[Terminé][Fête de la Paix] Dansez, buvez, embrassez qui vous voudrez ! [libre]

La jeune pirate enfila une veste par-dessus sa chemise blanche. Ce soir, elle avait fait un effort, et tenté de discipliner ses courts cheveux blonds, toujours en bataille. C’était la fête, après tout, et tout le monde était là.

- Lëlie ! Tu es prête ?

C’était Alban qui l’appelait.

- Oui, oui, j’arrive !

Elle l’entendit rire, et dire à ses matelots quelque chose du genre « Et voilà, encore vingt minutes à attendre … Ah les femmes ! ». Elle secoua la tête, et ne serait-ce que pour lui donner tort, elle sortit de sa cabine, tête nue. Ce soir, elle ne porterait pas de chapeau.

- C’est bon, princesse, on peut y aller ?

Le ton de son grand frère était goguenard, et une main vint lui ébouriffer les cheveux, ruinant tous ses efforts.

- Mais !
- Tu es plus mignonne comme ça, va, petite souris.

Elle lui tira la langue, avant de s’accrocher au bras de ce grand homme séduisant aux cheveux longs qu’était son frère. Ensemble, accompagnés de leur équipage, ils quittèrent leur fier navire. Ce soir, l’ambiance était joyeuse. Deus Wiseman, qu’elle n’avait jamais apprécié, était mort la veille. La guerre était donc finie, l’armistice signée, et il n’y avait ni gagnant, ni perdant. Eux rentraient d’un fabuleux voyage qui avait commencé le 19 Zabulonien, juste après sa rencontre avec la gamine flippante. Ils avaient discrètement sillonné les mers, afin de trouver un trésor. Et ils avaient fini par mettre la main dessus ! Deux ans auparavant, un navire marchand avait été sabordée et coulé, et jamais on ne l’avait retrouvé. Jamais ne faisant pas partie du vocabulaire de son frère, ils avaient fini par mettre la main dessus. Et il fallait dire qu’il y avait un sacré butin ! Aëlia était plutôt contente de ce coup-là, même si elle savait avoir loupé Odéline, qui avait plusieurs fois tenté de la contacter. Pourquoi ? Mystère ! Elle n’avait rien dit. Aussi, si elle ne la croisait pas ce soir, elle irait la voir demain. Maintenant que la Reine était revenue à sa place, ça devait être plus calme chez elle. La Reine … Aëlia l’avait aperçue, et elle n’avait vraiment pas l’air à la fête, la pauvre. C’était sûrement l’enterrement qui lui avait un peu plombé le moral.
Face à eux s’étendait une vaste étendue de tables pleines de vivres, et il y avait des petites scènes partout avec des conteurs. Le spectacle, le grand spectacle était fini depuis longtemps, mais il y avait toujours des musiciens, et des gens qui dansaient. C’était très beau. Il y avait de grand chapiteaux qui les réchauffaient, et surtout les protégeaient de la pluie. La lumière semblait jaillir de nulle part. Les gens, malgré beaucoup de touches noires, marques du deuil porté par tant de familles, avaient pour la plupart un air joyeux. Aëlia jeta un regard vers l’arrière. L’Envolée était décorée, ses trois voiles déployées. Des lumières brillaient à toutes les fenêtres, et il y avait des lanternes colorées le long de mats et du bastingage. Leur bateau aussi fêtait la paix … Son regard revint aux tables.
Rapidement, la bande de joyeux pirates se trouva une place à table, et ils commencèrent à discuter avec leurs voisins. Pour de nombreuses personnes, la fin de la guerre était un énorme soulagement, tant au niveau familial, sentimental, qu’au niveau économique : le commerce reprenait. La joie ambiante était aussi expliquée par cela, se disait-elle.
Après avoir mangé, la jeune fille alla danser. Seule, faute d’avoir pu décider un des membres de l’équipage à partager la piste avec elle. Peut-être trouverait-elle quelqu’un là-bas pour danser, quoiqu’elle en doutât. Par contre, l’espèce de bar buffet qui n’était pas très loin de la piste de danse était, lui bien rempli. Aussi, après avoir dansé un peu toute seule, elle alla se récupérer un verre d’un cocktail tout bleu.

Kyril déambulait entre les petits groupes de convives. Il cherchait un visage connu, un visage auréolé de cheveux très blonds, avec au milieu de grands yeux très bleus pour être précis.
Sans succès jusque-là.
Mais il n'était pas sûr qu'Odéline avait prévu de venir à ce banquet après tout.

Depuis ses retrouvailles avec Odéline lors de la Fête de la Créativité, plusieurs semaines auparavant, il était resté aux alentours d'Elysée, passant beaucoup de temps à se reposer dans une sympathique auberge tout d'abord, puis il avait effectué quelques petits travaux, histoire de se payer au moins l'auberge en question et de quoi manger.

Après s'être refait une toilette, et avoir surtout brossé correctement sa fourrure, il était sorti dans les rues pour rejoindre le banquet organisé dans les Champs en l'honneur de la paix...
Il slalomait donc entre les jambes/pattes des invités présents en cherchant des visages connus lorsqu'il arriva jusqu'au bar, où une jeune femme blonde légèrement décoiffée était en train de recevoir un cocktail... tout bleu !
Le kitsune tira la langue, dégouté devant la boisson à la couleur peu naturelle.

Puis il se figea.
La tête de cette fille lui disait quelque chose...
Sentant venir le flash de souvenirs, il serra les dents, et souffla à fond. Les images défilèrent dans sa tête : une banquise mouvante, de l'eau, du froid, des équipes, un gros palet, des éclaboussures d'eau...

Alors qu’Aëlia éclatait de rire à la blague de l’homme qui lui servait le cocktail, et qui manifestement tentait de la séduire pour la nuit, elle se sentit observée. Fronçant les sourcls, elle regarda autour d’elle. Pourtant, personne ne l’observait, personne ne semblait même penser à elle. Elle elle baissa les yeux, et vit.
Le même petit renard que celui du curling des Jeux Olympiques où, pour la dernière fois, elle avait revu Garmyr, oui, le même. Mais moins inquiétant. Et toujours inaccessible par la pensée. Et c’était lui qui la regardait. Les yeux plissés, elle lui rendit son regard. Il avait cesé de baver et de chuinter, et ses yeux n’étaient plus rouges. Son poil paraissait plus propre et brillant. Pourtant, des renards de ce type, on n’en croisait pas tous les jours. Surtout avec ce nombre de queues. Puis, se disant que c’était vraiment trop bizarre, elle lui sourit.

- Salut ! J’avais pas vraiment eu le temps à la fin de l’épreuve, mais merci. C’est un peu tard pour te le dire, mais tu nous avais vraiment aidés à gagner, tu as sûrement été le membre de l’équipe le plus efficace, tu sais.

Disant cela, elle souriait, toute pleine de fossettes, et tentait à la fois de percer l’espèce de barrière mentale qu’il possédait.

La jeune femme venait de tourner la tête vers lui.
Oui, c'était définitivement elle dont il se souvenait pendant cette journée de... "curling" ? Sa mémoire était encore trop floue pour tout comprendre. Qu'est-ce qu'il avait pu bien faire dans une épreuve de curling ?
Soudain, elle lui sourit et parla, le remerciant de sa participation à cet événement.

- Euh... merci.

Que dire d'autre ? Qu'il ne se rappelait pas de cette journée ? Qu'il n'était pas lui-même à l'époque ?
Non, ça, c'était mentir...
Tandis qu'un silence s'installait, Kyril sentit une pression familière sur ses barrières mentales. Un télépathe était dans le coin, et tentait de le sonder. D'ordinaire, il n'y prêtait pas vraiment attention, car les télépathes avaient tendance à scanner sans faire exprès les gens qui les entouraient, et cessaient généralement de s'intéresser à son esprit après quelques secondes mais là, la présence se faisait de plus en plus insistante.
Il était confiant dans ses barrières passives : il avait de l'entraînement, après avoir passé presque deux décennies à vivre près d'un télépathe qui avait fait un jeu de tenter de lui rentrer dans la tête. De plus, il savait parfaitement traiter avec ce genre d'intrusions mentales.

Le kitsune tourna la tête à gauche, à droite, cherchant dans la foule des invités un autre regard fixé sur lui...
Ne trouvant rien, il revint à la jeune fille face à lui et, avisant le cocktail tout bleu, il demanda histoire de ne pas paraitre malpoli :

- C'est une question idiote, mais tu ne trouves pas que cette boisson a un aspect tout sauf appétissant ? On dirait du jus de méduse.

Il sourit à son tour.
Intérieurement agacé par ce télépathe insistant, il se décida à ouvrir pendant une fraction de seconde ses barrières mentales... et d'en profiter pour balancer un hurlement mental de toute la force de son esprit. Il reforma ensuite ses protections, un air satisfait sur son faciès de renard.

Il avait l’air un peu désorienté et ses barrières mentales étaient fortes. Ce truc était incroyable. Il sembla cherche quelque chose du regard, et revint à elle, alors qu’inconsciemment, elle cherchait à briser ces fichues barrières. Elle entendit sa question, et un rire commença à sortir de ses lèvres, qui se transforma en cri de douleur.
On venait de lui hurler dans la tête.
Lui.
Hurler.
DANS.
La.
Tête.
Désorientée, la télépathe cligna plusieurs fois des yeux pour retrouver son état normal.

*Putain, le con ! Ca fait méga mal, bordel !*

Elle jeta un regard furieux au renard. Celui-ci avait l’air tout content de lui. Avait-il au moins compris que c’é’tat à elle qu’il venait de faire subir cette horreur ? Peut-être pas.

- Dis euh … ça t’arrrives souvent de hurler dans l’esprit des gens ? Parce que si c’est le cas, je comprends mieux comment on a gagné l’épreuve. C’est assez désagréable. Fais gaffe à ce que ça te retombe pas dessus, un jour.

Elle soupira, et passa une main dans ses cheveux.

- Enfin, bref. C’était moi qui tentais de forcer tes barrières. Désolée, c’est plus par défi, et habitude que par réelle curiosité. Elles sont vachement fortes et bien barricadées, c’est rare. T’as tant de trucs que ça à cacher ?

Elle rit. C’était bien évidemment une boutade. Tout le monde avait des choses à cacher, et personne n’aimait qu’on fouille dans sa tête. Du moins, jusque-là, elle n’avait rencontré personne qui aime se faire disséquer l’esprit.

- Sinon, oui, ce cocktail a une drôle de tête, mais je préfère ça à celui à cinq couleurs bizarres. On dirait du vomi d’arc-en-ciel.

Elle le goûta.

- Il a meilleur gout que du jus de méduse par contre ! C’est aux agrumes. Tu veux boire un truc au fait …

Sa voix resta en suspens. Elle se rendit compte qu’elle ignorait son nom. Soit il n’avait pas été dit à l’épreuve, soit elle l’avait oublié et les deux étaient probables.

Kyril s'assit tranquillement, ses trois queues dansant derrière lui. Il ne s'attendait pas à ce que le télépathe curieux qu'il venait de rembarrer était en fait cette jeune femme. Il sourit, légèrement, toujours un peu agacé pourtant par cette tentative d'intrusion.

- Hmmm... ne te plains pas, c'est de ta faute. Je suis très sélectif sur ceux que je laisse entrer dans mes pensées, et je ne te connais pas.

Il connaissait beaucoup de choses qui devaient rester secrètes aussi ; ses origines, sa mission...
Entres autres.
Son talent pour les barrières mentales était une des raisons de son départ en solitaire pour cette mission. Même s'il avait raconté les raisons de sa présence à quelques personnes au final...

- Mais je promets de ne pas t'en vouloir, si tu veux bien demander une bière au barman pour moi, car je doute de pouvoir me faire entendre de lui même si je crie. Et je suis Kyril.

Elle lui tira la langue, espiègle, lorsqu’il lui dit que c’était de sa faute. Puis, elle hocha la tête, et se tourna vers le barman.

- Hé ! Tu peux me donner une bière, s’il te plaît ?

Après un ou deux instants de flirt, elle eut la bière. Se tournant vers Kyril, elle perdit un instant son joli sourire.

- C’est tellement épuisant.

Elle passa une main lasse sur son visage d’ordinaire si joyeux, et, comme si elle avait mis n masque, ses yeux se remirent à pétiller, son sourire à briller, ses fossettes à se creuser. Elle lui tendit sa bière.

- Tiens. Pardonnée ? Je m’appelle Aëlia, d’ailleurs. Aëlia Merirosvo.  Mon nom a été dit je crois, mais il serait normal de l’avoir oublié.

Elle lui sourit.

Kyril l'observa pendant une seconde lorsqu'elle lâcha une remarque d'un air fatigué après avoir été draguée par le barman. Etrange, elle était jeune, avait pourtant l'air bien dans ses bottes, et l'homme qui s'occupait des cocktails "vomi d'arc-en-ciel" ne manquait pas de charme. Feindre un sourire devant un flirt était une réaction inattendue.
Bah ! Ça ne le concernait pas vraiment...

Elle lui tendit la bière.
Demanda si elle était pardonnée.
Lui dit son nom.
Kyril se mit à rire.

- Pardonnée, oui. Tant que tu n'essaies pas de rentrer de nouveau dans ma tête en tout cas.

Il lui tira la langue à son tour, puis usa de télékinésie pour se saisir du verre, qui se retrouva à voler face à son museau. Il lapa un peu de sa boisson.

- Ah, ça vaut plus que le vomi d'arc-en-ciel, ça c'est sûr. Et navré mais je ne me souviens pas avoir entendu ton nom pendant cette épreuve de curling. Je l'ai entendu avant, et après par contre. Récemment même, et je trouve amusant de te rencontrer aujourd'hui. C'est Odéline qui m'a parlée de toi.

Il rit, et lui répondit avant de lui tirer la langue également. Bien, bien, bien, s’ils avaient tous deux ce type de réflexes ça allait peut-être marcher. Alors qu’elle allait lui promettre de ne plus recommencer tout en se disant que la télékinésie, c’était vraiment épatant, il lui répondit qu’Odéline lui avait parlé d’elle. Aëlia se figea, et tout d’un coup, elle eut l’air inquiète.
La dernière fois qu’elle avait vu Odéline, c’était lorsqu’elle avait pris Noïa en charge, elle celle-ci semblait soucieuse, avec une vie bien remplie au quotidien et très vide dans le passé. Nathalia était sûrement partie, et la jeune fille avait peut-être un problème. Cette déclaration cumulée aux tentatives de contact répétées l’inquiétait.
Portant, elle chassa vite cette expression de son visage, et sourit encore. Un peu. Mais un peu crispé le sourire.

- Qu’est ce qu’il lui arrive ? Elle va bien au moins ?

Elle le fixait de ses yeux noisette, et rajouta :

- Quand, avant, d’ailleurs ?

Tout cela l’intriguait.

- Elle va bien, aux dernières nouvelles. Elle a de quoi s'occuper, avec un hippogriffe, une armée de kiwis, deux conseillers et un bébé. Ça commence à faire beaucoup, et je ne sais pas comment elle fait pour tout gérer, mais elle a l'air d'y arriver plutôt bien.

Il prit le temps de laper un peu de sa bière, puis il envoya voleter le verre au-dessus de sa tête, telle une auréole d'un saint alcoolique.

- En fait, je pense que c'est à cause de moi qu'elle voulait te contacter. Je recherche un marin qui n'a pas le vertige pour une expédition, et elle avait évoqué ton nom lorsque je lui en ai parlé.
Sinon, c'est un homme-ours qui m'avait aussi parlé de toi, dans les Plaines Enéides, il y a longtemps. On avait évoqué nos consciences respectives...

Le kitsune sourit.

Si Aëlia avait souri son sourire se brisa.

- Oh … Alors, tu as connu Garmyr.

Sa voix elle-même était un peu éraillée. Elle souffla, afin de se reprendre. Elle devait se forcer pour ne pas tenter d’entrer dans la tête de Kyril, voler ses souvenirs, retrouver l’image de Garmyr. Les seules fois où elle avait reparlé de lui, c’était elle qui avait prononcé son nom, elle qui avait fait allusion à lui. On faisait généralement attention à ne pas lui parler de lui, et cette apparition inattendue de son souvenir dans son quotidien l’avait surprise, fauchée, essoufflée comme un coup de poing dans le ventre.
Néanmoins, elle se reprit bien vite, même si son sourire eut du mal à revenir.

- Elle est incroyable, cette gamine.

Elle fit une pause, et but elle aussi, sans faire flotter le verre cependant.

- En effet, je corresponds plutôt bien à la description.

Elle le regarda.

- Si tu veux qu’on en parle de façon un peu pus … fouillée, on peut peut-être s’éloigner du bar et de la piste de danse. Ca nous permettrait de mieux nous entendre.

Disant cela, elle désigna d’un signe de tête des coins un peu éloignés, lumineux, mais presque déserts, avec quelques chaises cependant.

A la réaction d'Aélia lorsqu'il prononça le nom de Garmyr, le kitsune comprit qu'il y avait de la peine de cœur là-dessous. D'ordinaire, il aurait volontiers enchainé en racontant en détails sa rencontre avec le métamorphe ours, mais il s'abstint. Inutile de remuer une blessure qui semblait encore lui faire mal. C'était compréhensible.
Par contre, ajouter quelque chose sur les autres sujets, ça il pouvait, et ne se gêna pas pour le faire :

- Odéline semble avoir... une force en elle qui pousse son entourage à lui faire confiance et à donner le meilleur de lui-même. Elle est la gentillesse incarnée aussi.
Tu as raison, allons nous mettre à l'aise si je dois te parler de cette expédition.

Son verre tournant autour de sa tête comme un petit satellite, Kyril se dirigea tranquillement vers un coin du chapiteau qu'elle avait désigné, s'installant sur une chaise d'un bond avant de s'y asseoir.
Il but un peu de sa bière, puis laissa le verre retomber doucement au sol non loin. Il attendit qu'Aélia le rejoigne et, tout en brossant machinalement la fourrure de ses queues avec son museau, il expliqua :

- Pour résumer, je dois me rendre sur un sommet des Montagnes Déméter. Cela va sûrement te paraître dingue, mais on m'a fait une vilaine blague, et on y a abandonné mon navire, que je tiens à récupérer. Comme le manœuvrer seul est impossible, j'ai besoin de quelqu'un qui sache naviguer, pour m'accompagner et participer à la manœuvre.
Avant que tu demandes ce que mon trois-mâts ferait là-haut... disons que c'est le cadeau plein d'humour d'une amie qui s'amuse à mes dépens.
Si tu m'accompagnes, je fournis matériel, nourriture et auberge assurée au moins jusqu'aux montagnes, et le voyage de retour est compris. Bien sûr, je te donnerai aussi un salaire pour ton aide.
...
Tu n'as pas le vertige ?

Kyril poussa un long soupir :

- Étrange, oui... surtout celle-ci...

Son air las dura une seconde, puis il retrouva un grand sourire :

- Merci de ton aide, Aélia ! Tu m'enlèves une sacrée épine de la patte en acceptant ! Trinquons, tiens ! Où est ce verre ?

Il tourna la tête à gauche et à droite, inspectant du regard le sol à la recherche de sa bière. L'apercevant finalement avec une exclamation enthousiaste, il usa de télékinésie pour l'amener près d'Aélia, avec un sourire d'excuse :

- Navré, c'est un peu bizarre de trinquer avec un verre en lévitation. Mais tu n'as qu'à imaginer que j'ai une main qui le tient. A une expédition réussie !

Il attendit qu'elle trinque avec lui, avant de boire une grande gorgée. Il fit claquer sa langue, puis poursuivit, un peu plus sérieux :

- A propos de l'expédition justement, Odéline voulait venir aussi. Pour la date, il me faudra plusieurs jours déjà pour rassembler le matériel. Si toi et Odéline êtes prêtes à ce moment-là, on pourra partir.

Son air las l’intrigua. Pourquoi restait-il amie avec cette femme, si elle le lassait tant ? Elle n’eut pas le temps de le lui demander que déjà sa face de petit renard retrouvait un grand sourire. Il fit voleter son verre jusqu’à eux afin de trinquer, ce qui fit de nouveau rire Aëlia.

- C’est compliqué d’imaginer une main à un renard, autant de queues qu’il ait, tu sais !

Ils trinquèrent à leur expédition, et elle but avec lui une grande gorgée de son cocktail bleu. Lorsqu’il lui annonça qu’Odéline serait sûrement là, un grand sourire emplit son visage.

- C’est bien ! Comme ça, ces messieurs verront tout ce qu’elle a à faire ! Quant à mes disponibilités … On rentre de voyage, e je pense qu’on  tous besoin d’une pause. Ca m’étonnerait qu’on reparte immédiatement se perdre dans les océans. Mon frère est avide, mais pas à ce point. Donc tu peux me contacter, je serai là le plus vite possible. Je vais faire en sorte qu’on reste dans le coin.

Elle lui sourit, et but encore. Les marins se souleraient sûrement toutes ls nuits. Elle, depuis sa mésaventure, elle était plus prudente.

- C'est plus facile à imaginer qu'une pince de crabe.

Kyril sourit, puis termina son verre, avant de le laisser retomber doucement au sol.
Il l'écouta attentivement, hochant la tête en imaginant la maison où vivait Odéline se transformer en joyeux capharnaüm une fois la maîtresse de maison partie, puis il pencha la tête sur le côté au mot "avide" ; des marins qui avaient ce qualificatif, il n'en connaissait pas beaucoup.

- Parfait ! Je me mettrai en quête du matériel pour l'expédition dès demain. Quel est le nom du navire où tu résides, que je sache où envoyer mon message une fois prêt ?
...
Tu reviens d'une chasse au trésor, c'est ça ?

Elle rit.

- Certes !

Il finit son verre, qui redescendit de lui-même au sol. Il avait une sacrée descente, le renard !

- C’est L’Envolée. Le trois-mâts, là-bas. Alban est assez connu, ça fait longtemps qu’il est pirate, et notre père l’était avant nous, il suffit de le demander. Il y aura toujours un d’entre nous pour te l’indiquer.

Disant cela, elle avait désigné leur bateau d’un geste. Il était bien joli, tout illuminé ainsi.
Une chasse au trésor ?

- Tout à fait. Ca fait partie de la vie de pirates !

Elle lui fit un clin d’œil, et finit d’un trait son verre.

Le regard du kitsune brilla lorsqu'elle lui montra le navire, au loin, éclairé plus encore qu'un char de Carnaval.
Puis il rit doucement, de plus en plus détendu visiblement. Sans doute la bière ingurgitée y était pour quelque chose...

- L'Envolée ? Haha ! Si tu es habituée à un navire portant ce nom, mon bâtiment ne te sera pas trop étranger ! Même si tu me mets un peu la pression en disant que ton frère est un célèbre pirate ici. Dois-je lui demander la permission avant de lui emprunter sa sœur ?
Très joli navire en tout cas, je n'aurai aucun mal à le reconnaître lorsque je viendrai te chercher. Je traîne souvent du côté des ports de toute façon.

Travailler avec des pirates ne le dérangeait pas, surtout ceux qui se donnaient franchement ce nom avec le sourire.
Il était un peu pirate lui-même. Un peu.
Quand sa Dame ne regardait pas.
Ou plutôt, il était proche de la vision romantique du pirate ; un marin qui naviguait partout sans se soucier des lois des hommes. Il suivait son propre code d'honneur et riait gentiment du reste.

- Hmmm... voir ton navire au loin me rend impatient de retrouver le mien. Ça fait longtemps que je n'ai pas navigué, et ça me manque...

Elle rit, un peu crispée, lorsqu’il lui demanda s’il fallait la permission d’Alban.

- Ne crois pas si bien dire. Alban est un grand frère très présent, et tu as intérêt à me ramener entière …

Elle eut un léger soupir. Si Alban, un jour, recroisait Garmyr, il tenterait de l’écorcher vif, immédiatement. Elle le savait. Oui, elle le savait parfaitement. Et il tuerait toute chose qui se permettrait de faire du mal à sa sœur. Il était pire qu’un père. Elle était son trésor. Un trésor absolu.
Elle rit ensuite.

- Si tu navigues dans les airs, forcément …

Ses yeux pétillaient.

- Si ça te tente, un jour, tu pourras venir avec nous. Un membre de plus sur le bateau importe assez peu, et on a déjà navigué à plusieurs bateaux. Ce serait avec plaisir, d’ailleurs !

- Oh, le retour sera une partie de plaisir. Le plus dur sera sûrement d'atteindre mon navire en premier lieu. Connaissant celle qui m'a joué ce vilain tour, elle a dû le mettre à un endroit difficile d'accès, ne serait-ce que pour empêcher le premier venu de s'approcher du navire dont elle est également propriétaire. Enfin... ça reste pénible.
Merci pour ton invitation mais, même si je compte bien faire au moins un baroud d'honneur lorsque je te ramènerai à ton frère saine et sauve, je rentrerai certainement chez moi peu après.

Kyril se gratta le cou avec une patte arrière, manquant presque de tomber de la chaise où il semblait trop gros pour tenir.
Après son long repos à l'auberge, il avait compris que sa mission avait été un demi-succès seulement, et qu'il ne parviendrait pas à faire grand chose de plus s'il restait en solitaire. La manœuvre de Maeko de le mettre sur la piste de son navire était un moyen pour elle de gagner du temps et il se doutait qu'elle préparait autre chose... Mais il préférait lui laisser cette victoire, rentrer chez lui pour faire son rapport et établir un vrai plan d'action.

Le kitsune cessa de se gratter puis observa Aélia en coin, souriant un peu.

- A t'entendre, ça n'a pas l'air de te surprendre d'entendre parler d'un navire volant. Tu en as déjà vu ou... ?

Elle sourit en le voyant se gratter et manquer de tomber. Il n’était pas gras, pourtant, mais il restait un animal, et n’était pas prévu pour être sur une chaise … Son récit aussi la fit sourire. C’était une bien drôle d’amie qu’il avait là, avec qui il partageait un bateau, et qui le lui cachait. C’était très étrange ! Elle passa sa main dans ses cheveux, alors que Kyril lui posa LA question qui la figea. Elle blanchit un peu, et le regarda  avec étonnement.

- Attends, quoi ? Ton navire est uniquement volant ? Je veux dire, ce n’est pas elle qui l’a enchanté, ou je ne sais quoi ?

En effet, c’était ce qu’Aëlia avait imaginé. Les tarimas et les Créateurs faisaient souvent n’importe quoi, aussi cela ne l’aurait pas étonnée outre mesure (et puis, il lui semblait avoir déjà entendu parler de quelque chose du genre). Par contre, un navire uniquement volant, ça … Ca, c’était étonnant. Et pas forcément des plus rassurants. L’air ne devait pas réagir comme l’eau, et  … Et ça allait donc être une belle galère. C’était Alban qui allait rire. Dans quoi s’était-elle encore fourrée ?

[J'ai l'impression que tu vois Kyril plus petit qu'il ne l'est ^^]

Kyril secoua la tête, ouvrant des yeux surpris devant une telle réaction :

- Je n'ai jamais dit ça ! C'est un navire normal, qui a reçu un enchantement pour me permettre de le soulever facilement avec ma télékinésie. Mais il peut tout aussi bien aller sur l'eau. Il faut l'y amener par contre. C'est là qu'est l'os.
Et mon amie n'est pour rien dans l'enchantement du navire. Elle a ce qu'il faut pour s'en servir c'est tout.

S'il avait pu, il aurait haussé les épaules en disant cette dernière phrase, mais il se contenta de lever les yeux au ciel.
Il se rendit compte après coup que la pauvre Aélia devait se sentir un peu perdue :

- Navré si mes explications restent vagues, mais c'est assez compliqué.

Il lui fit un grand sourire, un peu désolé.

[Je le crains … Je l’imagine comme un renard, mais vu que j’ai jamais vu de renard, dans ma tête, il est comme un chien moyen (type gros cocker ?), en plus long, avec une tronche et un poil de renard, et plusieurs queues … Il est vraiment plus gros ?]

Elle se massa les tempes. Bon Dieu ce que c’était compliqué !!

- Bon. Je devrais réussir à le manœuvrer, au pire on frôlera les arbres, et j’appellerai mon frère à l’aide, en espérant que lui-même ne soit pas occupé. Sinon, je crois qu’il vaut mieux que tu cesses de tenter de m’expliquer … Ca m’embrouille encore plus, et en plus ça me fait peur !

Sur ce, elle partit d’un grand éclat de rire. Elle s’imaginait tenter d’expliquer à Alban ce qu’il se passait actuellement. Son frère ne la croirait jamais. Il était quelqu’un de bien trop raisonné pour cela.
Ce renard était tout bonnement incroyable. Déjà il parait, certes, en plus il changeait d’apparence, il avait un énorme mur autour de ses pensées, il avait un bateau, qu’il savait manœuvrer, était doté de télékinésie, assez pour faire voler un bateau complet, et il avait des amis sacrément bizarres. Ca faisait beaucoup pour la télépathe, qui était plus habituée à se battre contre des monstres marins et des bastions de pirates cupides qu’à papoter avec des animaux.

[Kyril est plus de la taille d'un gros berger allemand, voire d'un loup ; 70cm au garrot, 1m80 de long avec les queues, 40-45kg... une belle bête quoi ^^ Pour ça que sur une chaise, il a du mal ]

Kyril la rejoignit dans son hilarité :

- D'accord ! Plus d'explications ! On fera un vol pépère pour ne pas te faire peur si tu veux ! Ou alors, je peux te montrer ce que ça donne, en te faisant décoller avec ta chaise ici et maintenant ! Ça te tente ?

Roublard, il fixa la chaise sur laquelle était assise Aélia. Ses queues se mirent à onduler derrière lui, et la chaise fut secouée pendant une ou deux secondes, comme si quelqu'un venait de la saisir et la faisait bouger.
Il s'arrêta pourtant bien vite, ne tenant pas à l'énerver ou à la faire complètement paniquer. Et il était peu probable que c'était une bonne publicité pour lui ou elle s'il lui faisait faire le tour du chapiteau en volant sur une chaise sous les yeux de tout le monde !
Il reprit ensuite, un peu plus sérieux, rassurant même :

- Tu verras, ce n'est pas sorcier de manœuvrer mon navire, volant ou pas. Il faut juste être au minimum deux.

[Ah oui, ça change les choses ! Forcément, ça fait pas le même effet … ]

Il rit avec elle, et, avant qu’elle ne puisse répondre que, « oui, bon sang, pourquoi pas ! » sa chaise avait commencé à bouger. Surprise, elle s’y accrocha, cessant de rire d’un coup. Ca s’arrêta aussi soudainement que ça avait commencé, et voyant le regard de Kyril, elle comprit que c’était là son fait.

- Mais je te crois ! et puis on sera trois, Odéline pourra être notre mousse. Par contre, autant m’envoler grâce à tes pouvoirs me tente, autant le faire par surprise et sur une chaise, moins.

Elle lui adressa un grand sourire.

- Tu as toujours eu ces pouvoirs ?

La question pouvait paraître bizarre.

- Je sais c’est bizarre comme question, mais télépathie et télékinésie sont souvent associés, et j’ai entendu parler de télépathes qui acquéraient ce genre de compétence à force de travail, ou autres. Du coup, je me demandais. Surtout que j’imagine que niveau effort du cerveau, concentration sur un point, cheminement mental ce doit être relativement semblables sur certains points …

Ces dernières phrases étaient tant pour elles que pour lui.