[Terminé] Sur la plage abandonnée, couture et coup de soleil [sp Tapahari & Crocs]

Tapahari luttait contre sa colère, usant de son entraînement de chamane pour ne pas aller mettre sa main dans la figure de son mentor. Cela aurait été une réaction puérile, inepte même, même si cela l'aurait sans doute soulagée. Par les Anciens ! Elle l'avait trouvée aux portes de la mort ! Et c'était bien son sang qui l'avait maculée, tandis qu'elle avait lutté pour en endiguer le flot, avant d'être miraculeusement aidée par Sénéa.
Elle inspira et expira doucement, reprenant peu à peu le contrôle de ses émotions. Elle savait que c'étaient sa peur, son stress qui la faisaient réagir ainsi - et aussi un peu sa frustration devant l'accumulation d'expérience attestant de l'entêtement de son mentor - aussi elle devait se contrôler.
La chamane desserra les poings, qu'elle avait refermée presque inconsciemment.

- Je suis désolée, je n'aurais pas dû insister... Vous avez bien fait, Sénéa, de retenir vos pouvoirs.

Elle s'inclina légèrement, baissant la tête et le regard un instant, contrite, tout en serrant plusieurs de ses amulettes entre ses doigts. Elle vit du coin de l'oeil le rappel des garçons par son mentor. Elle n'était pas certaine de bien comprendre où exactement Béhékine envoyait ses garçons lorsqu'il les envoyait dans leur "chambre" et c'était quelque chose qu'il faisait rarement sur l'île.
Relevant la tête, Tapahari remarqua que son mentor semblait déjà avoir repris du poil de la bête, son regard était plus alerte, mais elle fronça les sourcils en entendant sa dernière phrase ; comme s'il allait pouvoir changer de sujet ainsi !
Certes, ses arguments tenaient debout, et elle oubliait trop souvent que son corps étant d'origine magique, les soins traditionnels étaient moins pertinents dans son cas. Mais tout de même, cela avait été beaucoup de sang, et s'il n'arrivait toujours pas à se relever...
Peut-être qu'il fallait juste un soin magique d'un autre type, convenant à un ancien Esprit du Voile comme lui...
Le regard de la chamane se fit lointain quelques secondes, puis elle prit une décision et se tourna vers Sénéa :

- Puis-je vous demander un service ? Pouvez-vous garder un oeil sur mon patient quelques minutes ? Je vais aller récupérer quelque chose au village. S'il tente de se relever encore, vous n'aurez qu'à l'enfermer dans un bloc de glace pour l'arrêter.

La chamane vit l'expression de surprise de son mentor mais coupa court à toute protestation :

- Non ! Je ne veux rien entendre ! Du repos ! Voilà ce qu'il vous faut, maintenant ! J'ai failli vous perdre ici-même, par les Anciens ! Alors tenez-vous tranquille !

Avant que l'énormité de ce qu'elle venait de dire ne la rattrape, Tapahari offrit un sourire à Sénéa, avant d'aller brièvement voir les femmes restées légèrement en retrait, leur demandant de faire bouillir de l'eau et de fournir en nourriture Sénéa et Béhékine, s'ils en faisaient la demande.
Puis elle partit à grandes enjambées dans le sable, vers le village, avant de trottiner, puis de courir, sa chevelure noire et emmêlée battant derrière elle.
Après une courte distance, elle ferma les yeux, et souhaita être capable de courir plus vite encore.
Le monde tourna sur lui-même, elle fut aveugle et sourde pendant un instant...
Lorsque ses sens lui revinrent, elle bondit sur ses quatre pattes dans le sable et, en serval, ne tarda pas à disparaître vers le village.

Senea n’était vraiment, vraiment pas à son aise. Crocs était réveillé, oui, et il paraissait ému, endolori, mais vivant et justifiait son refus, avant de changer de sujet. Pourtant, elle sentait Tapahari vibrer de malaise, d’angoisse, de colère, et avait envie de la prendre dans ses bras, ou au moins de poser sa main sur elle, pour l’apaiser un peu, l'assurer de son soutien, l’extraire de cette bulle dans laquelle pouvait bien vite nous enfermer la colère. Mais elle ne s’en sentit pas capable immédiatement, bloquée autant par le lien fort qu’elle percevait entre Crocs et la chamane et par l’absence d’antécédent de proximité physique avec cette dernière, et il ne suffit que de ce temps là pour qu’elle bouge, échappant ainsi à la portée du bras de la jeune mage de glace. La jeune fille craignait terriblement d’être une intruse, de n’avoir rien à faire ici, d’interférer dans la relation entre Tapahari et Crocs, mais aussi dans la relation entre ce duo et les insulaires. Le départ soudain de Tapahari finit de la mortifier, et elle sentait une boule enfler dans sa gorge, et un nœud bloquer son ventre. Elle fit tout pour les ignorer, décidant de se concentrer sur l’endroit où étaient passés les garçons de Crocs “avalés” par celui-là, sur ce que lui avait demandé la chamane, sur les questions posées par la créature, sur tout sauf les son sentiment de malaise en espérant que celui-ci passe de lui-même (et qu’elle n’ait ainsi pas à réfléchir sur les causes de cette sensation fort désagréable). Un peu crispée, elle détourna son regard du point rapetissant qu'était Taphari et se tourna vers Béhékine.

Je suis désolée, émit-elle, contrite.Je ne voulais pas m’immiscer entre vous, vous mettre en danger ou la contrarier, soupira-t-elle. Comment vous sentez-vous ? Est-ce que je peux vous aider, peu importe comment ? De l’eau plus fraîche à boire peut-être ?

Elle avait tout à fait conscience du peu qu’elle pouvait faire, et de l’effet “tout petit” de sa proposition. En réalité, elle se sentait perdue comme rarement auparavant, nageant dans une mer agitée de sentiments aussi contradictoires qu’inconnus. Et soudain, elle se rappela de la question de Crocs.

Oh, c’est vrai, ma présence ici … En fait … ahem … j’étais venue en vacances, admit-elle en baissant un peu la tête. J’ignorais tout à fait que c’était vitre île d’habitation, et je bronzais sur la plage quand j’ai entendu beaucoup de bruit et … je suis venue aider comme je pouvais. J’ai accéléré l’allure en vous reconnaissant et en apercevant Tapahari.

Elle eut un sourire en coin en haussant les épaules. C’était beau, le hasard tout de même !

Béhékine supporta l'éclat de voix de Tapahari en silence, conscient qu'elle avait raison, et qu'il lui faudrait du temps et beaucoup d'efforts pour se racheter auprès d'elle. Il aurait pu fuir face au Brûleur, mais il s'était laissé aller à ses instincts sauvages et sa colère, lorsque ses garçons - pourtant virtuellement invincibles - avaient été attaqués par le prédateur.
Il avait été con, tout simplement.
Et il avait fait une peur bleue à son amie en se retrouvant là, blessé et exsangue.
Elle avait les meilleures raisons d'être en colère contre lui.
Allongé comme il était, il ne put l'observer tandis qu'elle s'éloignait, mais il se concentra aussi longtemps qu'il le pouvait sur le son mat de ses pas dans le sable. Jusqu'à ce que Sénéa s'adresse à lui, au moins aussi bouleversée que lui et il décida aussitôt de la rassurer comme il pouvait :

- Ne t'en fais pas, je suis le seul responsable. Vous deux, vous aviez les meilleures intentions du monde.
Il marqua une courte pause puis ajouta, un ton plus bas pour n'être entendu que par Sénéa :
- Je me suis mis en danger inutilement avec ce Brûleur... et je suis un idiot fini quand on m'aide. Merci d'avoir assistée Tapahari.
Reprenant une voix plus forte il poursuivit dans un soupir :
- J'ai surtout besoin de repos, je crois. Mais si tu proposes de l'eau fraîche, ce sera avec plaisir !

Il sourit en l'entendant expliquer que sa présence était dû au hasard.

- J'ignore quelle divinité est en charge de la Chance et du hasard, mais elle est facétieuse à coup sûr !
Je vais me redresser un peu, te parler avec la gueule dans le sable n'est pas pratique. Tu ne vas pas me geler sur place pour ça, hmm ?

Avec une grimace sur son faciès bestial brûlé par les décharges du Brûleur, Béhékine se remit dans une position plus digne, en sphinx. Comme il savait que son épaule était douloureuse, il parvint à ne pas trop la solliciter pour ça et supporta la douleur du mouvement.
Sa tête tournait un peu, mais il pouvait regarder Sénéa en face, à présent.

- J'ai Tapahari et mes garçons qui m'ont raconté votre rencontre à l'Académie... tu y étudies toujours ? Les effets spéciaux, c'est ça ?

Naturellement, Senea aurait bien posé une main compatissante sur Crocs, mais elle avait un peu peur de lui faire mal, d’une part, et d’y perdre sa main car cela déplairait à l’énorme créature, d’autre part (après tout, il ne l’avait jamais invitée à le toucher). Manifestement, le bougre s’en voulait assez, et elle lui sourit alors qu’il tentait de la rassurer (c’était tout de même un comble ! Lui, blessé, qui cherchait à la rassurer, elle !). Dès qu’il accepta l’eau fraîche, cependant, elle eut un sourire nettement plus franc, assorti à un clin d’oeil lors de ses remerciements-confessions, et saisit l’eau mise à la disposition du monstre, appliquant ses mains autour du bol. Elle se concentra, afin de ne pas geler le récipient et son contenu tout d’un coup, et rendit le contenta à Crocs avec un sourire, tandis que de la condensation s’y formait déjà. Au même moment, il lui posait la question de son cursus scolaire. Elle sourit.

Tant que vous ne vous abîmez pas plus, je ne gèlerai rien du tout c’est promis ! Je suis ravie d’avoir pu être là dans ce moment … délicat. Je n’avais jamais utilisé ma magie pour des soins, avant. Cela fait donc officiellement de vous mon premier patient !

D’elle-même, elle se serait bien assise face à lui, mais, au vu de la taille de Crocs, cela l’aurait forcé à baisser la tête, et elle préférait éviter de solliciter le moindre mouvement de sa part. Ainsi, elle continua à lui répondre debout.

Toujours ! En réalité, je suis un cursus artistique, et plus le temps passe, plus j’aimerais me spécialiser dans les décors, et tout ce qui va graviter autour de la scène, de manière générale. De fait, les effets spéciaux font partie des choses que j'aime étudier ! Après, ça reste assez .. lointain. J’ai le temps de changer d’idée, je crois !

Amusée par le fait de parler de ses études et de son avenir avec Crocs comme on le ferait avec un oncle à un repas de famille, elle ne put retenir un nouveau sourire.

Ainsi donc, vous vous êtes bel et bien confronté à un Brûleur … Qu’est ce qui s’est passé ? En tous cas, j’espère bien que vous transformerez ce récit en une aventure des plus épiques !

- Hé bien, félicitations ? Je sens que le soin a été réussi. Navré d'être un patient aussi peu conventionnel. Je suis curieux ceci dit... c'est sur mon épaule que tu as appliqué ta magie, n'est-ce pas ?

Il la remercia d'un hochement de tête lorsqu'elle lui donna le large bol d'eau, rafraichie par ses soins.
Le Membraneux Bestial baissa la tête doucement et lapa le liquide revigorant comme un gros chat, appréciant ce simple geste qui lui fit un bien fou.
Il ferma les yeux une seconde, se concentrant sur les sensations de son corps. Il écarta facilement la douleur, la lourdeur générale et la fatigue, ressentit la présence familière de ses garçons dans leur "chambre" et se focalisa sur son épaule blessée. Là, il perçut fragments de magie transmis par Sénéa, assez proche de ce qu'il avait l'habitude de former pour manipuler ou créer de la brume. Quoique... un peu plus purifiée, peut-être, plus... "pointue" ?
Il lui faudrait un peu de temps pour absorber cette magie étrangère, une fois ses propres réserves refaites. Mais il était confiant ; brume et glace n'étaient pas si différents, après tout. Et la quantité à métaboliser était gérable.
Le Membraneux bestial était un poil plus inquiet concernant cette énergie résiduelle et bien moins défini qu'il sentait parcourir ses veines. Celle transmise par Bob, et qui l'avait fait sortir de l'inconscience comme après un électrochoc. Il devrait sans doute ne pas trop chercher à y toucher avant d'être en meilleure forme.

Rouvrant les yeux, il se lécha les babines et posa un regard déjà plus alerte sur la Fille de l'Eau.
Un peu amusé aussi.

- J'espère que tu ne leur en voudras pas mais... mes garçons t'imitent à leur façon, lorsqu'ils ont envie de se faire remarquer, et reprennent ton tour de chute de neige qu'ils avaient vu lors de cette soirée de spectacle où nous nous sommes vus pour la première fois, à Hypnos.
As-tu développé d'autres tours intéressants avec ta magie, pour des effets spéciaux ? Ou développes-tu d'autres talents plus en amont pour les spectacles ? J'ai cru comprendre que tu avais participé à quelques projets d'envergure également ?

Il savait la magie des Enfants des éléments plus spécialisée que la sienne - il était un généraliste, en comparaison - mais, même si Sénéa restait sur son froid, sa glace, cela ouvrait déjà beaucoup d'applications plus... surprenantes si elle faisait preuve d'un peu de créativité.
Béhékine se souvenait aussi que Sénéa avait participé à la décoration de l'orphelinat d'une autre tête blonde...

Le Membraneux Bestial afficha une expression plus pensive lorsqu'elle l'interrogea sur le Brûleur.
De fait, ils entendaient toujours les bruits proches de l’équarrissement de la carcasse.

- Hmmm... je ne suis pas très bon conteur...
Mais je suppose que comme d'autres après toi insisteront pour entendre ce qu'il s'est passé, je peux m'entrainer avec toi...

Il marqua une pause, et remarqua avec amusement que les insulaires proches se rapprochèrent pour l'écouter également.
Il avait beau être un Démon millénaire - aux incroyables pouvoirs, s'il est besoin de le rappeler - il sentit monter un léger trac devant cet auditoire impromptu.

- Comme j'évite de prélever ma nourriture sur l'île, pour ne pas déséquilibrer la chaine alimentaire d'ici, j'étais parti chasser sur Eaque, avec mes garçons. Dans les Plaines Enéides, pour être exact. Assez sauvage pour ne pas risquer de croiser du monde, et assez de proies pour ne déranger personne. Et les hautes herbes aident beaucoup.
Mes garçons allaient rabattre un troupeau de siffleurs dans ma direction lorsque le Brûleur est tombé sur eux. Il devait avoir la même idée que moi concernant les siffleurs.
Après avoir battu le rappel des troupes, pour ainsi dire, je me suis retrouvé en face à face avec le Brûleur lui-même. Aussi gros et hors de propos dans les Plaines Enéides que moi.
Ni lui ni moi n'avions envie de reculer et, comme il avait attaqué mes garçons, j'étais en pétard...
J'aurais dû écouter ma tête et battre en retraite. Vraiment. Mais...

Il soupira, incapable de trouver les mots pour expliquer cette pulsion très bestiale de répondre violemment à un défi, pour prouver sa force ou protéger un territoire, qui l'avait poussé à foncer au-devant d'un super-prédateur, lui, l'érudit.
Néanmoins, il commençait visiblement à se détendre, parler lui faisant du bien et l'aidant à oublier douleurs et fatigue.

- Bref, comme aucun de nous deux ne voulait reculer, ça a vite fini en foire d’empoigne. Ça a duré un moment sans que lui ou moi n'arrive à prendre l'ascendant sur l'autre. Avec ses flagelles, je n'arrivais pas à l'atteindre facilement - ça fait vraiment mal ces saletés - et il me collait trop pour que je puisse user de magie efficacement.
Heureusement, j'ai le cuir solide, et j'étais plus lourd que lui, donc il ne pouvait pas non plus faire trop de dégâts.
Par chance, j'ai fini par l'atteindre avec un coup de corne qui l'a suffisamment assommé pour que j'ai le temps de le cuire lui et ses flagelles avec un sortilège foudroyant. Il a contre-attaqué en s'en prenant à mon épaule, mais il était trop affaibli pour continuer longtemps... et j'ai fini par l'avoir.

Béhékine se souvenait très bien de la sensation de la nuque du Brûleur qui se brisait entre ses crocs, de l'exaltation devant la finalité du geste, de cette victoire arrachée à son adversaire dans ce combat à mort. Du goût du sang aussi.
Il cligna des yeux et reprit :

- Je me suis reposé un moment après coup avant de rentrer. Je devais vraiment être mal en point ceci-dit, pour ne pas me rendre compte de l'état de mes réserves au moment du saut. Je me suis écroulé quelques secondes après être arrivé ici-même...

Elle eut un sourire en le voyant boire l’eau fraîche, heureuse de constater que cela lui faisait du bien. Au moins, elle pouvait se rendre utile ainsi ! Elle hocha également la tête lorsqu’il lui demanda où elle avait appliqué sa magie, lui confirmant que c’était bien à son épaule qu’elle l’avait … refroidi. Elle sourit, amusée, à l’idée que les garçons de Crocs l’imitent ainsi. Elle aurait bien voulu voir ça, et il lui tardait qu’ils aient repris assez de force pour lui montrer ces nouveaux tours ! Puis arriva le moment qu’elle attendait tant, où Crocs lui conta son épique rencontre avec le Brûleur, s’amenant ainsi un public supplémentaire. Pendue à ses lèvres, elle écouta le récit de cette chasse (que l’on aurait presque pu qualifier d’écologie ! Il était vrai que Senea n’avait jamais imaginé la quantité de viande qu’un être comme Crocs devait ingérer … Mais à présent qu’elle y pensait, elle le croyait tout à fait: à lui seul, il pourrait tout à fait déséquilibrer la chaîne alimentaire d’un ilôt comme celui-ci …) et de cette bataille, digne d’un livre d’histoire, peut-être simplement moins … glorieuse. Une question subsistait cependant: qu’est-ce qu’un Brûleur faisait dans les Plaines ainsi ?
Senea percevait cependant que Crocs se détendait un peu, semblait moins nerveux, moins souffrant également, et elle en conclut que tout cela le distrayait un peu, et tant mieux. Elle lui sourit.

En effet, et c’est cet écroulement que j’ai entendu et qui m’a fait accourir. Mais … Vous parvenez à vous dissimuler dans les hautes herbes ?

Senea n’avait jamais eu l’impression qu’elles soient si hautes que ça, car il était vraiment très grand, et même couché, aplati, elle l’imaginait fort mal complètement disparaître. Ceci dit, si la réponse de Crocs s’avérait positive, cela voulait aussi dire qu'il fallait qu’elle soit très prudente dans cette zone … car qui savait ce qui pouvait bien s’y cacher ?
Puisque plusieurs insulaires étaient encore là, elle préférait continuer à lui poser des questions sur sa chasse, et garder les réponses aux questions que lui avait posées Crocs pour plus tard; ça n’intéresserait guère les gens d’ici, qui ne la connaissaient pas !

Selon vous, que faisait-il là ? Il ne fait pas partie des populations de cette partie du globe, normalement …

Plus bas, elle lui glissa:

Ca nous est tous arrivé d’être en rogne au point de faire n’importe quoi mais … Tapahari a eu vraiment très peur vous savez. Elle tient énormément à vous, je crois, et elle craignait que les Brûleurs soient venimeux … Elle était incroyablement efficace, mais … Elle était très émue, et je crois que vous allez lui devoir une explication à son retour …

Puis, de retour à un volume normal, elle continua ses questions:

Cela vous est-il déjà arrivé d’être si … fatigué ?

C’était une question qui l’intriguait réellement. Elle se doutait que Crocs disposait d’un gros réservoir de puissance magique, et pourtant, il avait l’air épuisé, vidé. Etait-il possible qu’il ne soit pas passé loin de la carbonisation de son propre pouvoir ? Elle avait entendu parler de a dans des livres, mais n’avait jamais vu de cas concret: ça n'arrivait plus trop, de nos jour, lui avait-on dit.

Béhékine écouta les interrogations de Sénéa, curieux de ce qu'elle remarquait suite à son "aventure."
Il tiqua légèrement en l'entendant dire que c'était le son de sa chute qui l'avait alertée ; allons donc ! Il n'était pas si lourd ! Il avait pris du poids depuis son installation sur l'île, certes, mais tout de même !
Il baissa la tête, venant frotter son museau brûlé par les flagelles du Brûleur contre une de ses griffes, les chairs blessées et irritées le démangeant au plus haut point. Reprenant sa position, il cligna lentement des yeux et répondit :

- A certains endroits, l'herbe est plus haute que moi actuellement. Assez pour se poser en embuscade sans se faire voir par une harde de siffleurs, par exemple.
Il y a une petite population de Brûleurs sur Eaque, dans les coins les plus sauvages. Tapahari en a rencontré dans les montagnes menant à Crannsliabh, lorsqu'elle a participé à l'Expédition... mais ils ne sont pas originaires d'Eaque, ça c'est sûr.
Je penche pour des individus capturés et relâchés par Rhadamanthe lors de leur dernière guerre contre Eaque. Je n'ai pas de preuves pour appuyer cette théorie, mais les dates concordent avec l'habitude de Rhadamanthe d'utiliser toute les stratégies possibles et imaginables lors des conflits, y compris les plus discutables.

Le commentaire qui suivit à voix basse le surprit un peu.
Bien sûr, il le savait qu'il avait une sacrée dette envers Tapahari pour lui avoir fait aussi peur - une dette de plus, après tout ce qu'elle avait déjà accomplie pour l'aider ! - mais l'entendre dire à voix haute par Sénéa... c'était assurément ce dont il avait besoin pour qu'il puisse se rendre compte d'à quel point il avait fait peur à son amie.
Le Membraneux Bestial ne put que hocher la tête, gravement, en réponse.
Tapahari méritait mieux de sa part, il en était certain.

La dernière question de Sénéa lui fit prendre une expression songeuse, et il plissa les yeux. Hormis cet incident, il ne s'était épuisé de la sorte qu'une poignée de fois.
Peu après l'acquisition de cette apparence, lors du combat contre l'homme masqué, à Charon...
Lors de l'épreuve de magie des derniers Jeux Olympiques. Et encore, il n'avait pas autant fini sur les rotules.
Suite à sa visite sur la Dévastation...

- Une ou deux fois, peut-être... mais jamais au point de m'écrouler comme ça. Il va falloir que je reprenne l'entrainement dans un domaine que j'ai un peu trop négligé...

Ce corps possédait de grandes réserves. Mais il devait admettre que cela lui avait donné de mauvaises habitudes. Lui qui avait passé des siècles à peaufiner sa technique pour économiser au mieux ses forces magiques - limitées à l'extrême alors qu'il avait été fantôme désincarné dans la brume - finissait par brûler ses réserves comme un rien.
C'en était risible !
Il grogna et secoua la tête, grimaçant lorsque le geste réveilla sa douleur à l'épaule.
Béhékine laissa échapper un soupir avant de se reconcentrer sur Sénéa :

- Est-ce que je peux te demander quelque chose d'important, Sénéa ?
Ne parle à personne que tu m'as vu. Personne. Moins il y a de gens qui savent que je suis là, mieux c'est pour la sécurité des îles, et de Tapahari.

Courir jusqu'au village dans le sable, en tant que serval, lui avait fait du bien. Lâcher la bride ainsi à son esprit-animal lui avait permis de remettre de l'ordre dans ses émotions.
Son mentor avait failli mourir. C'était vrai, et toujours terrifiant.
Mais il était en vie. Blessé et au-devant d'une convalescence sûrement. Mais en vie.
Ils avaient réussi à le sauver, elle, Sénéa et tous ceux qui étaient venus aider. La chamane devait se réjouir de ça.
Même si son mentor était têtu et insupportable de ne pas accepter de rester tranquille. Elle craignait un peu de le voir debout ou en train d'essayer de galoper lorsqu'elle y retournerait...

Le serval laissa échapper un feulement agacé alors qu'elle arrivait aux premières huttes du village.
Elle bifurqua en direction de sa propre cahute, reconnaissable à l'extension circulaire et haute qui y était accolée, sa salle réservée aux rituels.
La seule solution pour garantir que Béhékine se tienne tranquille le temps de sa convalescence était qu'il reste auprès d'elle. Hors de question qu'il ne se lance dans une randonnée à travers la jungle pour rejoindre son antre, surtout qu'il ne pourrait pas résister à l'envie de reprendre ses entrainements et expérimentations en tout genres une fois seul là-haut...
Elle le connaissait.
Mais justement, comment faire pour qu'il accepte de se tenir tranquille dans le village ?
...
Des bruits de marteau lui firent tourner la tête et ralentir sa marche/course, ses grandes oreilles de serval pivotant avec elle pour se focaliser sur l'origine du bruit.
Un villageois était en train de réparer quelque chose.
Lorsqu'elle reconnut ce qui leur servait régulièrement pour échanger facilement avec le Poisson-Globe, elle se mit à rire, ce qui était un adorable grondement répété sous cette apparence de serval, et elle alla rejoindre le travailleur.
Ce dernier rit également lorsqu'elle lui expliqua son idée, et Tapahari put reprendre sa course vers sa demeure.

Ce fut libérée d'un poids et alourdie d'un autre qu'elle repartit dans l'autre sens quelques minutes plus tard.
Elle tenait délicatement dans sa gueule une plante complète, la large fleur évoquant un lotus blanc et doré, la tige enroulée autour de sa mâchoire.
Pour ne pas risquer d'abîmer son fardeau, Tapahari courait moins vite, et il lui faudrait sans doute un peu plus de temps pour revenir auprès de Béhékine et Sénéa qu'à l'aller.

Senea ne put s’empêcher de grimacer en voyant Béhékine venir frotter ses blessures contre une de ses griffes. Si jamais il les ouvrait par maladresse, ce serait catastrophique, et Tapahari leur passerait un savon à tous les deux ! Il avait beau avoir refusé son aide, elle se demandait si elle ne pourrait pas refroidir un tissu par exemple, qui l’aiderait un peu à soulager ce qui grattait. C’était efficace contre les piqûres d’insectes en général, alors pourquoi pas lors de la cicatrisation ?

Cependant, elle écouta sagement ses explications, hochant la tête aux moments idoines … Et fronçant le nez lorsqu’il mentionna la guerre. Ce n'étaient pas de bons souvenirs qu’il ramenait là: étant courtisane à cette époque, Senea avait suivi la guerre à la Cour dans une sorte de vague de panique morale constante, en total décalage pourtant avec l’attitude de tous les nobles qui maintenaient les apparences et se comportaient comme si le conflit ... n’existait pas et qu’ils ne risquaient pas, du jour au lendemain, d’être appelés sur le champ de bataille ou de recevoir une missive leur indiquant que leur frère, leur amie, ou la personne qu’ils aimaient était morte au front. Elle-même n’en menait d’ailleurs pas bien large, même si la vitesse à laquelle le conflit avait été réglé l’avait soulagée.
Il lui fallait cependant admettre qu’elle ne s’était pas beaucoup intéressée aux méthodes de combat rhadamantienne, n’en lisant que ce qui était relaté dans les journaux, et encore, uniquement dans les pages d’actualités, sans plus d'analyses. La stratégie militaire n’avait jamais fait partie de ses intérêts.
Elle hocha donc la tête de nouveau, se demandant bien comment diable on pouvait avoir des idées aussi tordues et déloyales.

Lorsque Crocs parla d'entraînement pour contrer les risques d’épuisement, Senea redressa la tête. Voilà qui était intéressant ! Elle-même s’était un peu intéressée au maniement de la magie, mais son pouvoir étant surtout un pouvoir d’ornement, à ses yeux en tous cas, elle n’avait pas creusé le sujet.
Quelques années auparavant encore, elle “s’entrainait” presque quotidiennement avec son frère, car ils se défiaient en permanence dans leur pratique magique, mettant au point artifices et stratagèmes à base de glace. Depuis qu’il était parti, elle avait un peu négligé cet aspect.
Heureusement, son entrée à l’Académie lui avait permis de se reconcentrer sur ce genre de choses. A présent, elle utilisait de nouveau son pouvoir, quotidiennement, et très différemment. Sa palette était plus grande. C’était assez satisfaisant.
Pour autant, elle ne parvenait pas à se figurer la puissance magique dont devait disposer un être comme Crocs, et encore moins le type d’entraînement auquel il devait se soumettre. Si elle osait, elle aurait beaucoup voulu lui demander d' assister à une de ses séances … voire lui demander s’il pouvait lui donner des conseils ou même l’entraîner, elle (elle aurait bien voulu, aussi, plus de précisions sur ces occasions lors desquelles il s’était épuisé: Crocs devait regorger d’histoires passionnantes !). Mais elle n’était pas certain qu’il accueille très bien ce type de demande, et il fallait bien admettre qu’elle n’avait aucune envie de l’énerver, blessé ou pas, ou de l’outrager. Encore moins alors que Tapahari lui avait demandé de le surveiller !

Le grognement du monstre l’alerta immédiatement, mais elle n’eut pas le temps de lui proposer une solution pour le soulager que déjà, il lui demandait quelque chose. Surprise, elle haussa les sourcils. Il voulait à ce point rester en ermite ? Mais pourquoi ? Et quel danger faisait-il courir aux îles, et,surtout, à Tapahari ? Pourtant, elle n’avait pas vraiment le choix quant à sa réponse. Elle hocha la tête.

“Je ne dirai rien, c’est promis. Une vraie tombe.” glissa-t-elle dans un sourire. “Ne vous inquiétez pas de ça, et reposez-vous. Vous voulez que je vous refroidisse des linges pour mettre sur vos blessures ? ça évitera de mettre ma magie en contact direct avec vous mais … ça vous soulagera peut-être un peu ?”

Déjà, elle passait un linge dans l’eau. Même si Crocs refusait, au moins, le linge serait prêt pour nettoyer quelque chose ou quelqu’un ! Cela lui permit de continuer à parler en s’occupant les mains.

“Je ne connais rien des méthodes rhadamantiennes, mais je vous crois. Lorsqu’elle a éclaté, j’ai fait en sorte de me tenir le plus loin possible de la guerre. Une forme de lâcheté, si on veut je suppose ! Quoiqu’il en soit, ils ne sont pas vraiment connus pour se battre à la loyale il me semble … Qui l’est, à part Minos ?”

Senea n’était pas vraiment dupe des agissements de son propre camp.

“Mais je donnerais cher pour assister à votre entraînement et recueillir des bribes de votre expérience ! Vous devez être … encore plus impressionnant que vous ne l’êtes naturellement !” éclata-t-elle de rire devant la consonance de ses propres phrases. Une fois son rire éteint, elle reprit: “Ca fait longtemps que vous êtes ici ?” Puis, elle s’avisa que le linge était imbibé. “Alors, que pensez-vous de cette idée de linge frais pour anesthésier un peu ?”

Béhékine hocha la tête lorsque Sénéa promit de ne pas révéler l'avoir vu. Il n'était pas certain de lui faire absolument confiance, mais son manque d'hésitation était rassurant, et ça restait une bonne base que de l'entendre promettre à voix haute.
Son manque de confiance envers Sénéa était un peu déplacée, il en avait conscience, mais il ne pouvait s'en empêcher. Malgré l'aide qu'elle avait apportée à Tapahari pour le soigner, malgré l'effet qu'elle faisait à ses garçons, malgré sa bonne volonté. Mais il était trop aigri envers les habitants du continent pour faire mieux. Et il était blessé, ce qui le rendait d'autant plus méfiant, comme une bête acculée.
Son commentaire suivant sur la guerre lui tira un rictus, alors qu'il se rappelait le discours sur le "bien commun" de Séléné lors de sa mise en esclavage.

- Hmm... ce n'est certainement pas de la lâcheté que de refuser risquer de mourir pour des querelles de nobliaux. Ils n'en feraient jamais de même pour nous alors...

Il la rejoignit dans son rire alors qu'elle avouait souhaiter le voir s'entrainer. L'idée était effectivement très saugrenue :

- Ha ! L'entraînement que j'ai en tête sera tout sauf intéressant à observer. Et je n'ai malheureusement jamais eu la fibre enseignante. Navré, mais je vais devoir refuser ta demande de m'observer. Le compliment est apprécié, ceci dit. Il hocha la tête avec emphase, souriant puis reprit. J'ai creusé mon trou sur les îles depuis plusieurs années, après que Tapahari m'ait sauvée... Hmmm ? Oh oui, tu peux tenter ça avec plaisir, j'avoue que ces brûlures sont une torture, et démangent fortement. Ces maudits Brûleurs portent bien leur nom.

Il baissa légèrement la tête pour lui laisser facilement accès aux marques infligées par les flagelles de son adversaire du jour, bien visibles sur son museau et qui formaient des zébrures jusqu'à ses yeux.

- Tu n'as pas le temps de t'entrainer avec ta magie, pour vouloir observer le vieux Membraneux que je suis et espérer en tirer quelque enseignement ?

Elle eut un sourire en coin à la remarque de Crocs. Peut-être n’apprécierait-il pas de connaître son passé curial, au vu de son ton. Ceci dit, elle était loin d’être en désaccord avec lui. Soulagée qu’il rie avec elle, elle lui rendit son hochement de tête, peu surprise qu’il décline sa proposition de venir l’observer. Dès qu’il eut accepté sa proposition, elle refroidit le premier linge, qu’elle vint déposer en douceur sur l’ensemble de brûlures sur son museau, tout en lui parlant:

“Surtout, si je vous fais mal, dites-le moi. J’y vais le plus doucement possible, mais on ne sait jamais … Mais oui ce sont vraiment de sales bêtes. Je me souviens qu’il faisaient partie des monstres dans les histoires qu’on m’a racontées quand j’étais petite …”

Elle eut un sourire un peu vague, en essayant de repousser le souvenir soudain des séances de lecture avec son frère. Finissant de poser le ligne, elle en imbiba un second afin de pouvoir le mettre sur l'épaule de Crocs.

“A vrai dire, je n’ai toujours utilisé ma magie qu’à des fins très ornementales, ou pratiques à la limite, mais c’est tout. Mon frère était plus sur la partie farces, et parfois un peu attaque, mais moi … Jamais. Je ne maîtrise vraiment pas cet aspect là, ou la défense, d’ailleurs, ni de formes complexes, ou techniques. Je fais de jolies choses, ou des choses pratiques et efficaces, mais c’est un peu tout. C’est un peu … comment dire … grossier j’ai l’impression, comme manière d’utiliser mon pouvoir.”

Le linge étant parfaitement mouillé, elle commença à le refroidir.

“Comme nous ne maîtrisons que les formes froides de l’eau, c’est une sacrée limitation, et la plupart des cours qui nous ont été dispensés étaient … moyennement utiles, dirons-nous. J’apprends de nouvelles choses à l’Académie, mais j’aurais aimé découvrir encore autre chose, vous voyez ? Et peu de professeurs prennent dans leur cours des élèves qui ne suivent pas du tout leur cursus alors … Enfin bref, c’est ainsi ! je finirai bien par trouver !” conclut-elle avec un sourire.

Soudain elle tiqua.

"Attendez ... Vous ... Vous êtes un Membraneux ?" Se rendant soudain compte que le tissu durcissait un peu dans ses doigts, elle relâcha son froid et dit: “Je vais mettre celui-ci sur votre épaule, si ça vous va.”

Elle commença d’ailleurs à contourner Crocs, pour accéder au membre blessé.

“Vous voulez bien me raconter comment Tapahari vous a sauvé ? Et, si ça ne vous gêne pas ... pourquoi vous ne ressemblez pas aux ... autres membres de votre Branche ?”

Senea espérait qu’en le faisant parler, il oublierait un peu la douleur. Elle craignait cependant d'être un peu indiscrète.

Le Membraneux Bestial se détendit visiblement dès que Sénéa posa le linge froid sur les brûlures de son museau. Il soupira de soulagement et, fermant les yeux, laissa sa tête retomber davantage vers l'avant, jusqu'à ce que ses cornes le retiennent en s'enfonçant légèrement dans le sable.

- Merci... ça aide beaucoup...
Je me souviens de récits de battues, réalisées par des mercenaires et chasseurs spécialisés, pour repousser les Brûleurs, ou réduire leur population... j'imagine que ces vilaines bestioles ont élu domicile sous plus d'un lit d'enfant, ou dans nombre de placards de chambres depuis.

Peut-être que dans quelques années, ce serait une certaine sorcière du nom de Séléné qui remplacerait le Brûleur comme croque-mitaine des enfants d'Elysion. Béhékine sentit la bouffée de fierté qui allait avec cette idée, sachant que c'était lui qui avait commencé à propager cette rumeur grâce à ses garçons et à de nombreux pamphlets. Il espérait que la sauce prendrait...
Il se reconcentra sur Sénéa, l'écoutant parler de son pouvoir, notant les nombreuses comparaisons avec son frère, sa mise en retrait par rapport à ses propres talents, la difficulté à trouver un professeur.
Béhékine sentait sa curiosité s'enflammer, un peu malgré lui. Mais bon, il était chercheur dans l'âme, et un gros félin avec ça.

- Fille de l'eau qui ne maîtrise que son élément sous forme froide... c'est une mutation intrigante de ta Branche que tu possèdes Sénéa. Hmm... je suis un généraliste, et j'ai un peu de mal à appréhender comment la biologie d'une Branche influence, et dirige la magie d'un individu... mais... ta magie s'appuie-t-elle sur ta biologie particulière, ou sur ta compréhension, ton concept de glace et de froid ? A quel point penses-tu que la première influence la seconde, et est-ce que tu pourrais modifier cet équilibre ?

Il avait beau dire qu'il n'avait absolument aucune fibre pédagogue, sa curiosité l'amenait bien souvent à poser des questions qui le faisaient tout de même beaucoup ressembler à un vieux professeur.
Néanmoins, il sourit en la voyant utiliser sa magie à petites doses sur les différents linges.

- Je ne devrais peut-être pas trop t'asticoter pendant que tu utilises ton pouvoir sur ces linges... je risque de te retourner le cerveau au pire moment.

La biologie des Enfants des Eléments facilitait grandement leur magie à prendre une forme particulière, passant et repassant dans des circuits naturellement formés dès leur naissance. Mais leur biologie particulière n'était pas à la source de leur magie, qui restait fondamentalement l'expression de la créativité de son porteur.
La perception d'un concept pouvait grandement varier d'un individu à l'autre, et tout aussi grandement influencer la façon dont la magie d'un individu se différenciait de ses pairs, ce qu'il pouvait accomplir ou pas. La biologie comptait peu sur cette partie, sauf si l'individu s'en satisfaisait... ou s'y limitait.

- Quel est ton pouvoir, pour toi, Sénéa ?

Béhékine avait bien entendu les questions de Sénéa sur son passé avec Tapahari, ou son histoire. Mais il était trop curieux de ses propres questions pour répondre dans l'immédiat.
Même... il n'était pas certain de savoir s'il voudrait lui répondre ou pas. Raconter sa mésaventure avec le Brûleur était une chose, mais la série d'événements qui l'avait progressivement amené sous cette forme... c'était définitivement autre chose !

Tout en l'écoutant, elle balaya ses remerciements d’une main, qui vint bien vite aider la seconde à poser le linge rafraîchi sur l’épaule du Membraneux (puisque c’en était un, manifestement). Ses questions lui firent froncer les sourcils. Elle n’avait jamais pensé à ça sous cet angle, il fallait l’admettre. Elle mit donc un petit temps pour répondre, réfléchissant en silence alors qu’elle s’occupait les mains avec le linge.

“Hum … ce sont des questions très compliquées. Vous êtes certain de ne pas être professeur ? car vous y ressemblez beaucoup, tout de même !” lança-t-elle avec un sourire.

Elle finit d’arranger le linge afin qu’il soit bien placé, et reprit, revenant devant lui:

“Pour tout vous dire, je pense qu’il y a une part biologique: nous sommes nés le jour le plus froid du monde. Notre père a dû briser le ventre gelé de notre mère morte de froid pour nous en extraire. Je pense que personne ne sait comme nous avons survécu, mais nous l’avons fait; cependant, nous sommes tous les deux blonds à la peau pâle et aux yeux clairs et ne manions que la glace, là où nos parents avaient toutes les caractéristiques physiques et les pouvoirs classiques des enfants de l’Eau. Il n’y a pas vraiment d’autre explication à notre particularité.”

Un instant, Senea fit une pause,laissant à Crocs le temps de digérer ce qu'elle venait de lui dire, et se laissant aussi le temps de réfléchir autrement à ses propres capacités. Ses pouvoirs avaient toujours été comme ça, et elle n’avait jamais réfléchi plus loin à la raison de cette étrangeté, convaincue que les conditions de leur naissance en étaient l’unique cause, et que cela ne pouvait pas être changé. Le Membraneux venait pourtant de sous-entendre l’inverse.

“Pour moi, cette magie s’est toujours appuyée sur cette origine biologique, mais je n'y ai jamais réfléchi. Ni mon frère ni moi n’avons jamais fait autrement, et cela ne nous a jamais dérangé. Cela nous distinguait des autres, tout en nous rapprochant. Nous n’avons jamais rencontré d’autre mage de glace que nous, même si je suppose qu'il en existe, et cela a contribué à rendre notre lien plus unique encore je pense. En plus de quoi, le fait de ne manier que l’eau froide ne m’a jamais fait me sentir moins puissante qu’un autre, simplement plus spécialisée, ce qui me convient. Vous voyez ce que je veux dire ?”

Senea sourit à Crocs.

“Je ne sais pas si je réponds vraiment à vos questions ceci dit, mais mon cerveau tourne à dix mille, je peux vous l’assurer ! Vous voulez encore un peu de frais sur une blessure ?” lui proposa-t-elle.

Cela lui permettrait sans doute de gagner un peu de temps. Elle avait d'ailleurs bien noté qu’il n’avait pas répondu à ses questions, mais elle remettrait sans doute l’ouvrage sur le métier un peu plus tard.

Béhékine grommela un peu lorsqu'elle plaisanta en le comparant de nouveau à un professeur, mais il garda le sourire :

- Hmmm... je n'ai pas assez de poils pour être un professeur... et je risquerai de manger les élèves impertinents si jamais je fais classe un jour.
Mais merci pour le compliment, je suppose.

Il se détendit visiblement lorsqu'elle déposa ce linge refroidi sur son épaule blessée, la douleur passant de brûlante à diffuse, ce qui était un véritable mieux.
Ses réponses le laissèrent pensif à son tour.

- Navré d'apprendre que ta vie a commencée par un tel drame... mais cela pourrait expliquer ta mutation particulière, le traumatisme subi à ce moment clé suffisant pour causer de tels changements. Ce qui m'interroge un peu, c'est la nature exacte de cette mutation. Est-ce que tu es véritablement forcée de manipuler la glace au sortir de tes mains ? Où est-ce que c'est une habitude que tu as prise, et ton pouvoir est juste sur le froid ?
Es-tu une Fille de la Glace ? Ou une Fille de l'Eau froide ? Pour résumer...

Il avait conscience de chercher un peu la petite bête en insistant sur ce que Sénéa pouvait percevoir comme des détails. Mais Béhékine était un Membraneux, et titiller les détails était là où il excellait, par habitude avec les termes des Pactes par exemple.

- Si ton pouvoir est de refroidir, sans devoir nécessairement devoir générer et te limiter à de la glace d'eau, tu pourrais avoir accès à toute la thermodynamique. Tes spectacles et tes effets spéciaux s'en verraient grandement diversifiés.
Encore une fois, je reste un généraliste et je ne peux pas imaginer comment tu ressens ta magie. Je me demande juste si ta spécialisation n'est pas aussi une... limitation auto-imposée ?

La jeune femme était plutôt soulagée de voir Crocs se détendre sous l’action indirecte de ses pouvoirs: au moins, elle était utile. Et elle appréciait cela. Cependant, les paroles du monstre avaient un étrange écho en elle. Ils faisaient ressortir des souvenirs inattendus, de moqueries d’autres enfants, et d’efforts sans succès pour ne serait-ce que réchauffer une casserole d’eau par exemple, ou manipuler des filaments d’eau sans que ceux-ci ne se transforment en neige ou en glace. Que des échecs ... Elle, comme Oigean, avait donc renoncé assez vite, se spécialisant ainsi dans ce qui lui semblait être la seule voie de son pouvoir: l’eau froide, et ses dérivés. Elle grimaça sans y penser devant ce qu’il lui disait, laissant les rouages de son cerveau tourner à pleine vitesse, faisant remonter souvenirs et sensations.

“Je … ne sais vraiment pas. Je n’ai jamais réussi à faire autre chose, mais cela ne veut peut-être pas dire que ne puisse pas faire autre chose, vous avez raison. Cependant, depuis toujours, chaque tentative de ne pas refroidir un liquide s’est soldée par un échec … glacial. Je crois donc être forcée, de par ma nature, de ne pouvoir influencer que la partie froide justement. Mais peut-être qu’en effet, je pourrais réussir à faire autrement.”

Elle manipulait encore distraitement un linge dans l’eau rafraîchie.

“Petite, je ne parvenais à faire que de la glace, et peu à peu, j’ai réussi à passer au givre, à la neige, et même à simplement refroidir de l’eau sans solidifier quoi que ce soit au fur et à mesure que j’apprenais à maîtriser mes capacités. Peut-être qu'en continuant cette étude, et en défaisant certains automatismes, je pourrais … Aller plus loin.”

Il fallait admettre qu’il n’y avait pas de grande conviction dans la voix de Senea, mais plutôt du doute. Elle se demandait en effet, si le jeu en valait la chandelle, sans même imaginer la partie d’identité qui pourrait s’effriter si la théorie du Membraneux se révélait vraie.

“Voulez-vous que j’applique ce linge sur une autre zone ? Ou que j’en refroidisse un déjà posé peut-être ?” demanda-t-elle alors à Crocs. “Vous faites toujours cet effet aux gens avec qui vous discutez ? Parce que ce n’est pas banal de faire se questionner ainsi sur sa propre existence au détour d'une discussion vous savez !” plaisanta-t-elle.

Le Membraneux bestial eut un rire ronronnant après avoir écouté Senea.

- Ha, oui ! Les automatismes sont un bienfait et une malédiction.
Navré si je t'ai retourné le cerveau, Senea. Ces questions de nature de la magie, de l'influence d'un élément sur une personne... c'est un peu mon fond de commerce, en quelque sorte.
Je viens d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître où les règles étaient un peu plus... floues, dirons-nous. Et tu serais surprise de ce qu'un simple changement de point de vue peut accomplir parfois.
Mais cela reste une recherche personnelle.

Il tourna sa grosse tête d'un côté puis de l'autre, provoquant quelques craquements dans ses cervicales qui le firent grimacer puis soupirer d'aise.
Il avait une terrible envie de bouger, de se lever... mais ses membres étaient encore trop faibles et il le savait.
L'idée d'une convalescence le remplissait d'appréhension. Peut-être qu'il arriverait à négocier un peu avec Tapahari...

- Hmmm... non merci, Senea. Les linges que tu as installé sont suffisants. Le reste n'est pas douloureux...
Où en es-tu niveau puissance magique pure ? Tu n'es pas obligée de répondre, c'est ma curiosité qui parle.

Senea fut, il faut l’admettre, un peu rassurée d’entendre le Membraneux qui ne ressemblait pas du tout à un membraneux émettre un petit rire. Elle avait eu un peu peur de l’avoir froissé en plaisantant (ou en n’étant pas assez vive). Elle accepta d’un geste de la main ses excuses et explications, tout en hochant un peu la tête … avant d'écarquiller les yeux lorsque ses cervicales craquèrent une à une juste avant qu’il ne lui demande où elle se situait niveau magie pure. Elle ne but que bégayer un peu avant de se reprendre et de parvenir à articuler:

“Pas très haut je le crains ! J’ai une bonne maîtrise de mon pouvoir qui me permet de faire un certain nombre de choses. J’ai aussi suffisamment d’entraînement pour être endurante, mais je ne suis pas très puissante: je n’arriverais pas à tenir un sort complexe ou fatigant très longtemps par exemple. Bref je suis bien loin des exploits qu'on a pu voir lors des Jeux Olympiques !” conclut-elle avec un sourire, en sachant très bien à qui elle s’adressait.

Behekine eut un rire.

- Il vaut mieux une bonne maîtrise qu'une grande puissance. Sinon, on finit exsangue sur une plage...

Le Membraneux bestial avait conscience d'avoir perdu de sa maîtrise depuis qu'il avait récupéré ce corps massif, et qu'il avait négligé de s'entraîner dans ce sens, rendu un brin paresseux par le boost de puissance qu'il avait gagné.
Il pencha la tête légèrement sur le côté en se remémorant la dernière édition des Jeux Olympiques

- Hmmm... Les Jeux Olympiques sont un peu hors catégorie. Il y avait pas mal de... comment dire... gros bourrins lors de cette dernière édition. Notamment Eden Inferno, qui a lavé tout le monde pendant la dernière épreuve...
Ceci dit, le peu que j'ai vu de tes participations étaient très impressionnantes. Geler l'océan, ce n'est pas rien, surtout sur une aussi grande distance.

Des cris joyeux d'enfant attirèrent son attention et Behekine tourna sa grosse tête vers l'origine du bruit.
Un groupe d'une dizaine d'enfants couraient en grappes sur la plage, venant dans leur direction en escortant un serval qui courait/trottinait également. Le félin tenait dans sa gueule une plante aquatique, et faisait parfois des embardées comme pour sauter sur un des enfants, qui criait alors de joie et riait en esquivant du mieux qu'il pouvait.
Ni Behekine, ni les insulaires témoins de ce spectacle ne semblèrent s'alarmer de la présence du serval au milieu des enfants.

Le Membraneux bestial avait même les yeux qui pétillaient un peu devant le spectacle.

La chamane courait/trottinait sur la plage, entourée par les enfants qui avaient surgi à mi-chemin.
L'ambiance était au jeu, malgré l'inquiétude de Tapahari pour l'état de Behekine. En cela, les enfants étaient une distraction bienvenue, et elle participait de bon coeur à leur jeu de poursuite.
En serval, elle peinait un peu sur le sable de la plage, ce qui équilibrait les choses et permettaient aux enfants de la suivre.

La chamane-serval rejoignit enfin le groupe d'insulaires qui avaient gentiment préparé un repas près de son mentor, et leur déposa la plante avec précaution avant de s'approcher de Behekine et de Senea.
Le serval hocha la tête et s'adressa directement à leur invitée :

- Mraaa... je vois que tu n'as pas eue à le congeler, Senea. Tu as mis d'autres linges ? Un problème ?

Elle cligna lentement des yeux et s'assit dans le sable à quelques pas, ses longues pattes lui donnant une allure gracile sous cette forme.

A la plaisanterie de Crocs, Senea eut un sourire amusé. Au moins, il faisait preuve d’auto-dérision ! Lorsqu'il mentionna Eden Inferno, Senea fronça du nez. Elle se souvenait en effet très bien de cette participante des plus impressionnantes. De toute façon, cela faisait plusieurs éditions déjà qu’elle avait entendu parler d’elle, mais il fallait admettre que la suite des événements et la manière dont s’étaient terminés les Jeux Olympiques faisaient froid dans le dos. Le fait de savoir cette femme dans le camp de l’Ombre ne réjouissait pas SEnea dutout. Quand la guerre commencerait vraiment, elle n’avait aucune envie de se retrouver face à elle, et cette simple perspective suffisait à lui donner des frissons. Ceci dit, elle ne savait pas du tout vers qui Crocs se rangeait, et n’aurait franchement pas aimé se retrouver nez à nez avec lui sur un champ de bataille non plus (face à Tapahari non plus, mais pour des raisons tout à fait différentes). A cette idée, elle se força à détourner le regard, qui avait dérivé vers les crocs du Membraneux qui n'avait rien d’un Membraneux face à elle, et elle réprima un frisson. Non, il valait mieux ne pas y songer.
Au compliment de Crocs, elle sourit modestement et alors qu’elle allait répliquer quelque chose du type “Je n’ai pas gelé tout l'océan, ni très longtemps, j’ai juste créé des plateformes éphémères suffisamment solides pour supporter mon poids et me permettre d’avancer ! C’est beaucoup moins impressionnant qu’il n’y parait, surtout quand votre seul pouvoir est de geler l’eau !!” des cris d’enfants se firent entendre, et ils apparurent en grappes en escortant un félin qui portrait dans sa gueule une plante. Celui-ci ne ressemblait pas à un chat, car il était plus gros et plus fin, ni à un tigre ou à une panthère, car plus petit et plus fin. Les enfants semblaient jouer avec, et il avait l’air de jouer avec eux, mais Senea, loin d’être une fille des campagnes,et loin d’être habituée aux animaux ne put s’empêcher de s’inquiéter. Ne disait-on pas que les bêtes pouvaient changer d’humeur d’un instant à l’autre et avoir des “coups de folie” qui pouvaient être dangereux pour les enfants ? Pourtant personne ne semblait s’en préoccuper …

“Euh … C’est normal que les enfants courent avec un félin ? ce n’est pas … dangereux ? Vous le connaissez ?” glissa-t-elle à mi-voix à Crocs, tout en se rendant compte alors qu’elle parlait de l’absurdité de son propos au vu de l’apparence de son interlocuteur.

*Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent, mets-toi bien ça en tête SEnea, et ne laisse pas cette idée s'enfuir !*

Alors même qu’elle allait présenter ses excuses pour sa question un peu idiote, l’animal, qui s’était bien approché et avait déposé sa plante auprès des insulaires (manifestement tout le monde connaissait la bestiole), se mit à leur parler, causant un sursaut à la blonde étudiante. Cependant, elle reconnut la voix et les propos très vite.

“Ta … Tapahari ?! Mais je … Je croyais que tu te transformais en tortue, et que tu avais des difficultés avec ton pouvoir ! Ça va mieux ? Tes recherches ont porté leurs fruits ?” s’exclama Senea heureuse et surprise à la fois, oubliant de fait de répondre aux questions de la chamane.

La lueur amusée qui fit briller les yeux de Behekine alors que Senea s'interrogeait sur la présence du serval était bien visible et, après que la chamane les eut rejoint, l'exclamation de surprise de la Fille de l'Eau froide le fit rire franchement.
Il n'y avait aucune moquerie dans son rire, mais c'était plus fort que lui tant la situation lui semblait cocasse !
Entre lui blessé et couvert de linges refroidis contre ces blessures, Tapahari en serval et Senea en maillot de bain, ils formaient un sacré tableau !

- Navré...
Je me suis tenu tranquille, Tapahari. Senea m'a bien un peu menacé ceci dit, et elle a dû user de linges froids pour me maintenir immobilisé.
Tu as trouvé ce que tu étais partie chercher ?

Tournant son regard vers Senea, il exprima sa surprise :

- Tu ignorais vraiment qu'elle était Aniphormus... serval aujourd'hui ?

La surprise de Sénéa laissa la chamane un moment circonspecte, et elle plongea un instant dans ses souvenirs de leur rencontre à l'Académie, sentant l'embarras monter lorsqu'elle se rendit compte qu'effectivement, elle n'avait jamais évoqué ce détail à propos de son pouvoir d'aniphormus.
Alors que son mentor semblait s'amuser de la scène, son esprit-serval en profita pour remonter plus avant à la surface et émettre un miaulement enjoué, ce qui ne faisait pas vraiment avancer le schmilblick mais restait adorable à entendre.
Clignant des yeux plusieurs fois, Tapahari reprit gentiment le contrôle de ses actes et hocha la tête, un peu contrite, en s'adressant à Sénéa :

- Il faut croire que j'ai oublié de vous en parler... navrée, mraaa... Et oui, grâce à votre aide et aux conseils de la... cédéhimancienne, j'ai pu m'entrainer à développer ce pouvoir et à parler même sous cette forme... mraaa...

Elle posa une seconde les yeux sur Béhékine et les nouveaux linges qui recouvraient là son museau, ici son épaule.

- Oui, j'ai trouvé. Je devrai pouvoir faire une potion avec, susceptible de vous rendre des forces. Assez peut-être, pour que vous puissiez au moins marcher jusqu'au village pour vous reposer.

Le ton de ses derniers mots évoquait plus un ordre qu'un espoir.

A entendre le rire de Crocs, Senea ne put s’empêcher de piquer un fard, se rendant compte qu’elle passait pour une parfaite imbécile. Et cela la dérangeait un peu plus que d'habitude, elle qui avait désormais tendance à laisser glisser sur elle les regards et les opinions des autres … De nouveau, elle décida de ne pas creuser les raisons de cette sensation, et rit de sa propre méprise avec Crocs, hochant la tête à sa question, et adressant un sourire éclatant à Tapahari (particulièrement attendrie par le petit miaulement qu’elle venait d’émettre et qui ne lui donnait qu’une seule envie: lui faire de gros câlins. Pas certaine que ce soit bien pris par l’Aniformus elle se réfréna.).

“C’est une excellente nouvelle !” réagit-elle. “Autant pour vos pouvoirs et votre déblocage, qu’à propos de la potion.” ajouta Senea en souriant.

Puis, elle les regarda tous les deux, et eut un nouveau sourire.

“Puis-je vous aider de nouveau ? Si ce n’est pas le cas, et que cela ne vous dérange pas, je vais peut-être vous laisser vous reposer, et vous remettre de vos émotions.”

En effet, elle avait un peu la sensation que son rôle était terminé, et qu’ils avaient besoin de se retrouver tranquillement. Et puis, Crocs lui avait donné de quoi réfléchir !

Béhékine tourna ses yeux vers la fleur que Tapahari avait ramené, et qui dépassait d'un bol. Il la reconnaissait, et savait son usage, mais se demandait si elle aurait de l'effet sur lui aujourd'hui, maintenant qu'il n'était plus un fantôme désincarné...
Enfin, si quelqu'un était bien capable de le requinquer avec, c'était bien Tapahari. Il savait la chamane capable de miracles...
Le Membraneux bestial pencha légèrement la tête sur le côté en entendant la mention de la cédéhimancienne... était-ce une forme de magie nouvelle, qui lui serait inconnue ?
Sénéa parla avant qu'il n'ait le temps de demander des détails, ramenant son attention sur la Fille de l'Eau en vacances.

- Pour ma part, ta présence ne me dérange pas, si c'est ce qui te fait peur. Et je vois que ton cerveau n'est pas encore tout à fait retourné... donc tu peux rester pour aider pendant que je continue à te poser des questions pour m'occuper et achever de te chambouler l'esprit.

Béhékine ricana, fier de son trait d'humour.

Le serval cligna lentement des yeux vers Sénéa.

- Merci, mraaa...

Puis, elle se concentra et ferma les yeux, souhaitant retrouver forme humaine, afin de pouvoir élaborer sa potion.
Le monde tourna sur lui-même et elle fut aveugle et sourde pendant une seconde.
Lorsque ses sens revinrent, elle était de nouveau sous forme humaine. La transformation avait lieu dans un frémissement d'air tandis que sa silhouette se métamorphosait.
Elle ajusta sa robe et inclina la tête vers Sénéa.

- Et bien... Il s'agit d'une potion assez complexe. Cela ne me dérange pas que vous restiez ! Mais si cela vous gêne, je ne vais pas vous forcer...

Le rire de son mentor la fit les regarder tous les deux avec un air un peu perdu, n'ayant pas compris la... blague.