchie. Seul repère, elle le suit, silencieuse, sa destinée ne tenant qu’à sa poignée et son prénom crié.
Elle n’entend plus. Si elle ferme les yeux, elle ne voit plus. Et elle pourrait rester là, allongée, la joue contre la terre détrempée. Se faire oublier. S’oublier. Disparaître. Et avec elle ses regrets. Qu’il serait doux de s'enliser. Ne plus penser. Derrière ses paupières closes, défilent les visages des personnes qu’elle a aimées. Elle se met à espérer qu’Il lui apparaisse enfin. Celui qu’elle a oublié. Il ne vient pas. Il ne vient jamais. Ne viendra jamais si elle s’écoute et se tait. Après tant d'années passées à Le chercher, finir sans avoir véritablement profité de sa vie lui laisse un goût amer. La bile lui emplit la bouche. Les relents âcres et métalliques de la boue lui agressent les narines. Un sifflement suraigu lui vrille le crâne, mais des explosions, elle n’en sent que les vibrations sous ses doigts et son corps malmené par la chute. Elle doit croire en sa survie. Pour l’heure, elle énumérerait sur un pouce le nombre de personnes qui croient en ses chances. C’est le seul ici-bas qui puisse compter vraiment.
« T-Toson… »
De sa torpeur, elle émerge. Dans le ballet infernal, elle s’élance à son tour et danse pour sa survie, le rythme des battements du cœur orchestrant sa terreur. Où est Toson ? Elle a perdu sa lumière. Elle hurle, mais sa voix ne couvre pas le vacarme, tant les rues résonnent des chœurs déchirants des survivants. Dans la folie meurtrière, le temps lui-même ne sait plus où écouler ses grains, distordant la séquence régulière des heures. Les nuits se succèdent inlassablement aux jours derrière le voile de cétacés, mais les minutes sont des fragments d’éternité. Les repères habituels se perdent dans la tourmente.
À travers la nuée, elle peine à se situer. Ses yeux piquent à cause de la fumée. Mais elle ne cesse de chercher supportant le spectacle des folles silhouettes qui s’impriment sur sa rétine. Le sifflement s’atténue. Elle retrouve l’usage de son ouïe. Si elle lui est nécessaire, Cire ne peut s’empêcher de penser qu’elle s’en serait passée. Un enfant, à l’innocence à jamais perdue, pleure à proximité. Le choix est dur. Elle le laisse. Sa frustration lui roule sur les joues. Un autre est bien plus important.
À deux rues d’elle, un groupe d’hommes armés remontent une avenue. Elle se cache. Si Toson les croise… Elle n’y pense pas. Se remet à courir. Ses sens sont saturés. Ses poumons brûlent. Elle doit le retrouver.
Là !
Elle l'agrippe par le bras. Elle l’arrête avant qu’il ne pense à un ennemi.
« C’est..! Moi ! »
Elle secoue la tête. Affolée. Essoufflée.
« Pas par là ! »
Elle se rassure.
Il est là.
- Toson HiraiInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:52
Je m’accroche à son poignet comme l’alpiniste à sa montagne qui tombe. A travers l’odeur de soufre et de terre retournée, à travers la ruche sanglante, à travers les mailles des meurtriers, des lames et des détonations, des tentes incendiées sous lesquelles deux réfugiés disparaissent en espérant sacrifier leur peau aux flammes pour échapper aux machettes, à travers la boue et les décombres et les acrobaties des ruines qui s’effondrent, je l’emporte.
L’effort du sprint fit jubiler mes jambes, raidir mes muscles, mes propres poumons s’étouffèrent au bout de quinze secondes, je tombais en apnée car le sprint était de l’apnée, je respirais goulument : on lançait tout son air hors de soi et on n’en récupérait que des miettes qu’on dilapidait à l’expiration suivante. Je courrais la tête éteinte mais les pieds avides, et comme une pauvre bête, je pris le plus grand plafond comme le meilleur des refuges : un grand bâtiment en pierre qui servait à l’époque de petit palais peut-être, à un quart effondré par les bombes des semaines précédentes.
Malheureusement, l’instinct n’était pas de l’inspiration car la majorité du camp s’était précipitée à son tour vers l’unique entrée dans un goulot mortel. Pris au piège dans une foule, j’eus l’impression de heurter un mur plus que de les bousculer ; d’autres arrivants écrasèrent Cire contre moi puis cinq cent personnes furent immobilisées sans mouvement, compressés les unes contre les autres. La nuée n’avançait plus, elle était à peine parcourue de spasmes désespérés.
Puis ils arrivèrent. Pour nous charcuter. Ils rongèrent les abords des démunis comme de l’acide, dispersant les plus chanceux à d’autres endroits du camp. La cause était perdue, on ne pouvait plus passer par-là, ils détricoteraient la masse jusqu’à nous bien avant qu’on arrive au seuil. D’une torsion de poignet, je fais passer le message à Cire.
Mon pistolet sanglant tire en l’air une fois pour nous donner un peu d’air : on en profite pour trouver une interstice et la creuser à coups d’épaule. On frappe, on bourre, on grince, on plie, on insulte, on s’étrangle, on renverse dans les derniers mètres : enfin on peut bouger les bras !
A la périphérie des condamnés, à trois mètres de nous, une hache foudroie un homme. Sa porteuse se prépare à abattre une seconde victime mais je la tins en joue, fermement, et si mon doigt appuyait sur la détente, je pourrais troquer sa vie à la place. Mais je ne le fis pas. Trop de risques, trop peur de rater, puis à la fin, je ne suis pas un meurtrier… Mon impuissance me dégoûta… si j’avais ne serait-ce que le dixième de la rage qui habitait ces monstres, si j’étais habité par cette violence bienfaitrice, ne pas être cette victime dépouillée de courage, je pourrais en tuer quelques-uns, leur apprendre la paix. Mon mauser se détend, honteux. L’injustice ne se traduisait pas tant dans le rapport de forces écrasant que dans la balance de la cruauté : ils avaient tout pris et ne me laissaient rien.
Bientôt, les deux armées ennemis se trouvèrent et comme deux énormes vagues, se fracassèrent sans merci.
L’effort du sprint fit jubiler mes jambes, raidir mes muscles, mes propres poumons s’étouffèrent au bout de quinze secondes, je tombais en apnée car le sprint était de l’apnée, je respirais goulument : on lançait tout son air hors de soi et on n’en récupérait que des miettes qu’on dilapidait à l’expiration suivante. Je courrais la tête éteinte mais les pieds avides, et comme une pauvre bête, je pris le plus grand plafond comme le meilleur des refuges : un grand bâtiment en pierre qui servait à l’époque de petit palais peut-être, à un quart effondré par les bombes des semaines précédentes.
Malheureusement, l’instinct n’était pas de l’inspiration car la majorité du camp s’était précipitée à son tour vers l’unique entrée dans un goulot mortel. Pris au piège dans une foule, j’eus l’impression de heurter un mur plus que de les bousculer ; d’autres arrivants écrasèrent Cire contre moi puis cinq cent personnes furent immobilisées sans mouvement, compressés les unes contre les autres. La nuée n’avançait plus, elle était à peine parcourue de spasmes désespérés.
Puis ils arrivèrent. Pour nous charcuter. Ils rongèrent les abords des démunis comme de l’acide, dispersant les plus chanceux à d’autres endroits du camp. La cause était perdue, on ne pouvait plus passer par-là, ils détricoteraient la masse jusqu’à nous bien avant qu’on arrive au seuil. D’une torsion de poignet, je fais passer le message à Cire.
Mon pistolet sanglant tire en l’air une fois pour nous donner un peu d’air : on en profite pour trouver une interstice et la creuser à coups d’épaule. On frappe, on bourre, on grince, on plie, on insulte, on s’étrangle, on renverse dans les derniers mètres : enfin on peut bouger les bras !
A la périphérie des condamnés, à trois mètres de nous, une hache foudroie un homme. Sa porteuse se prépare à abattre une seconde victime mais je la tins en joue, fermement, et si mon doigt appuyait sur la détente, je pourrais troquer sa vie à la place. Mais je ne le fis pas. Trop de risques, trop peur de rater, puis à la fin, je ne suis pas un meurtrier… Mon impuissance me dégoûta… si j’avais ne serait-ce que le dixième de la rage qui habitait ces monstres, si j’étais habité par cette violence bienfaitrice, ne pas être cette victime dépouillée de courage, je pourrais en tuer quelques-uns, leur apprendre la paix. Mon mauser se détend, honteux. L’injustice ne se traduisait pas tant dans le rapport de forces écrasant que dans la balance de la cruauté : ils avaient tout pris et ne me laissaient rien.
Bientôt, les deux armées ennemis se trouvèrent et comme deux énormes vagues, se fracassèrent sans merci.
- CireInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:53
« Viens ! »
Cire, suppliante, arrache Toson à sa contemplation le tirant loin du fracas des armes et des corps. Elle l’a vu hésiter, comme elle. Mais lui n’a pas renoncé à son humanité. Elle s’en veut encore, pour ceux qu’elle a croisés, n’a pas pu aider, sa propre vie, et celle de Toson valant plus pour elle que la leur. La honte l’afflige. Ce n’est pas elle qui porte les armes, pourtant ses mains la démangent du sang des innocents.
Les sens en éveil, elle surveille ces silhouettes qui hantent les ruines, non pas à la recherche de violence, mais de nourriture. Des créatures qui désespèrent de la famine en approche. Pour d’autres pourtant, l’heure du banquet arrive. Sur des fourneaux encore allumés, cuisent de belles pièces. Pour les amateurs, conviés à la table de Gargantua, ils n’auront que l'embarras du choix, blanc, cuisses, abats… Fumé, rôti, en méchoui. Pas le temps pour la finesse, attendrir la chair quand elle se fait coriace est déjà assez long. Sans assaisonnements, les portions sont industrielles, mais pour les plus gourmands gourmets, sont déjà servit quelques émincés, des rillettes, une farce à déguster.
Perchés sur un arbre millénaire, témoins muet de bien des conflits, les charognards attendent.
Ils s’engouffrent dans une maison, un abri provisoire. Les rideaux sont tirés. Courir sans destination ne leur est d’aucun secours. Il faut un plan. La discussion est rapide. Mais au moins, ils reprennent leur souffle, trouvent un peu d’eau. En silence, ils pansent leurs blessures. Elle a mal Cire, mais ne se plaint pas. C’est le prix pour sa vie.
Dans la cuisine, il ne reste rien des provisions. Peut-être dans une ferme au-delà des remparts, si elles n’ont pas déjà été attaquées. Elle n’y croit qu’à moitié. Ouvrant les tiroirs, elle hésite, mais en tire un couteau à la lame effilée, bien plus adaptée à sa main diaphane que toutes les autres machettes qu’ils ont pu éviter. Elle voudrait se dire qu’en tenant une arme, elle est prête à faire face aux conséquences. Elle n’en sait rien, sinon qu’avec le poids de cette froide responsabilité, elle ne veut pas hésiter. Pour leur survie.
Avec de la chance, le passage vers le sud est encore accessible. Ils y croient. Déterminée à passer sans y rester, Cire glisse sa main dans celle de Toson, la serrant de toutes ses forces pour être sûr de ne pas le perdre dans cette nouvelle course. Sa chaleur se répand en elle, réanimant les flammes de l’espoir.
- Toson HiraiInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:54
La victoire avait donné raison à leur violence : ils avaient installé au nez et à la barbe des dieux leur cercle de l’enfer et continuaient les réjouissances folles dans une nuit sans étoile, éclairés aux incendies. Durant ces ripailles meurtrières, mieux valait être camouflés dans les ombres comme nous l’étions, ou péris : les supplices agonisants des survivants capturés au loin mendiaient la mort.
Nous faufilant entre les ruines chaudes, il ne restait qu’une vingtaine de mètres avant de pouvoir nous élancer dans les champs du sud. Mais un dernier homme, un démon jaune aux oreilles de gobelin, les muscles noueux et tordus, vomissaient des gerbes de sang à l’écart, juste en-face. Ses malaises lui prirent une minute, puis deux, puis dix… L’attente était insoutenable. Un coup de feu pourrait passer inaperçu mais je n’osais pas. Je tremblais des genoux à l’idée de l’agresser. Alors nous attendions, dans le gel. Il finit par mourir seul.
Enfin sortis, il nous fallait maintenant ramper dans les pâturages jusqu’à la bâtisse : les nuées de libellules monstrueuses dévoraient encore les plantations, surmontant les alentours dans un bourdonnement monumental, et lever la tête du sol, c’était risquer de la perdre.
Nous avancions l’un contre l’autre, ventre et visage dans la boue, frigorifiés, le corps désarticulé sous l’effort, la tête torturée par le vrombissement dégénéré.
Il nous fallut plus d’une heure pour atteindre la moitié du chemin ; je demandais une halte, mes bras ne répondaient plus, lourds du froid et de la boue. Cachés dans notre sillon, entre les tiges, je pris Cire dans mes bras à la recherche de la moindre chaleur. Elle était épuisée, blessée, sale, mais ses yeux vivaient encore. J’essuyais de sa joue une épaisseur de margouillis. Et enfin, pour m’empêcher de hurler de folie à cause du bruit, je plantai mes dents dans son épaule.
Nous faufilant entre les ruines chaudes, il ne restait qu’une vingtaine de mètres avant de pouvoir nous élancer dans les champs du sud. Mais un dernier homme, un démon jaune aux oreilles de gobelin, les muscles noueux et tordus, vomissaient des gerbes de sang à l’écart, juste en-face. Ses malaises lui prirent une minute, puis deux, puis dix… L’attente était insoutenable. Un coup de feu pourrait passer inaperçu mais je n’osais pas. Je tremblais des genoux à l’idée de l’agresser. Alors nous attendions, dans le gel. Il finit par mourir seul.
Enfin sortis, il nous fallait maintenant ramper dans les pâturages jusqu’à la bâtisse : les nuées de libellules monstrueuses dévoraient encore les plantations, surmontant les alentours dans un bourdonnement monumental, et lever la tête du sol, c’était risquer de la perdre.
Nous avancions l’un contre l’autre, ventre et visage dans la boue, frigorifiés, le corps désarticulé sous l’effort, la tête torturée par le vrombissement dégénéré.
Il nous fallut plus d’une heure pour atteindre la moitié du chemin ; je demandais une halte, mes bras ne répondaient plus, lourds du froid et de la boue. Cachés dans notre sillon, entre les tiges, je pris Cire dans mes bras à la recherche de la moindre chaleur. Elle était épuisée, blessée, sale, mais ses yeux vivaient encore. J’essuyais de sa joue une épaisseur de margouillis. Et enfin, pour m’empêcher de hurler de folie à cause du bruit, je plantai mes dents dans son épaule.
- CireInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:55
Cire gémit. Un frisson parcourt son être, éveillant des cellules qu’elle pensait engourdies. Serrant l’homme qui perd pied, elle profite de son étreinte et sa chaleur. Avec un mouchoir sorti de sa poche, qu’elle déchire et mâchouille pour les imbiber de salive, elle en fait des boulettes et avec, bouche leurs oreilles.
Impérieuse, elle le redresse et le regarde. À l’horizon, le ciel s’éclaircit. Ils sont si proches du but !
Elle refuse qu’il se perde en chemin…
Elle l’embrasse.
Ça va aller !
Reposés, ils recommencent à ramper.
Sortant la tête des pâturages, soulagée, Cire ne s’attendait pas à ce que deux mains saisissent sa gorge. Le souffle coupé, apeurée, elle ne réfléchit plus. Empoignant sa lame, elle taillade.
Il lâche.
Il s'effondre.
Il ne respire plus…
Sur le seuil du logis, Cire, prostrée, tremblante, pleure la perte du dobbermain qui protégeait son territoire. C’est Toson qui, avant qu’elle ne les fasse repérer par les autres créatures, la soulève et l’enferme dans l'abri, où une nouvelle scène lui tire plus de larmes.
Quand le cauchemar s’arrêterait-il ?
Avisant la table à manger, elle en tire la nappe, prête à cacher à la face du monde ce qui la désole sur l’instant.
- Toson HiraiInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:56
L’humour d’un salopard valait aux champs qu’on venait de quitter un brasier dévorant. A voir l’horreur du salon, il aurait mieux valu pour nous qu’on y périsse... Puis, Cire semblait vouloir s’excuser auprès du chien. Peut-être que cela viendrait, pensais-je vers la fournaise, il suffirait que le vent nous porte chance…
Au salon.
Deux filles et un garçon, tous moins de dix ans, abattus à la masse. Leur mère certainement, haletant au sol à moitié consciente, un lourd tison à la main gavé de sang sec.
Elle avait cédé aux promesses de la date folle.
Son acte m’invitait à en faire de même.
La férocité sans égale des dernières heures semblait porter un rictus sur moi et m’insultait de lâche. Elle avait raison.
Du sofa gris je me saisis d’un coussin. Lourd. Je m’accroupis sur le ventre de la meurtrière et appliquai l’oreiller sur son visage. Puis je poussais, les dents serrées.
Au salon.
Deux filles et un garçon, tous moins de dix ans, abattus à la masse. Leur mère certainement, haletant au sol à moitié consciente, un lourd tison à la main gavé de sang sec.
Elle avait cédé aux promesses de la date folle.
Son acte m’invitait à en faire de même.
La férocité sans égale des dernières heures semblait porter un rictus sur moi et m’insultait de lâche. Elle avait raison.
Du sofa gris je me saisis d’un coussin. Lourd. Je m’accroupis sur le ventre de la meurtrière et appliquai l’oreiller sur son visage. Puis je poussais, les dents serrées.
- CireInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:57
Elle pourrait le laisser faire. Comme l’Autre, prendre la voie de la facilité. Son humanité, sa bonté, elle ne peut les voir s’envoler. Toson n’a rien à se reprocher. Il n’a pas à se faire juge et bourreau. Cire se jette sur lui, criant, tirant, poussant, de ses forces restantes, elle l'empêche d’exécuter sa sentence. Ils tombent, roulent et le tison bousculé, vengeur, la traverse.
Surprise, elle baisse les yeux.
De la pointe, elle ne mourra pas. Mais la douleur, insoutenable, la plonge dans l’inconscience.
Si elle survit aux flammes cette nuit, elle ne représentera plus que la météo des jours à venir.
- Toson HiraiInvité
Re: Epreuve 7 - Cire [The Otherlands] et Toson [Just married]
Jeu 18 Jan 2024 - 23:58
— A L’AIDE ! PAUVRE CONNE ! je lui pleure dessus.
Mes mains poussent, pour guérir cette fois-ci. Le sang imbibe sa chemise à travers mes doigts et la flaque se forme.
— A L’AIDE !
Deux heures passent à retenir sa vie, puis je m’écroule.
La soleil passe, intact.
Nous étions demain.
Cire respirait.
Mes mains poussent, pour guérir cette fois-ci. Le sang imbibe sa chemise à travers mes doigts et la flaque se forme.
— A L’AIDE !
Deux heures passent à retenir sa vie, puis je m’écroule.
La soleil passe, intact.
Nous étions demain.
Cire respirait.
Permission de ce forum:
Vous pouvez répondre aux sujets dans ce forum